L'encensement

[alice2]

Bonsoir,
J'ai été très gênée par l'encensement pendant la vigile pascale.
C'est pas l'odeur agréable qui m'a génée, mais les mouvements de celui qui encensait quasiment sans arrêt, à des moments qui ne m'ont pas parus approprié.
Du coup je me demande à quoi ça sert, quel sens ça a, et si il y a des règles.
Merci
Alice

[zélie]

Personnellement, j'adore l'odeur d'une église en vieilles pierres qui vient d'être encensée, juste après la messe. Le mélange des odeurs qui flottent encore est divin.
Par contre le moment de l'encensement me fiche immanquablement mal à la tête; je me suis toujours demandé comment l'encenseur, lui, n'attrapait une migraine entre l'odeur qu'il respire à plein nez et les mouvements incessants qu'il fait!
J'ai vu sur internet qu'il existe des endroits où l'encensement prend des allures exagérées (enfin, à mes yeux...), avec des mises en place de balancier géant qui n'augure rien de bon pour la sécurité des personnes placées sur la trajectoire potentielle de l'encensoir, et c'est vrai que sur ce point je rejoins Alice: la sobriété du geste me semble aussi souhaitable que l'encensement lui-même; j'ai toujours préféré les célébrations retenues que la multiplication des gestes, qui finissent par me perdre complètement.
Et donc la même question demeure: ai-je raté la compréhension de quelque chose quant à l'enthousiasme -quasi exalté- de certains encenseurs?

[Bisdent]

J'ai vu sur internet qu'il existe des endroits où l'encensement prend des allures exagérées (enfin, à mes yeux...), avec des mises en place de balancier géant qui n'augure rien de bon pour la sécurité des personnes placées sur la trajectoire potentielle de l'encensoir

Exact, c'est ce qui se passe à Saint Jacques de Compostelle.

[zélie]

J'ai toujours rêvé d'y aller! Mais j'éviterai la trajectoire de l'encensoir...

[steph]

A compostelle c'est un encensoir géant...
Il a effectivement des porte-encensoir (thuriféraires) qui balancent l'encensoir à 3m au dessus du sol (à l'entrée)... Ce me semble être une attitude disproportionnée par rapport à ce que l'on attend d'un "porte-encensoir" qui se charge juste de le transportrer...

L'encens représente effectivement la prière des saints (dont les fidèles sont) (cf. apocalypse).
L'encensement a deux significations: purification/préparation et vénération/ respect...

Comme l'encensoir doit être tenu au plus proche du couvercle quand on encense, je vois mal comment il pourrait y avoir danger pour qui/quoi que ce soit (à moins que l'encensoir ne soit complètement rongé par la rouille auquel cas, il ne convient pas de l'employer pour un double motif de respect et de sécurité)...

[Eriluc]

Bonjour,

J'ai une explication personnelle que je vous propose. Je pense très pragmatiquement que l'un des avantages secondaires de l'encens est de couvrir les odeurs, ce qui pouvait expliquer il y a quelques siècles à Compostelle aux périodes d'engouement fort pour les pèlerinages, pour le masquage de l'odeur de ces foules nombreuses, un encensoir de cette taille n'était peut-être pas "disproportionné".

Cordialement

Eric

[Eriluc]

PS : Éléments pour étayer mon précédent message extraits du "Dictionnaire universel, historique, dogmatique ..." (par les révérends pères RICHARD et GIRAUD 1822)

...] M. de Vert, et plusieurs autres, croient que l'encens n'a d'abord été introduit dans l'Église que pour purifier et parfumer les endroits où l'on faisait l'office, et les choses qui y servaient. (Cérémon. de l'Eglise, loin. 3 et 4- ) C'était, selon ces auteurs, la fumigation, ou suffumigation des anciens, nécessaire dans les églises , à cause de la mauvaise odeur inséparable de la grande multitude de peuple qui s'y assemble , et plus encore dans les lieux souterrains où les premiers fidèles tenaient leurs assemblées. Mais le père Le Brun s'élève fortement contre celte conjecture, dans le premier tome de son explication de la messe ( pag. i4; ) » où il fait voir que les mauvaises odeurs n'étaient point du tout à craindre dans les assemblées des fidèles du quatrième siècle, auquel on voit l'encens établi par les canons apostoliques, par saint Ephrem, saint Àmbroise, saint Chrysos- tôme, les Liturgies de saint Jacques , de saint Basile, etc. Les églises de ces temps-là étaient magnifiques, spacieuses, et très- aérées, puisque, selon la coutume des Orientaux , il n'y avait que des jalousies , ou treillis aux fenêtres. ] ... [ Parait donc que l'encens n'a pas été introduit dans l'Église pour des raisons physiques , ou bien que si ces saisons ont donné lieu à cet usage en quelques endroits , ce n'a point été avec exclusion des raisons mystiques, mais au contraire que ces dernières raisons ont accompagné les premières, qu'elles ont subsisté après elles, qu'elles ont été plus universelles, et même uniques dans plusieurs endroits.[...

[Anne]

Perso, j'ai toujours admiré la technique d'ensencement des Orthodoxes!

Non seulement la gestuelle est-elle superbe, mais de plus le rythme du balancement et les cliquetis des chaînes accompagnent à merveille les chants utilisés!

Trouvé sur le site de Saint Ferd et qui me semble un bon résumé:

Yahvé lui-même prescrit à Moïse que, chaque matin et chaque soir, on fasse fumer devant lui l’encens aromatique sur l’autel des parfums qui se trouve placé dans le Saint (Ex 30, 7-8 ; cf. Lc 1, 9-11). Au jour solennel des Expiations, le grand prêtre passe même dans le Saint des Saints, avec charbons et encens, pour recouvrir d’un nuage de parfum l’arche d’alliance au-dessus de laquelle Yahvé est censé résider (Lv 16, 12-13). Avec l’encens, c’est la prière des Israélites qui monte vers Dieu en bonne odeur, selon cette parole du Psalmiste : « Que monte ma prière, en encens devant ta face ! » (Ps 140, 2). L’Apocalypse reprend cette liturgie : ainsi un ange vient et près de l’autel du Seigneur, offre de nombreux parfums en accompagnement des prières de tous les saints (8,3-4). Enfin, aux jours de la crèche, les saints rois mages eux-mêmes offrent au Messie cette résine précieuse.

A mi-chemin entre la liturgie d’Israël et la liturgie du ciel, l’Église offre à Dieu l’encens pour signifier concrètement son adoration et sa prière (cf. Mt 2, 11). Elle continue ainsi l’hommage central du Christ, qui s’est offert à son Père en odeur de suavité (Ep 5, 2) ; tous les fidèles sont appelés à répandre en tout lieu la bonne odeur du Christ (2 Co 2, 14-16). De plus l’épaisse fumée odorante qui se dégage nous invite à nous mettre en présence de Dieu.

L’encensement est un geste d’adoration quand il est offert à Dieu (présent réellement dans les saintes espèces) et une marque d’honneur dont on entoure les personnes et les objets qui sont offerts à Dieu ou qui lui offrent le sacrifice (oblats, prêtres, fidèles…). À travers l’encensement, c’est toujours Dieu que l’on honore. En encensant les hommes, l’Église honore la créature que Dieu a faite à son image. Ainsi, on encense le prêtre parce qu’il offre le sacrifice eucharistique in persona Christi ; on encense le clergé et les fidèles parce qu’ils sont les temples du Saint-Esprit et les prêtres du sacrifice spirituel offert sur l’autel de leur vie, sommet de l’action liturgique et consommation dans l’unité du sacrifice eucharistique.

De plus, l’encens est ici le symbole de la prière qui monte vers Dieu, ce qu’exprimait la prière dite à l’encensement des offrandes dans le rite de saint Pie V : « Incénsum istud, a te benedíctum, ascendat ad te, Dómine, et descéndat super nos misericórdia tua. » (Que cet encens béni par toi monte vers toi, Seigneur, et que descende sur nous ta miséricorde) Et de même le psaume 140 qui était dit à l’encensement du crucifix et de l’autel : « Dirigátur Dómine orátio mea sicut incénsum in conspéctu tuo » (Que ma prière monte vers toi comme l’encens, Seigneur…). Lors des obsèques, on va jusqu’à encenser la dépouille mortelle des baptisés, en signe de l’honneur qui est dû à un temple de l’Esprit Saint (1 Co 6, 19). Au cours des cérémonies de la dédicace d’une église, après que l’on a brûlé pour la première fois l’encens sur l’autel, on va encenser les douze croix de consécra¬tion, qui ont reçu l’onction de saint chrême ; ce rite se reproduit au jour anniversaire de la dédicace. Enfin, il est à noter que le mot encens en latin se dit : thus ou tus et vient du grec thuos qui signifie à la fois parfum et victime. L’offrande de l’encens peut donc aussi être considérée comme un sacrifice.

De plus, rappelons que l'encens faisait partie des cadeaux apportés par les Rois Mages...

[Héloïse]

C'est pour moi toujours une odeur qui me rappelle le chagrin des décès des personnes que j'ai aimées. J'associe l'odeur de l'encens et la vue des cercueils

[MB]

Avé

L'utilisation des parfums en contexte religieux est une très ancienne pratique. On la retrouve dans toutes les civilisations de l'Antiquité ; chez les Romains, le brûlement de quelques "grains" d'encens est un préalable au sacrifice, et souvent, il en apparaît comme une métonymie (notamment sur les reliefs sculptés). Ainsi l'un des tests que l'on fait, sous l'Empire, pour vérifier si quelqu'un est chrétien ou non, consiste à lui demander d'encenser les images des dieux ou le Génie de l'empereur.

Cela ne signifie pas que cette pratique soit intrinsèquement païenne ; simplement, nous l'avons récupérée en y adjoignant notre sens à nous. Personnellement, j'adore l'encensement : le parfum est agréable, solennise l'atmosphère, le balancement du thuriféraire, lorsqu'il est bien mené, crée un rythme apaisant. Et puis, tout bêtement, comme on associe l'encens à l'église, on se "sent" dans un état d'esprit religieux.

Amicalement

[alice2]

j'adore l'encensement : le parfum est agréable, solennise l'atmosphère, le balancement du thuriféraire, lorsqu'il est bien mené, crée un rythme apaisant

c'est quoi bien mené?

[Anne]

Avec harmonie, grâce, style. Avec fluidité, selon les normes établies (je crois qu'on en parle ailleurs sur un autre fil: nombre de coups, à quel moment, etc). Avec assurance et habileté.

Je regardais notre petit jeune prêtre encenser lors de funérailles dernièrement... Il ne l'a pas "pantoute!" C'était maladroit, sans amplitude, on voit qu'il n'a vraiment pas l'habitude... Mais faut dire qu'il ne pratique pas beaucoup...

Comme en tout, il semble bien qu'il y ait aussi des experts en thuriférariat...