Dynamique du péché

Psychologie - Psychanalyse - Psychiatrie - Psychologie sociale - Pathologies psychiques
Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 948
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Didyme » dim. 08 janv. 2023, 16:22

cmoi a écrit :
jeu. 05 janv. 2023, 4:46
Je pense bien voir ce que vous voulez dire et en effet, pour « découvrir » les ressorts du mal, il faut descendre dans son inconscient et cela suppose de laisser de côté la culpabilité et de croire au pardon (première convergence entre l’analyse et la démarche de conversion ) et aussi de ne pas partir du présupposé que ce qui est au fond de nous « est mauvais » même quand cela en a plus que l’apparence, mais que plus au fond encore de ce qui l’est il y a du bon.
Beaucoup refusent cette descente car ils ont peur de ce « mauvais », qu’il leur faudra traverser en descendant encore pour ensuite trouver le bon que ce mauvais avait recouvert – et ainsi de suite : l’acte de foi consiste à croire que la dernière couche la plus profonde est « bonne »
Oui mais alors je peine à comprendre que vous puissiez faire prévaloir le mal chez certaines personnes.
Ce qu'il y a de plus essentiel, de plus authentique chez chacun, est-ce le fondement ou ce qui le revouvre ?

D'ailleurs, sur ce sujet j'avais été inspiré d'une réflexion de notre regretté Benoit XVI avant qu'il ne soit Pape, dans son livre "La mort et l'au-delà" :

"Même si la décision de vie est prise au moment de la mort de manière définitive et irrévocable, cela ne veut pas nécessairement dire que l'homme touche le stade définitif de son destin à l'instant même. Il se peut que la décision fondamentale de l'homme soit recouverte de décisions secondaires et doive être d'abord pour ainsi dire déblayée."

Je précise qu'il parlait ici en particulier du purgatoire mais au fond, cela me semble pouvoir s'appliquer à tout homme.
L'homme étant créé par Dieu, étant uni à Dieu en son fondement, alors ce fondement, cette "couche la plus profonde" est nécessairement toute "oui" à Dieu. Et des couches et des couches de "non" peuvent le recouvrir mais elles ne peuvent faire disparaître cette réalité.

cmoi a écrit :Cers « identités superficielles » ne sont à mon avis pas si superficielles, elles emprisonnent des choses vraies et qui sont plus profondes, mais elles ont pris trop d’importance à cause du refoulement qui les a figées et nous a privé d’une explication, et quand notre réflexion sera devenue plus mature nous ne pourrons pas « revoir et corriger » la vérité que nous croyons savoir. Du coup, elles durent trop longtemps et nous influencent (et parfois à vie si on ne fait pas ce travail !) bien qu’elles auraient en effet dû être temporaires, et elles nous semblent absolu alors qu’elles ne sont en effet que partielles.
Oui d'accord mais alors cela confirme bien que ce mal n'est pas la personne, n'est pas sa vérité. Il en est plutôt une illusion, une déformation. Il est une construction.
Comme dirait Denis Marquet dans "Aimez à l'infini" :
"notre moi est un système de défense", " "Moi" est le résultat d'une construction. Dès ma naissance, je me construis comme on me voit, je me construis comme on me veut. "


Que cela soit sa vérité n'est que subjectif mais cela ne correspond pas à la réalité.

cmoi a écrit :
Didyme a écrit :
mer. 04 janv. 2023, 13:01
On peut être sauvé du mal mais on ne peut sauver le mal, le péché.
Jésus le peut et le fait, et il faut le lui laisser.
Nous sauver du mal ou sauver le mal ?

cmoi a écrit :Il nous reste le repentir et le ferme propos.
En fait le « mécanisme » mis à jour contient une erreur qui nous faisait réagir en décalage d’avec la réalité, en fonction de notre sensibilité anciennement blessée. Quand tout est mis à nu, la sensibilité se répare par la seule vérité retrouvée du fait de l’énergie nouvelle et libérée, qui va nous permettre de poser d’autres choix qui seront meilleurs et plus libres.
Belle réflexion :)

cmoi a écrit :Je vois les choses un peu différemment. L’enfant avait bien sa dignité et il sait qu’on la lui a volée, saccagée. C’est l’adulte qui a besoin qu’on lui rende la sienne, parce qu’il sait qu’il la possède mais n’en ressent rien, se croit obligé de la revendiquer ou de « laisser tomber », parce que entre les 2 il croit que c’est de sa faute s’il en a été privé, lésé, il se prête une capacité de résistance qu’il n’avait pas !
Ce pourquoi l’humilité vraie est un facteur de santé psychique et de résilience ! Tandis que l’orgueil provoque des traumatismes « faux » mais qui deviennent vrais… Le désir de « toute puissance » nous fait fuir la réalité et ne pas l’assumer (mais il y a aussi la peur et qui peut être justifiée… et d’autres paramètres encore…)
L'enfant avait bien sa dignité mais justement il a besoin qu’on la lui rende par la reconnaissance du mal qui lui a été fait. Mais l'enfant comme l'enfant en nous, ce qu'il y a de plus beau en nous, comme cette élan vital qui s'est retrouvé étouffé, cette part de nous authentique, véridique qui a été profané. Et qui subsiste quelque part en soi, attendant d'être reconnu.
Et retrouvé, alors libéré.

Cela me fait penser à ce passage d'évangile :
"Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux." (Matthieu 18:3)

Je pense que l'adulte ne peut pas retrouver sa dignité, être pacifié, sans se reconnecter à et reconnaître l'enfant en lui.

cmoi a écrit :
Didyme a écrit : Après, je ne peux manquer de me poser la question de savoir pourquoi certains tendent vers le pardon et d'autres vers la vengeance. .
Je pense que la réponse est simple, même si les conséquences sont immensément vastes : la culpabilité, l’orgueil et le refus de se reconnaître en tort conduisent à la vengeance (il s ‘agit de sentiments, d’affects, pas de réalité), l’humilité et le sentiment d’être aimé comme d’une grâce qui ne peut être enlevée totalement, et non d’un droit, conduisent au pardon.
Mais en « live », c’est évidemment plus complexe et demande un détricotage, car l’orgueil peut motiver le pardon, et demander humblement pitié peut conduire à la vengeance, sans compter le ras le bol de la révolte, etc..
Oui, bien sûr. Mais je posais plutôt la question de savoir pourquoi l'un tendrait vers le pardon et un autre vers la vengeance considérant surtout l'unité de leur nature et de leur origine.
Mais je ne suis pas sûr de me faire davantage comprendre :D.

Le passage de l'extrait cité :

"Mais pourquoi alors, si deux individus subissent une semblable blessure dans la petite enfance, l'un souffrira-t-il à l'âge adulte d'une dépression, tandis que l'autre présentera des traits pervers ? Pourquoi l'un aura-t-il tendance à occuper une place de victime émissaire, s'interdisant le bonheur, soucieux exclusivement de ses devoirs, se sentant coupable quoi qu'il fasse ou dise, tandis que le second, ne revendiquant que des droits, se permettra de jouir sans gêne et sans culpabilité, insensible à la souffrance et au désir d'autrui ? La différence tient au fait que le pervers, aux prises avec une culpabilité et une DIP encore plus massives et enfouies que celles du déprimé, se voit contraint, pour survivre, de dénier ces affects, de les censurer, les expulsant hors du champ de l'éprouvé et du ressenti conscient. Il est ainsi comparable à un appareil électrique qui aurait disjoncté en raison d'une augmentation exagérée de la tension pour ne pas exploser. Dans cette perspective, le pervers, bien que portant le vernis séducteur de la confiance en soi, de la solidité et de la maîtrise, souffre de césures narcissiques et identitaires bien plus graves que le déprimé. C'est le motif pour lequel ce qu'on pourrait lui souhaiter de meilleur en définitive, c'est de réussir un jour à déprimer pour pouvoir ôter son masque et quitter son blindage, afin de retrouver son enfant intérieur et d'accéder à sa vérité profonde longtemps dissimulée."

me confortant dans l'idée qu'on serait bien mal avisé de juger, de classer les uns parmi les bons et les autres parmi les mauvais, car ignorant leur histoire, car portant alors atteinte à leur dignité, à leur intégrité, à leur vérité.

cmoi a écrit :Tout à fait d’accord sur le fait que la pulsion sexuelle est très loin de tout définir et expliquer, je pense même que prise isolément, c’est le contraire : son champ est très limité. L’énergie serait-elle sexuelle ne correspond pas au désir sexuel, elle est plus « vitale » que sexuelle. Le besoin d’amour est premier. L’amour est surtout à donner, mais comment donner ce qu’on n’aura pas reçu, si on ne croit pas qu’il y a une source intarissable et n’en a pas fait l’expérience – sur laquelle vient s’ajouter plus tard celle de la mort qui repose la question !
Oui je suis d'accord.


PS : désolé, je mets un peu de temps à répondre, mon métier me prenant souvent beaucoup de temps et d'énergie. :oops:
L'autre est un semblable.

Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 948
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Didyme » dim. 08 janv. 2023, 16:34

cmoi a écrit :
jeu. 05 janv. 2023, 4:55
Didyme a écrit :
mer. 04 janv. 2023, 13:06
La différence me semble tenir dans ce que vous faite de ce lien à Dieu quelque chose de seulement originel quand j'en fais quelque chose de perpétuel.
car je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce côté perpétuel ou permanent.
Je souhaitais vous le faire percevoir dans le fait que la liberté totale ici-bas n’est pas totale, car elle manque d’un but réel autre qu’elle-même, et se retrouve victime de « leurres » dus au péché originel (une forme de duplication, en effet…), ceci dans la perspective d’un enfer que vous trouviez inadmissible, mais si vous envisagiez ce qui y conduit (le péché mortel) non plus comme un mal que l’on commet tout en sachant que c’est mal (c’est en quelque sorte dans un second temps seulement, ce qui confirme le choix premier, après que la conscience ait "réagit"), mais comme un choix quand on ne sait pas où est le bien et le mal, mais que l’on choisit ce mal ignoré comme tel, par une sorte d’affinité profonde et sûre, délibérée, avec ce que l’on veut être et devenir et à quoi on s’identifie, le trouveriez-vous toujours tel (en sachant que la conscience veille en principe au grain) ?
Toujours oui :D.

Car cela semblerait signifier que la personne s'accomplirait, atteindrait sa vérité, sa fin ultime dans le péché ?!
Si ce n'est pas le cas alors c'est comme si elle était en décalage avec elle-même, égarée. Et j'aurais du mal avec l'idée de me dire que ça n'est pas bien grave si c'est ce qu'elle veut.

Au fond, ce n'est pas tant que je trouverais l'enfer inadmissible, contrairement à ce qu'on semble penser.
Je n'ai pas de problème avec le fait qu'on dise que par la liberté l'homme peut se perdre et qu'il puisse se perdre pour toujours. Par contre, qu'on dise que la liberté nécessite la possibilité du mal, qu'il y a des hommes que Dieu ne pourra jamais sauver me pose davantage de problèmes.
On dit que l'homme se perd, se damne. Ce n'est pas Dieu qui le perd.
« Le Christ ne voue personne à la perdition, il est exclusivement salut. Il ne décrète pas la damnation, elle est là où l’homme demeure loin de lui, elle vient de ce qu’il persiste dans l’égoïsme. La parole du Christ comme offre de salut montrera alors sans équivoque que l’homme perdu a tracé lui-même les frontières qui le séparent du salut. » (Benoît XVI)
On dit que Dieu sauve, ce n'est pas l'homme qui se sauve. L'homme ne le peut pas.
La nuance est subtile mais de taille.

D'ailleurs, je perçois la même nuance dans le catéchisme où insistant à plusieurs endroits sur le fait que l'homme peut se damner, dit :

1058 L’Église prie pour que personne ne se perde : " Seigneur, ne permets pas que je sois jamais séparé de toi ". S’il est vrai que personne ne peut se sauver lui-même, il est vrai aussi que " Dieu veut que tous soient sauvés " (1 Tm 2, 4) et que pour Lui " tout est possible " (Mt 19, 26).

Je me suis mis à me demander tout récemment si le jugement personnel ("personnel") ne consistait pas en un jugement selon l'homme tandis que le jugement dernier en un jugement selon Dieu. Un même jugement mais selon un angle différent.
Ça me fait penser à cette adjectif "ultime" qui paraît anodin et qui est pourtant très souvent utilisé dans le catéchisme concernant l’eschatologie, la fin de l'homme et plus précisément sa fin ultime, et qui veut pourtant dire ce qu'il veut dire...

Le catéchisme nous parle en effet de la fin pour l'homme où il peut soit aller au paradis soit en enfer soit au purgatoire. Et à côté il nous parle de la fin ultime de l'homme, comme une fin au-delà de la fin, la fin dernière (le jugement dernier ...). Il n’y est pas question d'une simple fin, d'une fin prévue, mais de la fin ultime.
Et ce qui nous est dit de cette fin ultime c'est qu'elle est Dieu, notre salut.
"La fin ultime de la création, c’est que Dieu, " qui est le Créateur de tous les êtres, devienne enfin ‘tout en tous’ (1 Co 15, 28), en procurant à la fois sa gloire et notre béatitude " (AG 2)." (Art. 294)

Cela me rappelle également un passage où Sainte Julienne de Norwich nous dit à propos du jugement :
[+] Texte masqué
"Dieu nous juge selon notre être substantiel naturel, qu'il garde toujours en lui, sain et sauf, éternellement. Sa justice parfaite prononce ce jugement. L'homme, lui, juge d'après sa sensualité ondoyante qui lui fait voir tantôt d'une manière, tantôt d'une autre, d'après un moi fragmentaire n'appréhendant que des expériences extérieures. Aussi ce jugement est-il confus : parfois bienveillant et ouvert, parfois rigide et sévère. En tant qu'il est bienveillant et ouvert, il est en harmonie avec la justice parfaite de Dieu. En tant qu'il est rigide et sévère, notre bon Seigneur Jésus le réforme, dans sa miséricorde et sa grâce, par sa bienheureuse passion. Il l'amène ainsi à la justice parfaite. Bien que ces deux jugements soient, de la sorte, mis en accord et unifiés, cependant ils seront, tous deux, éternellement connus au ciel séparément.
Le premier jugement, qui appartient à la justice de Dieu et donc à son amour sublime illimité, est cet admirable et suave jugement qui m'a été manifesté dans toutes ces belles Révélations où je vis que Dieu ne nous inflige aucune sorte de blâme. Bien qu'il me fut doux et délicieux à contempler, je ne pus être pleinement à l'aise, car le jugement de la sainte Église, dont j'avais eu d'abord l'intelligence, demeurait continuellement sous mes yeux. Ce jugement me donnait à penser que je devais nécessairement me reconnaître comme pécheresse. Il me faisait comprendre que les pécheurs étaient parfois dignes de blâme et de colère. Or je ne parvins pas à voir ces deux points en Dieu. Plus que je puis le dire, je voulus en savoir davantage. Car, en même temps, Dieu ne cessait de me présenter son jugement supérieur, et je devais nécessairement l'accueillir. Le jugement inférieur m'avait été enseigné, en premier, par la sainte Église : je ne pouvais en aucune façon le laisser de côté.
Tel fut mon désir : voir en Dieu comment le jugement de la sainte Église est vrai à ses yeux et comment je puis en avoir une connaissance authentique qui sauvegarde les deux jugements, afin que gloire soit donnée à Dieu et, à moi, vérité. À tout cela, je n'eus pas d'autre réponse que l'histoire exemplaire d'un seigneur et d'un serviteur, ainsi que je le raconterai plus bas : j'en eu la révélation mystérieuse. Aussi ai-je, et aurai-je toujours jusqu'à ma mort, désir et volonté de connaître ces deux jugements, autant qu'il m'appartient. Car toutes choses du ciel et de la terre sont incluses en eux. Plus nous les connaîtrons et les comprendrons sous la conduite pleine de grâce du Saint-Esprit, plus nous verrons et connaîtrons nos fautes. Et plus nous verrons ces dernières, plus nous aspirerons, selon notre nature et la grâce, à être remplis d'une joie et d'un bonheur sans fin. Voilà pourquoi nous avons été créés. Notre Moi substantiel est, par nature, présentement bienheureux en Dieu. Il l'est depuis qu'il a été créé. Il le sera sans fin." (Le livre des Révélations, chapitre 45)

Pour ce qui est de la liberté, il faut bien la remettre à sa place. Si le catéchisme insiste sur la liberté de l'homme, il dit aussi :

301 Avec la création, Dieu n’abandonne pas sa créature à elle-même. Il ne lui donne pas seulement d’être et d’exister, il la maintient à chaque instant dans l’être, lui donne d’agir et la porte à son terme. Reconnaître cette dépendance complète par rapport au Créateur est une source de sagesse et de liberté, de joie et de confiance


1792 L’ignorance du Christ et de son Évangile, les mauvais exemples donnés par autrui, la servitude des passions, la prétention à une autonomie mal entendue de la conscience, le refus de l’autorité de l’Église et de son enseignement, le manque de conversion et de charité peuvent être à l’origine des déviations du jugement dans la conduite morale.


2126 Souvent l’athéisme se fonde sur une conception fausse de l’autonomie humaine, poussée jusqu’au refus de toute dépendance à l’égard de Dieu (cf. GS 20, § 1). Pourtant, " la reconnaissance de Dieu ne s’oppose en aucune façon à la dignité de l’homme, puisque cette dignité trouve en Dieu lui-même ce qui la fonde et ce qui l’achève " (GS 21, § 3). L’Église sait " que son message est en accord avec le fond secret du cœur humain " (GS 21, § 7).




Pour ce qui concerne le péché mortel, j'aurais envie de vous inviter à lire ce lien qui explique de manière plus précise beaucoup de choses que je tente parfois d'exprimer de façon maladroite :

http://pascalide.fr/lesperance-dun-enfe ... u-lateral/


Je reprends juste un passage :
[+] Texte masqué
Il faut ajouter un autre argument, développé par Grégoire de Nysse : l’unité de la nature humaine [23]. Cette unité spécifique se réalise dans l’universel concret qu’est le Christ total : « le Christ total n’est autre que l’humanité totale ». Mais « comment la face du Christ total serait-elle toute radieuse et tournée vers le Père, si certains traits de ce visage, de cette unique et indivisible image du Père, restaient déformés par le péché [24] ? »
Car cette partie me renvoie à un autre passage du livre précédemment cité de Joseph Ratzinger "La mort et l'au-delà" ;
[+] Texte masqué
D'une part, une question s'impose : un être humain peut-il être totalement parfait et achevé tant qu'il est source de souffrance, tant que la faute dont il est cause continue de couver sur terre et de faire souffrir des hommes ? L'hindouisme et le bouddhisme, dans leur doctrine du karman, ont systématisé à leur manière cette conception originelle qu'ils ont aussi dénaturée. Mais cette doctrine exprime pourtant par là un savoir originel que ne peut nier une anthropologie de la relation. La faute permanente est une part de moi-même, elle m'atteint en moi-même, elle est donc ainsi une part de ma constante soumission au temps dans lequel des hommes à cause de moi continuent de souffrir très réellement, et c'est par là qu'elle m'atteint. C'est à partir de là qu'il faudrait comprendre, soit dit en passant, le lien intrinsèque des dogmes de l'Immaculée Conception de Marie et de son assomption corporelle au ciel : elle est totalement chez elle, parce que nulle faute n'est venue d'elle qui fasse souffrir les hommes et continue d'agir dans la passion, qui est l'aiguillon de la mort dans le monde.
Mais ce qu'Origène dit du Christ en attente nous oblige maintenant à inverser notre réflexion : la faute passée n'empêche pas seulement l'homme de s'asseoir définitivement au festin eschatologique, à la fête sans nuage, mais elle est aussi un obstacle à l'amour qui triomphe de la faute. Si la faute nous rive au temps, inversement la liberté de l'amour est ouverture pour le temps. La nature de l'amour est d'être "pour", et c'est justement pourquoi il ne peut se clore contre ou sans les autres, tant que restent réels le temps et la souffrance. Pour exprimer ces liens, nul n'a trouvé plus jolie formule que la petite Thérèse quand elle considère le ciel comme un débordement d'amour envers tous ; mais très humainement nous pouvons dire aussi : comment une mère pourrait-elle être heureuse, pleinement, sans réserve, tant que souffre l'un de ses enfants ? Nous pourrions de nouveau alléguer le bouddhisme, son idée du bodhisattva qui s'interdit d'entrer au nirvana tant qu'un seul être humain est en enfer. Par une telle attente, il dépeuple l'enfer, parce qu'il n'accepte le salut qui lui est dû que lorsque l'enfer est vide. Aux yeux du chrétien transparaît, derrière cette idée impressionnante de la piété asiatique, la figure du vrai bodhisattva, le Christ, en qui s'est vérifié le rêve de l'Asie. Ce rêve s'accomplit dans le Dieu qui est allé du ciel en enfer, parce qu'un ciel sur une terre qui est un enfer ne serait pas un ciel. La christologie implique la relation réelle du monde de Dieu à l'histoire, d'une manière pour Dieu et d'une autre manière pour les hommes. Mais aussi longtemps que l'histoire se réalise effectivement, elle reste, même par-delà la mort, une réalité, et l'on ne peut pas dire qu'elle y est déjà absorbée dans un éternel dernier jour.
[...]
Les idées que nous venons d'exposer décident en principe des questions encore pendantes, c'est pourquoi il nous faut nous résumer maintenant. Tout ce qui a été dit montre bien quelle est la teneur véritable de la doctrine du purgatoire, comment s'éclaire aussi le sens de la distinction entre "ciel" et consommation définitive du monde, et donc la distinction entre jugement particulier et jugement général. Une faute qui n'est pas encore payée, la souffrance qu'elle cause et qui continue de couver, voilà ce qu'est le "purgatoire". C'est donc souffrir profondément du poids de l'héritage terrestre, avec pourtant la certitude d'être admis définitivement, mais, dans le même temps, avec la peine infinie de la présence aimée qui se dérobe. Dans le temps où est ajourné le festin définitif et différé l'accomplissement final, le ciel c'est, d'un côté, être réellement ravi dans la plénitude infinie de la joie divine, qui, parce qu'on n'en peut perdre la pure profusion, constitue l'ultime accomplissement ; elle est donc aussi certitude que justice et amour finiront par se réaliser et que non seulement notre propre souffrance, mais aussi la sempiternelle souffrance terrestre avec toutes les interrogations qu'elle pose seront assumées et changées en cet amour contemplatif qui est la suprême puissance, et ne laissera donc subsister nulle injustice. Par anticipation, cet amour, ce Dieu qui a souffert, a déjà triomphé de tout. En ce sens, le "ciel" existe déjà vraiment. Mais, d'un autre côté, l'amour comblé doit s'ouvrir à l'histoire réelle avec sa durée réelle, avec sa souffrance réelle ; même si, dans l'amour contemplé, la souffrance est déjà absorbée, même si une issue est assurée, même si tous les soucis y trouvent fin et les questions réponse, le salut n'est pourtant pas encore total, tant qu'il n'est qu'anticipé en Dieu et non encore réalité pour le dernier des hommes souffrants.
Par conséquent, étant donné l'interdépendance réelle de tous les hommes et de toute la création, la fin de l'histoire n'est, pour aucun homme, quelque chose de purement extérieur qui ne le concernerait plus vraiment. La doctrine du corps du Christ ne fait que formuler ici, avec toutes ses ultimes conséquences que rend possibles la christologie, ce qu'on peut attendre de l'anthropologie. Tout homme existe en soi hors de soi, chacun existe en même temps dans les autres et ce qui advient à l'individu a des effets sur l'ensemble de l'humanité ; ce qui advient à l'humanité lui advient aussi à lui. Le "corps du Christ", cela signifie donc que tous les hommes constituent un organisme, et que, par suite, le destin du tout est vraiment le destin de chacun. Sans doute, ce qui décide de la vie de chacun, c'est la mort avec la fin de son activité terrestre ; dans cette mesure, il est déjà jugé et sa destinée est désormais accomplie. Pourtant, sa place définitive ne pourra être fixée que lorsque l'organisme sera tout à fait construit, quand toute l'histoire aura achevé son cours douloureux. Toutefois, le rassemblement de l'univers est aussi un acte en lui-même ; de cette manière seulement, il est le jugement général définitif qui insère l'individu dans l'ensemble et lui assigne sa juste place qu'il ne trouve que dans l'ensemble.

Je trouve extrêmement important cette notion d'Unité qu'on tend pourtant souvent à négliger.


cmoi a écrit :
Didyme a écrit :
mer. 04 janv. 2023, 13:06
L'immortalité de l'âme ne s'expliquant pas alors par la création d'un lieu extra-trinitaire (?!) où Dieu placerait ses anciennes créatures, désormais autonomes pour leur permettre de continuer à exister, par respect d'une liberté (faisant du mal une nécessité à travers le besoin de sa possibilité). Mais s'expliquant par l'amour créateur de Dieu qui ne cessera jamais pour ses créatures. C'est cet amour éternel qui nous donne l'être, qui nous donne l'être à chaque instant et nous maintient à jamais à l'existence, qui nous fait subsister.
La différence me semble tenir dans ce que vous faite de ce lien à Dieu quelque chose de seulement originel quand j'en fais quelque chose de perpétuel.
(bien que je dise qu’il n’était pas « extra ») Je comprends que vous ayez « compris » cela mais non. Ce que j’ai écrit serait au contraire à cet égard que c’est à cause de cette permanence que Dieu a dû « créer » l’enfer, parce que l’être et l’existence valent quand même mieux que le néant et y portent même la trace de son amour, même si refusé. Sa bonté y maintient la liberté hors de toute contradiction.
Quelle liberté là où l'on nie toute possibilité d'évolution, là où l'esclavage du péché est total ?...
Quel bien resterait-il ici qui soit préférable au néant dans un être qui "serait" intégralement perverti, "non" total à Dieu ?
Ça donnerait presque l'impression qu'on loue cet condition, qu'on la récompense même en lui permettant de subsister ainsi ?! Lui accordant une valeur, reflet logique de ce que l'on a fait du péché un bien puisque principe de liberté...


PS : c'est vrai que ces "spoiler" sont bien pratiques pour désencombrer. :-D
L'autre est un semblable.

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Dynamique du péché

Message non lu par cmoi » dim. 08 janv. 2023, 18:37

Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
désolé, je mets un peu de temps à répondre, mon métier me prenant souvent beaucoup de temps et d'énergie. :oops:
Ne vous inquiétez pas, je comprends très bien…
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
D'ailleurs, sur ce sujet j'avais été inspiré d'une réflexion de notre regretté Benoit XVI avant qu'il ne soit Pape, dans son livre "La mort et l'au-delà" :
"Même si la décision de vie est prise au moment de la mort de manière définitive et irrévocable, cela ne veut pas nécessairement dire que l'homme touche le stade définitif de son destin à l'instant même. Il se peut que la décision fondamentale de l'homme soit recouverte de décisions secondaires et doive être d'abord pour ainsi dire déblayée."
Je précise qu'il parlait ici en particulier du purgatoire mais au fond, cela me semble pouvoir s'appliquer à tout homme.
L'homme étant créé par Dieu, étant uni à Dieu en son fondement, alors ce fondement, cette "couche la plus profonde" est nécessairement toute "oui" à Dieu. Et des couches et des couches de "non" peuvent le recouvrir mais elles ne peuvent faire disparaître cette réalité.
Si j’adopte cette pensée de Benoit XVI, je l’appliquerais déjà au jugement particulier lui-même, Dieu seul pouvant en effet pénétrer ces « couches successives » et établir entre elles et ce qu’elles contiennent des liens qui allègent ou augmentent la responsabilité afin de déterminer le sort final.
Je crois qu’il faut distinguer (pour lever un malentendu vague et général) la couche première qui chez nous tous est bonne, surtout quand par le baptême elle a été restaurée, et qui vient de Dieu. Toutefois, avec ou sans le baptême, subsiste depuis le péché originel un « principe actif de destruction » qui, si nous n’entretenons pas.ne maintenons pas la salubrité du lieu (ou pourrait dire de la liberté), par une bonne orientation de la volonté, peut agir et la dégrader en même temps qu’elle « lève » et se développe. Et donc les autres couches qui résultent de notre vie.
C’est ainsi que peut finalement « prévaloir le mal chez certaines personnes » sans que cette couche n’en soit atteinte ni changée, quand elle ne devient plus « majoritaire » et ne se manifeste quasiment plus sans que le reste la fasse taire ou l’étouffe .
Dans tous les exemples issus de l’analyse, j’avais bien précisé que je supposais que la volonté était tendue vers un bien – le contraire est rare à mon sens, mais ceux qui se lancent dans l’aventure ne sont pas légions, beaucoup préfèrent des thérapies brèves à vocation quasiment utilitaire.
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
Oui d'accord mais alors cela confirme bien que ce mal n'est pas la personne, n'est pas sa vérité. Il en est plutôt une illusion, une déformation. Il est une construction.
Il se passe un basculement à un moment donné, quelque chose de la conscience cède, à force de résultats contraires à ce qui était recherché (la conservation du bien suppose de « céder la victoire au mal » de le choisir ce bien même en situation de défaite et de désavantage : « si le grain ne meurt il ne produira pas de fruit »), et la recherche devient auto centrée sur soi sans plus se soucier du bien - sinon pour soi exclusivement.
Le mal reste toutefois différent de la personne bien sûr, et c’est pourquoi cela reste vivable et supportable, et pourquoi il y aura toujours une possibilité de salut, mais de plus en plus difficilement accessible quoi que toujours aussi proche.
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
cmoi a écrit : Jésus le peut et le fait, et il faut le lui laisser.
Nous sauver du mal ou sauver le mal ?
Nous sauver seulement du mal. Cependant, il sauve aussi le mal en ce qu’il se serait installé dans une personne qui sera sauvée : c’est le principe du rachat, et je ne le vois même que là. C’est pourquoi certains saints ont déclaré que nos péchés formeront notre couronne de gloire au ciel. Car ils disent quelque chose de nous quand même et qui n’était pas que mauvais.
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
L'enfant avait bien sa dignité mais justement il a besoin qu’on la lui rende par la reconnaissance du mal qui lui a été fait. Mais l'enfant comme l'enfant en nous, ce qu'il y a de plus beau en nous, comme cette élan vital qui s'est retrouvé étouffé, cette part de nous authentique, véridique qui a été profané. Et qui subsiste quelque part en soi, attendant d'être reconnu.
Et retrouvé, alors libéré.

Cela me fait penser à ce passage d'évangile :
"Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux." (Matthieu 18:3)

Je pense que l'adulte ne peut pas retrouver sa dignité, être pacifié, sans se reconnecter à et reconnaître l'enfant en lui.
Oui, je ne fais que dire les choses autrement, à savoir que cette dignité n’a jamais été perdue sans quoi elle ne pourrait pas être retrouvée, elle a juste été « enfoncée », enfouie, « déchue », mais cet effet n’est pas « garanti » : le Christ sur la croix a prouvé le contraire, sauf que lui en était pleinement conscient et lucide, nous non quand cela nous arrive. Ce que vous appelez « se reconnecter à l’enfant pour retrouver en lui cette dignité perdue », je laisse simplement entendre qu’elle n’aurait pas été perdue si l’enfant avait eu l’expérience, le recul, la maturité et la liberté de l’adulte, autrement dit il faut que l’adulte soit capable de cette « opération de sauvetage », et pour cela qu’il cesse d’être encore un enfant en lui, la victime, qu’il assume cette part pour retrouver son enfant intérieur et le sauver.
Etant entendu que « enfant » et « adulte » définissent ici 2 états qui ne relèvent pas forcément de l’âge, mais d’une chronologie : un adulte « soumis de force » et torturé peut par exemple se retrouver dans la situation d’un enfant ! Et il aura besoin d’une thérapie.
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
Mais je posais plutôt la question de savoir pourquoi l'un tendrait vers le pardon et un autre vers la vengeance considérant surtout l'unité de leur nature et de leur origine.
Mais je ne suis pas sûr de me faire davantage comprendre :D.
Si, tout à fait. En dernier ressort, il y a un mystère, même si cela relève de la volonté et de la responsabilité. Je voulais juste faire ressortir cet aspect que quels que soient les traumatismes subis, et ce qu’ils rendent difficile voire pénible de la pratique du bien, il reste une part de liberté et de choix et c’est sur elle seulement que nous serons jugés en tenant compte de ce rétrécissement. Trop souvent, on se sert et invoque la difficulté (l’injustice, etc.) et l’invoque pour ne pas faire l’effort du bien, pour être plaints ou protester, par refus de la persécution (car cela en est une forme) bien qu’on aurait assez de force. Et ce n’est pas que par désespoir, il y entre de la paresse, de l’orgueil, de l’envie, etc.
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:22
me confortant dans l'idée qu'on serait bien mal avisé de juger, de classer les uns parmi les bons et les autres parmi les mauvais, car ignorant leur histoire, car portant alors atteinte à leur dignité, à leur intégrité, à leur vérité.
Cela reste aussi toujours vrai. Mais là encore, attention à ce que la personne ne se serve pas de ce qu’elle a vécu comme prétexte. Nous sommes tous très forts pour mettre en place ces stratégies d’évitement !

Je vais prendre plus de temps pour répondre à votre second post, d'autant qu'il me faut lire votre lien d'abord....

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Dynamique du péché

Message non lu par cmoi » dim. 08 janv. 2023, 20:54

Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:34
Je me suis mis à me demander tout récemment si le jugement personnel ("personnel") ne consistait pas en un jugement selon l'homme tandis que le jugement dernier en un jugement selon Dieu. Un même jugement mais selon un angle différent.
Du moment que vous pensez que le jugement sera finalement le même, vous pouvez effectivement le penser ainsi, ce qui sous-entend que le premier se fera avec la connaissance de qui est Jésus.
Toutefois je préfère m’en tenir à la considération qui veut que le jugement général recadrera la vie de chacun selon le plan créateur de Dieu et dans l’histoire.
Cela rejoint ces « séquelles » que vous décrivez (par Benoit XVI interposé) de nos péchés (et parfois, les conséquences de nos erreurs sont plus graves que celles de nos péchés !) et qui justifieraient le purgatoire. Il ne faut quand même pas oublier l’intention qui ne pouvait être telle, et ne pas nous faire porter un poids que nous ne pouvons pas porter.
Le mérite humain, c’est aussi de porter ce poids d’injustice quand la cause ne provient pas de nous.
Didyme a écrit :
dim. 08 janv. 2023, 16:34
Quelle liberté là où l'on nie toute possibilité d'évolution, là où l'esclavage du péché est total ?...
Quel bien resterait-il ici qui soit préférable au néant dans un être qui "serait" intégralement perverti, "non" total à Dieu ?
Ça donnerait presque l'impression qu'on loue cet condition, qu'on la récompense même en lui permettant de subsister ainsi ?! Lui accordant une valeur, reflet logique de ce que l'on a fait du péché un bien puisque principe de liberté...
En effet, le péché peut être défini comme le refus de toute évolution
Le bien qui resterait, c’est un témoin ou témoignage de la volonté pure de Dieu au moment de créer cet être, de l’avoir créé parfait et bon
Non pas qu’on la loue ou la récompense, mais qu’elle reste indestructible, et sa valeur est celle de ce témoignage. Le péché n’est pas un principe de liberté, il n’en résulte même pas, sauf de la liberté comme désobéissance.
Mais vous comme moi sommes ici en-dessous du « niveau requis » par le sujet, il me semble…

J’avais déjà me semble-t-il lu ce texte sur Balthasar, il ne m’a pas davantage convaincu cette fois-ci. Je n’ai jamais pu me procurer un livre original de ce théologien en français, alors c’est difficile d’avoir un avis, autrement que par ces synthèses qui ne précisent pas ce que nous-mêmes nous aurions remarqué et qui nous aurait « parlé ».
Concernant le « cadre général », qui reste celui de l’Eglise avec ses « marges de manœuvre », je suis d’accord. Mais certains des arguments me semblent trop abstraits et théoriques, désincarnés, limite spécieux, et la démonstration fait trop fi de la réalité et de la gravité du péché, elle traite de façon trop rhétorique la souffrance du Christ pour vraiment la mesurer (dans cette présentation de synthèse, en tout cas…) et cela me dérange.
Me parle plus ce passage du livre de Joseph Ratzinger "La mort et l'au-delà" que vous me donnez et qui rejoint en biais beaucoup de mes propres pensées.

Balthasar prononce un certain nombre de « vérités » qui me semblent purement spéculatives.
  • Par exemple quand je lis « nous ne savons pas si une liberté humaine est capable de se refuser jusqu’au bout à l’offre que lui fait l’Esprit de lui donner sa liberté propre et véritable » je me dis que c’est de l’enfumage : certaines personnes (j’ai bien connu plusieurs grands criminels au cours de ma vie) m’ont prouvé que si, la liberté humaine en est capable et avec récidive, indiscutablement.
    Cet homme a selon moi trop vécu dans les livres et pas assez « vécu » au contact du mal…
    Pareil pour : « une décision libre contre Dieu est « infiniment improbable ». : C’est du rêve, du souhait à l’état pur, une spéculation ! Et on ne peut construire une théologie sur une accumulation de telles spéculations !
    Quand je lis : « Le premier argument est d’ordre anthropologique : le péché au sens le plus radical du terme est la rupture d’avec Dieu ; mais l’homme peut-il rompre avec son origine ? Il semble que Balthasar hésite à tirer une telle conclusion. » Il est évident qu’on peut/doit répondre « non », l’homme ne peut pas, mais aussi que cette rupture suffit sans être totale (même Satan dans Job vient et se présente pour discuter avec Dieu à la cour céleste : donc Dieu peut se laisser voir sans communiquer ni manifester sa gloire, qui sinon serait insupportable à Satan) pour être rédhibitoire !
    Il n’a y pas besoin de jouer les délicats en « hésitant » mais cela ne change rien sur le fond.. !
    Quand je lis : « pour que l’amour trinitaire ne puisse libérer un homme de son entrave, il faudrait que le « pécheur se soit identifié à son ‘non’ à Dieu », « qu’une créature puisse s’identifier à son refus ». Une telle coïncidence est-elle envisageable ? «
    Là encore, j’objecte que oui, bien sûr, évidemment que cela l’est !
    Et il a beau ajouter : « pour condamner purement et simplement, il faudrait que le Juge divin ne rencontre rien de contraire capable de relativiser l’écart du pécheur, ce qui ne paraît pas tenable » moi je réponds que si, cela est tenable.
On ne peut construire une théologie avec une accumulation de telles hypothèses, sans qu’elle soit purement spéculative et vacillante, sans conséquence ni sérieux doctrinal. Ce sont de pures impressions suggestives qui se parent de théologie et de mysticisme pour impressionner, mais s’il n’y a rien d‘autre de plus solide derrière, cela reste de l’esbroufe.
Surtout face aux propos de Jésus dans les évangiles…

Je peux continuer, mais cela me gène de devoir passer par un intermédiaire qui ne restitue peut-être pas la pensée d’origine comme je l’aurais restituée.
Si toutefois l’exercice vous convient, on peut s’appuyer sur ce texte pour discuter et je vous donnerai mes réactions à la suite du texte, mais je crains que cela ne reste superficiel et sans grand intérêt…

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Dynamique du péché

Message non lu par cmoi » mar. 10 janv. 2023, 4:55

Salut Didyme,

Je reviens sur l’analyse du père Idle de la théologie Balthasariennne…
J’avais été un peu pris de cours, notre échange prenant un virage par sa « mise sur le tapis », car il ne s’agit plus de votre pensée…
Nous sommes bien néanmoins dans le sujet « dynamique du péché », et vous l’y avez introduite sous le chapeau du « péché mortel ».

Or précisément, ce qui me paraît incorrect dans cette théologie, c’est qu’elle me semble partir d‘un postulat opposé à celui de Jésus dans les évangiles.
Pour Jésus, le salut de chacun dépend de lui-même et de la contribution de ce dernier, et il y a bien des conditions qui feront que l’un pourra être sauvé et l’autre non, et il est clairement sous-entendu que tous ne le seront pas.
Pour ce théologien, les conditions mêmes de notre existence (argument anthropologique et argument éthique) de la nature de Dieu (argument trinitaire) et/ou de son intervention (argument christologique) font que la possibilité d’une condamnation (il se garde de l’appeler comme cela) est impossible.
Autrement dit le salut n’est plus une question individuelle qui demande un jugement. Et il n'existe plus de péché mortel !

Et pour défendre cette position indéfendable (il n’y a qu’à considérer le simple concept de péché contre l’Esprit avancé par les évangiles) il part parfois d’hypothèses qui pourraient s’appliquer à des cas individuels, ce qui est contradictoire - la façon dont il est parlé de Judas, ce dernier représentant une sorte de cas extrême, l’illustre : outre l’étrange idée que Jésus irait le chercher et le sortirait de l’enfer. Ainsi « le cas de Judas n’est réglé [bereinigt] qu’au-delà [jenseits] de la Croix (il demeure caché dans la Croix), c’est-à-dire dans l’enfer [42] ». La conclusion d’un important article de 1973 sur la substitution expose très clairement cette explication : « pour ceux-ci, le choix – par lequel ils ont choisi leur moi à la place du Dieu de l’amour gratuit [anstelle des Gottes der selbstlosen Liebe] – est définitif. »

Et il ose poursuivre, en dépit de la reconnaissance de ce choix comme définitif, en affirmant que la miséricorde de Jésus y palliera !
Si Judas (et à mon sens je l’ai longuement ici défendu, rien ne dit qu’il sera perdu et qu’il ait fait ce choix définitif, mais s’il…) l’a fait, je ne vois pas comment il pourrait être sauvé – à moins de tomber dans les thèses d’un Mr Dumouch…

Mais pour reprendre de façon plus générale les thèses modernes de pas que ces théologiens, qui sont dans le domaine de la recherche et non de la doctrine du magistère, et que je les compare à cette doctrine d’il y a disons 100 ans, voilà comment je résumerai leur « apport » (sans exhaustivité) :
  • Le péché originel à lui seul n’est pas suffisant pour être perdu. Donc le baptême n’est pas indispensable au salut.
    Le péché doit être considéré à l’échelle de toute une existence, donc celui qui meurt « en état de péché mortel » pour un seul non repenti, a encore une chance si sa vie dément cette triste fin.
    Pourquoi ? La rupture causée par le péché entre Dieu et le pécheur n’est pas totale.
Si on les reprend en détail, on s’aperçoit qu’elles ne sont pas si contradictoires avec la doctrine d’avant, mais plutôt elles en relèvent une option qui était reléguée dans un coin et nous font aborder les thèmes différemment.
Par exemple, dans le second cas, il est évident que l’opposition porte sur la notion (non de matière grave ou de pleine connaissance mais…) de consentement dans sa version posthume du « repentir ». Or que savons-nous, même quand ce repentir n’a pas gagné toute la conscience, s’il n’est pas implicite aux yeux de Dieu dans l’attente ou le désir du moment où il sera possible pour l’âme… ? Cette thèse met en avant cette possibilité, et/ou d’autres… Qui en effet dépendent du comportement dont la personne a fait preuve tout au long de sa vie.

Dire qu’il y a des voies à explorer, entre la condamnation de l’apocatastase et la non affirmation qu’il y aura un seul damné, ne veut pas dire que l’on puisse adopter cette voie extrême qui consiste à dire que quel que soit le péché, pour des raisons en quelque sorte indépendantes de la personne (et de la nature du péché), il n’y en aura pas.
Si le péché a été surestimé par le passé, il est par là trop sous-estimé, même si l’estimation agrandie et revalorisée de l’œuvre de Jésus est « attirante » - elle sert aussi d’écran de fumée. Car dans cette thèse, la contribution de l’homme à son salut, son mérite nécessaire, n’existent plus : et cela n’est pas recevable !
Elle dépasse les limites...

Autre chose que je trouve farfelu : l'idée que le péché puisse avoir une vie indépendante de la personne. On sort là de la réalité des choses. Tout péché n'a d'existence que par celui qui le commet et il lui est à cet égard à la fois unique et irrémédiablement rattaché. Sa "séparation" de celui qui l'a commis conduit à sa disparition, et cette thèse s'appuie sur cette compréhension (d'un acte qui ne peut être que divin) et puisque péché il y a, pour donner à ce dernier une vie "indépendante" qu'elle résout à sa façon : c'est de la cuisine intellectuelle pure et simple, un fantasme !
Sous le prétexte qu'il existe bien des types et des catégories de péchés et de leur ressemblance, c'est de l'enfumage... et qui montre bien que la façon dont cette thèse "subtilise le péché" oblige à lui conserver une existence et à en résoudre la contradiction.

Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 948
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Didyme » mar. 17 janv. 2023, 21:54

Bonjour cmoi,
cmoi a écrit :Oui, je ne fais que dire les choses autrement, à savoir que cette dignité n’a jamais été perdue sans quoi elle ne pourrait pas être retrouvée, elle a juste été « enfoncée », enfouie, « déchue », mais cet effet n’est pas « garanti » : le Christ sur la croix a prouvé le contraire, sauf que lui en était pleinement conscient et lucide, nous non quand cela nous arrive. Ce que vous appelez « se reconnecter à l’enfant pour retrouver en lui cette dignité perdue », je laisse simplement entendre qu’elle n’aurait pas été perdue si l’enfant avait eu l’expérience, le recul, la maturité et la liberté de l’adulte, autrement dit il faut que l’adulte soit capable de cette « opération de sauvetage », et pour cela qu’il cesse d’être encore un enfant en lui, la victime, qu’il assume cette part pour retrouver son enfant intérieur et le sauver.
Etant entendu que « enfant » et « adulte » définissent ici 2 états qui ne relèvent pas forcément de l’âge, mais d’une chronologie : un adulte « soumis de force » et torturé peut par exemple se retrouver dans la situation d’un enfant ! Et il aura besoin d’une thérapie.
Oui, c'est effectivement les propos que l'on retrouve dans la psychanalyse.

cmoi a écrit :Si, tout à fait. En dernier ressort, il y a un mystère, même si cela relève de la volonté et de la responsabilité. Je voulais juste faire ressortir cet aspect que quels que soient les traumatismes subis, et ce qu’ils rendent difficile voire pénible de la pratique du bien, il reste une part de liberté et de choix et c’est sur elle seulement que nous serons jugés en tenant compte de ce rétrécissement. Trop souvent, on se sert et invoque la difficulté (l’injustice, etc.) et l’invoque pour ne pas faire l’effort du bien, pour être plaints ou protester, par refus de la persécution (car cela en est une forme) bien qu’on aurait assez de force. Et ce n’est pas que par désespoir, il y entre de la paresse, de l’orgueil, de l’envie, etc.
Oui c'est vrai. Mais je me poserai la question de savoir d'où viennent cette paresse, cet orgueil, cette envie, etc. chez certains et non chez d'autres.
Je ne suis pas du tout certains qu'il s'agirait d'une question qualitative de la personne.
Je suis assez réfractaire au jugement de valeur.
Je ne dis pas que c'est ce que vous faites ici.

cmoi a écrit :Cela reste aussi toujours vrai. Mais là encore, attention à ce que la personne ne se serve pas de ce qu’elle a vécu comme prétexte. Nous sommes tous très forts pour mettre en place ces stratégies d’évitement !
Oui, c'est malheureusement un terrain glissant sur lequel on peut très aisément se retrouver.


Pour le reste de la discussion, j'ai préféré ouvrir un nouveau fil dans la section théologie qui me paraît plus adapté (et plus vraiment en lien avec le sujet actuel) : ;)
viewtopic.php?p=455790#p455790
L'autre est un semblable.

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Dynamique du péché

Message non lu par cmoi » mer. 18 janv. 2023, 7:35

Didyme a écrit :
mar. 17 janv. 2023, 21:54
Je ne suis pas du tout certains qu'il s'agirait d'une question qualitative de la personne.
Je ne vois malheureusement pas d'autre façon de voir que si, à ceci prés qu'il s'agit des dons reçus ou de la grâce accordée, en ses multiples aspects qui sont aussi composés des dons naturels, et qu'en effet il n'est pas possible d'y poser un jugement de valeur puisque cela vient de Dieu, ces inégalités qui ne sont qu'apparentes, car nous savons bien qu'en lui il n'y a d'autre préférence que celle tenant à la valeur de chacun, et non à celle de ce qu'il nous a donné, et même si par abus nous estimons qu'il nous apprécie d'autant plus qu'il nous en a plus donné (mais il se montrera aussi plus exigeant).
Elles relèvent de la providence et de ce qu'il nous révélera de son projet, au jugement dernier, où il nous en a avertis "des derniers seront premiers et vice versa".
Pour compléter cela ou s'en donner une compréhension humaine, il saura juger avec droiture et perspicacité même les fous !

Avatar de l’utilisateur
Olivier JC
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1060
Inscription : mer. 16 avr. 2008, 23:57
Localisation : Bordeaux

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Olivier JC » mar. 31 janv. 2023, 13:03

Bonjour,
Mais pour reprendre de façon plus générale les thèses modernes de pas que ces théologiens, qui sont dans le domaine de la recherche et non de la doctrine du magistère, et que je les compare à cette doctrine d’il y a disons 100 ans, voilà comment je résumerai leur « apport » (sans exhaustivité) :
Le péché originel à lui seul n’est pas suffisant pour être perdu. Donc le baptême n’est pas indispensable au salut.
Le péché doit être considéré à l’échelle de toute une existence, donc celui qui meurt « en état de péché mortel » pour un seul non repenti, a encore une chance si sa vie dément cette triste fin.
Pourquoi ? La rupture causée par le péché entre Dieu et le pécheur n’est pas totale.
Ces deux thèses sont effectivement discutables et peu compatibles avec l'enseignement magistériel, en tout cas telles qu'elles sont ici présentées. Il s'y trouve cependant une orientation qui n'est pas fausse mais dois être affinée par la confrontation avec cet enseignement.

Gaudium et Spes n. 5 :
5. Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal.
CEC n. 634
634 " La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts... " (1 P 4, 6). La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption.
Il faut relever que cette annonce aux morts, selon le Catéchisme, ne concerne pas uniquement ceux qui sont déjà morts. En effet, annonce constitue l'accomplissement, jusqu'à la plénitude de l'oeuvre rédemptrice du Christ, par laquelle elle est étendue à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux.

Il s'ensuit donc qu'en cet instant qui se situe au terme de l'existence de chaque personne, mais nécessairement avant sa mort (cf. Bulle Benedictus Deus), la Bonne Nouvelle du Salut lui est annoncée par le Christ Lui-même, qu'elle sera donc libre d'accepter ou de refuser. Ce qui pose naturellement la question d'une éventuelle polysémie du terme mort, puisque la mort telle qu'évoquée dans la bulle Benedictus Deus ne peut avoir le même sens que lorsque ce terme est utilisé dans le Catéchisme (n. 635 également).

Le baptême au sens sacramentel de ce terme n'est donc manifestement pas requis. Il se trouve en cet instant la possibilité d'être uni au Christ, ce qu'est en dernière analyse le baptême.

De même, une vie droite s'achevant sur un état de péché mortel n'empêche pas, en droit, l'accueil de cet annonce faite par le Christ Lui-même, restant naturellement sauf l'enseignement selon lequel la personne qui meurt en état de péché moral reçoit l'Enfer pour seule rétribution. Il faut cependant le comprendre non pas comme une rétribution reçue par la personne en quelque sorte à son corps défendant, mais comme résultant de son choix volontaire, à savoir de son impénitence finale qui constitue ce péché contre l'Esprit qui n'est pas pardonné parce qu'il ne peut tout simplement pas l'être, faute de volonté de le recevoir.

La personne a donc bien encore une chance si sa vie dément cette triste fin, ce qu'il faut cependant correctement comprendre. C'est encore le Christ qui en parle le mieux dans Jn 3, 19-21 :
Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ;
mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu.
Pour le dire autrement, il est d'autant plus difficile d'accepter cette annonce universelle, cette rencontre avec la lumière, que l'existence concrète en a été éloignée.

Le Pape Benoit XVI l'évoquait dans son encyclique Spe Salvi (n. 45) :
Il peut y avoir des personnes qui ont détruit totalement en elles le désir de la vérité et la disponibilité à l'amour. Des personnes en qui tout est devenu mensonge; des personnes qui ont vécu pour la haine et qui en elles-mêmes ont piétiné l'amour. C'est une perspective terrible, mais certains personnages de notre histoire laissent entrevoir de façon effroyable des profils de ce genre. Dans de semblables individus, il n'y aurait plus rien de remédiable et la destruction du bien serait irrévocable: c'est cela qu'on indique par le mot « enfer ».
Pour reprendre le titre de ce fil, il y a bien une dynamique du péché qui peut conduire la personne, face à l'évidence, à refuser d'accueillir le Christ et le Salut, que ce soit par haine comme l'évoque le Saint Père ou par désespoir face à la vérité de son existence, qui n'est qu'une variété de l'orgueil.
MOTUS IN FINE VELOCITOR

Avatar de l’utilisateur
Didyme
Senator
Senator
Messages : 948
Inscription : dim. 16 août 2009, 12:42
Conviction : Catholique

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Didyme » mar. 31 janv. 2023, 17:13

Olivier JC a écrit :
mar. 31 janv. 2023, 13:03
Le Pape Benoit XVI l'évoquait dans son encyclique Spe Salvi (n. 45) :
Il peut y avoir des personnes qui ont détruit totalement en elles le désir de la vérité et la disponibilité à l'amour. Des personnes en qui tout est devenu mensonge; des personnes qui ont vécu pour la haine et qui en elles-mêmes ont piétiné l'amour. C'est une perspective terrible, mais certains personnages de notre histoire laissent entrevoir de façon effroyable des profils de ce genre. Dans de semblables individus, il n'y aurait plus rien de remédiable et la destruction du bien serait irrévocable: c'est cela qu'on indique par le mot « enfer ».
Pour reprendre le titre de ce fil, il y a bien une dynamique du péché qui peut conduire la personne, face à l'évidence, à refuser d'accueillir le Christ et le Salut, que ce soit par haine comme l'évoque le Saint Père ou par désespoir face à la vérité de son existence, qui n'est qu'une variété de l'orgueil.
Je note tout de même que Benoît XVI a utilisé le conditionnel pour ce dernier point. :-D
L'autre est un semblable.

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Dynamique du péché

Message non lu par cmoi » mer. 01 févr. 2023, 6:56

Olivier JC a écrit :
mar. 31 janv. 2023, 13:03
Ces deux thèses sont effectivement discutables et peu compatibles avec l'enseignement magistériel, en tout cas telles qu'elles sont ici présentées. I
On ne peut pas dire que ce soient des thèses et elles ne sont jamais exposées, elles se déduisent par prétérition de ce qui correspond davantage à une avalanche de sentiments qui se veulent correspondre à la charité : culpabilité (presque injustice) de savoir des âmes en enfer quand on est au paradis, mauvaise joie d'y être alors que d'autres sont dans la peine, honte etc. et à certains attributs de Dieu que l'existence de l'enfer contredirait.
Vous devriez lire le dernier livre écrit par Balthazar, il n'est pas long, mais fort bien écrit et instructif (j'en parle dans la suite de mon échange avec didyme qui s'est poursuivi sous le fil théologique "enveloppement Divin"
Olivier JC a écrit :
mar. 31 janv. 2023, 13:03
il est d'autant plus difficile d'accepter cette annonce universelle, cette rencontre avec la lumière, que l'existence concrète en a été éloignée.
La clé se trouve là. Et nous ne pouvons qu'avoir des présomptions concernant certaines personnes et cela ne peut être et ne doit nous conduire qu'à nous obliger à les "travailler" du mieux que nous le pouvons ("aimer ses ennemis") et parfois évidemment cela est violent mais ne doit jamais être de notre part que par légitime défense (et même si notre soin de la vérité a provoqué l'attaque et nous donne le mauvais rôle : bien des persécutions peuvent venir de là, mais être chrétien, c'est avoir un devoir missionnaire et qui se commence déjà envers ceux qui prétendent l'être mais ne se comportent pas comme... )

Avatar de l’utilisateur
Olivier JC
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1060
Inscription : mer. 16 avr. 2008, 23:57
Localisation : Bordeaux

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Olivier JC » mer. 01 févr. 2023, 11:23

Il est bien certain que les sentiments et la théologie ne font pas bon ménage, même s'ils ne faut pas pour autant les écarter comme motivation à approfondir la recherche, bien au contraire.

Comme vous dites ensuite, il me semble effectivement que la clé se trouve là. D'une certaine manière, il est plus confortable d'imaginer la mort comme un jugement à la manière de la pesée des âmes de l'Egypte ancienne avec un jugement qui tombe et s'impose à la personne puisque finalement, cela revient à dire qu'il y aurait des personnes en Enfer à cause de Dieu qui aurait mis une limite à sa miséricorde et non à cause de la personne elle-même qui aurait refusé la miséricorde de Dieu avec une telle force qu'elle y persiste pour l'éternité.

Et au fond, je pense qu'en cette dernière heure, la question fondamentale qui se posera est au final la même que celle qui a été posée à nos premiers parents et à laquelle ils ont répondu par la négative, à savoir la dépendance radicale de la créature à son Créateur. C'est une question à laquelle je pense que bien peu de personnes peuvent en vérité répondre pendant le cours de l'existence terrestre, et qui est bien plus vertigineuse que la seule problématique de tel ou tel péché dans telle ou telle matière grave... Accepter que l'Homme n'est rien en dehors de Dieu parce qu'Il nous a créé comme il Lui a plu de nous créer sans nous demander notre avis...

Et si nos premiers parents, qui ne se trouvaient pas contrairement à nous plongés dans un monde tissé de structures de péché et tordus par le péché originel, ont répondu par la négative, bien malin qui peut dire ce que nous répondrons lorsque nous ferons face au Christ à l'heure de notre mort...
MOTUS IN FINE VELOCITOR

Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4288
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Trinité » mer. 01 févr. 2023, 13:25

Olivier JC a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 11:23
Il est bien certain que les sentiments et la théologie ne font pas bon ménage, même s'ils ne faut pas pour autant les écarter comme motivation à approfondir la recherche, bien au contraire.

Comme vous dites ensuite, il me semble effectivement que la clé se trouve là. D'une certaine manière, il est plus confortable d'imaginer la mort comme un jugement à la manière de la pesée des âmes de l'Egypte ancienne avec un jugement qui tombe et s'impose à la personne puisque finalement, cela revient à dire qu'il y aurait des personnes en Enfer à cause de Dieu qui aurait mis une limite à sa miséricorde et non à cause de la personne elle-même qui aurait refusé la miséricorde de Dieu avec une telle force qu'elle y persiste pour l'éternité.

Et au fond, je pense qu'en cette dernière heure, la question fondamentale qui se posera est au final la même que celle qui a été posée à nos premiers parents et à laquelle ils ont répondu par la négative, à savoir la dépendance radicale de la créature à son Créateur. C'est une question à laquelle je pense que bien peu de personnes peuvent en vérité répondre pendant le cours de l'existence terrestre, et qui est bien plus vertigineuse que la seule problématique de tel ou tel péché dans telle ou telle matière grave... Accepter que l'Homme n'est rien en dehors de Dieu parce qu'Il nous a créé comme il Lui a plu de nous créer sans nous demander notre avis...

Et si nos premiers parents, qui ne se trouvaient pas contrairement à nous plongés dans un monde tissé de structures de péché et tordus par le péché originel, ont répondu par la négative, bien malin qui peut dire ce que nous répondrons lorsque nous ferons face au Christ à l'heure de notre mort...
Bonjour Olivier,

". Accepter que l'Homme n'est rien en dehors de Dieu parce qu'Il nous a créé comme il Lui a plu de nous créer sans nous demander notre avis..."

Du genre de question que je posais sur un autre fil...

Pourquoi Dieu dans son infinie bonté, a créé l'homme, tout en sachant que certains seraient condamnés...

Je pense a une personne qui m'avait dit un jour...
"Mais enfin, je n'ai pas demandé à DIEU d'exister..."

Avatar de l’utilisateur
Olivier JC
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1060
Inscription : mer. 16 avr. 2008, 23:57
Localisation : Bordeaux

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Olivier JC » mer. 01 févr. 2023, 16:37

Trinité a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 13:25
Pourquoi Dieu dans son infinie bonté, a créé l'homme, tout en sachant que certains seraient condamnés...
En soi, la réponse à cette question est assez aisé. Puisqu'il s'agit d'une relation d'amour entre le Créateur et sa créature faite à son image, il convient que la créature consente à cette relation, ce qui présuppose :
1. Que la créature existe ;
2. Qu'elle puisse librement consentir ou ne pas consentir.

Ce pourquoi nos premiers parents ont été créés sous le régime de la foi et non de la vision puisque face à la vision de Dieu, il n'y a pas de liberté possible (la créature se trouve naturellement comme aimantée par Dieu parce qu'elle a été créée comme ça).

La possibilité de ne pas consentir est donc inhérente au projet de Dieu, et le fait que cette possibilité soit actualisée n'est pas une raison suffisante pour s'abstenir de créer puisque :
1. Il serait injuste que le refus prévisible des uns l'emporte dans la balance sur l'acceptation prévisible des autres.
2. En tout état de cause, il n'y a de damnation que librement choisie (aussi curieux que l'expression puisse sonner aux oreilles, j'en suis bien conscient, mais tout un imaginaire se greffe ici).

La question de la personne que vous évoquez se situe à un autre niveau, et ne vaut à mon sens qu'au sein de la lacrimárum válle, de telle sorte que l'être humain, libéré de la souffrance inhérente à ce monde, ne saurait vouloir son anéantissement puisqu'en effet, c'est de la souffrance vécue que procède la volonté de ne pas être, pour s'en soustraire. Reprocher à Dieu notre être est par conséquent, de mon point de vue, un non-sens et un reproche qui s'évanouit à l'heure de la mort.

+
MOTUS IN FINE VELOCITOR

cmoi
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 3088
Inscription : jeu. 28 févr. 2019, 12:07

Re: Dynamique du péché

Message non lu par cmoi » mer. 01 févr. 2023, 20:38

Olivier JC a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 11:23
la question fondamentale qui se posera est au final la même que celle qui a été posée à nos premiers parents et à laquelle ils ont répondu par la négative, à savoir la dépendance radicale de la créature à son Créateur.
Olivier JC a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 16:37
le fait que cette possibilité soit actualisée n'est pas une raison suffisante pour s'abstenir de créer puisque :
Olivier JC a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 16:37
Reprocher à Dieu notre être est par conséquent, de mon point de vue, un non-sens et un reproche qui s'évanouit à l'heure de la mort.
Je relève ces remarques que vous faites, et qui sont comme autant de petits cailloux qui nous indiquent une vérité que nous n’aurions jamais dû quitter même si ce fut pour aller vers mieux, semés tels par « le petit Poucet » et pour la retrouver, et qui nous permettent d’y revenir. Le Malin a trop tendance à nous les chiper avant en se servant de nous pour nous distraire !
N'oublions pas non plus que la souffrance ici-bas si elle est acceptée et offerte peut devenir un moyen d’acquérir du mérite et de gagner le ciel – de retrouver son chemin.

Trinité
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 4288
Inscription : lun. 02 févr. 2015, 22:50
Conviction : catholique

Re: Dynamique du péché

Message non lu par Trinité » jeu. 02 févr. 2023, 0:24

Olivier JC a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 16:37
Trinité a écrit :
mer. 01 févr. 2023, 13:25
Pourquoi Dieu dans son infinie bonté, a créé l'homme, tout en sachant que certains seraient condamnés...
En soi, la réponse à cette question est assez aisé. Puisqu'il s'agit d'une relation d'amour entre le Créateur et sa créature faite à son image, il convient que la créature consente à cette relation, ce qui présuppose :
1. Que la créature existe ;
2. Qu'elle puisse librement consentir ou ne pas consentir

+
En fait,c'est cette présupposition qui pose question...

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 4 invités