Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

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Panétius
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Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Panétius » sam. 27 nov. 2021, 18:10

Bonjour,

Comme dit dans mon message de présentation, je suis atteint de troubles psychiques depuis mon adolescence, troubles qui ont gravement altéré mes capacités de socialisation. Cela ne vient pas de nulle part : mon enfance et mon adolescence ont été marquées par la violence extrême de mon père à mon égard.

Je souffre ainsi d'une extrême solitude, de dépression et ne parviens pas à me mêler aux autres.

Je crois que, si je suis si déprimé, si malheureux, c'est parce que je suis incapable d'aimer. Et cela pour la raison que, pour mon père, je n'étais qu'une "erreur", un déchet. De même que les aveugles de naissance ne peuvent concevoir ce qu'est une couleur déterminée, le bleu par exemple, de même je ne comprends pas ce que veut dire aimer quelqu'un. Attention, je ne parle pas de l'amour sentimental, je parle de cet amour que les Grecs appellent agapé : une anecdote tirée du livre d'Alexandre Jollien (Traité de l'abandon) vous éclairera sur ce que je veux dire : il était à Jérusalem en compagnie d'un père, frère Benoît, mais, le voyant peu, il ne cessait de s'ennuyer et de souffrir, ce qui le conduisit à commettre un acte un peu déplacé dans une église de la ville. Il s'en confia au frère Benoît qui lui répondit : " Tu peux faire n'importe quoi, tu ne peux pas faire que je ne t'aime pas".

C'est quelque chose que je n'arrive pas à comprendre. Ce frère Benoît m'apparait comme un extra-terrestre ou, plus platement, comme un "idéaliste" au sens le plus péjoratif du mot, ce qu'il dit me paraît impossible. Moi, la phrase qui résume mon existence, en est le contraire total : "Tu peux faire n'importe quoi, tu ne peux pas faire que je t'aime". Et j'ai l'impression que chaque être que je connais (ou même ne connais pas) est tout le temps en train de me la dire.

Puis-je aimer, malgré le fait que je n'en ai pas fait l'expérience moi-même ?

Si aimer les autres peut s'apprendre, comment s'y prendre concrètement ?

Merci d'avance de vos réponses,

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Anachorète moderne
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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Anachorète moderne » sam. 27 nov. 2021, 20:27

Bonjour,

Premièrement vous êtes aimé de Dieu.

Secondement, vous devriez vous détacher du regard des autres car il n'est pas fidèle a ce que vous êtes. Cherchez à plaire à Dieu.

En somme, ne vous fiez pas aux apparences. Je sais que la pression psychologique ( réelle ou imaginée ) peut amener à penser quelque chose de faux. Si vous êtes constamment humilié, difficile d'avoir une bonne estime de soi. Mais il faut vraiment dépasser cela. Je pense faire des progrès d'ailleurs à ce niveau là.

J'ai vécu des choses vraiment dures et un harcèlement très lourd. Mais l'amour, ce n'est pas un truc fastoche en ce monde brutal et dépourvu de sensibilité. Néanmoins, je vous conseille à votre rythme de pardonner. Et d'aimer les autres même si ils ne vous le rendent pas. Je pense que Dieu vous le rendra si vous le faites véritablement. Il ne vous rendra pas ça en billets de banque mais probablement d'une façon... Difficile sinon impossible à concevoir ici-bas. Je ne pense pas que Dieu soit sans considération pour la bonté et la façon dont elle est bafouée ici-bas.

Comment s'y prendre ? Déjà demandez le à Dieu, la charité est une vertu théologale. Quelques pistes : se détacher du regard des autres, pardonnez, cherchez à aider les autres, priez, arrêtez de croire que votre amour doit être ressenti et que si vous ne le ressentez pas, Dieu est forcément absent, savoir souffrir pour la justice, avancer doucement.

Et éventuelllement, le meilleur conseil qu'on m'a donné ici, c'est d'avoir un accompagnateur spirituel. Car je n'avais aucune considération pour l'Eucharistie, la confession, la confirmation avant cela. Peut-être que ça pourrait vous aider ? A vous de voir.

Bon courage. Je souffre moi-même depuis longtemps. Pas d'amis, portes fermées a cause de mes soucis et de mon mal-être.. je compatis à ma mesure.

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Panétius » sam. 27 nov. 2021, 21:47

Merci pour votre réponse détaillée.

Aimer l'autre, ce me semble, c'est être disponible pour lui : en d'autres termes, c'est lui faire don de sa personne (don qui peut aller d'un simple sourire -- une attention bienveillante-- au sacrifice de sa vie, tel le Christ).

Seulement, question : ne peut-on pas dire qu'on ne peut donner que si on est "riche" ? En effet, pour donner, il faut bien avoir quelque chose à donner. Celui qui est "pauvre", n'a rien et ne peut donc rien donner. Mais peut-être que je confonds ici les biens spirituels, la personne, qui n'est jamais assez pauvre pour ne rien avoir, et les biens matériels ?

Cela dit, je me sens tellement envahi par l'esprit de révolte, j'ai tellement la sensation aiguë que vivre est, pour moi, avaler une soupe amère, je suis tellement dans la colère et le refus, notamment le refus que ma mère meure (elle a 87 ans) que je me sens spirituellement très pauvre.

Entièrement d'accord avec vous sur le fait que ce chemin vers l'amour doit se construire en agissant plus qu'en théorisant (même si la lecture des Evangiles aide) : des choses "toutes bêtes" (et qui, en fait, ne le sont pas) : dire bonjour "en le pensant" (et pas seulement par réflexe social), aider les autres dans des tâches très simples, afin de donner de soi, etc. Mais il ne faut surtout pas chercher à renoncer à soi, meilleur moyen de se perdre, mais plutôt à s'effacer un instant pour ensuite se retrouver dans l'autre --, de même que lui se retrouve en nous.

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Trinité » sam. 27 nov. 2021, 22:41

Très beau votre message" Anachorète moderne "

Vous verrez cher panétius, en commençant "petit", vous découvrirez que vous n'êtes pas pauvre...en amour...

Vous avez été tellement sevré d'Amour dans votre vie, que cela vous semble impossible, et pourtant...

Faites des petits gestes d'amour tous les jours . Exemple : laisser passer une personne aux caisses d'un magasin à votre place , Aider une personne

âgée , à traverser une rue , ou pourquoi pas à porter ses courses , mille choses, je dirai banales, qui font parties de l'Amour...

Et le soir, vous faites le bilan... ;) vous verrez la joie que vous en retirerez . :)

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Anachorète moderne » sam. 27 nov. 2021, 22:58

Si je comprends bien le sens de votre question, vous demandez si il faut être doué de talents spirituels pour offrir aux autres ? C'est cela ? Si on en a pas, on ne peut rien donner ?

Je vais essayer d'y répondre.

Je pense que Dieu pourvoit en nous des talents... Pas également mais il donne toujours quelque chose. Le tout, c'est de le(s) faire fructifier. Finalement, c'est la charité qui fait la différence plus que certaines " aptitudes ". Après on a forcément des limites... Mais justement Dieu vient nous aider dans notre insuffisance naturelle par sa grâce. Donc, chaque personne étant singulière, je ne peux savoir quel don Dieu déposerait en vous. Mais il y en a forcément.

Pour ce qui est de " renoncer à soi "... Le christ n'est pas d'accord avec vous, on dirait : " Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. " (Luc 14, 26)

Vous verrez, je pense, très peu de personnes aller jusque là. Pourtant le Christ était clair. Après je vous conçois que c'est un chemin difficile. Renoncer à soi pour le Christ, c'est finalement faire du bien aux autres ( surtout à Dieu ) mais aussi à soi-même. c'est renoncer à sa volonté ( qui est "suicidaire" contre toute apparence ).

Enfin, c'est plutôt avoir pour volonté propre de faire la volonté de Dieu.

Je ne moralise pas, que ce soit clair. Cette conversion on y travaille toujours, moi aussi d'ailleurs. Mais finalement le mieux qu'on puisse offrir à quelqu'un n'est pas de lui donner quelques faux espoirs, mais de chercher à ce qu'il obtienne son salut, à ce qu'il réussisse vraiment sa vie.

Je vous donne mon point de vue.

Je sais par expérience qu'il faut y aller petit à petit. Et là c'est peut-être un peu maladroit de ma part de vous faire part du plus difficile. Le mieux serait peut-être d'apaiser cet amertume dont vous parlez pour commencer. Méditez sur ça d'abord. Le reste vous appartient.

Je viens de noter que vous êtes " agnostique ", personnellement je suis un chrétien convaincu, mais la foi aussi est une vertu théologale. Je pense que je peux participer pour vous aider à l'avoir, mais certainement pas avoir la touche décisive, celle là vient de Dieu lui-même.

D'habite, je ne prends pas trop la parole car j'ai peur de paraître moralisateur ou de donner des mauvais conseils . Mais j'ai répondu précisément parce que je résiste difficilement à un tel appel, d'autant plus que vous paraissez de bonne volonté, et sincèrement. Puis, la souffrance ça me connait ( dépression chronique et j'en passe figurez-vous... ). Je me sens donc plus apte à compatir ayant vécu la souffrance morale moi-même. Et c'est ce que je vous apporte, j'espère que ça vous apportera un peu de chaleur dans votre coeur.

Je vous apporte finalement mes encouragements dans ce chemin ardu, mais qui vaut la peine d'être pris, celui de l'Amour. Je vous encourage aussi par rapport aux souffrances évoquées, j'espère qu'elles ne seront pas un obstacle à votre Amour quoiqu'il arrive.

Voilà, je laisse d'autres personnes vous répondre.

Bien à vous. :ciao: :coeur:

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par gerardh » sam. 27 nov. 2021, 23:01

__

Bonjour,

Ce cantique pourrait vous aider :

"Es-tu lassé, rempli de tristesse
Dis tout à Jésus, dis tout à Jésus
Son cœur est ouvert à ta voix sans cesse
Dis tout à jésus, dis-lui tout."


__

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Panétius » mar. 30 nov. 2021, 1:18

Merci beaucoup, Anachorète, pour votre dernier message très précis. Je vous réponds un peu tardivement, j'ai mes bons et mauvais jours...
Anachorète moderne a écrit :
sam. 27 nov. 2021, 22:58
Si je comprends bien le sens de votre question, vous demandez si il faut être doué de talents spirituels pour offrir aux autres ? C'est cela ? Si on en a pas, on ne peut rien donner ?
Je parlais, en fait, de n'importe quelle chose qu'on peut posséder : ce peut-être les talents spirituels, comme des biens matériels (faire une aumône suppose qu'on ait de l'argent sur soi), ou de compétences relationnelles (comme l'empathie), etc.

D'un point de vue purement logique et causal, on ne peut pas donner ce qu'on n'a pas. La question rebondit ensuite : concernant les biens physiques, on peut potentiellement tous les acquérir ; mais qu'en est-il des "biens de l'âme" ? Il est, en effet, dans notre nature d'humain que certains biens ne peuvent s'acquérir sans qu'il y ait transmission et apprentissage : par exemple, on ne peut apprendre à écrire tout seul, ni à parler (voir les cas "d'enfants sauvages" qui passionnaient les penseurs du XVIIIème siècle). Je me demandais alors, dans ce cadre de pensée, si l'amour faisait partie de ces biens qui demandent une médiation éducative : si l'on n'a jamais été aimé, peut-on, par soi-même, être capable d'aimer ? Peut-on, quasiment en autodidacte, apprendre l'amour et aimer les gens ?

Je me pose cette question sérieusement car, de fait, je me sens "vide d'amour". J'ai certes, dans mon jeune âge, été amoureux de jeunes filles, j'ai aimé des activités (comme la musique), des disciplines (comme les sciences), etc. Mais tout cela n'est pas l'amour. Je n'en saurais donner aucune définition et, quand j'essaye, je ne vois que du vide.

Je pourrais cependant tenter de concevoir cette notion par contraste car je connais la haine : c'est la volonté de détruire l'autre. Je l'ai vécue de la part de mon père et il me l'a transmise. Ayant médité sur cette passion triste, je sais que ce qui nourrit la haine c'est principalement le manque de confiance en l'autre (qui n'est qu'une expression du manque de confiance en soi), voire la peur qu'il inspire : cet autre, d'une manière ou d'une autre nous le percevons comme nous mettant en danger (c'est "lui ou nous") et c'est ainsi que peut naître la haine.
Je pense que Dieu pourvoit en nous des talents... Pas également mais il donne toujours quelque chose. Le tout, c'est de le(s) faire fructifier. Finalement, c'est la charité qui fait la différence plus que certaines " aptitudes ".
Oui, vous avez écrit le mot qui d'une certaine manière me hante : la charité est ce que je cherche à éprouver. Et, pour cela, il faut avoir tout d'abord foi en soi-même car une image de soi harmonieuse et fidèle à la réalité permet justement de distinguer les gens qui ne nous veulent pas de mal et les autres (tandis que lorsqu'on a une mauvaise image de soi, on projette, et on pense que tout le monde cherche à nous détruire --, c'est ainsi qu'était mon père).
Pour ce qui est de " renoncer à soi "... Le christ n'est pas d'accord avec vous, on dirait : " Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, et ses soeurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. " (Luc 14, 26)
Je vous avoue que j'ai beaucoup de mal à comprendre le Nouveau Testament. Bien plus que l'Ancien. Je poserai sans doute des questions dans les rubriques du forum consacrées à cela.

On peut également interpréter ce renoncement de la façon suivante : renonce à tous tes désirs fous de toute puissance : aimer son frère, son père, etc. de manière irraisonnée en les voulant éternels, en n'acceptant pas qu'ils soient voués à mourir, s'aimer soi-même jusqu'à refuser sa propre condition de mortel. Ce qui semble condamné dans ce verset, c'est, à travers le refus de la finitude humaine, l'amour des autres mais pour soi : j'aime ma femme, mes frères, etc. parce que j'ai du plaisir à être avec elle/eux, je les aime davantage pour moi que pour eux --, et si je les aime pour eux, alors j'accepterais mieux qu'il soient voués à la mort (je ne serais pas dépendant d'eux pour vivre).
Je viens de noter que vous êtes " agnostique ", personnellement je suis un chrétien convaincu, mais la foi aussi est une vertu théologale. Je pense que je peux participer pour vous aider à l'avoir, mais certainement pas avoir la touche décisive, celle là vient de Dieu lui-même.
Il est vrai que je n'ai pas la foi. Mais, bien que ma spiritualité chemine dans l'immanence, je considère les textes religieux comme des trésors de sagesse et de savoir sur ce qui est, au fond, la question essentielle pour tout humain : concrètement, comment s'y prend-on pour vivre ?


Voilà, voilà.

Merci encore pour votre précieuse réponse. (et merci également aux deux autres participants qui m'ont répondu)

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Invité » mar. 30 nov. 2021, 15:12

__

Bonjour,

Dieu vous aime (voir Jean 3 :16). Jésus Christ vous aime.

Ces personnes divines sont celles qui donnent, et cela gratuitement, plutôt que de recevoir.

Mais elles agréent les actions de grâce et la louange des croyants (Jean 4 : 23-24 ; Hébreux 13 :15).

___

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Re: Comment aimer quand on ne l'a pas été ?

Message non lu par Panétius » mar. 30 nov. 2021, 23:57

Merci pour votre réponse, Invité.

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