Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

« J'enlèverai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » (Ez 36.26)
Règles du forum
Forum d'échanges et de partage sur la spiritualité chrétienne
Avatar de l’utilisateur
Riou
Barbarus
Barbarus

Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par Riou » sam. 08 févr. 2020, 18:45

Bonjour,

Je voulais retranscrire le texte de Dominique Collin sur une des manière de prier de Saint Dominique, texte qu'on trouve dans "Saint Dominique, homme de l'Évangile", numéro 33 de la collection "Sur la route des saints".
Voilà bien une manière de prier qui ne nous est probablement plus guère familière! Aujourd'hui seuls les prêtres, le jour de leur ordination ou les religieux et religieuses lors de leurs engagements, se jettent tout entier à terre. Or, ce geste est souvent, au témoignage de ceux qui l'ont vécu, un des plus interpellants. Pourquoi? Tout simplement parce qu'il nous rappelle crûment que nous sommes tirés de "la poussière prise du sol" (Cf. Gn 2, 7). Notre condition humaine est d'abord "terrienne", "terreuse", pourrait-on dire, et c'est d'ailleurs bien ce que signifie le nom d'Adam, le "terreux". La terre nous rappelle notre origine, à la fois naturelle et cosmique - elle est terre - mère, mais aussi notre origine divine puisque c'est un Dieu Père qui nous a "tirés de la poussiére" en nous engendrant par sa parole de vérité (cf. Jc 1, 18). Certains vivent plus mal que d'autres leur rapport à l'origine tant ils ont du mal à se sentir justifiés d'exister comme ils existent; il est vrai que les blessures "originelles" peuvent saigner longtemps, parfois toute une vie... qui n'a jamais éprouvé de la peine à adhérer (d'adhérence) à sa condition de "terreux", qui ne s'est jamais senti humilié en perdant par moments la joie d'être humain? C'est pourquoi le geste de la prosternation du corps est justement le contraire de tout sentiment de dépréciation de soi. En prolongeant l'inclination, la prosternation révèle le sens profond de l'humilité : ainsi que son étymologie l'indique, elle est l'attitude de celui qui adhère en toute confiance à son humus, à la fois terre nourriciére et sol porteur. En se jetant tout entier à terre en avant sur sa face, à corps perdu, pourrait-on dire, Dominique ne se laissait pas aller aux sentiments délétères de la culpabilité ou de la honte, lesquels, de fait, nous mettent à terre en nous faisant perdre le juste amour de soi. Tout rapport humilié à l'origine est une fange où l'on piétine et s'embourbe. En se prosternant, Dominique ne se vautre pas dans sa misère ou dans la tristesse d'être né; en collant la glèbe qu'insuffle Dieu, il espére être, comme elle, recrée.

Encore faut-il qu'il consente que la glèbe de tout son être soit modelée pour prendre la forme de l'Homme nouveau. Pour cela, elle doit être mouillée des larmes de la componction. Ce vieux mot de la langue française désigne la douleur spirituelle de celui qui est piqué (le mot latin évoque l'aiguillon) par sa condition de pécheur. De toutes les douleurs que nous pouvons ressentir, celle-ci nous paraîtra sans doute la plus étonnante, voire la plus improbable. Qui souffre encore de se sentir pécheur? Nous avons des raisons de nous méfier de toute exacerbation du péché, d'ailleurs la culpabilisation des esprits a fini par évacuer l'idée de péché et donc l'idée de pardon. Mais nous avons tort de nous imaginer innocents. Personne n'est innocent, à moins de rejeter la faute et l'erreur sur les autres, à moins de nous déresponsabiliser et de nous conduire comme de pauvres victimes dépendantes. Quand la Parole de Dieu nous fait nous reconnaître pécheurs, ce n'est point par sadisme; être en défaut n'équivaut pas à être en faute, même si cette éventualité reste possible, mais à éprouver l'inaccompli, l'incomplétude, le manque d'être que nous sommes. Pour autant, nos multiples et quotidiens ratages (c'est ainsi qu'à partir de l'hébreu et du grec on peut traduire le "péché") ne font pas de nous des ratés mais des êtres qui promettent puisque nous pouvons toujours reprendre le jeu de la vie et de la liberté.

Ciryl
Censor
Censor
Messages : 77
Inscription : mar. 12 mai 2015, 15:16
Conviction : en recherche

Re: Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par Ciryl » jeu. 27 févr. 2020, 13:56

Riou a écrit :
sam. 08 févr. 2020, 18:45
Bonjour,

Je voulais retranscrire le texte de Dominique Collin sur une des manière de prier de Saint Dominique, texte qu'on trouve dans "Saint Dominique, homme de l'Évangile", numéro 33 de la collection "Sur la route des saints".

Encore faut-il qu'il consente que la glèbe de tout son être soit modelée pour prendre la forme de l'Homme nouveau. Pour cela, elle doit être mouillée des larmes de la componction. Ce vieux mot de la langue française désigne la douleur spirituelle de celui qui est piqué (le mot latin évoque l'aiguillon) par sa condition de pécheur. De toutes les douleurs que nous pouvons ressentir, celle-ci nous paraîtra sans doute la plus étonnante, voire la plus improbable. Qui souffre encore de se sentir pécheur? Nous avons des raisons de nous méfier de toute exacerbation du péché, d'ailleurs la culpabilisation des esprits a fini par évacuer l'idée de péché et donc l'idée de pardon. Mais nous avons tort de nous imaginer innocents. Personne n'est innocent, à moins de rejeter la faute et l'erreur sur les autres, à moins de nous déresponsabiliser et de nous conduire comme de pauvres victimes dépendantes.
C'est une belle définition et ce mot oublié de nos jours décrit pourtant l'état émotionnel qui est le lot de beaucoup, croyants ou non, qui vivent entre le regret du péché et son occultation, ça laisse des traces dans le subconscient quoi qu'on puisse en penser.

À lire et à relire, à méditer quoi :/

Avatar de l’utilisateur
Carolus
Barbarus
Barbarus

Re: Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par Carolus » jeu. 27 févr. 2020, 15:05

Riou a écrit :
sam. 08 févr. 2020, 18:45
Riou :
Bonjour […]
Bonjour, cher Riou. :)
Riou a écrit :
sam. 08 févr. 2020, 18:45
Riou :
[…]
Je voulais retranscrire le texte de Dominique Collin sur une des manière de prier de Saint Dominique, texte qu'on trouve dans "Saint Dominique, homme de l'Évangile", numéro 33 de la collection "Sur la route des saints".
La prosternation du corps dans la prière concerne premièrement l’apparence, n’est-ce pas ?
1 S 16, 7 […] les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur.
Puisque le Seigneur regarde le cœur, il faut que notre prosternation soit plutôt spirituelle.
CEC 2628 L’adoration est la première attitude de l’homme qui se reconnaît créature devant son Créateur. Elle exalte la grandeur du Seigneur qui nous a fait (cf. Ps 95, 1-6) et la toute-puissance du Sauveur qui nous libère du mal.
L’adoration « est le prosternement de l’esprit devant le " Roi de gloire " » (CEC 2628). 🙏

gerardh
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 5032
Inscription : ven. 26 déc. 2008, 20:02
Conviction : chrétien non catholique
Localisation : Le Chambon sur Lignon (France)

Re: Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par gerardh » ven. 28 févr. 2020, 18:26

__

Saint Dominique est-il bien celui qui a essayé, dans la douceur, de convertir les albigeois ?

______

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12387
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Re: Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par Fée Violine » ven. 28 févr. 2020, 21:05

Oui, c'est lui. C'est ainsi qu'il a fondé l'Ordre prêcheur.
Il passait ses journées à parler de Dieu à son prochain, et ses nuits à prier pour les pécheurs.

:coeur:

Avatar de l’utilisateur
Riou
Barbarus
Barbarus

Re: Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par Riou » ven. 28 févr. 2020, 21:48

Carolus a écrit :
jeu. 27 févr. 2020, 15:05

Je voulais retranscrire le texte de Dominique Collin sur une des manière de prier de Saint Dominique, texte qu'on trouve dans "Saint Dominique, homme de l'Évangile", numéro 33 de la collection "Sur la route des saints".
La prosternation du corps dans la prière concerne premièrement l’apparence, n’est-ce pas ?
1 S 16, 7 […] les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur.
Puisque le Seigneur regarde le cœur, il faut que notre prosternation soit plutôt spirituelle.
CEC 2628 L’adoration est la première attitude de l’homme qui se reconnaît créature devant son Créateur. Elle exalte la grandeur du Seigneur qui nous a fait (cf. Ps 95, 1-6) et la toute-puissance du Sauveur qui nous libère du mal.
L’adoration « est le prosternement de l’esprit devant le " Roi de gloire " » (CEC 2628). 🙏
[/quote]

Bonjour,
La prosternation du corps n'est pas une fin en soi, bien sûr. Mais si elle accompagne la bonne disposition d'esprit, elle est un appui solide qui seconde et renforce la disposition du cœur. Le spirituel est incarné, et la position du corps peut élancer le cœur dans une certaine direction. Dans la parabole du pharisien et du collecteur d'impôts, le texte de Saint Luc insiste clairement sur la posture corporelle des deux individus, et c'est un détail scénique très significatif. C'est ce que veut dire Dominique Collin dans cette méditation sur Saint Dominique et cette manière de prier.

Avatar de l’utilisateur
Carolus
Barbarus
Barbarus

Re: Saint Dominique et la prosternation du corps dans la prière

Message non lu par Carolus » sam. 29 févr. 2020, 14:46

Riou a écrit :
ven. 28 févr. 2020, 21:48
Riou :
Carolus a écrit :
jeu. 27 févr. 2020, 15:05
L’adoration « est le prosternement de l’esprit devant le " Roi de gloire " » (CEC 2628). 🙏
Bonjour,
La prosternation du corps n'est pas une fin en soi, bien sûr.
On est d’accord, cher Riou. :oui:
Ps 8, 2-5 Ô Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par toute la terre ! Jusqu'aux cieux, ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits : rempart que tu opposes à l'adversaire, où l'ennemi se brise en sa révolte.
A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?
Le psalmiste se demande : qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui ?
Ps 103, 1 Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être !
Adorons donc notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ de tout notre être, n’est-ce pas ? :oui:

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 70 invités