Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

« Quant à vous, menez une vie digne de l’Évangile du Christ. » (Ph 1.27)
Règles du forum
Forum d'échange entre chrétiens sur la façon de vivre l'Évangile au quotidien, dans chacun des domaines de l'existence
ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par ademimo » sam. 02 juil. 2022, 20:21

Fée Violine a écrit :
sam. 02 juil. 2022, 15:47
Oui, j'ai bien compris. Et alors, n'est-ce pas révoltant d'attribuer à qqn de telles idées ? (On ne sait pas à qui, d'ailleurs. Apparemment tous les gens qui ne sont pas d'accord avec ademimo)
Ceux qui, à la suite de Jacques Maritain, nous expliquent que Dieu ne condamne jamais le damné à l'Enfer, mais que c'est le damné qui, seul, de lui-même choisit de se condamner à l'Enfer, librement et en connaissance de cause, dans un choix délibéré et mûrement réfléchi, et que Dieu, malgré tout son amour débordant, malgré sa Toute-puissance, et sa volonté de sauver le pécheur endurci, serait dans l'incapacité absolue de lui venir en aide, et ce pour l'éternité, ça revient effectivement à nous dépeindre un Dieu impuissant, indifférent, imparfait, mis devant le fait accompli. Effectivement.

Et vous avez bien raison de trouver cela révoltant et absurde, car ça l'est effectivement.

Et je me demande surtout qui pourrait bien souhaiter d'être malheureux pour l'éternité et d'être privé de toute joie et de tout bonheur. C'est surtout cela qui est complètement absurde.

Avatar de l’utilisateur
Riou
Barbarus
Barbarus

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Riou » sam. 02 juil. 2022, 22:25

Bonjour,
La question peut se poser ainsi, car j'ai parfois l'impression qu'il n'y a qu'une différence de perspective et une confusion dans l'usage des mots : qui est coupable de la damnation?
Ce n'est évidemment pas Dieu, semble-t-il, car Dieu ne peut être coupable de quoi que ce soit. Dès lors, toute la culpabilité revient au damné, et la notion de culpabilité n'a de sens que si on pose en principe la liberté de l'homme, quel que soit la compréhension que nous avons de cette liberté.
Ceci permet sans doute d'expliquer la notion d'auto-exclusion du pécheur dans le catéchisme :
c’est cet état d’auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot " enfer ".

Catéchisme de l'Eglise catholique, 1033.
Littéralement, "auto-exclusion" signifie s'exclure soi-même de la communion, et lorsque cette auto-exclusion" devient un "état" "définitif", alors le catéchisme parle d'un "enfer". L'auto-exclusion désigne donc la culpabilité humaine, qui procède de sa liberté pour le bien et pour le mal.
ademimo a écrit :
sam. 02 juil. 2022, 20:21

Et je me demande surtout qui pourrait bien souhaiter d'être malheureux pour l'éternité et d'être privé de toute joie et de tout bonheur.
L'ignorance, l'égarement, l'aveuglement terrible sur soi-même et la vie, une pulsion de destruction que Dostoïevski a parfaitement sondée à travers certains de ses personnages les plus troubles, le fait de ne pas mettre son vrai bien là où il est vraiment, la puissance exceptionnelle des idéologies, etc. N'oublions pas que le mal sait se revêtir du vêtement du bien pour gagner les âmes, et ce n'est d'ailleurs que par cette parure qu'il prospère.
Baudelaire, poète catholique, avait aussi sondé un étrange désir au cœur de l'homme quand, "ivre de sa folie", il déclarait :
Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance !

Baudelaire, Le mauvais vitrier.
Tout cela est peut-être aussi énigmatique que le mal lui-même

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par ademimo » dim. 03 juil. 2022, 0:26

Pardonnez-moi, Riou, mais tout cela est bien imprécis et vague. Nous ne parlons pas de littérature et de poésie. Que l'homme puisse s'exclure volontairement de la communion, que ce soit pour l'amour des péchés, ou par perte de la foi, nous sommes tous d'accord.

Le problème n'est pas là. C'est ensuite que ça se corse. Normalement, Dieu est censé nous secourir en cette vie. Les péchés, tout le monde en commet. Donc déjà, il faut arrêter d'en parler, parce que ce n'est pas l'élément discriminant. Or, il est bien question d'une discrimination in fine, entre les élus et les damnés. Il y a donc une ligne de partage. Oublions un peu les portraits caricaturaux et radicaux du style des Possédés de Dostoïevski. Le plus commun des mortels se situe de part et d'autre de cette ligne de partage. Peu de chose distingue celui qui était au bord de la perdition et qui sera en définitive sauvé, et vice-versa. C'est d'ailleurs ce qui est effrayant. Il faut bien que la ligne de partage passe quelque part. Il s'en faudra d'un cheveu pour que certains soient sauvés et d'autres soient damnés.

Alors, qu'est-ce qui fera pencher la balance ? Personne ne sait vraiment. Mais il faudra bien que quelqu'un tranche. Qui est ce quelqu'un ? Dieu ou l'intéressé ?

Les modernistes disent que l'homme décide seul d'aller en Enfer. Dieu n'intervient pas du tout dans le processus. Très bien, alors comment ça se passe concrètement ? L'homme qui était au bord de la perdition, et qui a sans doute vécu dans un entre-deux, meurt. Et ensuite ? Il se passe quoi, concrètement, pour qu'il soit damné sans que Dieu intervienne ?

Mystère et boule de gomme.
Dernière modification par ademimo le dim. 03 juil. 2022, 0:54, modifié 2 fois.

Avatar de l’utilisateur
Olivier C
Consul
Consul
Messages : 1291
Inscription : jeu. 13 août 2009, 22:44
Conviction : Catholique
Localisation : Forum Segusiavorum
Contact :

En aparté...

Message non lu par Olivier C » dim. 03 juil. 2022, 0:43

Perlum Pimpum a écrit :Je ne vois pas que la doctrine que vous exposez puisse s'autoriser de saint Thomas d'Aquin, qui enseigne qu'il suffit pour être damné de mourir en état de péché mortel [s'ensuivent les accusations d'hérésies/d'hétérodoxies comme il convient à ce type de profil]
Je m'y attendais.

C'est tout le problème quand on est autodidacte : on apprend des trucs, de plus en plus de trucs, on se "spécialise" en fonction de nos centres d'intérêts. On pense connaitre un auteur car on a lu et relu ses ouvrages, on est capable de sortir des citations... Je comprends bien cette démarche, j'ai fais ça quand j'étais jeune.

Mais voilà... la puissance et l'acte, la matière et la forme, la substance et l'essence, l'être (pour reprendre les thèmes thomistes)... même si l'on arrive un tant soit peu à assimiler tel ou tel concept, de là à les articuler entre eux et a en tirer une synthèse intéressante... sans être introduit par quiconque je ne vois pas comment on peut réellement avancer. En guise de "spécialité" on s'enfermera dans une rigidité toujours plus confortées par la lecture de tel et tel passages qui semblent confirmer notre intuition, sans jamais voir qu'il fallait parfois prendre plus de hauteur sur le sujet, par exemple, connaitre les motivations de l'auteur liées à un contexte théologique, à l'histoire de son temps, etc (pour ce qui nous concerne ici la métaphysique aritotélo-thomiste), sans parler des anachronismes toujours possibles et des avancées théologique depuis lors qui rendent parfois caducs les propos d'un auteur sur certains sujets, fut-il le meilleur (vous avez dit les limbes ? l'Immaculée Conception ?). Mais, au risque de me répéter, comment peut-il en être autrement lorsque l'on a pas été introduit ? pas été accompagné ?

J'ai consulté l'historique de vos messages : cette passion d'en découdre avec quiconque, ces anathèmes... Si vous avez autant d'énergie, pourquoi ne pas la dépenser dans une vraie formation ? plutôt que de perdre votre temps en débats stériles sur un forum ? Ce ne sont pas les formations en lignes qui manquent désormais, et il y en a vraiment pour tous les goûts et toutes les sensibilités. Beaucoup d'entre elles ont un niveau et une reconnaissance universitaire (il y a tout de même la question de l'argent, mais souvent les systèmes sont souples et proposent la validation de modules).

Vous deviez y réfléchir, à moins que vous ne préfériez "rester premier dans un ordre inférieur que devenir un parmi d'autres dans un ordre supérieur" (cf. Jean de Saint Thomas, à propos de qui vous savez ;) ).
Je suis un simple serviteur, je ne fais que mon devoir.

Avatar de l’utilisateur
Olivier C
Consul
Consul
Messages : 1291
Inscription : jeu. 13 août 2009, 22:44
Conviction : Catholique
Localisation : Forum Segusiavorum
Contact :

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Olivier C » dim. 03 juil. 2022, 0:44

Perlum Pimpum a écrit :Je ne vois pas que la doctrine que vous exposez puisse s'autoriser de saint Thomas d'Aquin, qui enseigne qu'il suffit pour être damné de mourir en état de péché mortel.
Certes, je n'ai pas parlé de Saint Thomas mais du thomisme (ouf !) : la pensée thomiste ne s'est pas arrêtée à la mort du docteur angélique, le but n'étant pas pour moi de faire de l'archéologie.

Enlevons déjà un écueil : je n'ai jamais posé les termes "d'état moribond" ou "à l'article de la mort", j'ai énoncé le moment de la séparation de l'âme et du corps. On parle bien ici de la mort sur un plan métaphysique.

Ensuite, pour qu'il y ait péché mortel, il faut non seulement qu'il y ait gravité de la matière mais aussi conscience de cette gravité, il faut enfin poser un acte vraiment libre de commettre ce péché (dans le C.E.C on parlera d' "entier consentement"). Bref, la gravité de l'acte ne suffit pas, il y a bien une question de conscience de l'acte. Alors oui, il semble bien que Saint Thomas insiste plutôt sur la gravité objective du péché mortel, mais le thomisme a évolué, Saint Ignace (de formation thomiste lui aussi, je le rappelle) et d'autres encore, sont passés par là et ont laissé leurs marques, l'aspect subjectif a pris de l'ascendance (mais chez Saint Thomas il y avait déjà les habitus) et c'est cette inflexion que retiendra le C.E.C de 1992 :
C.E.C #1857 a écrit :Pour qu'un péché soit mortel trois conditions sont ensemble requises : "Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré." (cf. Reconciliatio et paenitentia #17) [les paragraphes suivants développent ces trois points]
Les actes moraux posés en notre vie conditionnant notre âme, au moment de notre mort tout se cristallisera, si l'on peut dire, se fixera dans une réponse unique, totale et irréversible. D'où la citation de Maritain, citation qui ne rentre aucunement en contradiction avec celle de la Somme contre les Gentils, ch. 91, que vous avez proposé plus haut et qui me convient parfaitement (je prends ma propre traduction) :
GG IV, 91 ,2 a écrit :Aussitôt l'âme séparée du corps, elle reçoit donc la récompense ou la peine pour ce qu'elle a accompli < pendant qu'elle était > dans son corps (2 Co 5, 10).
Je maintiens donc ce que j'ai dit.
Charles Journet, Le Mal, ch. L'Enfer, Le mystère de l'Enfer anticipé dans le péché mortel a écrit :Puisqu'il lui faut vivre, le réprouvé préfère être ce qu'il est, vouloir ce qu'il veut. Sur la condition de l'ange déchu, J. Maritain écrit : "Il a mis de sa béatitude en lui-même et il s'y tiendra, au prix de toutes les douleurs de l'enfer, qu'il a accepté d'avance. préférant cette béatitude-là [...] à la vraie béatitude qu'il refuse, et qui, du moment qu'il n'aime pas Dieu, ne saurait plus être vraiment béatitude pour lui. Il a ce qu'il a voulu."

Restant sauf que le Christ a le dernier mot dans son jugement (si ça peut apaiser certains). Bien sûr qu'il n'est pas passif, c'est bien lui, garant des âmes, qui est à l'origine de la rédemption et qui garde cette initiative, qui a tenté jusqu'au bout de sortir le pécheur du risque de l'impénitence finale par toutes les armes de sa grâce.
Je suis un simple serviteur, je ne fais que mon devoir.

Altior
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 2850
Inscription : sam. 05 juil. 2008, 23:59
Conviction : catholique traditionaliste
Localisation : In Ecclesia Dei

Re: En aparté...

Message non lu par Altior » dim. 03 juil. 2022, 6:47

Olivier C a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 0:43
C'est tout le problème quand on est autodidacte
Vraiment vous ne vous rendez pas compte que tout cet « aparté » n'est qu'une longue attaque in personam, déguisée en bonnes intentions ? Dans ce message, vous ne dites rien sur le fond, tout ce que vous dites c'est que votre interlocuteur n'est pas qualifié d'avoir une position et qu'il n'est pas qualifié parce qu'il est mal formé. Je doute que ça soit comme ça qu'on va avancer ...

Avatar de l’utilisateur
Perlum Pimpum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1070
Inscription : lun. 19 avr. 2021, 23:28
Conviction : Chrétien
Localisation : Berry

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 03 juil. 2022, 7:01

1.
Certes, je n'ai pas parlé de Saint Thomas mais du thomisme (ouf !) : la pensée thomiste ne s'est pas arrêtée à la mort du docteur angélique, le but n'étant pas pour moi de faire de l'archéologie.
Vous citiez Reconciliatio et Paenitentia, 17. Mais l'avez-vous bien lu ?

« À la lumière de ces textes de la sainte Écriture et d'autres, les docteurs et les théologiens les maîtres spirituels et les pasteurs ont distingué entre les péchés mortels et les péchés véniels. Saint Augustin, notamment, parlait de letalia ou de mortifera crimina, les opposant à venialia, levia ou quotidiana. Le sens qu'il a donné à ces qualificatifs influencera ultérieurement le Magistère de l’Église. Après lui, saint Thomas d'Aquin formulera dans les termes les plus clairs possible la doctrine devenue constante dans l’Église. » Reconciliatio et Paenitentia, 17, § 8.

:siffle:

De sorte que, pendant que j'y suis, et en réponse à votre aparté : « Ce n'est pas, en effet, sans présomption que quelqu'un porte un jugement sur ce qu'il ignore, et surtout dans les domaines où existe un danger de se tromper. » De Malo, III, a. 7, co.



2.
Olivier C a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 0:44
Ensuite, pour qu'il y ait péché mortel, il faut non seulement qu'il y ait gravité de la matière mais aussi conscience de cette gravité, il faut enfin poser un acte vraiment libre de commettre ce péché (dans le C.E.C on parlera d' "entier consentement"). Bref, la gravité de l'acte ne suffit pas, il y a bien une question de conscience de l'acte.
C.E.C #1857 a écrit :Pour qu'un péché soit mortel trois conditions sont ensemble requises : "Est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave, et qui est commis en pleine conscience et de propos délibéré." (cf. Reconciliatio et paenitentia #17) [les paragraphes suivants développent ces trois points]
La conscience requise ne porte pas sur la gravité de l'acte mais sur l'objet de l'acte !

« Deux éléments, avons-nous dit, concourent à la raison de péché : l'acte volontaire et le désordre qui lui vient de son éloignement de la loi divine. Mais de ces deux éléments le pécheur n'a directement en vue que le premier, car il a l'intention d'accomplir en telle matière tel acte volontaire ; l'autre élément, c'est-à-dire le désordre de l'acte, ne se relie que par accident à l'intention du pécheur... Et c'est pourquoi la distinction entre les péchés se fait du côté des actes volontaires plutôt que du désordre qui y est impliqué. Mais les actes volontaires, comme nous l'avons montré dans les traités précédents, se distinguent spécifiquement par leurs objets. Il en découle que la distinction proprement spécifique entre les péchés se fait selon leurs objets. » ST, I-II, q. 72, co.

La pleine conscience (on parle davantage d'advertance suffisante de la raison et de la volonté) et le propos délibéré portent sur l'acte lui-même, non sur son opposition à la loi divine. Vous en trouverez claire confirmation dans les traités de saint Thomas, ou, à défaut que vous les fréquentiez, dans le document pontifical que vous avez mentionné :

« Si l'on considère ensuite la matière du péché, les idées de mort, de rupture radicale avec Dieu, bien suprême, de déviation par rapport à la route qui conduit à Dieu ou d'interruption du cheminement vers lui (toutes manières de définir le péché mortel), se conjuguent avec l'idée de gravité impliquée dans le contenu objectif : c'est pourquoi le péché grave s'identifie pratiquement, dans la doctrine et l'action pastorale de l’Église, avec le péché mortel. » Reconciliatio et Paenitentia, 17, § 11.

« Nous recueillons ici le noyau de l'enseignement traditionnel de l’Église, repris souvent et avec force au cours du récent Synode. Celui-ci, en effet, a non seulement réaffirmé ce qui avait été proclamé par le Concile de Trente sur l'existence et la nature des péchés mortels et véniels, mais il a voulu rappeler qu'est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave et qui, de plus, est commis en pleine conscience et de consentement délibéré. On doit ajouter, comme cela a été fait également au Synode, que certains péchés sont intrinsèquement graves et mortels quant à leur matière. C'est-à-dire qu'il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet. Ces actes, s'ils sont accomplis avec une conscience claire et une liberté suffisante, sont toujours des fautes graves. » Reconciliatio et Paenitentia, 17, § 12.

« Il y a, en fait, péché mortel également quand l'homme choisit, consciemment et volontairement, pour quelque raison que ce soit, quelque chose de gravement désordonné. En effet, un tel choix comprend par lui-même un mépris de la loi divine... » Reconciliatio et Paenitentia, 17, § 16.


Bref, il suffit pour pécher mortellement de vouloir quelque chose de gravement désordonné. Il n'est aucunement besoin que de surcroit on veuille explicitement transgresser la loi divine. Car quelque soit la raison pour laquelle vous commettez l'acte matériellement peccamineux, dès lors qu'il est gravement désordonné, il est par lui-même mortel. Ainsi, il suffit pour commettre le péché mortel de fornication de forniquer de propos délibéré. Point n'est besoin à la constitution du péché mortel de fornication qu'en sus de vouloir forniquer, vous ayez de surcroit claire conscience de transgresser la loi. Car du seul fait que vous voulez consciemment poser un acte de fornication, qui de soi viole la loi, vous voulez du fait-même violer la loi, ce que vous ayez ou non conscience de la violer.

Bref, pour que la responsabilité morale de l'acte peccamineux vous soit formellement imputable, il suffit que vous ayez voulu, avec la lucidité et la liberté suffisante, la commission matérielle de l'acte. Il n'en va autrement qu'à condition d'avoir ignoré invinciblement commettre une transgression.

Quand l'ignorance est vincible, elle ne fait pas disparaitre le caractère volontaire de l'acte, et parfois l'atténue (ignorance crasse), parfois l'aggrave (ignorance affectée). L’ignorance crasse est celle des paresseux, qui fautivement négligent de s’instruire de la loi. L’ignorance affectée est celle des crapules, qui décident de ne pas s’instruire de la loi pour y manquer plus librement ; on peut y assimiler l'ignorance des infidèles positifs qui, ayant refusé la foi, ignorent la loi. Saint Thomas d'Aquin en traite magistralement au De Malo, question 3, que vous seriez fort avisé de compléter par l'étude du De Veritate, question 17.

[+] Texte masqué

« L'ignorance, par contre, signifie parfois la privation de science, et en ce sens, ne consiste en rien d'autre que de manquer du savoir qu'il convient naturellement de posséder ce qui relève de la raison de toute privation. Il arrive parfois également que l'ignorance comporte quelque opposition à la science, et l'on parle d'une ignorance causée par une disposition perverse, par exemple lorsque quelqu'un possède l'habitus de principes faux et d'opinions erronées, qui le détournent de la science de la vérité. Quant à l'erreur, elle consiste à reconnaître pour vrai ce qui est faux ; aussi ajoute-t-elle un acte à l'ignorance, car il peut y avoir ignorance sans que l'on porte un jugement sur ce que l'on ne sait pas, et dans ce cas, on est ignorant mais pas dans l'erreur ; mais dès que l'on porte un jugement faux sur ce que l'on ignore, on est dit alors proprement dans l'erreur. Et parce que le péché consiste en un acte, l'erreur a de toute évidence raison de péché. Ce n'est pas, en effet, sans présomption que quelqu'un porte un jugement sur ce qu'il ignore, et surtout dans les domaines où existe un danger de se tromper… Quant à l'ignorance, elle a de soi raison de peine, mais toute ignorance n'a pas raison de faute, car ignorer ce que l'on n'est pas tenu de savoir ne comporte pas de faute, tandis que l'ignorance qui fait ignorer ce qu'on est tenu de savoir ne va pas sans péché. Or chacun est tenu de savoir ce qui lui permet de se diriger dans ses propres actions. Aussi tout homme est-il tenu de savoir les vérités qui relèvent de la foi, parce que la foi dirige l'intention, et les préceptes du décalogue, grâce auxquels il peut éviter les péchés et faire le bien : aussi ont-ils été promulgués par Dieu devant tout le peuple comme le rapporte l'Exode 20, 22, tandis que Moïse et Aaron apprirent du Seigneur les éléments plus secrets de la loi. Outre cela, chacun est tenu de savoir ce qui a trait à son office, ainsi l'évêque ce qui regarde sa charge épiscopale, et le prêtre ce qui regarde sa charge sacerdotale, et ainsi pour les autres. Et l'ignorance de ces points ne va pas sans faute. On peut donc considérer une telle ignorance à un triple point de vue : d'une part en elle-même, et à ce point de vue, elle n'a pas raison de faute, mais de peine. Car on a dit plus haut que le mal de la faute consiste en la privation d'ordre dans un acte, alors que le mal de la peine consiste en une privation de perfection dans le sujet qui agit ; aussi la privation de la grâce ou de la science, considérée en tant que telle, a-t-elle raison de peine. D'autre part, on peut considérer cette ignorance par rapport à sa cause. De même en effet que la cause de la science consiste dans l'application de l'âme au savoir, de même la cause de l'ignorance consiste à ne pas appliquer l'âme au savoir, et le fait même de ne pas l'appliquer à connaître ce que l'on est tenu de savoir est un péché d'omission. Aussi, si cette privation est envisagée avec la cause qui la précède, il y aura péché actuel, de la manière dont on dit que l'omission est un péché. Cette ignorance peut s'envisager enfin par rapport à sa conséquence, elle est alors parfois cause de péché, comme on l'a dit plus haut. » De Malo, III, a. 7, co.

« Or il faut remarquer que l'ignorance peut enlever le caractère volontaire de ce qui la suit, mais non de ce qui la précède. Étant donné que l'ignorance se situe dans l'intelligence, le rapport de l'ignorance au volontaire peut être considéré selon le rapport de l'intelligence à la volonté : l'acte d'intelligence, en effet, précède nécessairement l'acte de volonté, parce que le bien saisi par l'intelligence est l'objet de la volonté ; c'est pourquoi, si la connaissance de l'intelligence est ôtée par l'ignorance, l'acte de volonté est supprimé, et alors le volontaire est supprimé pour ce qui a trait à ce que l'on ignore… Mais, en revanche, l'acte de volonté peut précéder l'acte d'intelligence, comme lorsque quelqu'un veut penser à soi-même, et pour la même raison, l'ignorance tombe sous l'influence de la volonté et devient volontaire. Ceci peut se réaliser de trois manières : premièrement, lorsque quelqu'un veut directement ignorer la science du salut pour ne pas avoir à s'abstenir du péché qu'il aime ; aussi parle-t-on en Job 21, 14, de certains hommes qui disent à Dieu : "Écarte-toi de nous, nous ne voulons pas connaître tes voies." En second lieu, on dit que l'ignorance est indirectement volontaire, parce qu'on ne s'applique pas à connaître, et c'est là l'ignorance de négligence. Mais comme on ne dit que quelqu'un est négligent que s'il omet de faire ce à quoi il est tenu, il ne paraît pas relever de la négligence que l'on n'applique pas son esprit à connaître n'importe quelle chose, mais seulement ce qu'on est tenu de savoir, soit de façon absolue et en tout temps - aussi l'ignorance du droit est tenue pour une négligence -, soit dans un cas particulier: ainsi celui qui tire des flèches dans un endroit où les hommes ont l'habitude de passer se verra imputer comme une négligence de ne pas avoir cherché à savoir si, alors, quelqu'un passe. Et cette ignorance qui se produit par négligence est jugée volontaire. Troisièmement, on parle d'une ignorance volontaire par accident, dans le cas où l'on veut directement ou indirectement un fait qui entraîne l'ignorance ; de façon directe, comme cela est clair chez l'ivrogne qui veut boire du vin plus qu'il ne convient, ce qui le prive de l'usage de la raison; de façon indirecte, lorsque quelqu'un néglige de repousser les mouvements des passions qui s'élèvent et qui, en se développant, lient l'usage de la raison dans le choix des biens particuliers; en vertu de quoi on dit que tout homme mauvais est un ignorant. Donc, puisque ce qui est causé par la volonté est compté pour volontaire dans le domaine moral, autant l'ignorance elle-même est volontaire, autant elle est loin de causer le non volontaire, et par conséquent, d'excuser le péché. Donc, lorsque quelqu'un veut de façon directe demeurer dans l'ignorance, afin de n pas être détourné du péché par son savoir, une telle ignorance n'excuse pas le péché, ni en tout ni en partie, mais l'augmente plutôt : c'est en effet à cause d'un grand amour du péché qu'il arrive que l'on veuille souffrir un détriment dans le savoir, afin d'adhérer librement au péché. Mais lorsque quelqu'un veut ignorer de façon indirecte parce qu'il néglige d'apprendre, ou même lorsqu'il veut l'ignorance par accident, quand il veut de façon directe ou indirecte ce qui entraîne l'ignorance, une telle ignorance ne cause pas totalement l'involontaire dans l'acte qui va suivre parce que, du fait même que cet acte procède d'une ignorance qui est volontaire, il est lui-même volontaire d'une certaine manière. Cependant, cette ignorance antécédente diminue le caractère volontaire : en effet, l'acte qui procède d'une telle ignorance est moins volontaire que si on l'avait choisi sciemment, sans aucune ignorance ; et c'est pourquoi une telle ignorance n'excuse pas complètement l'acte qui la suit, mais dans une certaine mesure. Mais il faut pourtant remarquer que parfois, l'acte qui suit et l'ignorance qui précède ne constituent qu'un seul péché, comme on dit que la volonté et l'acte extérieur ne font qu'un péché. Aussi peut-il arriver que le péché ne soit pas moins aggravé de par la volonté d'ignorer qu'il n'est excusé de par la diminution du caractère volontaire de l'acte. Si, par contre, l'ignorance n'est volontaire sous aucun des modes dont on vient de parler, par exemple lorsqu'elle est invincible et qu'elle existe sans aucun désordre de la volonté, elle rend alors l'acte qui la suit complètement involontaire. De Malo, III, a. 7, co.


3.
Enlevons déjà un écueil : je n'ai jamais posé les termes "d'état moribond" ou "à l'article de la mort", j'ai énoncé le moment de la séparation de l'âme et du corps. On parle bien ici de la mort sur un plan métaphysique.

Les actes moraux posés en notre vie conditionnant notre âme, au moment de notre mort tout se cristallisera, si l'on peut dire, se fixera dans une réponse unique, totale et irréversible.
Vous diriez clairement que tout est joué au dernier souffle de notre vie terrestre, que le moment de la cristallisation et ultime réponse se fait dans cette vie, ici-bas, au point ultime d'achèvement de notre vie terrestre, donc avant d'avoir trépassé, il n'y aurait pas de soucis.

Mais vous dites potentiellement autre chose. Il n'est nul besoin de forcer vos expressions pour y trouver l'idée que notre choix ultime - et en lui celui d'une possible et ultime conversion - se ferait post-mortem. Il est dommage que vous ne perceviez pas l'extrême toxicité d'une telle suggestion.

Or conjoignant à votre dernière citation ces deux autres, le masque tombe.
En effet, au moment de la mort on connait avec une acuité parfaite notre positionnement face à Dieu.
Ensuite, pour qu'il y ait péché mortel, il faut non seulement qu'il y ait gravité de la matière mais aussi conscience de cette gravité, il faut enfin poser un acte vraiment libre de commettre ce péché
Vous paraissez contredire ouvertement la foi catholique, en faisant dépendre le salut ou la perdition d'un choix, d'une réponse, après la mort, après la séparation définitive de l'âme et du corps. Cette théologie fiction, hétérodoxe en diable, d'une toxicité criminelle et assassine, ne mérite aucune sympathie.


4.
Restant sauf que le Christ a le dernier mot dans son jugement (si ça peut apaiser certains). Bien sûr qu'il n'est pas passif, c'est bien lui, garant des âmes, qui est à l'origine de la rédemption et qui garde cette initiative, qui a tenté jusqu'au bout de sortir le pécheur du risque de l'impénitence finale par toutes les armes de sa grâce.
« Jusqu’au bout » ? Votre propos est douteux, même si j'y incline. Douteux, car l'abus des grâces existe, et leur amenuisement sinon leur tarissement en sanction des abus les plus graves ne peut absolument s'exclure ici-bas, même si, fort heureusement, la miséricorde de Dieu est infinie.



5.
C'est tout le problème quand on est autodidacte… Mais, au risque de me répéter, comment peut-il en être autrement lorsque l'on [n’]a pas été introduit ? pas été accompagné ? Si vous avez autant d'énergie, pourquoi ne pas la dépenser dans une vraie formation ? plutôt que de perdre votre temps en débats stériles sur un forum ? Ce ne sont pas les formations en lignes qui manquent désormais…
Je laisse aux lecteurs le soin de juger lesquelles de nos formations respectives sont les plus pertinentes. Là où je pourrais vous rejoindre, c'est qu'on en sait jamais assez.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

Avatar de l’utilisateur
Olivier C
Consul
Consul
Messages : 1291
Inscription : jeu. 13 août 2009, 22:44
Conviction : Catholique
Localisation : Forum Segusiavorum
Contact :

Re: En aparté...

Message non lu par Olivier C » dim. 03 juil. 2022, 10:28

Altior a écrit :Vraiment vous ne vous rendez pas compte que tout cet « aparté » n'est qu'une longue attaque in personam, déguisée en bonnes intentions ? Dans ce message, vous ne dites rien sur le fond...
Tout à fait. L'accusation d'hétérodoxie ayant été publique, la réponse à titre personnel est publique. La réponse sur le "fond", c'est dans le poste suivant.
Je suis un simple serviteur, je ne fais que mon devoir.

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: En aparté...

Message non lu par ademimo » dim. 03 juil. 2022, 12:13

Sur le fond, vous êtes cependant obligé de recourir à des auteurs modernes (Charles Journet, Jacques Maritain)... cités comme représentatifs de la pensée thomiste. Mais pour ma part, je remarque une bifurcation considérable chez ces théologiens, sur lesquels s'appuie apparemment le magistère actuel (catéchisme de 1992) par rapport à l'enseignement constant de l'Eglise au cours des siècles précédents.

Pour le moment, je n'ai encore rien vu qui permette de démentir cette bifurcation dont la principale et spectaculaire innovation se résume à effacer l'intervention divine au Jugement Dernier. La doctrine catholique se serait donc radicalement transformée sans pouvoir se prévaloir d'une nouvelle "révélation".

Avatar de l’utilisateur
Riou
Barbarus
Barbarus

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Riou » dim. 03 juil. 2022, 12:17

ademimo a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 0:26


Pardonnez-moi, Riou, mais tout cela est bien imprécis et vague. Nous ne parlons pas de littérature et de poésie. Que l'homme puisse s'exclure volontairement de la communion, que ce soit pour l'amour des péchés, ou par perte de la foi, nous sommes tous d'accord.

Le problème n'est pas là. C'est ensuite que ça se corse. Normalement, Dieu est censé nous secourir en cette vie. Les péchés, tout le monde en commet. Donc déjà, il faut arrêter d'en parler, parce que ce n'est pas l'élément discriminant. Or, il est bien question d'une discrimination in fine, entre les élus et les damnés. Il y a donc une ligne de partage. Oublions un peu les portraits caricaturaux et radicaux du style des Possédés de Dostoïevski. Le plus commun des mortels se situe de part et d'autre de cette ligne de partage. Peu de chose distingue celui qui était au bord de la perdition et qui sera en définitive sauvé, et vice-versa. C'est d'ailleurs ce qui est effrayant. Il faut bien que la ligne de partage passe quelque part. Il s'en faudra d'un cheveu pour que certains soient sauvés et d'autres soient damnés.

Alors, qu'est-ce qui fera pencher la balance ? Personne ne sait vraiment. Mais il faudra bien que quelqu'un tranche. Qui est ce quelqu'un ? Dieu ou l'intéressé ?

Les modernistes disent que l'homme décide seul d'aller en Enfer. Dieu n'intervient pas du tout dans le processus. Très bien, alors comment ça se passe concrètement ? L'homme qui était au bord de la perdition, et qui a sans doute vécu dans un entre-deux, meurt. Et ensuite ? Il se passe quoi, concrètement, pour qu'il soit damné sans que Dieu intervienne ?

Mystère et boule de gomme.
Bonjour,

Plusieurs choses:
1) Mon propos ne disait pas que l'élément discriminant est le péché, puisque "tous les hommes sont pécheurs". Il était question de la "damnation", qui engage le rapport qu'entretient la conscience face à ses péchés et face à Dieu.
2) L'unique objectif de mon message consistait à préciser les raisons de l'expression "auto-exclusion définitive" qu'on trouve dans le catéchisme pour définir l'enfer. Il me semble que certains rejettent cette expression, car elle serait déjà trop "moderniste", pour reprendre les insultes en vigueur. Ainsi, la question de savoir qui est coupable de la damnation permet d'éclairer ce problème de l'auto-exclusion.
3) Poésie et littérature ne sont pas de vagues caricatures imprécises, mais des explorations très profondes du cœur humain. Pour avoir déjà longuement discuté avec des libertins au sens théorique et pratique, je peux vous dire que la phrase de Baudelaire est loin d'être exotique. Par ailleurs, je ne faisais pas référence à ces seuls éléments littéraires, puisque je mobilise d'autres choses, plus "communes", si on veut, mais pas moins efficientes.

Avatar de l’utilisateur
Perlum Pimpum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1070
Inscription : lun. 19 avr. 2021, 23:28
Conviction : Chrétien
Localisation : Berry

Re: En aparté...

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 03 juil. 2022, 13:22

Altior a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 6:47
Olivier C a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 0:43
C'est tout le problème quand on est autodidacte
Vraiment vous ne vous rendez pas compte que tout cet « aparté » n'est qu'une longue attaque in personam, déguisée en bonnes intentions ? Dans ce message, vous ne dites rien sur le fond, tout ce que vous dites c'est que votre interlocuteur n'est pas qualifié d'avoir une position et qu'il n'est pas qualifié parce qu'il est mal formé. Je doute que ça soit comme ça qu'on va avancer ...
:)

Son message aigre-doux ne m'a pas contristé. Je l'ai même trouvé sympathique en son fond. ;)
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

Avatar de l’utilisateur
Olivier C
Consul
Consul
Messages : 1291
Inscription : jeu. 13 août 2009, 22:44
Conviction : Catholique
Localisation : Forum Segusiavorum
Contact :

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Olivier C » dim. 03 juil. 2022, 15:27

ademimo a écrit :Pour le moment, je n'ai encore rien vu qui permette de démentir cette bifurcation dont la principale et spectaculaire innovation se résume à effacer l'intervention divine au Jugement Dernier. La doctrine catholique se serait donc radicalement transformée sans pouvoir se prévaloir d'une nouvelle "révélation".
Non, la doctrine ne s'est pas transformée (et les textes du magistère antérieur sont toujours valables bien sûr). Il s'agit simplement de rendre compte de ce qui se joue subjectivement du côté de l'âme (la "substance séparée" dont il était question plus haut), tout en gardant sauf l'intervention divine dans toute sa Royale Majesté (je comprends que vous y teniez, je n'ai pas de problème avec ça et, que je sache, le magistère actuel non plus d'ailleurs).

Pour le formuler autrement, peut être faudrait-il dire que, au moment de la séparation de l'âme et du corps, l'âme d'un futur damné se prédispose irrémédiablement en vue de sa condamnation, et le Juge des âmes acte cet état de fait en proclamant sa sentence a effet immédiat. Ce décret divin n'est pas du tout passif.
Je suis un simple serviteur, je ne fais que mon devoir.

Avatar de l’utilisateur
Perlum Pimpum
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1070
Inscription : lun. 19 avr. 2021, 23:28
Conviction : Chrétien
Localisation : Berry

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 03 juil. 2022, 16:57

Olivier C a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 15:27

Pour le formuler autrement, peut être faudrait-il dire que, au moment de la séparation de l'âme et du corps, l'âme d'un futur damné se prédispose irrémédiablement en vue de sa condamnation, et le Juge des âmes acte cet état de fait en proclamant sa sentence a effet immédiat. Ce décret divin n'est pas du tout passif.
Pour le formuler catholiquement, il faut dire que la prédisposition irrémédiable est à l'extrême fin de notre vie terrestre, de sorte que les substances séparées reçoivent de leur séparation cette irrémédiable prédisposition...

Et pendant que j'y suis,
[+] Texte masqué
Jean Paul II, Veritatis splendor, 78 a écrit :
« La moralité de l'acte humain dépend avant tout et fondamentalement de l'objet raisonnablement choisi par la volonté délibérée, comme le montre d'ailleurs la pénétrante analyse, toujours valable, de saint Thomas. »

« Par objet d'un acte moral déterminé, on ne peut donc entendre un processus ou un événement d'ordre seulement physique, à évaluer selon qu'il provoque un état de choses déterminé dans le monde extérieur. Il est la fin prochaine d'un choix délibéré qui détermine l'acte du vouloir de la personne qui agit. En ce sens, comme l'enseigne le Catéchisme de l’Église catholique, « il y a des comportements concrets qu'il est toujours erroné de choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c'est-à-dire un mal moral ». « Souvent — écrit l'Aquinate —, l'homme agit avec une intention droite, mais cela ne lui sert de rien, car la bonne volonté lui manque ; comme si, par exemple, quelqu'un vole pour nourrir un pauvre, son intention assurément est droite, mais il lui manque la rectitude de la volonté, qui fait que la rectitude d'intention n'excuse jamais une mauvaise action. " Comme certains nous accusent outrageusement de le dire, devrions-nous faire le mal pour qu'en sorte le bien ? Ceux-là méritent leur propre condamnation " (Rm 3, 8) ».

La raison pour laquelle la bonne intention ne suffit pas mais pour laquelle il convient de faire le choix juste des œuvres réside dans le fait que l'acte humain dépend de son objet, c'est-à-dire de la possibilité ou non d'ordonner celui-ci à Dieu, à Celui qui « seul est le Bon », et ainsi réalise la perfection de la personne. En conséquence, l'acte est bon si son objet est conforme au bien de la personne dans le respect des biens moralement importants pour elle. L'éthique chrétienne, qui privilégie l'attention à l'objet moral, ne refuse pas de considérer la « téléologie » intrinsèque de l'agir, en tant qu'orientée vers la promotion du vrai bien de la personne, mais elle reconnaît que ce bien n'est réellement poursuivi que si les éléments essentiels de la nature humaine sont respectés. L'acte humain, bon selon son objet, peut être aussi ordonné à la fin ultime. Et cet acte accède à sa perfection ultime et décisive quand la volonté l'ordonne effectivement à Dieu par la charité. En ce sens, le Patron des moralistes et des confesseurs enseigne : « Il ne suffit pas de faire des œuvres bonnes, mais il faut les faire bien. Afin que nos œuvres soient bonnes et parfaites, il est nécessaire de les faire dans le seul but de plaire à Dieu » »
Jean Paul II, Veritatis splendor, 79 a écrit :
« Il faut donc repousser la thèse des théories téléologiques et proportionnalistes selon laquelle il serait impossible de qualifier comme moralement mauvais selon son genre — son « objet » — le choix délibéré de certains comportements ou de certains actes déterminés, en les séparant de l'intention dans laquelle le choix a été fait ou de la totalité des conséquences prévisibles de cet acte pour toutes les personnes concernées. » L'élément primordial et décisif pour le jugement moral est l'objet de l'acte de l'homme, lequel décide si son acte peut être orienté au bien et à la fin ultime, qui est Dieu.
Jean Paul II, Veritatis splendor, 80 a écrit :
Or, la raison atteste qu'il peut exister des objets de l'acte humain qui se présentent comme « ne pouvant être ordonnés » à Dieu, parce qu'ils sont en contradiction radicale avec le bien de la personne, créée à l'image de Dieu. Ce sont les actes qui, dans la tradition morale de l’Église, ont été appelés « intrinsèquement mauvais » (intrinsece malum) : ils le sont toujours et en eux-mêmes, c'est-à-dire en raison de leur objet même, indépendamment des intentions ultérieures de celui qui agit et des circonstances. De ce fait, sans aucunement nier l'influence que les circonstances, et surtout les intentions, exercent sur la moralité, l’Église enseigne « qu'il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet »
Jean Paul II, Veritatis splendor, 81 a écrit :
« En montrant l'existence d'actes intrinsèquement mauvais, l’Église reprend la doctrine de l’Écriture Sainte. L'Apôtre Paul l'affirme catégoriquement : « Ne vous y trompez pas! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces, n'hériteront du Royaume de Dieu » (1 Co 6, 9-10). Si les actes sont intrinsèquement mauvais, une intention bonne ou des circonstances particulières peuvent en atténuer la malice, mais ne peuvent pas la supprimer. Ce sont des actes « irrémédiablement » mauvais ; par eux-mêmes et en eux-mêmes, ils ne peuvent être ordonnés à Dieu et au bien de la personne : « Quant aux actes qui sont par eux-mêmes des péchés (cum iam opera ipsa peccata sunt) — écrit saint Augustin —, comme le vol, la fornication, les blasphèmes, ou d'autres actes semblables, qui oserait affirmer que, accomplis pour de bonnes raisons (causis bonis), ils ne seraient pas des péchés ou, conclusion encore plus absurde, qu'ils seraient des péchés justifiés ? » De ce fait, les circonstances ou les intentions ne pourront jamais transformer un acte intrinsèquement malhonnête de par son objet en un acte « subjectivement » honnête ou défendable comme choix. »
Jean Paul II, Veritatis splendor, 82 a écrit :
« La doctrine de l'objet, source de la moralité, constitue une explicitation authentique de la morale biblique de l'Alliance et des commandements, de la charité et des vertus. La qualité morale de l'agir humain dépend de cette fidélité aux commandements, expression d'obéissance et d'amour. C'est pour cette raison, nous le répétons, qu'il faut repousser comme erronée l'opinion qui considère qu'il est impossible de qualifier moralement comme mauvais selon son genre le choix délibéré de certains comportements ou actes déterminés, en faisant abstraction de l'intention pour laquelle le choix est fait ou de la totalité des conséquences prévisibles de cet acte pour toutes les personnes concernées. Sans cette détermination rationnelle de la moralité de l'agir humain, il serait impossible d'affirmer un « ordre moral objectif » »
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

ademimo
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 1009
Inscription : mar. 14 juil. 2020, 21:10
Conviction : catholique

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par ademimo » dim. 03 juil. 2022, 19:18

Olivier C a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 15:27
ademimo a écrit :Pour le moment, je n'ai encore rien vu qui permette de démentir cette bifurcation dont la principale et spectaculaire innovation se résume à effacer l'intervention divine au Jugement Dernier. La doctrine catholique se serait donc radicalement transformée sans pouvoir se prévaloir d'une nouvelle "révélation".
Non, la doctrine ne s'est pas transformée (et les textes du magistère antérieur sont toujours valables bien sûr). Il s'agit simplement de rendre compte de ce qui se joue subjectivement du côté de l'âme (la "substance séparée" dont il était question plus haut), tout en gardant sauf l'intervention divine dans toute sa Royale Majesté (je comprends que vous y teniez, je n'ai pas de problème avec ça et, que je sache, le magistère actuel non plus d'ailleurs).

Pour le formuler autrement, peut être faudrait-il dire que, au moment de la séparation de l'âme et du corps, l'âme d'un futur damné se prédispose irrémédiablement en vue de sa condamnation, et le Juge des âmes acte cet état de fait en proclamant sa sentence a effet immédiat. Ce décret divin n'est pas du tout passif.
Vous vous trompez, je ne tiens pas du tout à la figure terrible du Dieu Juge. Mon approche n'est pas de me repaître d'une vision fantasmée et fétichiste, mais de m'assurer du maintien de la cohérence doctrinale de l'Eglise. La doctrine est ce qu'elle est, qu'elle me plaise ou non, et qu'elle vous plaise ou non. Elle n'a pas à être aménagée en fonction de nos mentalités et de nos attentes. La "révélation" est censée venir d'en-haut, et non d'en-bas. Si l'ancienne doctrine est remplacée par une nouvelle en conformité avec les mentalités modernes, je regrette de vous dire que la religion catholique ne peut plus se prévaloir d'une quelconque "révélation".

Or vous évoquez ce qui semble bel et bien un apport doctrinal, une "nouveauté" : "ce qui se joue subjectivement dans l'âme". Voulez-vous dire que l'homme se damnerait ici bas dans son inconscient ? Ce serait terrible, car cela voudrait dire que nous n'aurions aucune prise sur notre éventuelle conversion. Votre théorie rejoint presque celle de la prédestination. Notre âme prendrait la décision, sans que notre être conscient en soit avisé, de se damner.

Et bien entendu, vous - avec les auteurs modernistes et libéraux - semblez tirer cela de votre chapeau, car cette idée n'a tout simplement jamais été formulée avant vous. Et de recourir à une pirouette pour éviter de présenter Dieu sous un jour passif : ce dernier "acterait" la décision prise par l'âme, ce qui revient exactement au même. Dieu ne déciderait rien, et assisterait impuissant ou indifférent à la damnation de sa créature.

Mais je comprends très bien que les auteurs modernes en soit arrivés à une pareille doctrine. Un Dieu qui juge et condamne à l'Enfer ne peut plus être compris et accepté dans une perspective d'amour infini par la pensée moderne. Donc la seule solution, pour maintenir debout l'édifice chrétien, c'est de transférer la décision de la damnation au seul damné. Ainsi la figure du Dieu d'amour est intégralement sauvegardée et n'est plus entachée de cette chose horrible qu'est la damnation éternelle.

Sauf que cette solution pose plusieurs problèmes :
- le caractère nouveau de la théorie, reposant sur aucune "révélation".
- l'inaction de Dieu et son impuissance face à l'existence de l'Enfer, alors qu'il est censé être Tout-puissant.
- l'absence de prise de l'homme sur sa conversion en son for intérieur. Tout se passerait dans une zone de l'âme inaccessible au conscient.
- ce qui est également gênant, c'est que si l'homme peut décider tout seul de se damner, ça veut aussi dire qu'il peut s'inviter au Paradis de son propre chef. Dieu serait donc juste le portier ? Que devient la notion d'élection ?
- et surtout, la raison d'être de ce dispositif. Pourquoi l'Enfer ? En fin de compte, on n'en comprend plus très bien le motif. Dieu ne veut pas de l'Enfer, mais l'Enfer existe quand même et s'impose à lui, contre sa volonté. C'est cocasse et incohérent. Si Dieu est vraiment Dieu, il devrait bien avoir d'autres solutions sous la main pour orienter d'éventuels pécheurs endurcis dans une autre voie.
- sans compter un certain nombre de passages des Évangiles, et du reste du Nouveau Testament, qui n'ont aucune ambiguïté... Mais du coup, on comprend mieux pourquoi le Mauvais riche de la parabole ne doit surtout pas être placé dans l'Enfer selon la nouvelle catéchèse. Quitte à tordre grossièrement le bras au texte.

Altior
Tribunus plebis
Tribunus plebis
Messages : 2850
Inscription : sam. 05 juil. 2008, 23:59
Conviction : catholique traditionaliste
Localisation : In Ecclesia Dei

Re: Dieu peut-Il refuser de pardonner ?

Message non lu par Altior » dim. 03 juil. 2022, 21:48

ademimo a écrit :
dim. 03 juil. 2022, 19:18
Sauf que cette solution pose plusieurs problèmes :
Moi, ça me pose un problème de plus. Si "au moment de la séparation de l'âme et du corps", c'est à dire quand tout est en train de devenir plus clair, il y a des âmes qui se "prédisposent irrémédiablement" vers l'enfer, alors ça fait très peu de monde. Hormis un hypothétique masochiste qui tire son plaisir des propres souffrances, je ne vois pas qui serait en enfer. Et non, cette supposée "prédisposition irrémédiable" ne pourrait pas être sans participation aucune du conscient, car le bon Dieu ne condamne pas des inconscients.

Tout cela vient en contradiction avec la foi de toujours, partagée par d'innombrables Pères et Saints, transmise par Notre Seigneur personnellement, selon laquelle le nombre des locataires en enfer dépasse bien le nombre des locataires de la Maison du Père.

Toute cette theorie me semble très proche de la théorie que je trouve fumeuse d'un théologien présent partout sur la toile, y compris sur ce forum, théologien qui, lui aussi, se revendique d'être thomiste.

Olivier, quelle est la différence fondamentale entre ce que vous soutenez et la théorie d'Arnaud Dumouch ?

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Foxy et 88 invités