Retour des douleurs et du sentiment de fragilité

[boisvert]

Un mois est passé depuis les funérailles de mon père et le départ consécutif de ma mère en maison de repos. Durant ce mois, seul dans l'ancienne maison familiale, j'ai reçu tant d'énergie que j'ai pu remplir la majeure partie de toutes les démarches administratives en pareil cas, ainsi que mes autres obligations, sans même ressentir une réelle fatigue. J'ai également entrepris d'entrer dans de nouvelles relations afin de "meubler" (du moins en espérance) l'absence de mes deux parents. Je les avais servis sans interruption d'un seul jour depuis 1990.

Et puis tout d'un coup, au cours de cette semaine, à la suite d'une rupture du système d'évacuation d'eau dans la buanderie, et des tentatives vaines de réparation que j'ai entreprises avant d'appeler un plombier... le chagrin m'est tombé dessus sans crier gare. Maintenant, je me sens véritablement orphelin. Même si ma vieille maman est encore là, en fait, rien n'est plus pareil.... Ce que mon vieux père peut me manquer ! J'ai demandé à mes sœurs de m'envoyer une photo récente - lorsqu'il était visible déjà qu'il allait très mal, car en vérité je ne me souviens pratiquement plus de sa figure lorsqu'il avait encore beaucoup de chair sur les os ! Depuis 2005, je ne l'ai connu qu'avec un visage émacié, raide et tendu, la voix fluette et le regard suppliant. Hier soir, comme je disais tout cela au téléphone à ma mère: "Il était ainsi et tel qu'il était je l'aimais !" , j'ai craqué et j'ai dû raccrocher tant mes larmes m'ont donné le hoquet et j'ai eu difficile de m'arrêter. Et curieusement ce matin, je ressens des douleurs à l'endroit d'une ancienne fracture dans le pied, pourtant guérie. Mais voilà qui ne fait qu'accroître en moi la hantise de la solitude et de la vieillesse. "Et si... et si... !" Normalement, je ne suis pas du genre à formuler des refrains de la sorte... mais je ne vis pas une période "normale".

Je me propose de prier cet après-midi pour le respect de la dignité des personnes souffrantes. Mon père Gabriel est mort dans un couloir d'hôpital où, rentabilité oblige, il ne restait le dimanche que trois infirmières pour vingt-sept vieillards. La veille de sa mort, j'avais bavardé avec l'une d'entre elles qui m'avait déclaré: "Ici, ce n'est plus l'hôpital, c'est devenu l'usine. Tout le personnel infirmier cherche à se faire embaucher ailleurs parce que la partie "compassion" de ce métier est perdue : le matin, dix minutes pour chaque chambre de deux malades, dont la moitié pour les soins, l'autre moitié pour le repas".... C'est ainsi que papa est décédé le 9 avril à 9 heures, alors qu'on était en train de le remettre au lit après le petit déjeuner... et voilà comment a fini le professeur de Sciences, le chef de laboratoire, l'entomologiste à qui l'on a proposé un jour un siège à la Sorbonne - mais il se moquait bien des honneurs. Tout de même, il méritait mieux que de faire de sa mort une sorte d'évasion contre l'acharnement d'un médecin qui voulait absolument le "récupérer". Finalement, je crois que le fameux "staphylocoque doré" a joué le rôle d'arbitre.

Seigneur, en tout ceci, je ne me rebelle en rien, mais de grâce, soutenez-moi, prenez-moi par la main si nécessaire pour m'aider à avancer dans l'abandon de confiance et dans la foi !

[Christophe]

Bonjour Étienne !

Que la Paix soit avec vous !

Pour tout vous dire, lisant régulièrement vos interventions sur le forum, je me doutais un peu que - tôt ou tard - le deuil de votre père allait vous éprouver... Vos sentiments de solitude et d'abandon sont tout ce qu'il y a de plus naturels. Soyez assuré que je vous soutiens par la prière dans cette épreuve. N'hésitez pas à vous reposer sur l'épaule du Christ, dans la prière... Il faut laisser du temps au temps pour que les blessures cicatrisent...

Que Dieu vous bénisse !
Christophe

PS : N'oubliez pas que vous avez un compte utilisateur (etienne lorant), que vous pouvez utiliser afin que vos interventions soient publiées sans passer par une validation de la modération...

[FMD]

Bonsoir Étienne,

Je sais que les mots sont bien faibles lorsqu’on vit pareil moment, permettez-moi toutefois de partager avec vous ce texte des Confessions dont la lecture me fit le plus grand bien lors d’un précédent deuil:

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saint ... c509573590

Soyez également assuré de mes prières.

Reste avec nous, Seigneur, parce que le jour décline. (Lc XXIV, 29)

Franck