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François-Xavier
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Message non lu par François-Xavier » lun. 03 déc. 2007, 12:22

Dans Présent, le 24 Novembre 2007, un journaliste, M. Benjamin Guillemaind, avait une réflexion intéressante sur l’enrichissement que peuvent s’apporter mutuellement, dans le sillage de Summorum Pontificum, les deux formes du rite romain, sur un sujet particulier, le « signo pacis » ou geste de paix.

On pourra ainsi essayer de creuser un petit peu tout ce qu’affirme M. Guillemaind, et tenter d’évaluer la pertinence de ses idées. Faisons donc l’exercice. Nos commentaires dont en rouge.



Article extrait du n° 6471 de Présent, du Samedi 24 novembre 2007

Le baiser de Paix

Parmi les gestes qui pourraient enrichir la messe de Paul VI pour dégager un sens plus sacré, figure le baiser de paix. Dans le rite tridentin, [je comprends qu’on use de cette appellation pour plus de commodité, mais il faut –encore une fois - rappeler qu’il n’y a pas de « rite tridentin », mais une forme préconciliaire, « extraordinaire » du rite romain] le prêtre transmet la paix aux seuls diacre et sous-diacre, ainsi qu’aux clercs qui sont dans le chœur. Après une salutation de la tête, elle se transmet par l’accolade dans un geste qui reflète le sacré. Cette pratique de la transmission de la paix s’opère avec encore plus de majesté dans le cadre monastique. Les fidèles, considérés comme de simples assistants en sont exclus.

L’intention d’inviter les fidèles à la paix dans la messe de Paul VI n’est pas sans intérêt. [effectivement] Ce geste de réconciliation répond a l’injonction du Christ : avant de manger mon corps, va te réconcilier avec ton frère. Mais dans la liturgie il suit le souhait qu’adresse le prêtre aux fidèles : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous. » C’est bien de la paix du Seigneur qu’il est question, et non d’une simple réconciliation d’homme à homme. Le fait que le baiser de paix parte du prêtre (en l’occurrence le Christ) donne au geste de transmission de proche en proche un sens symbolique beaucoup plus fort. C’est la paix du Seigneur qui se communique. Et la paix ne signifie-t-elle pas aussi la « tranquillité de l’ordre » ? Dans le rite de saint Pie V, [même remarque que la précédente, il n'y a pas de "rite de Saint Pie V"] les prières avant la communion sont explicites : «... Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. » [Cette phrase n’est pas spécifique à la liturgie d’avant le Concile : Le Missale romanum de 2002 la mentionne in extenso !126. Deinde sacerdos, manibus extensis, clara voce dicit:
Dómine Iesu Christe, qui dixísti Apóstolis tuis: Pacem relínquo vobis, pacem meam do vobis: ne respícias peccáta nostra,sed fidem Ecclésiæ tuæ; eámque secúndum voluntátem tuam pacificáre et coadunáre dignéris.
]
Ce simple petit détail montre bien la plus grande richesse de la forme extraordinaire, [Et bien le problème, c’est que justement, il n’ya aucune différence sur ce point précis entre le missel de 1962 et celui de 2002… Donc la démonstration tombe à plat…] dont la forme ordinaire pourrait s’enrichir, en transformant la banale poignée de main, ou le bisou, que le prêtre invite les fidèles à se donner entre eux en un geste sacré [Même chose ; cherchons dans le missel romain actuel (editio typica tertia 2002) ce « bisou » :
Ritus pacis
82. Sequitur ritus pacis, quo Ecclesia pacem et unitatem pro se ipsa et universa hominum familia implorat et fideles ecclesialem communionem mutuamque caritatem sibi exprimunt, priusquam Sacramento communicent.


71 Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia, Sacrosanctum Concilium, n. 48; S. Congr. Rituum, Instr. Eucharisticum mysterium, diei 25 maii 1967, n. 12: A.A.S. 59 (1967) pp. 548-549.

72 Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. de sacra Liturgia, Sacrosanctum Concilium, n. 48; Decr. de Presbyterorum ministerio et vita, Presbyterorum ordinis, n. 5; S. Congr. Rituum, Instr. Eucharisticum mysterium, diei 25 maii 1967, n. 12: A.A.S. 59 (1967) pp. 548-549.


Ad ipsum signum pacis tradendæ quod attinet, modus a Conferentiis Episcoporum, secundum ingenium et mores populorum, statuatur. Convenit tamen ut unusquisque solummodo sibi propinquioribus sobrie pacem significet.

(…)

127. Sacerdos, ad populum conversus, extendens et iungens manus, subdit: Pax Dómini sit semper vobíscum. Populus respondet: Et cum spíritu tuo.

128. Deinde, pro opportunitate, diaconus, vel sacerdos, subiungit: Offérte vobis pacem. Et omnes, iuxta locorum consuetudines, pacem, communionem et caritatem sibi invicem significant; sacerdos pacem dat diacono vel ministro.


Nous sommes bien obligés de constater qu'il n'en est fait mention nulle part. Pas de bisou. Pas même de poignée de main ou quoi que ce soit... Je veux bien qu'on "enrichisse" l'ordo dit "de Paul VI" en supprimmant cela, mais en réalité, on ne peut pas supprimmer ce qui n'existe pas...!]. Certains – et j’en suis – sont à juste titre hérissés quand arrive ce moment de la messe, où il faut congratuler ses voisins et voisines [Moi aussi, je suis "hérissé"... Pourtant, en regardant les rubriques du missel, on se rend compte qu’en fait, il n’ya aucune raison de congratuler qui que ce soit… Et qu’en plus ce geste peut être fait « pro opportunitate », c'est-à-dire qu’il n’a rien d’obligatoire. Cette monition « offerte vobis pacem » est non seulement optionnelle, mais en plus elle n’implique nullement que cela sous entende des effusions. L’habitude même de se serrer la main en disant « la paix du Christ » n’est même pas mentionnée La rubrique mentionne même qu'il faut que le geste soit sobre...]. C’est sympa, chacun l’exprime à sa façon, on s’embrasse même sur les joues : est-ce bien le lieu ? Ces embrassades et ces effusions font un peu désordre. [Elles font désordre, effectivement et évidemment. Elles ne sont d’ailleurs absolument pas prévues par le missel dit "de Paul VI"… Qui s'inscrit même en faux contre ces débordements. On est bien forcés de le constater en regardant les textes….]

La coutume occidentale a donné à la poignée de main – ou, plus chaleureusement, des deux mains – des significations diverses qui conviennent mieux à la vie civile : les accords commerciaux se scellaient autrefois d’une poignée de main. Les hindous ont une façon de se saluer qui reflète une sacralité plus grande. Ils joignent les mains et se saluent d’une inclinaison de la tête. C’est une attitude plus religieuse, qui conviendrait mieux à une liturgie. Les maronites ont adopté une formule qui mériterait examen. [Dans une annotation du missel, la Congrégation des rites précise (cf. plus haut) que les conférences épiscopales pourront adopter une façon de faire qui correspond à la culture. C'est exactement cela que mentionne le Missel actuel. Alors ? Evidemment si la CEF propose un geste d'una banalité affligeante (ce qui reste à prouver ?) ce n'est pas à l'ordo missae de 2002 qu'il faut en vouloir !] A la pratique traditionnelle du prêtre qui transmet aux clercs « la paix du Seigneur », ils ajoutent la transmission aux fidèles : un enfant de chœur va de rang en rang dans la nef donner le baiser de paix, en se prenant les avant-bras et en se donnant l’accolade de la tête. Les fidèles se le transmettent ensuite de proche en proche. Voilà, entre autres, une pratique qui rapprocherait les deux rites, en les enrichissant l’un et l’autre. [Ce n’est ni plus ni moins ce qu’on voit dans de nombreux monastères, qu’ils célèbrent avec l’ordo de 1962, de 1965, de 1975 ou de 2002] N’est-ce pas ce qu’il aurait fallu faire depuis le début ? [En fait, « depuis le début », il y a en fait une « capture » du signo pacis par les tenants de la désacralisation. Ce n’est pas dû à l’ordo ; Il y a fort à parier que si on en est là, c'est probablement justement parce que des idées de ce type ont abondamment fleuri bien avant le Concile. Ce n’est pas le texte de l'ordo missae actuel qu’il faut réformer… Ce sont les pratiques des paroisses. C’est exactement cela que veut signifier par exemple dom Jacques-Marie Guilmard, osb, lorsqu’il explique les points suivants, dans son interview récente à Zénit :
L'influence mutuelle des deux formes de l'unique rite romain ne sera pas symétrique. Le Motu proprio – on ne l'a pas assez remarqué – va permettre à la forme tridentine d'évoluer, mais elle le fera d'une manière organique et naturelle, exactement comme un vivant se développe. Elle va se rapprocher de la forme voulue par Paul VI : le calendrier et les lectures peuvent dès maintenant être empruntés à la forme de Paul VI ; viendront peut-être ensuite – l'avenir le dira – la récitation de la prière eucharistique à voix haute, la concélébration, l'emploi d'autres prières, etc. La forme de Paul VI, de son côté, ne changera pas, si ce n'est que les prêtres ont le devoir de cultiver toujours plus le sens du sacré, ce qui passe en particulier à travers le respect des rubriques – ces deux points ont été soulignés par Benoît XVI. Le P. Guilmard fait effectivement référence non pas à une pratique paroissiale, mais à l'état actuel de la liturgie romaine telle qu'elle est pratiquée dans les règles dans un monastère dont "c'est le métier". Donc l'enrichissement mutuel dont parle Benoit XVI, si on suit bien, est le suivant : d'une part un enrichissement de l'ordo missae de 1962 - qu'on constate d'ores et déjà en de nombreux endroits, d'ailleurs ; et d'autre part, l'enrichissement par l'exemple des communautés pratiquant la forme extraordinaire de la "praxis" de la forme ordinaire, mais pas vraiment de l'ordo missae lui même. Parce que manifestement, personne n'a vraiment lu et compris cet ordo missae...

En espérant que tout cela, loin de provoquer une polarisation entre les deux formes, contribuera petit à petit au rapprochement des deux formes.]

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Boris
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Re: Pax Vobis

Message non lu par Boris » lun. 03 déc. 2007, 17:19

Merci pour cette précision et pour le "démantèlement" d'une polémique inexistante en réalité.
UdP,
Boris

Gaudens
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Re: Pax Vobis

Message non lu par Gaudens » lun. 31 août 2020, 12:52

Ayant participé hier soir à une messe dominicale en rite extraordinaire, j’ai repensé à tout ce qui pourrait relever d’un rapprochement entre les deux formes du rite romain. Plus exactement à des rapprochements qui rendraient réelle la formule « deux formes du même rite » ,due au pape Benoit XVI alors qu’aujourd’hui force est de constater que nous avons à faire à deux rites totalement différents, hélas.
A ce sujet je me suis souvent demandé pourquoi Benoit XVI, si attentif à ce sujet pourtant, n’avait pas créé une commission de rapprochement de ces deux «formes du rite » en profitant de l’occasion de son pontificat spirituel et liturgique par excellence (le pontificat suivant semblant assez éloigné de ce genre de préoccupation).

Pour en revenir aux thèmes de rapprochement, les posts ci-dessus de 2007 en citent plusieurs, qui me frappent également. En vrac :

Du côté de l’évolution du rite extraordinaire en y adaptant les côtés sains (et saints ?) du rite ordinaire :

-- utilisation ,quand il existe, de l’autel servant également au rite ordinaire, au lieu de célébrer au maitre -autel qui est un autel mur ;il montrerait aussi aux tenants du rite ordinaire qu’on peut célébrer à cet autel, plus proche des fidèles que l’autel mur, face à l’Orient, de façon immémoriale ,face au Christ Lui-même.
-prononciation des textes de l’ordinaire (offertoire, préface, Canon…) au moins à mi-voix afin que les fidèles suivent la progression de la prière au lieu d’ en être simplement avertis à de rares moments par la clochette du servant d’autel ;
-limitation des allers et venues du célébrant (et des servants) entre côté épitre et côté évangile : ce genre de ballet solitaire et muet m’a paru hier soir totalement surréaliste ; il n’existe pas dans les célébrations de rites orientaux , pourtant eux aussi face à l’Orient, voire cachés partiellement aux yeux de fidèles.
-prononciation intégrale de certaines prières, dont l‘ »Orate fratres » aujourd’hui limité à ces deux mots ,le prêtre se tournant alors brusquement et très brièvement vers les fidèles. Ne devrait-il pas alors se tourner vers eux le temps de la prononciation intégrale de la prière, les fidèles répondant alors aussi de façon intégrale(« suscipiat Dominus… ») ? La formule « ordinaire » parallèle (« pour la gloire de Dieu et le salut du monde ») est bien pus claire et significative que l’actuelle prière tronquée « n ».
-Récitation du Pater par l’ensemble des fidèles avec le prêtre ,qui la dit seul aujourd’hui, les fidèles se bornant au « sed libera » et à l’Amen final si je me souviens bien. La prière n’est -elle pas annoncée par les « …audemus dicere »(nous osons dire » et non « j’ose dire »…
-signification et unification des lectures :
Les Ecritures bibliques m‘ont paru hier comme secondaires dans le rite extraordinaire ,lues à l’ambon par un prêtre non célébrant. Et elles étaient bien sûr différentes de celles prévues pour le même dimanche en rite ordinaire (Galates et Saint Luc au lieu de Romains et Matthieu, sans compter la lecture d’Ancien Testament, évidemment absente). Certes , cela supposerait un travail considérable car les prières du Propre sont liées au moins en partie aux lectures, colorant ainsi la messe du jour de façon particulière.
-l’homélie :pour celle-ci le prêtre célébrant se défait de sa chasuble et se coiffe de sa barrette comme s’il s’agissait d’un acte extérieur à la célébration ;cela m’a paru totalement déplacé (je ne sais plus si le célébrant agissait ainsi autrefois, du temps de ma petite enfance…) .Je trouve que la dignité de la célébration et surtout son unité gagneraient à ce qu’il ne quitte pas sa chasuble (qu’il ré-enfile ensuite ) et oublie sa barrette ! Chasuble qui pourrait être parfois d’un modèle post-conciliaire ample au lieu de la boite -à violons d’apparence plutôt étriquée voire mesquine

Du côté de la forme ordinaire (convergence vers le rite ancien) :

-célébration (toujours à l’autel « conciliaire » dont on peut faire le tour)face à l’Orient à partir de la Préface, le prêtre se retournant vers les fidèles chaque fois qu’une monition s’adresse à eux. Après tout même les luthériens et les anglicans célèbrent ainsi.
-utilisation modérée (voire pas du tout) du micro à partir de la Préface, les prières étant dites à mi-voix et non plus à voix haute, voire tonitruées au micro, afin de rendre à la célébration tout son aura de sacralité . Par parenthèse, lors de célébrations très publiques ,type mariage ou funérailles) l’ensemble des assistants (non baptisés inclus) n ‘auraient pas l’impression d’une injonction de communier en entendant les paroles de la consécration dirigées à eux ,généralement en les regardant fixement … .
-fin de la fuite généralisée devant le latin :ma joie d’hier soir fut le chant par les prêtres présents et l’ensemble des fidèles du Salve Regina à la fin de la messe(pourtant basse ) !
-recherche d’une unité des chants du propre en renonçant définitivement aux choix unilatéraux des équipes « d’animation liturgique » :des hymnes directement issus ou inspirés ses textes de l’Ecriture lues ce jour prendraient définitivement la pace des chansonnettes de tel ou tel « compositeur » des dernières décennies .
-au plan formel, rappel de la nécessité du port de la chasuble et du caractère très souhaitable de l’assistance de servants d’autel, l’une et l’autre si souvent oubliées dans le rite ordinaire.


Est-ce rêver ? Pour l’instant, peut-être ,chaque « public » risquant de voir dans des évolutions convergentes une dépossession ,pour les uns de la « Sainte Tradition » et pour les autres « des acquis du Concile »…Mais rêvons tout de même :il y a des rêves qui, avec l’aide de Dieu, peuvent devenir réalité.

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Re: Pax Vobis

Message non lu par Altior » mar. 01 sept. 2020, 6:32

Bonjour, Gaudens!
Gaudens a écrit :
lun. 31 août 2020, 12:52
A ce sujet je me suis souvent demandé pourquoi Benoit XVI,si attentif à ce sujet pourtant, n’avait pas créé une commission de rapprochement de ces deux «formes du rite »
Probablement il s'est rendu compte qu'on ne peut pas faire une commission de rapprochement des pommes et des poires. Car, dans le cas le plus optimiste, le résultat sera un troisième type de fruit, ni pomme, ni poire. Une fois ce type de fruit nouveau obtenu par encore une ingénierie liturgique, pensez-vous qu'il remplacerait pommes et poires ? Au lieu de «un rite-une forme» on arrivera a «un rite-trois formes».

-- utilisation ,quand il existe,de l’autel servant également au rite ordinaire,au lieu de célébrer au maitre -autel qui est un autel mur ;il montrerait aussi aux tenants du rite ordinaire qu’on peut célébrer à cet autel,plus proche des fidèles que l’autel mur,face à l’Orient, de façon immémoriale ,face au Christ Lui-même.
Et alors, l'«autel mur» servirait à quoi ? Simplement comme support pour les cierges ?
-prononciation des textes de l’ordinaire (offertoire,préface,Canon…) au moins à mi-voix afin que les fidèles suivent la progression de la prière au lieu d’ en être simplement avertis à de rares moments par la clochette du servant d’autel ;
Ce temps de silence est habituellement utilisé par ceux qui préfèrent l'usus antiquior pour prier pour leurs familles, leurs proches, pour eux-mêmes. La Messe, qui a toujours pour intention centrale celle qui appartient à ceux qui l'ont «commandé», devient aussi, de cette manière, la leur. Souvent il m'arrive de ne pas avoir fini de prier pour la longue liste de mes intentions lorsque la clochette sonne. Ces moments de silence sont une particularité de la Messe grégorienne et plus spécialement de la Messe basse.
-limitation des aller et venues du célébrant (et des servants) entre côté épitre et côté évangile : ce genre de ballet solitaire et muet m’a paru hier soir totalement surréaliste ;il n’existe pas dans les célébrations de rites orientaux ,pourtant eux aussi face à l’Orient,voire cachés partiellement aux yeux de fidèles.
Le fait qu'un chose n'existe pas dans des rites orientaux n'est pas un argument pour qu'il n'existe pas dans des rites occidentaux. Non sequitur. C'est justement la diversité des rites qui est un élément de la richesse liturgique de notre Sainte Eglise et c'est en cela aussi qu'elle est catholique.
Par ailleurs, je note, amusé, que vous n'utilisez pas le même argument juste un paragraphe plus haut, car les moments de silences sont énormes dans le rite byzantin.
-prononciation intégrale de certaines prières,dont l‘ »Orate fratres » aujourd’hui limité à ces deux mots ,le prêtre se tournant alors brusquement et très brièvement vers les fidèles.Ne devrait-il pas alors se tortner vers eux le temps de la prononciation intégrale de la prière,les fidèles répondant alors aussi de façon intégrale(« suscipiat Dominus… ») ? La formule « ordinaire » parallèle (« pour la gloire de Dieu et le salut du monde ») est bien pus claire et significative que l’actuelle prière tronquée « n ».
-Récitation du Pater par l’ensemble des fidèles avec le prêtre ,qui la dit seul aujourd’hui,les fidèles se bornant au « sed libera » et à l’Amen final si je me souviens bien.La prière n’est -elle pas annoncée par les « …audemus dicere »(nous osons dire » et non « j’ose dire »…
Encore deux moments de prière en silence que vous avez envie d'abolir. Si le prêtre dit «orate fratres», alors vous devez prier et lorsqu'il dit «audemus dicere» c'est qu'il faut oser dire. Mais par forcément à haute voix et encore moins en chantant mains en mains.
Les Ecritures bibliques m‘ont paru hier comme secondaires dans le rite extraordinaire,lues à l’ambon par un prêtre non célébrant.
L'ambon est une invention assez récente (pourtant bien traditionnelle, car dans l'esprit de la tradition). Par contre, les lectures sont, normalement, un ministère diaconal. S'il n'y a pas de diacre, un prêtre (non célébrant ?) peut très bien les faire. C'est pourquoi vous trouvez les lectures comme secondaires ? Mais lorsque, dans la Messe pauline, elles sont faites par une mamie en jeans et à tête découverte, vous ne les trouvez pas secondaires ?

-l’homélie :pour celle-ci le prêtre célébrant se défait de sa chasuble et se coiffe de sa barrette comme s’il s’agissait d’un acte extérieur à la célébration ;cela m’a paru totalement déplacé (je ne sais plus si le célébrant agissait ainsi autrefois,du temps de ma petite enfance…) .Je trouve que la dignité de la célébration et surtout son unité gagneraient à ce qu’il ne quitte pas sa chasuble (qu’il ré-enfile ensuite ) et oublie sa barrette !
L'unité de la célébration ne suppose pas que le prêtre garde les même vêtements. Avez-vous noté que lors de l'Aspersion, il était habillé autrement ? C'est que chaque vêtement a une signification liturgique. Ainsi, la chasuble (tout comme la maniple) a une signification d'«ourvrier» pour ainsi dire. Lorsqu'il tient l'homélie il n'agit plus en tant que serviteur du Christ, mais en tant qu'enseignant et président du troupeau des fidèles. En tant qu'«alter Christus», dans sa fonction royale. C'est pourquoi il enlève la chasuble et il met la barette. Puis, il remet la chasuble et il enlève la barette lorsqu'il prépare la Transformation, car là il agira en tant que serviteur (minister) du Christ.
Chasuble qui pourrait être parfois d’un modèle post-conciliaire ample au lieu de la boite -à violons d’apparence plutôt étriquée voire mesquine
De gustibus et coloribus...
Est-ce rêver ? Pour l’instant,peut-être ,chaque « public » risquant de voir dans des évolutions convergentes une dépossession ,pour les uns de la « Sainte Tradition » et pour les autres « des acquis du Concile »…Mais rêvons tout de même :il y a des rêves qui,avec l’aide de Dieu,peuvent devenir réalité.
C'est exactement ce qui se passe. Car ce que vous voulez, ça existe. Rarement, mais ça existe: par ci, par là il y a bien des Messes paulines avec des chants grégoriens et orientées. Parfois même en latin. Eh bien, c'est un échec cuisant. Cela existe encore dans quelques monastères bénédictines, moins intéressées par l'aspect pastoral, car dans les paroisses où on a essayé ça on a du renoncer rapidement à ce modèle que les FORMISTES trouvent vieillot et crient, paniqués, «Intégrisme ante portas», tendis que les FERMISTES trouvent de la margarine allégée qui se veut du beurre.

Au total, cher Gaudens, je suis d'avis (conscient que mon avis ne compte pas plus qu'une goûte d'eau) de laisser la Messe tranquille. Elle a souffert assez de soubresauts récents pour en y ajouter encore.

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Re: Pax Vobis

Message non lu par Gaudens » mar. 01 sept. 2020, 21:01

Bonsoir Altior,
Merci pour votre lecture de mon post et pour votre réponse .Vous ne vous étonnerez pas cependant qu’elle ne me satisfasse guère.Comme à peu près tous les tradis,je le crains,vous n’imaginez pas la moindre évolution,même minime d’un rituel dont strictement rien ne devrait changer. Dans votre cas , le fixisme est sans doute moins une attitude fondamentale,un quasi réflexe comme chez beaucoup que la conséquence d’une appréciation globale de la question , celle qu’on lit dans votre paragraphe de conclusion ; conclusion qui rejoint assez la mienne ,hélas (quoique le mot « formiste » m’interpelle :que signifie au juste ce néologisme ? Moins pessimiste que vous ,peut-être,je ne me résigne pas, tout en sachant que mon opinion ,comme la vôtre,ne changera pas grand-chose, à court terme au moins.
Je reprends vos objections :
D’abord fondamentalement,si vous pensez qu’on a à faire à des fruits totalement différents ( pommes et poires) c’est que vous ne suivez pas la catégorisation faite par Benoit XVI en vue d’une vraie paix liturgique :les « deux formes « d’un même rite (auquel cas on aurait à faire à ,disons, des pommes d’espèces différentes disons Golden contre Canada ?) Et donc que vous ne croyez pas à la convergence des deux formes le jour où Dieu la permettra ?Du reste je n’ai pas en tête une convergence totale et finale :il me parait clair que les deux formes subsisteraient à l’avenir en cas de convergence ;simplement la différence se ferait beaucoup moins criante et donc le sentiment d’appartenance à la même Eglise plus réel et plus fort .
Dans le détail de vos réponses :
La célébration au maitre autel quand il est un autel-mur (cas le plus fréquent) :je m’étonne que vous ne soyez pas interpellé par la bizarrerie d’une prière (et de l’offrande du Saint-Sacrifice) devant un mur,plutôt symboliquement supposé arrêter une prière que la faire monter vers le monde céleste (certes il y a la prière des Juifs au Mur des Lamentations mais c’est uniquement parce que c’est là le seul vestige du temple).Je suppose que c’est à cela, que les Pères du Concile,voulurent remédier quand ils suggérèrent de décoller l’autel du mur pour « en faire aisément le tour » : il faudrait des témoins de ce moment du Concile V II pour éclairer leurs motivations).En tous cas,je maintiens qu’un autel plus central dans le chœur ,comme c’est le cas pour la version « pauline » du rite(pour reprendre votre expression),est une bonne chose.Quant à l’usage du maitre -autel dossé au mur,sa fonction évidente est d’abriter en son centre le Tabernacle pour la vénération des saintes espèces,trop souvent reléguées dans une chapelle latérale sans qu’on sache souvent pourquoi.
Le Canon silencieux supposé permettre la prière personnelle et les intentions particulières des fidèles :
Je vois renvoie partiellement à la discussion sur un fil voisin (catégorie Liturgie) entre Carhaix d’un côté,Adoramus Te et Socrate d’Acquin de l’autre bien que leur propos fût plus large que le vôtre et s’étendait à des dévotions parallèles telle la récitation du chapelet pendant la prière du célébrant . Comme vous pendant le Canon , je confie à Dieu mes intentions particulières et ce pendant le Memento des vivants et celui des défunts qui sont justement faits pour cela (et comme à vous,le temps me manque un peu) mais en dehors de ces deux moments là,suivre la beauté des prières du Canon (le Canon romain dans le cas du rite extraordinaire) représente pour moi une montée spirituelle que je suis incapable d’égaler dans ma prière personnelle. En priver les fidèles est regrettable.Cela dit,je ne suis pas contre les moments de silence,au contraire (et je reproche à la messe « ordinaire » de leur faire trop peu de place).
L’Orate fratres :je me serai peut-être mal fait comprendre :le célébrant nous dit de prier et c’est très bien mais justement avec la seule prononciation de ces deux mots à la sauvette ;on ne sait pas pour quoi il le demande : Si l’on entendait toute la phrase (« …ut meum ac vestrum sacrificium.. .») la réponse des fidèles (quand elle est audible) serait compréhensible .Et de même après l’ « audemus dicere » il faudrait effectivement « dire » le Pater comme vous le reconnaissez, à mi-voix certes et pas tonitrué mais effectivement « dire »(nous tous ,pas le célébrant tout seul).Du reste c’est ce que je fais même si je suis alors seul à le faire (et donc peut-être mal vu ).
La lecture des Ecritures :mon impression de leur caractère secondaire vient non du fait qu’un prêtre ou un diacre les fassent (au contraire) mais de l’aspect plaqué ,rapide de la lecture elle-même comme ‘il s’agissait d’une concession à notre faiblesse.Au contraire dans le rite ordinaire la lecture est mise en valeur,en prenant le temps.Après cela,je vous accorde que je préfèrerais qu’un vrai diacre les fasse ou à défaut une personne effectivement missionnée et préparée pour cela (mais il me semble de moins en moins voir des lectures dites par un quidam racolé pour cela au début de la messe…).Après, la tenue…l’aube serait préférable,certes mais on approche là aussi du « de gustibus et coloribus » !
Chasuble ou pas chasuble pour l’homélie ? Franchement je trouve vos distinctions très spécieuses :que ce soit pour le ministère de la parole ou celui du saint-sacrifice il me semble que le prêtre agit toujours « in persona Christi » et qu’il est toujours aussi ouvrier et serviteur.Le fil auquel je faisais allusion aborde ce sujet et cite une recommandation de la Constitution sur la liturgie (Sacrosanctum concilium) qui met en valeur cette homélie et relève combien elle est intégrée à la Célébration elle-même.
Quand à votre suggestion ultime(laisser la messe tranquille) , vous êtes peut-être moins sensible que moi à la dramatique logique de dérive des continents à l’oeuvre depuis quelques décennies et qui m’angoisse quelque peu :j’aimerais que ce ne soit pas un phénomène irréversible (et cela fait partie de mes intentions les plus fréquentes pendant la messe et autrement…).Un royaume divisé contre lui-même est perdu.

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Re: Pax Vobis

Message non lu par Altior » mar. 01 sept. 2020, 23:21

Gaudens a écrit :
mar. 01 sept. 2020, 21:01
(quoique le mot « formiste » m’interpelle :que signifie au juste ce néologisme ?
FORMiste = adepte de la FORM. FERMiste = adepte de la FERM. Bon, je reconnais, c'est une licence. Peut-être un peu...licencieuse ?
D’abord fondamentalement,si vous pensez qu’on a à faire à des fruits totalement différents ( pommes et poires) c’est que vous ne suivez pas la catégorisation faite par Benoit XVI en vue d’une vraie paix liturgique :les « deux formes « d’un même rite (auquel cas on aurait à faire à ,disons, des pommes d’espèces différentes disons Golden contre Canada ?)
J'ai trouvé la forme ancienne beaucoup plus proche du rite byzantin et c'est sans doute pour cela qu'elle m'a attiré et elle me parle. Je crois que la Messe grégorienne est plus proche de la Messe de St Jean Chrysostome que de la Messe de l'après Concile.
Et donc que vous ne croyez pas à la convergence des deux formes le jour où Dieu la permettra ?
Moi, je ne garde pas le souvenir d'avoir entendu parler le Pape Benoît XVI de convergence. Il me semble qu'il parlait d'enrichissement mutuel. Même s'il aurait en vue une convergence, il n'a pas mis un terme et il a eu la sagesse de ne pas forcer les choses. Contrairement à ce que vous pensez dans le préambule de votre message, «tradition» ne veut pas dire «ne rien/jamais changer», mais de changer de façon organique. Une Messe qui se développe de façon organique est tout le contraire d'une Messe fabriquée de toutes pièces.
simplement la différence se ferait beaucoup moins criante et donc le sentiment d’appartenance à la même Eglise plus réel et plus fort .
L'unité de l'Église n'est pas une unité du culte, une unité de forme de la foi. Vous croyez que les adeptes du rite byzantin n'ont pas le sentiment d'appartenance à la même Église? Mais personne ne désire une «convergence», par contre, plusieurs papes ont insisté pour que le rite byzantin garde sa spécificité. Personne ne demande aux adeptes du rite lyonnais de changer. Aux adeptes du rite dominicain de changer. Personne n'ose dire que les prêtres de ce rite s'habillent en boîte de violon. Pourtant, je crois que les lyonnais, tout comme les dominicains et les catholiques de rite grec ont pleinement le sentiment d'appartenance à la même Église.

La célébration au maitre autel quand il est un autel-mur (cas le plus fréquent) :je m’étonne que vous ne soyez pas interpellé par la bizarrerie d’une prière (et de l’offrande du Saint-Sacrifice) devant un mur,plutôt symboliquement supposé arrêter une prière
C'est parce que jamais je n'ai vu dans l'autel un mur. J'ai toujours vu une montagne.
Je suppose que c’est à cela, que les Pères du Concile,voulurent remédier quand ils suggérèrent de décoller l’autel du mur pour « en faire aisément le tour »
C'est ce qu'il y avait dans les églises suffisamment larges. On pouvait faire aisément le tour. Je ne veux pas croire que les «Père du Concile» ont eu en vue de remplacer le maître-autel par une table, ni le crucifix par un pot aux fleurs.
sa fonction évidente est d’abriter en son centre le Tabernacle pour la vénération des saintes espèces,trop souvent reléguées dans une chapelle latérale sans qu’on sache souvent pourquoi.
Ici, vous m'évoquez Sainte Marie Madeleine: Ils ont enlevé du sépulcre le Seigneur, et nous ne savons où ils l'ont mis!

L’Orate fratres :je me serai peut-être mal fait comprendre :le célébrant nous dit de prier et c’est très bien mais justement avec la seule prononciation de ces deux mots à la sauvette ;on ne sait pas pour quoi il le demande :
Allons, Gaudens! Même les bergers de la paroisse tradi que je fréquente savent très bien en vue de quoi prier à Orate fratres. Ils n'ont pas fait des études à Louvain, mais ils savent tenir un Missel en main et il connaissent parfaitement au moins les Communes.

Quand à votre suggestion ultime(laisser la messe tranquille) , vous êtes peut-être moins sensible que moi à la dramatique logique de dérive des continents à l’oeuvre depuis quelques décennies et qui m’angoisse quelque peu :j’aimerais que ce ne soit pas un phénomène irréversible (et cela fait partie de mes intentions les plus fréquentes pendant la messe et autrement…).Un royaume divisé contre lui-même est perdu.
Je suis très sensible et j'ai les mêmes soucis que vous. La différence est que la dérive et la division dont vous parlez, moi je ne les mets pas en rapport exclusivement avec la Messe. Cela va beaucoup plus loin que ça. N'imaginez pas qu'une «convergence», un «rapprochement de deux formes» ou dites comme vous voulez va rapprocher les continents. Fort heureusement, on est arrivé à une espèce de status quo: ceux qui préfèrent la FORM ont plein choix en commençant par l'église d'à côté. Ceux qui préfèrent la FERM ont, pour la plupart, la possibilité d'y aller dans un rayon de 50 kilomètres. Ceux qui veulent une sorte de mixture ont aussi quelques possibilités dans les grandes abbayes. Comme Solesmes, par exemple. Il y en a pour tout les goûts.
Dernière modification par Altior le mer. 02 sept. 2020, 20:59, modifié 1 fois.

Gaudens
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Re: Pax Vobis

Message non lu par Gaudens » mer. 02 sept. 2020, 20:34

Bonsoir Altior,
Vous jouez sur les mots : quand je parle de convergence j’ai exactement en vue ce que Benoit XVI appelait « enrichissement mutuel ».Si j’ai mis en regard des évolutions me paraissant souhaitables dans le modus celebrandi des deux « formes » ce n’est pas pour rien .Il me semble que les cinquante années écoulées nous donnent des bases d’observation sérieuses sur ce que chaque forme pourrait apporter à l’autre,sans renoncer à ce qu’elles demeurent distinctes pour autant.Du reste vous ne commentez pas la seconde partie de mon propos initial où je tente de discerner ce que la forme extraordinaire pourrait apporter à l’ancienne,un peu symétriquement .
Ensuite votre comparaison avec la diversité des rites existant au sein de la « Catholica » et au-delà , ne vaut pas.Le rite byzantin s’est formé lentement,tout comme le rite latin,au fil de près de deux millénaires, à partir de réalités culturelles,linguistiques et géographiques distinctes.De plus pratiquer le rite byzantin , c’est appartenir à une Eglise propre , orthodoxe pour les uns, ukrainienne catholique ou melkite catholique pour les autres.Rien de tel dans les deux formes générées par l’après-Vatican II. Là on a à faire à un même tissu culturel, qui se déchire depuis peu à partir de la même Eglise souche,l’Eglise latine,cœur de facto de l’Eglise catholique.Le résultat d’une pérennisation de deux formes aussi éloignées qu’elles le sont aujourd’hui ne pourrait être que la cristallisation définitive d’un schisme déjà amorcé.
De plus , vous êtes certainement conscient que l’ « ars orandi » influe directement sur l’ « ars credendi ».La Messe n’est pas un genre neutre et formel et contient des pouvoirs puissants,vous ne le nierez pas,pouvoirs d’unité sans doute mais aussi capacité d’unir une communauté dont les traits se figeraient trop longtemps dans la différence. Et ce à partir du moment où on l’instrumentalise pour durcir des différences,même d’infime détail au point de les essentialiser(type chasuble boite-à violon (mais oui !) ,soutanelle des servants ou brassards des premiers communiants.Comme si tout devait servir à affirmer la différence,à la rendre éternelle, quasiment à marquer un territoire. Je crains que beaucoup de tradis ne se trompent en effet sur le sens de la tradition et attendent tranquillement,depuis leurs forteresses immuables,que les réalités socioculturelles et démographiques les aient laissés seuls sur le terrain devant des communautés « conciliaires »supposées vieillissantes et évanescentes. A cet égard,je ne peux m’empêcher de les comparer à ceux qui pratiquent ainsi dans les communautés musulmanes. Des gens tranquillement installés dans leurs traditions,nullement terroristes ni même agressifs mais qui attendent tranquillement que leur communauté devienne dominante par le jeu tout simple de la démographie et du jeu électoral majoritaire. Des paris hyper dangereux pour la société et,dans notre cas, pour l’Eglise.
La comparaison va sans doute vous hérisser mais pensez y quand même.Tout ce passe comme si les tradis , s’ils restent arcboutés sur la liturgie ancienne intouchable même dans les plus minimes détails, et dont le fer de lance est déjà quasi-schismatique n’attendaient rien de moins que leur reconnaissance comme une Eglise séparée,à la façon des Eglises orientales catholiques,avec leurs évêques et un vague rattachement théorique à Rome. Du moins tant que cette fiction tiendra…
Et en face ? Si un enrichissement mutuel/convergence ne se produit pas, je crains que la partie conciliaire de l’Eglise ne résiste pas longtemps aux sirènes modernistes si puissantes dans le monde où nous sommes immérgés alors que les communautés « conciliaires » ne sont pas vis à vis de ce monde dans l’ attitude d’extrême défiance voire de refus qui est un trait distinctif des tradis (les choix électoraux des zones où les catholiques conciliaires « bourgeois » dominent est bien révélateur depuis quelques années de cette attirance inquiétante). Car derrière la messe,se profile la capacité ou l’incapacité de se rencontrer, de se parler, d’agir ensemble dans un secteur paroissial ou une paroisse donnée. Dans mon cas, le secteur paroissial en zone urbaine où je passe une bonne part de l’année comporte un clocher confié à la Fraternité Saint-Pierre mais jusqu’à présent,je n’observe aucune dynamique commune ,largement en raison de la supposée incompatibilité des deux messes : dimanche soir,j’étais vraisemblablement le seul fidèle « ordinaire » dans l’assemblée alors que messe-info donnait celle-ci comme une messe du dimanche soir (la seule d’ailleurs) sans en préciser le rite ;mais visiblement les gens le savent et la frontière demeure , dans les deux sens …

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Re: Pax Vobis

Message non lu par Altior » mer. 02 sept. 2020, 23:42

Gaudens a écrit :
mer. 02 sept. 2020, 20:34

Le rite byzantin s’est formé lentement,tout comme le rite latin,au fil de près de deux millénaires,
C'est exact. Et c'est exactement comment le Novus Ordo ne s'est pas formé. Il s'est formé d'un coup. Par décret. C'est la différence entre rite organiquement développé et rite fabriqué.
De plus pratiquer le rite byzantin , c’est appartenir à une Eglise propre , orthodoxe pour les uns, ukrainienne catholique ou melkite catholique pour les autres.
Cela va de soi que je parlais des catholiques de rite byzantin. Tout comme je parlais de lyonnais et de dominicains de rite romain. Pour tous ceux-ci, la différence de forme du culte n'aboutit pas à une différence d'appartenance ecclésiale. J'exprimais mon constat selon lequel l'idée que les prêtres catholiques byzantin (ou lyonnais, ou dominicains) sont accoutrés comme des boîtes à instruments de musique et qu'il devraient changer rapidement pour sauvegarder l'unité de l'Église n'a pas encore traversé l'esprit des gens de bien.
Rien de tel dans les deux formes générées par l’après-Vatican II. Là on a à faire à un même tissu culturel, qui se déchire depuis peu à partir de la même Eglise souche,l’Eglise latine,cœur de facto de l’Eglise catholique.
Ce tissu culturel ne s'est pas déchiré après Vatican II. Il s'est déchiré bien avant. Si on cherche un événement, ce serait plutôt pendant la Révolution Antifrançaise, que des uns chérissent comme des autres chérissent Vatican II (et plus habituellement les mêmes).
Le résultat d’une pérennisation de deux formes aussi éloignées qu’elles le sont aujourd’hui ne pourrait être que la cristallisation définitive d’un schisme déjà amorcé.
Mais pourquoi sont-elles aussi éloignées, Gaudens? Avez-vous réfléchi a ça? Qui a éloigné quoi?

De plus , vous êtes certainement conscient que l’ « ars orandi » influe directement sur l’ « ars credendi ».La Messe n’est pas un genre neutre et formel et contient des pouvoirs puissants,vous ne le nierez pas,pouvoirs d’unité sans doute mais aussi capacité d’unir une communauté dont les traits se figeraient trop longtemps dans la différence.
Oui, bien sûr que la pratique cultuelle a un grand mot à jouer sur la foi. Mais ici il ne s'agit pas seulement de la Messe. Pendant les derniers 50 ans, tout a été chambardé. Une fureur de changer par pur désir de changement a tout balayé et le résultat est que, d'un jour à l'autre à l'échelle du temps de l'Église, nous avons pas seulement un Nouveau Missel (arrivé déjà à 3 ou 4 editio typica), mais un Nouveau Rituel. Un nouveau Pontifical. Un nouveau Bréviaire. Un nouveau Code Canon. Une nouvelle Bible. J'espère que vous comprenez pourquoi, surtout en voyant le résultat de tout ça, les tradis sont «arc-boutés». Ils pensent et ils disent quand il ont l'occasion: arrêtez ce carrousel qui devient fou et va droit dans le mur!
Tout ce passe comme si les tradis , s’ils restent arcboutés sur la liturgie ancienne intouchable même dans les plus minimes détails, et dont le fer de lance est déjà quasi-schismatique n’attendaient rien de moins que leur reconnaissance comme une Eglise séparée,à la façon des Eglises orientales catholiques,avec leurs évêques et un vague rattachement théorique à Rome. Du moins tant que cette fiction tiendra…
Lors des entretiens entre Rome et FSSPX, cette possibilité a été étudiée et prise en compte par les deux parties. Seulement pour des raisons pratiques la variante d'une prélature personnelle a été préférée, mais une Église sui iuris à la façon des catholiques byzantins reste toujours une option.

La façon dont vous voyez les choses, Gaudens, je la trouve monoculaire. Vous voyez manque de bonne volonté d'un côté, mais pas d'un autre. Vous accusez les tradis de s'arcbouter. De rester figés dans leur pratique liturgique et dans leur monde. D'incapacité de changer même dans les moindres détails, comme les ornates en boîte de violon de leurs prêtres et les vêtement farfelus de leur acolytes. Mais de l'autre côté, qu'est-ce qu'il en est? Les prêtres conciliaires ont-ils commencé à renoncer à leur djellaba arc-en-ciel pour se revêtir de façon digne de leur ministère? Finalement, en quoi, depuis Summorum Pontificum, la Messe pauline s'est-elle enrichie mutuellement de la Messe grégorienne? De quelle façon les catholiques «ordinaires» et leurs prêtres ont-ils répondu au désir du Pape Benoît de «convergence des deux formes»?

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Re: Pax Vobis

Message non lu par Gaudens » jeu. 03 sept. 2020, 15:00

Bon,continuons notre dialogue Altior puisque d'autres n'y viennent pas .
Vous revenez à plusieurs reprises sur le fait que la déchirure écclésiale * provient de la promulgation du Nouvel Ordo en 1965 (et j'ajouterais de la transcription qui en fut faite par les Commissions liturgiques nationales...) : j'en suis bien sûr aussi conscient que vous.
Et qu'il n'y avait là rien d'organique, évidemment.Bref que ce fut une réforme allant trop loin et que je trouve moi aussi regrettable.Mais enfin le mal est fait et il faudrait essayer d'y remédier mais,Dieu merci,pas seulement le mal car dans les pratiques liturgiques post-conciliaires tout n'est pas mauvais et même certaines choses sont réellement bonnes.C'est ce que j'ai voulu essayer de vous montrer en relisant les moments de la messe "FERM"(en utilisant mon observation toute fraiche de dimanche dernier) à la lueur de ce que la nouvelle pratique pouvait ici ou là apporter de meilleur(et de pas du tout révolutionnaire,vous en conviendrez).
Et ma seconde partie évoquait les changements souhaitables(à mes yeux du moins) dans la "FORM" en se souvenant voire en s'inspirant de la pratique ancienne.Donc mon attitude n'a rien de monolithique et d'une recommandation à sens unique.
Simplement le monde "conciliaire" est plus vaste,plus multiple de par des utilisateurs (et décideurs en matière liturgique) et donc sans doute plus compliqué à mouvoir bien que vous même mentionniez ci ou là des initiatives heureuses(dans le monde monastique en particulier).
Quant à la possibilité d'une transformation de la FSSPX en Eglise particulière ,ne serait-elle pas absolument contraire à la nature organique et donc lente de la formation d'une Eglise particulière? Sincèrement ,je suis convaincu que ce serait l'antichambre du schisme définitif et le Vatican en est sûrement conscient,la prélature personnelle étant certainement le maximum des concessions possibles.
*la déchirure culturelle de la Révolution française(et d'une certaine interprétation des "Lumières") est peut-être bien à l'origine indirecte des changements écclésiaux des années 1960 (quel gigantesque sujet d'études pour un doctorant !)mais c'est bien vers 1965,donc tout récemment,que la coupure s'est faite dans l'Eglise latine,celle du Patriarcat romain.

En tout cas je suis convaincu de l'urgence à cicatriser les blessures en commençant par celle qui a entrainé tout le reste,la liturgie.Sans cela c'est la mort programmée du catholicisme en Occident qui nous guette,chaque partie dérivant alors de façon imparable au milieu d'un monde qui dérive lui aussi de plus en plus.

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