Soumettre et dominer la terre ?

Biodiversité - Ressources naturelles - Changement climatique - Condition animale
Serge BS
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Soumettre et dominer la terre ?

Message non lu par Serge BS » ven. 24 mars 2006, 11:10

Dès l'origine des temps, Dieu a donné la terre à l'homme, pour qu'il la soumette , mais non pour qu'il la détruise.... " Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; .... " [Gn 1, 28] (on notera que de grandes figures de la Foi, tels Saint François d’Assise ou encore Basile de Césarée, ont commenté ce passage de l’Ancien Testament).

Ce qui précède doit se lire dans l'esprit même de la Création puisque " Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu Il le créa, homme et femme il les créa [Gn 1, 27 ; 5, 2]. Par ces mots, Dieu a posé le statut de l'homme ; par ces mots, Dieu a posé l'équilibre entre ce statut de l'homme et celui de la Création : l'homme est à l'image de Dieu et le rapport de l'homme à Dieu est unique, propre à l'homme, couronnement de la Création. L'homme a ainsi pour mission de poursuivre la Création, mais pas n'importe comment : avec conscience et responsabilité.... Tout acte de l'homme, toute action humaine doit donc se lire à l'aune de ces mots, à l'aune de ce statut splendide et difficile. Soumission, servitude ne doivent cependant pas s'interpréter dans le sens péjoratif d'esclavage, de domination, mais plutôt dans celui de continuation de l'oeuvre de Dieu, donc de préservation des espèces, de progrès dans les conditions de vie, mais aussi de sauvegarde de la beauté du monde, bref de la Création ; continuateur et gardien de la Création, l'homme ne doit donc pas détruire, la destruction étant antinomique à la Création. Dieu a soumis les êtres animés à l'homme, pour qu'il les domine, non pas pour qu'il les détruise, l'Alliance divine liant Dieu et aux hommes et aux êtres animés qui peuples la Terre :

"Voici que j'ai établi mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l'arche, tous les animaux de la terre [Gn 9, 9-10].... Voici le signe de l'alliance que j'institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous pour les générations à venir [Gn 9, 12]... ".

La préservation de la faune et des espèces est donc plus qu'un acte moral, c'est aussi un devoir spirituel du croyant car rompre les équilibres faunistiques et floristiques est rupture de l'Alliance avec Dieu.

Il est utile de préciser maintenant la notion si mal comprise de domination, puisque Dieu a donné la terre aux hommes pour qu'ils la dominent. Rappelons que le verbe dominer vient du latin dominari (il s'agit ici de l'infinitif de dominor , qui signifie "être maître", "dominer", "commander", "régner", aussi bien au propre qu'au figuré [source : Gaffiot (F.), Dictionnaire illustré latin-français, Hachette, Paris, 1934, rééd. 1967, page 555]), qui découle lui-même du mot dominus, le maître... Le sens donné ici au verbe dominer n'est pas seulement chrétien, puisque, à titre d'exemple, il faut se souvenir que Cicéron a utilisé le verbe dominari dans son Tusculanae discutationes : Deus dominans in nobis , Dieu qui règne en nous ; le sens donné est celui de la manière dont Dieu règne sur l'homme. Comme Dieu nous domine, est notre maître, l'homme est le maître de la terre qu'il domine, mais pas dans le sens d'un écrasement, d'une supériorité matérielle, mais dans un sens d'Amour, dans celui d'une supériorité ontologique.

Dominer doit s'interpréter ici dans le sens de l'exercice d'une influence prépondérante et non pas dans celui d'un esclavage ou d'un asservissement ; il y a cependant une légère différence entre le lien de l'homme à Dieu et celui de la nature à l'homme puisque l'homme chrétien, conscient et libre, choisit volontairement sa soumission à Dieu dont il est le serviteur dans l'Amour, alors que la nature n'a pas conscience de son lien à l'homme, l’animal ayant par exemple une anima, mais en aucun cas un spiritus (je recherche à ce sujet une correspondance que j’avais eu avec l’un des meilleurs spécialistes qu’a l’Église sur la question, Monseigneur René Coste), ce qui lui donne certains droits (cf. les procès d’animaux au Moyen-âge). C'est pour cela que l'homme doit respecter la nature car il est doté de conscience au contraire de la nature qui, certes fille de Dieu par la Création, n'en a pas conscience. L'homme n'est donc que le dépositaire de l'oeuvre de Dieu qu'il doit respecter en tout, tout comme Dieu nous respecte et nous guide, car, comme l'a rappelé le Pape Jean-Paul II :

"L'homme -homme et femme- est le seul être parmi les créatures du monde visible que Dieu Créateur : c'est donc une personne. Être une personne signifie tendre à la réalisation de soi...; cela ne peut s'accomplir qu'. Le modèle d'une interprétation de la personne est Dieu même comme Trinité, comme communion de Personnes. Dire que l'homme est créé à l'image et à la ressemblance de ce Dieu, c'est dire aussi que l'homme est appelé à exister autrui, à devenir don. Cela concerne tout être humain, femmes et hommes qui le mettent en oeuvre selon les particularités propres à chacune et à chacun... " (Lettre apostolique du 15 août 1988, point 7).

L'un des fondements de la notion de développement durable, qui tient en le fait que notre descendance nous confie la terre, doit s'interpréter ici comme une notion chrétienne, surtout lorsque ce qui précède est lu au regard de l'éternité de Dieu, de l'espérance de la Résurrection et de la mission de croissance et multiplication confiée par Dieu aux hommes. Il faut ici réfléchir sur la transcendance, lien de l'homme à Dieu, en la transposant à la relation de la nature à l'homme, tout en complétant l'analyse par celle de l'idée de descendance -lien du Père au Fils et celle du concept de procession. Disposer de la nature tout en la respectant est difficile, mais Dieu, ayant façonné l'homme à son image, n'a pas voulu que la vie de l'homme soit forcément facile [cf. Gn 3, 16-17], et l'homme se trouve -de par sa conscience et de par la parcelle de Dieu qui réside en lui- face à la nature dans la même situation que l'homme riche face au Royaume de Dieu, même s'il faut bien lire et comprendre les sens -et aussi les applications quotidiennes- de [Mt 19, 23-24], Dieu n'interdisant pas la richesse, ne faisant pas de discrimination entre riches et pauvres [Jc 2, 1-13], mais rappelant qu'elle peut, mal comprise, écarter, par les tentations et les facilités qu'elle induit, l'homme de sa voie qui est celle de la recherche du Salut [Jc 4, 13-17]...

Tout ceci est en fait résumé par ces mots admirables du Pape Jean XXIII :

"Il (Dieu) a créé l'univers en y déployant la munificence de sa sagesse et de sa bonté. Comme dit le Psalmiste : , que tes oeuvres sont nombreuses ! Tu les as accomplies avec sagesse [Ps 103, 24]". Et il a créé l'homme intelligent et libre à son image et ressemblance (voir : Gn 1, 26), l'établissant maître de l'univers : "Tu l'as fait de peu inférieur aux anges; de gloire et d'honneur tu l'as couronné; tu lui a donné pouvoir sur les oeuvres de tes mains, tu as mis toutes choses sous ses pieds" [Ps 8, 5-6] " (Pacem in Terris, Centurion, Paris, 1963, n. 3, pp. 35-36)...

Le chrétien a donc pour devoir suprême de sauvegarder la faune, et tout ce qui lui sert de support, c'est-à-dire la flore et la terre elle-même, car il existe une solidarité totale entre toutes les œuvres de la Création, entre toutes les créatures, ayant toutes le même Créateur, toutes étant ordonnées dans la gloire de Dieu (CEC, § 344). Toutes les créatures sont ainsi, en dépit de leurs diversités et inégalités, interdépendantes dans le dessein de Dieu, n’existant qu’en dépendance les unes les autres pour se compléter mutuellement au service les unes les autres (CEC, § 340), ce qui induit des devoirs et des droits réciproques et croisés. Cette idée de solidarité, qui est une vertu éminemment chrétienne (CEC, § 1948), est en fait celle du développement soutenable, se retrouvant tout au long du Cantique des créatures de Saint François d’Assise, texte écrit vers 1225-1226, donc voici plus de sept siècles !

Le lien entre la nécessaire préservation de la terre et les excès de l'action humaine n'est donc pas né des seules revendications vertes du début des années soixante-dix -même si leur influence a été fondamentale car ayant poussé les hommes à se réveiller, à rouvrir les yeux-, l'Église elle-même les ayant devancé avec la Constitution pastorale Gaudium et Spes du 7 décembre 1965 sur l'Église dans le monde de ce temps, Dieu lui-même les ayant devancé au soir du déluge, et le passage de la Genèse [Gn 9, 9-10] est en lui-même la définition la plus simple mais aussi la plus complète du principe de développement soutenable qui est par essence même l'un des premiers principes chrétiens, car lié à l'Alliance avec Dieu ; comme l'Amour est le devoir du chrétien, l'Alliance est la nature du croyant, nature qu'il ne peut contrarier au risque de briser le fragile équilibre du monde, mais aussi de déplaire à Dieu, car " l’opération de la nature présuppose toujours des principes créés, et c'est ainsi que les produits de la nature sont appelés des créatures " (Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, I, Q. 45, art. 8, Sol. 4) ; le chrétien doit au contraire se réjouir de la Création, la respecter, car Dieu aime toutes ses créatures [Ps 145, 9] et prend soin de chacune. Ceci est d'ailleurs rappelé en permanence au chrétien, hier, aujourd'hui et demain :

" Bénis le seigneur, mon âme, Seigneur mon Dieu, tu es si grand… À jamais soit la gloire de Dieu, que Dieu se réjouisse en ses oeuvres... " [Ps 104, 1 & 31]

" Que la terre bénisse le Seigneur : qu’elle le chante et l’exalte éternellement ! " [Dn 3, 74]

" …Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures... Loué sois-tu, mon Seigneur, pour soeur notre mère la Terre, qui nous porte et nous nourrit... " (Cantique des Créatures, 3 & 9)

"Mon Dieu, combien je dois aimer toutes les créatures, animées et inanimées, puisque toutes sont sorties de vos mains... L'oeuvre de votre volonté... de quel amour, de quel respect il faut l'entourer ! de quels yeux émus il faut la regarder ! de quelles mains respectueuses, tremblantes, il faut la toucher ! " (Frère Charles de Jésus, Oeuvres spirituelles, Le Seuil, Paris, nvlle. éd. 1992, p. 55).

Dieu a donc confié la terre aux hommes non pas pour qu'ils la détruisent mais pour qu'ils l'embellissent... Le devoir du chrétien est donc certes d'utiliser la terre et ses richesses, mais aussi de la préserver, de l'embellir, de la faire fructifier, afin de parachever l'oeuvre divine de la Création, l'homme n'ayant en rien le droit de détruire l'oeuvre de Dieu, tous ceux qui s'y sont essayé, les derniers fils des antéchrists (cf. 1Jn 2, 18-23) Hitler et Staline, ayant lamentablement échoué. Vatican II a d'ailleurs bien précisé que "c'est le propre de la personne humaine de n'accéder vraiment et pleinement à l'humanité que par la culture, c'est-à-dire en cultivant les biens et les valeurs de la nature. Toutes les fois qu'il est question de vie humaine, nature et culture sont aussi étroitement liées que possible " (Gaudium et Spes, n. 53, § 1). Culture, nature, vie humaine sont donc intimement liés. Et pourtant....

[align=right]© Serge BONNEFOI, Marseille, 2007
(en cas de reprise, même partielle, prière de citer l’auteur et le présent forum. Merci)
[/align]
Dernière modification par Serge BS le mar. 23 janv. 2007, 11:05, modifié 1 fois.

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Message non lu par Cycas » dim. 13 août 2006, 20:31

A noter l'existence de l'association oecuménique CORE qui défend ce message d'écologie chrétienne.
http://core.asso.free.fr/

Cependant la surpopulation me semble être un probème majeur, et il me semble que le "Soyez féconds" devrait être compris sous un autre sens que celui de la fécondité biologique.

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Message non lu par Domy » mer. 23 août 2006, 17:49

Tout à fait d'accord avec toi, SBS. L'homme doit respecter la nature que Dieu lui a donnée, sinon, il ne mérite pas le titre d'être humain, mais seulement celui de barbare, car qui se comporte en barbare l'est.

Permets-moi de rajouter la vision de la Doctrine sociale de l'Eglise qui confortera ton bel exposé :"L'homme ne doit donc pas oublier que "sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par son travail (...) s'accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu". Il ne doit pas "disposer arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n'avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l'homme peut développer mais qu'il ne doit pas trahir". Quand il se comporte de la sorte, "au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l'oeuvre de la création, l'homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui."

Si l'homme intervient sur la nature sans en abuser et sans la détériorer, on peut dire qu'il "intervient non pour modifier la nature mais pour l'aider à s'épanouir dans sa ligne, celle de la création, celle voulue par Dieu. En travaillant dans ce domaine, évidemment délicat, le chercheur adhère au dessein de Dieu." § 460

Ceci n'est qu'un extrait, mais pour ceux qui veulent approfondir le respect de l'environnement à la lumière de l'Eglise, tout le dixième chapitre du Compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise en traite.

Amitiés
:heart:
Domy
http://lafrancecouronnee.xooit.fr

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