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par ademimo » mer. 16 févr. 2022, 2:01
L'opposition entre république et monarchie n'est pas aussi fondamentale qu'elle y paraît. Comme quelqu'un l'a rappelé ci-dessus, au départ, dans l'aire occidentale, la république est née à Rome à la chute de Tarquin le Superbe, un roi étrusque. Elle signifiait que dorénavant, les citoyens romains allaient prendre leur destin en main sans qu'il dépende d'un tyran.
L'Occident a-t-il complètement rompu avec cet acte fondateur ? Jamais complètement. De cité-état, Rome est devenue un empire en étendant son territoire. Progressivement, elle a répandu le "droit de cité" en distribuant le titre de citoyen dans les provinces constituées. Pour rappel, saint Paul était l'un d'eux. Elle a bien changé de mode de gouvernement en instituant ce qu'on appelle l'Empire, mais la "république", en réalité, n'a jamais été abolie. L'empereur était le "premier" des citoyens, ce qui constituait la magistrature la plus élevée. Le Sénat a continué de se réunir, même s'il n'était plus que l'ombre de lui-même. Mais ce qui est important, c'est que l'empereur n'est jamais formellement devenu un "roi", mais est demeuré le représentant du "peuple romain". C'est un peu pour cette raison que les successions se réglaient dans les guerres civiles, étant donné que le soldat romain représentait le "peuple romain".
Là-dessus interviennent les rois "barbares". Mais ceux-ci entrent en scène avec des fonctions politiques découlant directement du fonctionnement de la république. Childéric, père de Clovis, exerçait son pouvoir en tant que magistrat romain. Autrement dit, il exerçait une part de cette magistrature romaine correspondant au territoire (la seconde Belgique, je crois) dont il avait la charge.
Par la suite, les rois francs n'ont cessé de se réclamer de l'héritage romain. Au point qu'ils ont toujours gardé, eux et leurs propres héritiers, pour objectif de rétablir la fonction impériale romaine, qui demeurait d'une certaine vacante. Ou du moins, elle l'était en Occident, mais pas en Orient. Pendant ce temps, le Sénat survit quelques temps à Rome, puis le titre de "sénateur" continue de se transmettre durant le moyen-âge. Entre temps, la couronne impériale a été rétablie, cette fois avec l'aide de l'Eglise. Puis les électeurs de l'empire allemand prennent le relais politique de l'ancien sénat.
Bien sûr, ces reliquats n'ont plus rien à voir avec le sénat des origines. Mais l'idéal de la république est demeurée dans les esprits, et se ranime au cours du moyen-âge, en Italie ou en Suisse.
Ceci étant, la république ne se résume pas à un ensemble de fonctions de gouvernement, mais s'étend aussi à une certaine compréhension du droit. Le droit romain est resté ancré en Europe, et il se développe au travers des parlements, par exemple en France. Si l'on entend par république la "chose publique", on peut dire qu'elle a existé, d'une certaine manière, sous l'ancien régime, dans différents royaumes et principautés. Par exemple, le roi de France n'a jamais été un tyran absolu, mais a toujours composé avec les parlements, jusqu'à connaître des conflits parfois houleux.
Au fond, la révolution, c'est la soumission finale du roi au parlement, en conclusion d'un long conflit qui durait depuis trois siècles.
C'est un tournant spectaculaire, mais pas une coupure totale.
La république aurait-elle pu être catholique ? La monarchie est-elle le seul régime viable pour le catholicisme ? À mon avis, les deux régimes sont à la fois combinables ou potentiellement incompatible au catholicisme. L'anglicanisme a bien été rendu possible par un régime monarchique plutôt autoritaire, par exemple. Le protestantisme s'est implanté également en milieu monarchique et princier. D'un autre côté, l'organisation interne de l'Eglise, avec sa collégialité, forme bien une sorte de république. Une république pourrait donc tout à fait être catholique, du moins tant que le "peuple" et son "Sénat" en conviennent.
Rien n'est vraiment acquis. Que ce soit en monarchie ou en république.