Chant liturgique en langue française ?

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Socrate d'Aquin
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Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Socrate d'Aquin » lun. 30 avr. 2018, 15:48

Bonjour à tous.

Estimez-vous qu'il conviendrait d'instaurer ou d'adapter un chant liturgique à la langue française ?

Ne nous méprenons pas: je ne parle pas des cantiques ou des chansons qu'on peut entendre très souvent à la Messe et qui sont rarement en latin (chants de l'Emmanuel, de Taizé, de Jo Akepsimas...). Il n'est pas question de cela. Je parle plutôt d'un chant véritablement liturgique, et adapté à la liturgie romaine.
Bref, vous semble-t-il opportun de faire pour la liturgie romaine ce que les orthodoxes et catholiques orientaux ont fait pour la liturgie byzantine ?





Ou ce que les anglicans ont fait de leur côté ?




(Cette dernière vidéo représente une Messe catholique, célébrée selon l'usage anglican autorisé par Benoit XVI).

Par avance, je vous remercie de vos réponses.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 avr. 2018, 16:12

Socrate d'Aquin a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 15:48
Bref, vous semble-t-il opportun de faire pour la liturgie romaine ce que les orthodoxes et catholiques orientaux ont fait pour la liturgie byzantine ?
Pourquoi faire ? Nous n'avons aucune tradition de chant vernaculaire. Pourquoi toujours vouloir imiter les byzantins ?
Mais d'une certaine manière, si on a lâché sur la liturgie avec Paul VI, donc on ne voit pas pourquoi on ne lâcherait sur le chant liturgique.

Dans ce cas, autant adopter le rite byzantin. On aurait au moins quelque chose d'authentique.

N'existe-t-il plus personne pour défendre le rit romain et ses traditions ? Je tiens la monodie grégorienne pour infiniment supérieure à tous les chants byzantins de toutes les langues que j'ai pu entendre.
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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Carhaix » lun. 30 avr. 2018, 16:48

On n'arrête pas de faire plein d'expériences de ce genre depuis cinquante ans... On a accumulé ainsi des milliards de liturgies diverses et variées, qui sont toutes différentes d'une église à l'autre. Il y a un moment où les innovations incessantes finissent par être insignifiantes et ne suscitent plus le moindre intérêt. Je crois que nous avons atteint ce stade aujourd'hui.

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Carhaix » lun. 30 avr. 2018, 16:50

AdoramusTe a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 16:12
Socrate d'Aquin a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 15:48
Bref, vous semble-t-il opportun de faire pour la liturgie romaine ce que les orthodoxes et catholiques orientaux ont fait pour la liturgie byzantine ?
Pourquoi faire ? Nous n'avons aucune tradition de chant vernaculaire. Pourquoi toujours vouloir imiter les byzantins ?
Mais d'une certaine manière, si on a lâché sur la liturgie avec Paul VI, donc on ne voit pas pourquoi on ne lâcherait sur le chant liturgique.

Dans ce cas, autant adopter le rite byzantin. On aurait au moins quelque chose d'authentique.
Sommes-nous byzantins ? Non. Donc ça n'aurait rien d'authentique. Ce serait juste une innovation de plus, un emprunt exotique, limite carte postale...

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 avr. 2018, 16:56

Carhaix a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 16:50
Sommes-nous byzantins ? Non. Donc ça n'aurait rien d'authentique. Ce serait juste une innovation de plus, un emprunt exotique, limite carte postale...
Au moins le rite serait authentique ...
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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Carhaix » lun. 30 avr. 2018, 17:21

AdoramusTe a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 16:56
Carhaix a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 16:50
Sommes-nous byzantins ? Non. Donc ça n'aurait rien d'authentique. Ce serait juste une innovation de plus, un emprunt exotique, limite carte postale...
Au moins le rite serait authentique ...
Authentique chez les byzantins.
Exotique chez des occidentaux (et donc pas authentique).
On peut aussi emprunter le rite Malabar, si on veut de l'authenticité.
L'authentique, pour nous, c'est la liturgie romaine.

Et à la grande rigueur, la liturgie moderne avec ses chansons de variété me semble plus authentique puisque parfaitement adaptée à notre civilisation actuelle qui a perdu toute authenticité. Si vous voulez, pour des gens comme nous, c'est l'inauthentique qui serait authentique, alors que l'authentique importé fait tout de suite toc.

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 avr. 2018, 17:33

Carhaix a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 17:21
Authentique chez les byzantins.
Exotique chez des occidentaux (et donc pas authentique).
Je parle d'authenticité dans l'absolu. Le rite byzantin où qu'il soit célébré est authentique. Nous avons sur notre sol des catholiques de rit byzantin.
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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Carhaix » lun. 30 avr. 2018, 17:53

AdoramusTe a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 17:33
Carhaix a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 17:21
Authentique chez les byzantins.
Exotique chez des occidentaux (et donc pas authentique).
Je parle d'authenticité dans l'absolu. Le rite byzantin où qu'il soit célébré est authentique. Nous avons sur notre sol des catholiques de rit byzantin.
À ce compte là... Mais ce serait ravaler la liturgie à l'état de produit interchangeable. Ce qui donne la valeur à la liturgie, c'est celui qui y est partie prenante. Les deux vont de paire. La liturgie est le langage, le vecteur, adaptée à un locuteur, un acteur pour s'adresser à Dieu. Il faut donc que la liturgie soit adaptée à celui qui s'en sert.

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Fée Violine » lun. 30 avr. 2018, 21:22

je ne parle pas des cantiques ou des chansons qu'on peut entendre très souvent à la Messe et qui sont rarement en latin (chants de l'Emmanuel, de Taizé, de Jo Akepsimas...)
Les chants de Taizé sont souvent en latin, pour être compris par des gens de tous pays. De plus, leur beauté, leur sobriété, leur caractère de recueillement les rapprochent des chants liturgiques latins.
SVP ne les comparez pas avec les chansonnettes d'Akepsimas !

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 avr. 2018, 21:32

Fée Violine a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 21:22
je ne parle pas des cantiques ou des chansons qu'on peut entendre très souvent à la Messe et qui sont rarement en latin (chants de l'Emmanuel, de Taizé, de Jo Akepsimas...)
Les chants de Taizé sont souvent en latin, pour être compris par des gens de tous pays. De plus, leur beauté, leur sobriété, leur caractère de recueillement les rapprochent des chants liturgiques latins.
SVP ne les comparez pas avec les chansonnettes d'Akepsimas !
Les chants de Taizé ne sont pas des chants liturgiques. Ce sont des cantiques.
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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Suliko » lun. 30 avr. 2018, 21:36

Pourquoi innover sans cesse ? Ce qu'il faut faire aujourd'hui comme depuis le concile, c'est ramener les catholiques à la liturgie traditionnelle, au chant grégorien. Il existe tant de lieux où tout cela est hélas combattu et méconnu ! Et de toute façon, je crois qu'un fidèle qui quitte une paroisse NOM pour avoir une plus belle liturgie va assez systématiquement se diriger vers la liturgie traditionnelle, et pas vers une sorte de liturgie NOM agrémentée de quelques touches de VOM...
Un jour, j'ai entendu un chant slavon à une messe d'enterrement. Et bien, si esthétiquement c'était beau, cela ne m'a pas plu, car cela ne s'accordait pas du tout avec nos traditions latines. Tout comme Carhaix, j'en ai un peu assez de lire que tout est tellement magnifique chez les Orientaux ! Parler ainsi, ce n'est rien moins que pousser les fidèles vers l'orthodoxie et c'est mal. Laissons-leur leurs traditions et faisons revivre les nôtres, c'est une tâche déjà suffisamment lourde.
Dernière modification par Suliko le lun. 30 avr. 2018, 22:48, modifié 1 fois.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par AdoramusTe » lun. 30 avr. 2018, 21:38

Suliko a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 21:36
Pourquoi innover sans cesse ? Ce qu'il faut faire aujourd'hui comme depuis le concile, c'est ramener les catholiques à la liturgie traditionnelle, au chant grégorien. Il existe tant de lieux où tout cela est hélas combattu et méconnu ! Et de toute façon, je crois qu'un fidèle qui quitte une paroisse NOM pour avoir une plus belle liturgie va assez systématiquement se diriger vers la liturgie traditionnelle, et pas vers une sorte de liturgie NOM agrémentée de quelques touches de VOM...
Un jour, j'ai entendu un chant slavon à une messe d'enterrement. Et bien, si esthétiquement c'était beau, cela ne m'a pas plu du tout, car cela ne s'accordait pas du tout avec nos traditions latines. Tout comme Carhaix, j'en ai un peu assez de lire que tout est tellement magnifique chez les Orientaux ! Parler ainsi, ce n'est rien moins que pousser les fidèles vers l'orthodoxie et c'est mal. Laissons-leur leurs traditions et faisons revivre les nôtres, c'est une tâche déjà suffisamment lourde.
Je suis 100% d'accord avec vous Suliko ! :clap:
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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Carhaix » lun. 30 avr. 2018, 21:54

AdoramusTe a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 21:32
Fée Violine a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 21:22

Les chants de Taizé sont souvent en latin, pour être compris par des gens de tous pays. De plus, leur beauté, leur sobriété, leur caractère de recueillement les rapprochent des chants liturgiques latins.
SVP ne les comparez pas avec les chansonnettes d'Akepsimas !
Les chants de Taizé ne sont pas des chants liturgiques. Ce sont des cantiques.
Des cantiques très datés et passés de mode, d'ailleurs.

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Trinité » lun. 30 avr. 2018, 22:26

Carhaix a écrit :
lun. 30 avr. 2018, 17:28
Et à la grande rigueur, la liturgie moderne avec ses chansons de variété me semble plus authentique puisque parfaitement adaptée à notre civilisation actuelle qui a perdu toute authenticité. Si vous voulez, pour des gens comme nous, c'est l'inauthentique qui serait authentique, alors que l'authentique importé fait tout de suite toque.
Très logique comme raisonnement et tout à fait cohérent!

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Re: Chant liturgique en langue française ?

Message non lu par Socrate d'Aquin » mer. 02 mai 2018, 12:17

Merci de vos réponses.

Pour ma part, je pense que ce n'est pas en soi quelque chose d'idéal. Ceux avec qui j'ai eu l'honneur de discuter savent tout l'amour que je porte au chant grégorien (quoique je ne le connais pas très bien encore) et à l'usage du latin dans la liturgie romaine. Je n'ai donc aucune raison d'en apprécier la disparition quasi-totale dans le monde catholique latin ordinaire, ni d'aimer la suspicion jetée à son égard par beaucoup de prêtres et de fidèles, qui refusent de réintroduire ne serait-ce que quelques chants grégoriens dans la liturgie romaine, contribuant ainsi à couper cette liturgie de ses racines bimillénaires.

Cela étant dit, on doit accorder quelque chose à cette attitude : elle existe. Nous pouvons nous en réjouir ou la déplorer ; nous pouvons difficilement la nier (à moins, éventuellement, de vivre dans une sorte de bulle réservée de facto à un certain milieu social... zut, ça m'a échappé). Le fait est que depuis plusieurs siècles, nous nous sommes toujours plus éloignés de notre tradition liturgique. Depuis la réforme ordonnée par le deuxième concile œcuménique du Vatican, cet éloignement est devenu, pratiquement partout, synonyme de diabolisation de ce patrimoine (reste à savoir si la réforme liturgique elle-même est en cause, mais c'est une autre question).
Le fait est encore que dans pratiquement toutes les paroisses de France et de Navarre, on chante à peu près tout et n'importe quoi (et malheureusement, il y a beaucoup de n'importe quoi, même s'il y a aussi de bonnes choses ; effectivement Fée Violine, vous avez raison de préciser que l'Emmanuel ou Taizé sont bien au-dessus des produits de « Abeille productions »). L'unité liturgique autour des textes et du chant s'est perdue, remplacée par une unité dans la praxis (chacun fait comme plaisant lui semble), que l'on trouve aussi chez nombre de communautés et de paroisses traditionalistes, quoique dans un genre très différent.

À partir de cela, nous pouvons avoir trois attitudes différentes.

Premièrement, nous pouvons prendre le parti de nous réjouir de cet état de fait, car il permettra plus de diversité, et la diversité c'est bien d'abord, et tout le monde est heureux, et tout le monde est content... Ce choix est de loin le plus facile : vous n'aurez aucune difficulté à vous insérer dans la paroisse de votre choix, à y chanter à pleins poumons des chants soigneusement composés ou choisis par l'équipe d'animation (ce nom est tout un programme), etc.
L'inconvénient, c'est qu'alors, vous vous condamnez à un certain communautarisme paroissial. Dans telle paroisse on agit de telle manière et non de telle autre, dans laquelle les usage sont différents de la paroisse voisine... et si vous avez le malheur de changer de paroisse, vous vous rendrez compte que vous serez assez incapable de chanter le répertoire de vos nouveaux frères...
Pire encore : vous fabriquerez votre propre liturgie. Au lieu de profiter de la liturgie romaine transmise par l'Eglise depuis des siècles, vous préférerez n'en faire qu'à votre tête et fabriquer un rite, certes plaisant et distrayant par moments (et dans lequel le Seigneur descend aussi bien qu'avant, dans le meilleur des cas), mais sans racines et sans tradition. Ce peut être un choix ; c'en est un grave. Voilà pourquoi Mgr Klaus Gamber disait qu'on avait aujourd'hui une pluralité de rites différents, qu'il s'en créait des centaines chaque jour : parce que chacun n'en fait qu'à sa tête. Et je ne préfère même pas parler de l'idéologie (l'herméneutique?) qui se cache bien souvent derrière cette attitude...

Deuxièmement, nous pouvons décider, comme le suggéraient certains, de condamner en bloc cette attitude et de rejoindre une chapelle « tradie » (ou au moins traditionalisante). À tout prendre, il me semble que c'est un bien meilleur choix (si ladite chapelle se trouve dans la communion de l'Eglise bien entendu). Dans ces communautés, la liturgie est souvent à peu près respectée. Que ce soit pour le chant ou d'autres pratiques traditionnelles (communion à genoux et sur la langue, usage du latin en général, orientation commune du prêtre et de l'assemblée, solennité, respect des livres liturgiques de l'Eglise), l'on n'aura aucun problème à les imposer ou à les conserver. De ce côté-là, tout va bien.
L'on aura en revanche d'autres problèmes. D'abord, quoi qu'on en dise, les « tradis » ne le sont point tant que cela. Par exemple, je doute que saint Ambroise de Milan eut apprécié les ornements dits romains (les fameuses chasubles « boites à violon » tant décriées par Dom Guéranger), ou la musique baroque ou classique, certes somptueuse mais souvent à des années-lumière des préceptes de l'Eglise, privilégiant la splendeur de la mélodie à la profondeur du texte, la virtuosité du compositeur à la contemplation de Dieu. Je pense aussi à certaines prises de position ou à des coutumes et des gestes dits traditionnels et qui ne sont en fait que les fruits de certaines habitudes. Comme le disait le P. Georges Florovsky, il faut se garder de confondre ancienneté et tradition.
Ensuite, là encore, il peut arriver que la liturgie soit prise en otage par certains, au nom de leurs préférences personnelles. Je pense en particulier à ce paradoxe qui veut que nombre de traditionalistes tombent fréquemment dans ce travers qu'ils dénoncent si souvent chez les autres : l'archéologisme (se dit de l'attitude qui consiste à vouloir systématiquement remonter aux pratiques les plus anciennes, en confondant antiquité et authenticité). Ainsi ai-je entendu parler d'une communauté traditionaliste (pour laquelle j'ai quelque admiration par ailleurs) qui chanta un Kyrie accompagné de tropes (ce qui fut interdit, ce me semble, par le saint pape Pie V). Je pense aussi (dans une bien moindre mesure) à la célébration cette année dans nombre de communautés traditionalistes, de la semaine sainte selon les usages que connaissait la liturgie romaine avant la réforme du vénérable Pie XII. Ces attitudes ont toutes un point commun : elles prétendent que la liturgie romaine s'est en quelque manière corrompue à partir d'un certain moment. C'est sans doute loin d'être entièrement faux (pour ma part je pense qu'une décadence relative de la liturgie romaine remonte au moins au Moyen-Âge), mais poussé à bout et souvent sans aucun respect des directives de Rome. On pourrait aussi penser à la réintroduction de rites interdits (le confiteor avant la communion des fidèles par exemple, supprimé par S. Jean XXIII). Subjectivisme post-moderne d'autant plus paradoxal qu'il provient de ceux parmi lesquels nombre de personnes se disent opposées à la modernité.
Enfin, comme dans le cas précédent, l'on s'enfermera dans une sorte de communautarisme. Non pas à cause du répertoire chanté (encore que) mais de par le fait que ces communautés concernent très souvent un milieu social extrêmement réduit et sélectif. J'ai toujours trouvé amusant que la « publicité » traditionaliste, parlant souvent de la force d'attraction (réelle) qu'exerce la forme extraordinaire de l'unique rite romain sur la jeunesse, met soigneusement de côté le fait (tout aussi réel) que cette force d'attraction ne semble s'exercer en général qu'à une certaine catégorie de la population, pourvue de noms à particule, dont les origines remonteraient (à les entendre) à Mathusalem lui-même, royaliste, maurassienne ou attachée aux « valeurs traditionnelles » ou à la « France de toujours », etc. L'on est en droit de trouver ce portrait exagéré (et l'on n'aura pas tort, c'est le but) ; l'on ne saurait contester la réalité qu'il prétend dépeindre, à moins de se lever très tôt et de se munir de lunettes déformantes.
Le fait est que le reste de la population catholique demeure parfaitement indifférente à cette récupération du glorieux héritage de la tradition romaine, ne voulant pas entendre parler des différents aspects de cette tradition. Aussi ce choix, si noble qu'il apparaisse, ne mène guère qu'à une impasse.

Troisièmement enfin, on peut choisir une via media qui n'est pas dénuée de radicalité ; la véritable via media n'étant pas en effet celle de celui qui en ne voulant choquer personne se met tout le monde à dos, mais celle de celui qui marche sur un fil tendu entre deux montagnes : s'il penche d'un côté ou de l'autre, il tombe...
Cette via media consiste à prendre acte de la crise évoquée ci-dessus, sans la nier, l'ignorer en allant trouver un bon frigo ou la célébrer. Bref, elle revient à refuser les deux choix évoqués précédemment. Elle prétend servir le mouvement liturgique qui a commencé à éclore en France et dans certains autres pays. Elle chérit la tradition latine dont la forme extraordinaire, sans conteste, est (et n'est qu') un témoin privilégié. Dans le même temps, elle prend acte de la rupture avec cette tradition qui s'est effectué au cours du XXè siècle, et elle n'entend pas faire comme si de rien était, comme si tout le monde parlait couramment latin, et connaissait par cœur l'intégralité du « chant perdu de Grégoire ». En un mot, elle a conscience qu'une page s'est tournée, qu'on le veuille ou non, dans l'Histoire de l'Eglise latine. Non pas la page du grégorien comme tel (sinon l'Eglise ne continuerait pas à le promouvoir comme le chant propre de la liturgie romaine) ni même celle du latin (qui reste la langue officielle du Saint-Siège). Mais celle de son usage exclusif. Qu'on le veuille ou non, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le regrette, restaurer partout et pour toujours une liturgie latine jusqu'à l'homélie elle-même (pour caricaturer) est impossible. Ce choix-ci en est tout à fait conscient.
Maintenant, qu'est-ce que les byzantins ont à voir là-dedans ?

Qu'une chose soit claire : je n'aime pas « l'orientalisme », cette attitude indue et assez insupportable de bien des catholiques romains qui s'extasient devant l'Orient (ou plutôt les Orients) chrétien et veulent introduire dans le culte et la théologie occidentales des usages orientaux (ce qui peut aller jusqu'à la revendication d'un sacerdoce marié). D'ailleurs, en s'extasiant, on oublie qu'eux aussi ont des problèmes, qui leur sont propres (par exemple, en ce moment, c'est un peu la guerre entre les patriarcats orthodoxes de Moscou et de Constantinople). Ce n'est donc pas de cela qu'il est question.
En revanche, je ne manque pas d'observer quelque chose de très intéressant : les diverses immigrations de la première moitié du XXè siècle ont jetées en nos terres gauloises nombre de chrétiens de rite byzantin (en particulier, des russes), orthodoxes ou catholiques. Ces chrétiens ont commencé par répéter en France ce qu'ils faisaient en leurs différentes terres natales ; puis, s'intégrant en France, et voyant que leurs enfants seraient définitivement français, ils ont entrepris de traduire leur liturgie dans notre langue. C'est le cas par exemple, en orthodoxie, de l'immense Maxime Kovalevsky, des RRPP. Denis Guillaume et Placide Deseille et aujourd'hui, de Serguey Volkov. Dans l'Eglise catholique, on peut citer le monastère de Chevetogne, Jean-François Capony et François Gineste.

Et le résultat est digne d'intérêt. On est certes en droit de trouver ces adaptations moins prenantes et préférer écouter ces musiques en « VO ». Il n'empêche que l'on y retrouve en quelque manière l'âme de la liturgie byzantine ; j'ai pu le constater de près.

Alors pourquoi ne pas essayer de faire de même pour la liturgie romaine ?
Bien entendu (et contrairement à ce que j'ai lu çà et là sur cette page), il n'est pas question de reprendre des textes et des chants byzantins (russes, grecs, roumains, etc.), car ce ne serait pas conforme à notre tradition, qui est occidentale et latine. En revanche, il semble que nous gagnerions à nous inspirer de cette attitude pour nos propres textes (introïts, graduels, antiennes d'offertoire et de communion, etc.).
On pourrait objecter à cela que cette inculturation du chant ne se trouve nulle part sinon de façon anecdotique dans certaines communautés orthodoxes ou grecque-catholiques. À cela, on peut répondre de deux façons.
D'une part, le Concile de Moscou (1917-1918) avait décidé entre autres choses de passer du slavon à la langue russe moderne (opération pas si difficile que cela, soit dit en passant). Une telle décision montre donc que le passage aux langues courantes peut s'effectuer et n'a rien d'absurde (même si elle tarde à être appliquée, en raison de la dictature communiste qui arriva presque en même temps).
D'autre part, nous observons une même attitude chez les anglicans (comme le montrent les extraits que j'avais montré plus haut) mais aussi... chez les catholiques romains eux-mêmes. J'en veux pour preuve les Simple English Propers, une adaptation en anglais du propre grégorien. Le résultat, en plus d'être splendide, est paraît-il tout à fait accessible pour une chorale ou une assemblée pas très expérimentée. Il y a donc des précédents au sein de la tradition latine. Par conséquent, il ne s'agit pas à proprement parler d'une innovation.
Pour ce qui est de ce même travail en langue française, des choses intéressantes ont été faites. Je pense aux travaux de Maxime Kovalevsky, de François Gineste et dans une moindre mesure du P. André Gouzes op.
Il ne s'agit évidemment pas de copier l'Orient, comme je l'ai dit précédemment. Il s'agit encore moins de singer le chant grégorien. Il s'agit seulement de rendre accessible les textes de la liturgie romaine à un public qui a appris à le détester. Et qui sait ? Un tel travail pourrait même agir en faveur du grégorien lui-même. Aux Etats-Unis, de plus en plus de paroisses célèbrent des messes passant sans le moindre complexe du grégorien latin aux SEP évoquées ci-dessus. En témoigne cet article d'un site aussi excellent qu'insupportable, le New Liturgical Movement : http://www.newliturgicalmovement.org/20 ... -mass.html

Pour résumer, le troisième choix que j'évoquais plus haut (et dont vous aurez compris qu'il a ma préférence) voit le mouvement liturgique comme... un mouvement (quelle clairvoyance!). Il pense, pour filer la métaphore qu'un mouvement doit être entretenu et que de la même manière qu'il n'y a pas de fumée sans feu, il n'y a pas de mouvement sans moteur. La position que je soutiens prétend tout simplement donner du carburant à ce moteur et ainsi, apporter sa contribution à ce mouvement, Ad laudem et gloriam Nomini Dei, ad utilitatem quoque nostram totiusque Ecclesiae Suae Sanctae.

Merci d'avoir tout lu. :-D

Pour vous récompenser, voici une adaptation en français du « Vexilla Regis » par Maxime Kovalevsky :

Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.

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