J'avoue avoir été un peu loin dans l'interprétation; ce que dit Pie XII, c'est que dans le grégorien est chanté, il doit être chanté en intégralité. EN revanche:
Le chant grégorien est un chant sacré, le chant propre et principal de l'Église romaine ; c'est pourquoi, dans toutes les actions liturgiques non seulement il peut être employé mais encore, toutes choses égales d'ailleurs, il doit être préféré aux autres genres de la musique sacrée.
Ce qui signifie bien en effet, que les messes polyphoniques ne sont pas strictement interdites (cela dit, elles ont plus vocation a servir de concert), même si elles n'élèvent pas l'âme aussi bien que le fait le grégorien.
Cette déclaration de Pie XII a d'ailleurs été reprise dans Sacrosanctum Concilium. Le saviez-vous ?
Toutefois, comme vous l'avez remarqué, rien n'exclut l'usage de la polyphonie :
De sorte que, par exemple, ce serait sortir de la voie droite […] de répudier et rejeter enfin les chants polyphoniques ou à plusieurs voix, même s’ils se conforment aux normes données par le Siège apostolique.
Mediator Dei.
Chanter la Messe en polyphonie n'est donc pas interdit. Bien plus, c'était la pratique habituelle lors des Messes papales, où le plain-chant était assez rare.
Évidemment, il conviendrait de composer une polyphonie plus accessible, de manière à ce que l'assemblée puisse chanter convenablement les parties qui lui reviennent.
Non, même si ce n'est pas interdit de chanter autre chose que du grégorien, le grégorien n'existe qu'en latin
a) La langue du chant grégorien, en tant que chant liturgique, est uniquement la langue latine.
Il faut distinguer deux choses.
- le point de vue du magistère de l’Église comme régulatrice de la liturgie romaine ;
- le point de vue des grégorianistes, comme spécialistes du chant grégorien.
Du premier point de vue, l’Église est libre de décider que, dans l'usage liturgique, on ne chantera le grégorien qu'en latin (en sachant que cette décision est réversible, tout n'étant pas immuable dans la liturgie). Du second, un grégorianiste peut montrer que le grégorien n'est pas à ce point lié au latin qu'il serait impossible de l'adapter à d'autres langues.
Recent research has shown that it was premature to conclude that Gregorian music is so closely linked to the Latin texts that its melodies cannot be adapted to vernacular translations. Plainchant is not an "opus-music" the way that the art music of the 18th and 19th century is. With taste, talent and knowledge of style, the melodies can be adjusted to the recipient language without harm to the music. Where experts are able to translate pieces from the Proprium along with their melodies (as was the case, for instance, in Hungary, or with the Anglicans who possess some nicely made adaptations), then their use is preferable, even in combination with the Latin version.
Prof. Lazlo Dobzay.
En d'autres termes :
- l’Église est libre de décider que, pour ce qui est de l'utilisation du grégorien dans sa liturgie, on s'en tiendra à la langue latine ;
- un grégorianiste est libre de montrer que le grégorien peut être adapté et chanté en d'autres langues ;
- un fidèle laïc est libre de penser que l’Église ferait mieux de changer sa discipline sur ce point précis, et autorisant l'usage d'un plain-chant en langue vernaculaire dans la forme extraordinaire.
Sûrement beaucoup; mais il faut savoir que l'un des buts de St Pie V lorsqu'il a codifié ce rite était justement d'enrayer le nombre croissant de rites propres aux lieux.
Alors déjà, catholique signifie universel. Ensuite, sur ce point, c'est la bulle que St Pie V qui impose cela, pas moi. Et il est précisé que cette bulle ne peut pas être abrogée par les papes suivants.
Cette bulle interdit les rites qui ont moins de 200 ans au moment de sa promulgation et interdit d'interdire la célébration de ce rite à quelque prêtre que ce soit.
Par Notre présente constitution, qui est valable à perpétuité, Nous avons décidé et Nous ordonnons, sous peine de Notre malédiction, que pour toutes les autres églises précitées l’usage de leurs missels propres soit retiré et absolument et totalement rejeté, et que jamais rien ne soit ajouté, retranché ou modifié à Notre missel, que nous venons d’éditer.
D'ailleurs, on peut noter aussi que modifier ce missel est aussi interdit (chose que je ne comprends pas vu qu'il a été modifié au moins sur la semaine sainte lors du XXème siècle).
C'est normal : Pie V n'avait pas le pouvoir de promulguer une bulle contraignante pour ses successeurs. Le sens véritable de cette bulle est que personne n'a le droit de changer le missel romain, à part un autre pape. Ce qui fut fait. Il suffit de se pencher sur l'histoire du missel tridentin, depuis saint Pie V jusqu'à saint Jean XXIII pour se rendre compte qu'il n'a fait qu'évoluer à travers le temps. Mais ce n'est pas le sujet. D'autres auteurs bien plus compétents que moi (notamment dom Adrien Nocent OSB et dom Guy-Marie Oury OSB) ont détaillé cela à plaisir. Je vous renvoie à leurs travaux pour plus de détails.
Ma remarque visait à répondre à la vôtre, selon laquelle la Messe tridentine serait universelle. Ce dernier terme peut s'entendre de deux façons :
- de facto (le rite tridentin s'étant étendu à la majorité des pays connus) ;
- de jure (le rite tridentin convient de soi à l'ensemble des nations et des cultures humaines).
J'accorde tout à fait le premier point : le rite tridentin s'est étendu à la majorité des pays du monde. Je récuse en revanche le second : il ne convient en soi qu'aux pays d'Europe de l'Ouest et, dans une moindre mesure, d'Amérique. Les autres ont leurs traditions propres, qu'il convient de respecter. Il faut lutter à tous prix contre la tentation d'un « rite universel » qui conviendrait à tous les hommes. Il n'y a pas de rite universel. S'il me fallait désigner celui qui s'en rapprocherait le plus, ce n'est pas le rite romain que je désignerais.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.