Je suis nouveau sur le site et, pour être franc, je ne me suis inscrit que pour vous faire part de ce témoignage et recueillir quelques conseils. Je sais que le sujet a été mille fois abordé sur ce forum, et qu’il est même actuellement discuté, mais cela fait un moment que je songe à en parler ici et il me semble que c’est le moment.
Je suis enseignant dans une grande ville française et, dans le même temps, j’écris un doctorat. J’ai été baptisé à la naissance mais, comme la plupart des familles françaises, je ne viens pas d’un milieu pratiquant ni, à vrai dire, catholique, sinon « culturellement ». Je me suis converti, au sens où je suis retourné à la religion, vers la vingtaine, à l’issue de mes études en classes préparatoires. J’ai reçu la Confirmation et j’ai depuis fait la religion le centre de mon existence.
Après cette succincte présentation, j’en viens à « mon » problème, en fait partagé par grand nombre de nos contemporains et de nos frères en Christ : le célibat subi. Sauf à être hédoniste, carriériste, cynique ou apathique, tout jeune homme se dirigeant vers la trentaine aspire à des projets très conventionnels : prendre femme et fonder une famille. Ce qui fut une quasi-formalité pour toutes les générations antérieures est devenue pour nous un parcours du combattant dont je jauge chaque jour la violence. A l’approche de mes 28 ans, je n’ai connu que deux relations amoureuses, une courte et une plus longue, avec une promesse d’engagement qui ne fut pas tenue. Mais ces relations remontent déjà à loin, et depuis maintenant plusieurs années je cherche à pouvoir me marier, afin de devenir autre chose qu’un prof’ célibataire frustré.
Sauf que la situation dans l’Église est compliquée. Dans mes jeunes années de catholique, la difficulté a été double. Il y eut d’abord les difficultés sociologiques : disons-le tout net, depuis la déchristianisation massive de la France à partir XIXe siècle, il reste majoritairement de catholiques les classes sociales supérieures, et dans la jeunesse catholique que je fréquente (qui n’a par ailleurs rien de versaillaise), il y a surtout ce qu’on appelle la bourgeoisie. Vous me direz que ç’a n’a aucune importante, et l’amour chrétien véritable s’en moque bien. Je suis d’accord. Sauf que dans les faits, j’ai remarqué que la maîtrise des codes sociaux bourgeois était indispensable pour intégrer des cercles d’amitiés catholiques et, corolaires, y nouer des relations. Il n’est pas toujours évident pour les catholiques de passer outre le souci de distinction. Ensuite, il y a les difficultés d’ordre ecclésiologique. Je suis profondément attaché à la Tradition de l’Église, et je ne suis revenu au catholicisme que parce que la liturgie traditionnelle (j’entends pré-1962) et la doctrine des Pères m’ont montré le Christ. J’ai pourtant fréquenté des établissements privés catholiques diocésains toute ma jeunesse, donc j’ai eu le droit au catéchisme et aux « temps forts » obligatoires (prétendument des messes). On m’a dit depuis que le rite Paul VI ne se résumait pas à ces mascarades, mais sachez que cette pastorale désastreuse et ces pratiques liturgiques terribles m’ont tenu éloigné de l’Église pendant toute mon adolescence. Sorti du lycée, et découvrant la Tradition, il m’a semblé évident que c’était dans ce sacré absolu que Dieu avait pu se tenir si longtemps dans le cœur des Occidentaux. Or, les traditionalistes, en France, forment une communauté restreinte, même en prenant une définition large (FSSPX + communautés ralliées (FSSP, IBP) + « tradis » diocésains). Car, en plus d’être des milieux assez fermés, on ne trouve pas des paroisses célébrant selon le rite Saint-Pie V à tous les coins de rue. Pour revenir au sujet initial, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de défiance vis-à-vis de ce rite, et les relations amoureuses que j’ai évoquées plus haut le regardaient comme « intégriste » et « passéiste ». En dépit des compromis possibles, il est difficile de s’engager à vie avec une personne qui n’est pas attirée par ce qui fait le centre de sa Foi. Surtout quand à cela s’ajoute des différences majeures de point de vue, comme une opinion très favorable ou très défavorable des actions et paroles de notre Saint-Père actuel – pour avoir connu cela, ces dissensions sont plus fortes encore que les désaccords politiques !
Plus vieux, je suis maintenant davantage armé pour éviter ces deux difficultés : je maîtrise mieux les codes des milieux catholiques et, niveau idées, j’ai mis de l’eau dans mon vin. De fait, sauf à être très intégré dans les réseaux traditionalistes par sa famille, ou introduit par des amis, il est difficile d’y faire son nid. Il y a donc peu de chance que je noue une relation là-bas. J’anticipe dès lors des réponses que vous pourriez me faire, à juste titre. Pour se sortir du célibat, il ne suffit pas de prendre des résolutions : il faut agir. Il faut se bouger et ne pas attendre que cela nous tombe tout cuit dans le bec. Rien de plus juste.
Effectivement, pendant longtemps je ne me suis absolument pas préoccupé de mon avenir matrimonial, la jeunesse ayant d’autres préoccupations. Mais depuis quelques années, étant actif, voyant mes amis se marier et moi-même me sentant prêt à cette aventure, je tente de « forcer » le destin. Non pas que je voulais sauter sur la première occasion venue, mais je me suis dit : en cherchant un peu, je trouverais sans doute. Aide-toi et le Ciel t’aidera, dit-on. Ici commence ma longue recherche : j’ai tout d’abord « épuisé » les possibilités de mes réseaux d’amitiés. Une fois sorti des études, les rencontres se font plus rares et, en vieillissant, on devient plus sélectif et plus exigeant sur les critères d’amitié. Mais on garde souvent de nos années estudiantines une somme de contacts, et il n’est jamais trop tard pour les réactiver. En vain : les amis partent, s’éloignent – ou sont déjà mariés ! J’ai tenté ensuite de me socialiser d’avantage dans ma paroisse : j’ai tenté de mondaniser sur le parvis, j’ai ensuite fréquenté l’aumônerie. Toujours rien. Écrivant régulièrement sur un site de réflexion catholique, j’ai poursuivi ma recherche en fréquentant davantage ses rédacteurs. À chaque invitation je me rendais, me disant : ne désespérons pas, chaque occasion de rencontrer des gens est une opportunité à saisir. Rien de neuf. Mais nous n’avons pas qu’une vie religieuse ou paroissiale. Dans le même temps, j’ai donc tenté de rencontrer des gens dans mon milieu professionnel. Il faut vous rendre compte à quel point j’étais rendu : j’avais déjà accepté l’idée de me marier avec une fille non-traditionaliste, mais il fallait absolument ce que cette fille soit catholique, de près ou de loin. Pour moi les raisons étaient autant spirituelles que pratiques : j’avais pu observer les difficultés conjugales de couples aux croyances différentes, et je ne voulais surtout pas reproduire ce modèle, assez conflictuel. Mais voyant que, du côté des catholiques, j’étais toujours seul, j’ai accepté ma situation et, me disant que Dieu voulait peut-être que mon zèle de converti profite à une fille hors de l’Église, j’ai commencé à m’ouvrir à ce type de relations. Dans le milieu enseignant et, plus généralement, de la recherche, la majorité écrasante est d’une tendance idéologique franchement hostile à l’Église et au catholicisme… Je m’en suis bien vite rendu compte, et dès que les sujets profonds, un peu sérieux, sont abordés, l’incompréhension surgit. Malgré toute ma diplomatie, la parole se durcit rapidement. Il est des sujets sur lesquels les « modernes » sont d’une intransigeance rappelant celle des Inquisiteurs en leur temps. Ces sujets portent, évidemment, sur des questions morales ou éthiques (l’avortement, le mariage etc.). La discussion est quasiment impossible : la position catholique, même noyée sous une rhétorique conciliante et casuistique, leur est une agression immédiate. En outre, dans les bibliothèques, il n’est pas question de séduire, le lieu n’étant pas adaptée. Dans d’autres situations, bars ou soirées, où j’ai pu effectivement être abordé, les filles ne songent pas à l’engagement et sont surtout à la recherche d’une relation frivole. J’étais donc bloqué : toutes mes « recherches » de l’âme sœur avaient échoués. Alors, aux grands maux les grands remèdes : j’ai décidé de sauter le pas en m’inscrivant sur des sites de rencontre chrétiens. Je sais que la pratique est de plus en plus répandue, qu’elle n’a rien de honteuse, mais vous n’imaginez pas à quel point cette décision me fut une blessure à l’orgueil. Et, justement, je crois que toute cette « aventure » a été une manière pour Dieu de le détruire. J’avais toujours considéré ces sites comme les « cimetières des éléphants », le dernier recours des gens désespérés, des gens qui avaient « échoué » dans la vraie vie. J’ai été châtié en devenant moi-même ce « raté ». Mais les résultats, là encore, ne furent pas au rendez-vous. Les rendez-vous sont possibles, même gratuitement (car j’ai toujours refusé de payer pour ce genre de services). Mes les deux rendez-vous que j’ai obtenus furent des crève-cœurs, car jamais il n’y eut réciprocité. Soit elle m’avait plu mais je ne fus pas payé de retour ; soit j’avais plu mais je ne donnais pas suite. Je finissais par me désinscrire de ces sites, mes espoirs s’étant éteint.
Félicitations à tous ceux qui ont lu jusque-là ce récit très « égotiste »... Mais comme je vis cette situation avec de plus en plus de difficulté, je me suis proposé d’exposer ici quelques-uns de ses aspects – pour mon propre réconfort, et pour celui des lecteurs qui, nous lisant, se reconnaîtront peut-être.
Certains s’interrogeront peut-être de savoir pourquoi je vis si mal le célibat à mon âge. On a en effet pu me dire : tu es encore jeune, il est inutile de se presser et de prendre le risque d’un mauvais choix. À cela, deux choses : déjà qu’à l’approche de la trentaine, beaucoup de catholiques sont déjà mariés et avec des enfants ; ensuite que la question de l’âge est très relative selon les personnes. Certains se sentent prêts au mariage à 25 ans, d’autres à 35 ans. Dans mon cas, étant actif et installé à 28 ans, et ayant déjà bien profité de mon célibat, la solitude me semble absurde et sans intérêt. En tant que catholique, je pense que le célibat, s’il n’est pas consacré ou sacerdotal, est parfaitement contre-nature. Un laïc doit se marier et procréer, c’est le plan voulu par Dieu. Et à cela s’ajoute, bien sûr, le manque affectif, qu’on peut connaître à tout âge. D’autres s’interrogeront peut-être sur quelque chose de plus tabou, mais mes exigences sont loin d’être impossibles. Comme tout le monde je recherche avant tout quelqu’un qui me corresponde. D’autre part, et c’est assez amusant de l’écrire, mais je ne suis pas laid. Je le précise tout en étant convaincu que la question de la beauté est somme toute assez secondaire pour un garçon. Une fille est immédiatement jugée et appréciée sur ce critère. Un homme, pour peu qu’il ait du charme, de l’assurance et de la conversation, sera moins pénalisé de ce côté-là. C’est pour cette raison que j’ai souvent vu des filles ravissantes aux bras d’hommes plutôt laids, mais que je n’ai pour le moment jamais vu l’inverse.
Je retiens de tout ceci la leçon suivante : il est inutile de « chercher » activement une femme. Dieu seul décide. Il pourra vous la faire rencontrer même si vous êtes anachorète au moment de votre seul sortie annuelle, comme Il vous la refusera malgré vos sorties quotidiennes et vos implications paroissiales. La seule solution est de prier et d’espérer. De nos jours il n’y a rien d’autre à faire.
Si cependant vous avez des conseils pratiques, je suis preneur, mais je me demande bien ce que je pourrais faire de plus – à part prier davantage. Ce qui m’intéresserait, en revanche, c’est d’avoir vos témoignages sur la question matrimoniale. Le mariage me semble quelque chose de si lointain et de si impossible que je suis curieux de savoir comment les utilisateurs du forum ont quitté le célibat.
Merci à tous, d’avance, pour vos réponses.