Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

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Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Anit » mar. 07 nov. 2023, 14:40

Bonjour à tous,

J'ai beaucoup de mal avec la notion de sacrifice. C'est bien ennuyeux pour une catholique me direz-vous, mais rien n'y fait.

Spontanément, sacrifier quoi que ce soit à qui que ce soit, va de pair avec le souhait d'éteindre un courroux, de ne pas être puni, de calmer potentiellement un être qui pourrait sans cela nous faire du mal.
Ou alors, une demande de sacrifice pourrait venir d'un être soucieux de mesurer le degré d'amour d'un autre au point d'être avide d'être le préféré dans son cœur en choisissant méthodiquement tout ce qui pourrait lui coûter un max de "sacrifier" afin d'obtenir des preuves de cet amour ...

Je n'aurais jamais idée de demander à mon enfant que j'adore de me sacrifier quelque chose qu'il aime pour lui pardonner ou pour qu'il me prouve ainsi son amour. L'image que je lui renverrais ne serait pas une image aimante et le retour de sa part ne serait pas de l'amour, il va sans dire...

Jésus n'a t-il pas dit : Matthieu 7 : 11
"Si donc, méchants comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent."

J'en déduis que la comparaison est valable, voire même à mon désavantage.

Si Jésus s’était sacrifié à un esprit mauvais afin de prendre notre place et que ce soit le prix pour que cet esprit mauvais nous laisse éternellement tranquille et pour que nous puissions sortir de ses griffes, je comprendrais parfaitement et j'en serais très reconnaissante. Mais se sacrifier à son propre Père (à lui-même en fait) j'avoue que je ne comprends pas du tout ... Il ressort de tout cela un sentiment de cruauté qui ne colle pas du tout dans mon esprit avec un Dieu bon.

Je ne doute pas que quelqu'un aura la réponse et pourra m'éclairer sur la question .

Merci par avance

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Perlum Pimpum » mar. 07 nov. 2023, 16:06

« Il est impie et cruel de livrer un homme innocent à la passion et à la mort contre sa volonté. Ce n'est pas ainsi que le Père a livré le Christ, mais en lui inspirant la volonté de souffrir pour nous. Par là on constate tout d'abord la sévérité de Dieu qui n'a pas voulu remettre le péché sans châtiment, ce que souligne l'Apôtre (Rm 8, 32) : "Il n'a pas épargné son propre Fils" ; et sa bonté en ce que l'homme ne pouvant pas satisfaire en souffrant n'importe quel châtiment, il lui a donné quelqu'un qui satisferait pour lui, ce que l'Apôtre a souligné ainsi : "Il l'a livré pour nous tous." Et il dit (Rm 3, 25) : "Lui dont Dieu a fait notre propitiation par son sang." » III, 47, 3, ad.1.

Pour plus de précisions, voyez III, 46-49
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mar. 07 nov. 2023, 17:52

Bonjour,

Il faut également, toujours, conserver à l'esprit que le Sacrifice de la Croix est, en quelque sorte, une "affaire interne" à Dieu. Il n'y a pas Dieu d'un côté qui exige le sacrifice d'un homme d'autre part, fut-ce en lui inspirant la volonté de le faire.

Jésus est vrai Dieu et vrai Homme. Dans le Christ, entre la volonté humaine et la volonté divine, il y a un accord parfait. En tant qu’il est homme, le Christ obéit au Père et en tant qu’il est Dieu, le Christ veut avec le Père, dans une volonté commune.

C'est ainsi Dieu qui fait tout le boulot :oui:

Quant à la nécessité du sacrifice, S. Thomas le rattache à la nature, ce qui signifie qu'il n'est pas une nécessité consécutive au péché originel, même si ce dernier lui donne naturellement une nouvelle dimension propitiatoire. Il s'agit, par le sacrifice, de manifester sujétion et honneur à Celui qui est au-dessus de nous, Dieu, en utilisant des choses sensibles puisque cela correspond à la nature humaine, le sacrifice sensible étant (devant être) le signe du sacrifice intérieur, à savoir l'oblation spirituelle que l'âme fait d'elle-même à Dieu.

Or, par suite du péché originel qui coupe de la grâce, l'Homme ne peut plus offrir de véritable sacrifice puisque rien de ce qu'il peut offrir ne saurait être signe d'un quelconque sacrifice intérieur acceptable par Dieu. Pour le dire autrement, il n'est pas au pouvoir de la nature laissée à ses seules forces de s'élever vers Dieu. Seule la grâce divine peut le permettre. Et le péché originel nous prive de cette grâce divine.

D'où le Sacrifice de la Croix, où le sacrifice extérieur est le signe d'une oblation intérieure parfaite et acceptable par Dieu compte-tenu de l'impeccabilité de Notre Seigneur. Sacrifice librement consenti jusqu'à l'instant du dernier souffle puisque nul ne saurait nier qu'il aurait été loisible à Notre Seigneur, l'eut-Il voulu, de convoquer par-devant Lui les légions angéliques pour être descendu de la Croix. Sacrifice parfait car ce qui est offert par Notre Seigneur n'est pas une chose ou un animal, mais son propre corps. Il ne peut y avoir signe plus adéquat de l'oblation de l'âme que le sacrifice du corps dont elle est la forme. C'est ainsi à raison que la Liturgie dit du sacrifice de Notre Seigneur qu'il est le sacrifice parfait.

Mais n'y aurait-il que cela que rien n'aurait été changé pour nous. Tout a changé pour nous parce que nous pouvons désormais offrir, "par Lui, avec Lui et en Lui", des sacrifices agréables au Père . C'est lors de la messe, renouvellement non sanglant du Sacrifice de la Croix, que cela se passe :
Priez, mes frères, afin que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréé par Dieu le Père tout-puissant.
℟. Que le Seigneur reçoive de vos mains le sacrifice, à la louange et à la gloire de son nom, et aussi pour notre bien et celui de toute sa sainte Église.
C'est pourquoi, Seigneur, nous vos serviteurs, et aussi votre peuple saint, en mémoire de la bienheureuse Passion de votre Fils Jésus-Christ notre Seigneur, de sa Résurrection des enfers et aussi de sa glorieuse Ascension dans les cieux, nous présentons à votre sublime majesté cette offrande venant des biens que vous nous avez donnés : la victime + pure, la victime + sainte, la victime + immaculée, le Pain + sacré de la vie éternelle et le Calice + de l'éternel salut.
Cela ne signifie naturellement pas que nous n'avons plus rien à faire puisque Notre Seigneur s'est offert en sacrifice afin que nous puissions à nouveau, par Lui, en Lui et avec Lui, offrir des sacrifices agréables au Père.

De quoi s'agit-il ? Relisons à ce sujet l'Aquinate (IIa-IIae, Q. 85, Art. 3, not. solutions 2 et 3), qui explique qu'il y a sacrifice proprement dit quand on accomplit quelque chose sur les biens que l'on offre à Dieu. Or, l'homme possède trois sortes de biens :
Les biens de l'âme qu'il offre à Dieu en un sacrifice intérieur, par la dévotion et la prière, et par d'autres actes intérieurs de cette sorte : c'est là le sacrifice principal.
Les biens du corps qu'on offre d'une certaine façon à Dieu par le martyre, l'abstinence ou la continence.
Les biens extérieurs dont on offre à Dieu le sacrifice directement, quand nous lui offrons immédiatement ce que nous possédons ; médiatement, quand nous en faisons part au prochain pour Dieu.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Anit » mar. 07 nov. 2023, 18:40

Je vous remercie pour vos réponses et je vais étudier tout cela.

Je me rends compte que la notion du sacrifice vous parle et que vous arrivez à le concevoir sans vous forcer. Je fais malheureusement partie des personnes qui ne le comprennent pas et qui n’y sont donc pas sensibles. C’est un obstacle de taille à la foi malheureusement.

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Olivier JC
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mar. 07 nov. 2023, 18:56

Anit a écrit :
mar. 07 nov. 2023, 18:40
Je vous remercie pour vos réponses et je vais étudier tout cela.
Je me rends compte que la notion du sacrifice vous parle et que vous arrivez à le concevoir sans vous forcer. Je fais malheureusement partie des personnes qui ne le comprennent pas et qui n’y sont donc pas sensibles. C’est un obstacle de taille à la foi malheureusement.
Rassurez-vous, cela n'a rien de spontané :) mais le résultat d'un effort d'étude dans la prière et de mise en pratique...

Mon développement est très condensé, n'hésitez pas si vous souhaitez des précisions sur tel ou tel point. C'est une notion difficile pour un esprit baignant dans la culture contemporaine, mais elle est absolument centrale. Sans elle, tout devient incompréhensible !

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 08 nov. 2023, 9:55

Excellent texte, cher Olivier.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Anit » mer. 08 nov. 2023, 11:44

Encore merci Olivier JC pour cette longue et belle explication.

Vous écrivez « il s'agit par le sacrifice de manifester suggestions et honneur à celui qui est au-dessus de nous » . Vous dites aussi « puisque cela correspond à la nature humaine ».

C'est sans doute là où le bât blesse puisque en ce qui me concerne cela ne correspond pas à ma nature et ne résonne pas du tout en moi de manière positive. Je le ressens au contraire comme le signe d'un besoin instinctif humain que l'on retrouve dans beaucoup de civilisations.

Ne serait-ce que m'agenouiller devant Dieu, me « soumettre », je ne le relie pas du tout à Dieu, ce n'est pas ma vision de Dieu mais cela par contre correspond parfaitement à la vision primitive qu'a l'Homme de Dieu.

C'est d'ailleurs ce qui est innovant me semble-t-il chez Jésus. Il s'est mis à notre portée, il nous a appelés « ses amis », il nous a lavé les pieds… il n'a jamais demandé à ce qu'on se prosterne devant lui mais il semblait rechercher une union, qui bien sûr n'est pas d’égal à égal, mais qui s’en rapproche beaucoup puisque nous avons été créés justement pour cette liberté.

Quand Moïse nous parle lors du premier sacrifice de Noé d’une "bonne odeur » c'est bien là le signe pour moi de l’expression de l'âme humaine. C'est un rite humain, et tous les textes qui suivent ne font que corroborer cette première impression. Par la suite je "sens" la signature de l'Homme dans la grande majorité des versets .

Mais je me rends compte qu'en disant cela je remets en cause les paroles même du Christ qui s'est offert en rémission des péchés. Ce sacrifice répond à un besoin d'une immensité de personnes, qui comprennent parfaitement et instinctivement ce geste qui correspond à une logique pour eux , à une réponse demandée et comprise par Dieu ; nul besoin d'explications.
C'est là un grand mystère pour moi et une pierre d'achoppement considérable.

La religion chrétienne est éminemment une religion sacrificielle et il faut bien que je m'y fasse.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mer. 08 nov. 2023, 13:08

Cher Perlum Pimpum, merci :)
Anit a écrit :
mer. 08 nov. 2023, 11:44
Vous écrivez « il s'agit par le sacrifice de manifester suggestions et honneur à celui qui est au-dessus de nous » . Vous dites aussi « puisque cela correspond à la nature humaine ».

C'est sans doute là où le bât blesse puisque en ce qui me concerne cela ne correspond pas à ma nature et ne résonne pas du tout en moi de manière positive. Je le ressens au contraire comme le signe d'un besoin instinctif humain que l'on retrouve dans beaucoup de civilisations.
Sans avoir aucunement l'intention de vous blesser en quelque manière que ce soit, "ma nature" n'existe pas. Il y a une nature humaine partagée par tous, laquelle nature est soumise à une loi naturelle qui est reflet de la loi éternelle de Dieu. Le point de départ qu'il ne faut jamais mettre de côté, c'est que Dieu est Créateur. De la même manière que l'ingénieur concevra un moteur censé fonctionner avec un type de carburant déterminé, Dieu a créé, notamment l'être humain, pour qu'il "fonctionne" d'une certaine manière.

Et c'est précisément parce qu'il s'agit "d'un besoin instinctif humain que l'on retrouve dans beaucoup de civilisations" que cela permet, par l'usage de la seule raison, d'y voir une exigence de la loi naturelle, c'est-à-dire une des règles de fonctionnement de l'être humain. La Révélation permet ensuite d'affiner cette analyse.
Anit a écrit :
mer. 08 nov. 2023, 11:44
Ne serait-ce que m'agenouiller devant Dieu, me « soumettre », je ne le relie pas du tout à Dieu, ce n'est pas ma vision de Dieu mais cela par contre correspond parfaitement à la vision primitive qu'a l'Homme de Dieu.
Vous pointez là ce qui est le plus difficile. Aimer Notre Seigneur qui nous a sauvé, en un certain sens, c'est facile. Accepter en revanche que nous sommes des créatures et que, de ce fait, il n'est pas en notre pouvoir de définir ce que nous sommes, voilà qui est bien plus difficile. Voilà ce qui a été la cause de la chute originelle.

Il ne s'agit pas, en réalité, de se soumettre à Dieu comme l'esclave se soumettrait à son propriétaire. Il s'agit d'accepter que l'être humain est radicalement, c'est-à-dire en sa racine, dépendant. Comme l'écrit S. Augustin dans les Confessions, Dieu nous a fait pour Lui et notre cœur est sans repos tant qu'il ne repose en Lui.
Anit a écrit :
mer. 08 nov. 2023, 11:44
C'est d'ailleurs ce qui est innovant me semble-t-il chez Jésus. Il s'est mis à notre portée, il nous a appelés « ses amis », il nous a lavé les pieds… il n'a jamais demandé à ce qu'on se prosterne devant lui mais il semblait rechercher une union, qui bien sûr n'est pas d’égal à égal, mais qui s’en rapproche beaucoup puisque nous avons été créés justement pour cette liberté.
La grâce ne détruit pas la nature mais s'appuie sur elle. La prosternation n'a aucune valeur en soi. Elle n'a de valeur que dans la mesure où est le signe de l'oblation de l'âme. Dieu nous a tout donné ("Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?" s'exclame ainsi l'Apôtre des Nations) ; il s'agit de rendre ce qui a été reçu, certes de manière très inadéquate. Que par grâce Dieu veuille nous accueillir dans sa divine société trinitaire ne change rien au fait qu'il est notre Créateur.

Il ne convient pas, également, de mélanger les choses. Au cours de sa vie publique, Notre Seigneur n'a eu de cesse que de vouloir dissimuler sa véritable nature. Voyez les épisodes de la Transfiguration, quand Il fait défense aux témoins d'en parler. Lui-même, cependant, se prosterne devant son Père. Ainsi, à Gethsémani, tombe-t-il face contre terre pour prier.

Mais après la Résurrection, les choses deviennent différentes. C'est ainsi que le jour de celle-ci, lorsqu'elles se trouvent en présence de Notre Seigneur, les femmes venues au tombeau se prosternent devant lui. Lorsque les disciples se rendent ensuite en Galilée sur la montagne où Jésus leur a donné rendez-vous, que font-ils lorsqu'ils le voient ? Ils se prosternèrent. Que font les disciples le jour de l'Ascension, alors que Jésus est emporté au ciel ? Ils se prosternèrent.

Ou encore que font les 24 Anciens devant Celui qui siège sur le Trône ? Ils se prosternent.
Anit a écrit :
mer. 08 nov. 2023, 11:44
Quand Moïse nous parle lors du premier sacrifice de Noé d’une "bonne odeur » c'est bien là le signe pour moi de l’expression de l'âme humaine. C'est un rite humain, et tous les textes qui suivent ne font que corroborer cette première impression. Par la suite je "sens" la signature de l'Homme dans la grande majorité des versets .
S. Thomas d'Aquin vous répondrait qu'offrir des sacrifices est une exigence de la loi naturelle, mais que leur forme concrète relève pour sa part de la loi humaine (ou, et c'est le cas pour les sacrifices de l'ancienne alliance, de la loi divine). Tout l'Ancien Testament, à ce sujet, est d'ailleurs le témoin de la pédagogie divine qui vient relier le sacrifice extérieur au sacrifice intérieur dont il doit être le signe. Il y a également le caractère propitiatoire du sacrifice, qui est anthropologiquement une spécificité d'Israël.

J'ajoute que de ce point de vue, les analyses de René Girard sont extrêmement stimulantes, même s'il faut être prudent puisqu'il n'était manifestement pas particulièrement versé en théologie et que vision du sacrifice s'en trouve quelque peu déformée puisqu'il en réduit à tort la notion à la répétition rituelle du meurtre ayant mis fin à une crise mimétique. Mais d'un point de vue historique et anthropologique, c'est tout à fait passionnant et éclairant.

Au final et en dernière analyse, le sacrifice n'est rien d'autre que la reconnaissance que l'être humain est, du fait de sa qualité de créature, soumise à une loi dont il n'est pas à l'origine et qu'il n'est en son pouvoir d'amender ou d'abroger. Il s'agit de renoncer à l'autonomie qui n'est, en tout état de cause, rien d'autre qu'une illusion.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mer. 08 nov. 2023, 16:24

Anit a écrit :
mar. 07 nov. 2023, 14:40
Spontanément, sacrifier quoi que ce soit à qui que ce soit, va de pair avec le souhait d'éteindre un courroux, de ne pas être puni, de calmer potentiellement un être qui pourrait sans cela nous faire du mal.
Ou alors, une demande de sacrifice pourrait venir d'un être soucieux de mesurer le degré d'amour d'un autre au point d'être avide d'être le préféré dans son cœur en choisissant méthodiquement tout ce qui pourrait lui coûter un max de "sacrifier" afin d'obtenir des preuves de cet amour ...
C'est que, spontanément, votre compréhension du sacrifice est lacunaire, ce dont il ne saurait d'ailleurs vous être tenu rigueur. Quand on lit certains écrits théologiques ou spirituels sur le sujet de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème siècle, on comprend sans peine comme cette notion a pu faire l'objet d'un rejet quasi-épidermique.

Un sacrifice a une finalité, qui est de nous établir en communion avec Dieu. Les distinctions suivantes peuvent ensuite être effectuées, traditionnellement au nombre de quatre :
1°- Rendre à Dieu le culte qui lui est dû, c'est-à-dire reconnaître que Dieu est Dieu. Cela rejoint ce que j'ai écrit précédemment sur la renonciation à l'illusion de l'autonomie.
2°- Rendre grâce à Dieu, c'est-à-dire le remercier pour ses dons (autant dire donc, pour tout puisque nous n'avons rien que n'ayons reçu comme le dit S. Paul).
3°- Obtenir de nouveaux bienfaits, étant précisé qu'il ne faut pas le voir de manière utilitaire. Il ne s'agit pas d'offrir un sacrifice pour obtenir quelque chose en retour. Pour employer un autre langage, il s'agit d'une rétroaction positive. Dieu donne pour que nous redonnions pour que Dieu donne encore plus pour que nous redonnions encore plus, et ainsi de suite et sans limites. Cela rejoint la finalité du sacrifice, à savoir nous établir toujours plus étroitement en communion avec Dieu.
4°- Obtenir la rémission des péchés et des peines qui leurs sont attachés, ce qui est une finalité propre à l'état post-lapsaire (après le péché originel).

Ainsi, s'agit-il d'apaiser le courroux divin et d'éviter ainsi qu'il nous fasse du mal ? En un certain sens oui, dès lors que l'on se souvient que Dieu est impassible et que lui prêter un céleste courroux est par conséquent une analogie qu'il convient de ne pas pousser trop loin. La colère de Dieu, c'est l'absence de communion avec lui, laquelle est la conséquence du péché, soit de notre agir propre. Apaiser la colère divine, c'est donc rétablir cette communion. C'est se tourner vers lui pour lui rendre le culte qui lui est dû, le remercier pour ses bienfaits et obtenir la rémission de nos péchés et les grâces nécessaires pour rester tourné vers lui et s'unir toujours plus à lui.

Pareillement, si la loi naturelle prescrit le sacrifice, il ne s'agit pas de considérer que Dieu aurait en quelque manière besoin de notre amour. Dieu, parce qu'il est Trinité, ne manque de rien à cet égard. Sa volonté, purement gratuite, est de nous faire partager cet Amour qu'il est Lui-même, de nous accueillir dans l'admirable et éternel échange trinitaire. Dieu, en un certain sens, ne veut pas être aimé. Il veut nous aimer et, Dieu étant ce qu'Il est, Il fallait bien que ce soit lui qui commence :oui: .

Quant à sacrifier "ce qui coûte un max", rappelons que si le sacrifice est une exigence de la loi naturelle, son espèce ne l'est pas. La détermination de celle-ci par Dieu Lui-même dans le cadre de l'ancienne alliance n'étant plus d'actualité, elle relève désormais exclusivement de la loi humaine, i.e. de la loi ecclésiastique qui ne prévoit pas grand chose en la matière (jeûne et abstinence pendant les temps prescrits) ou de la libre volonté de chacun. Ce n'est donc pas Dieu (sauf exceptions relevant du chemin de salut propre à chacun) qui exige quoi que ce soit en la matière.

Enfin, n'oubliez pas ce qu'en dit le Docteur Angélique et que j'ai évoqué précédemment : le sacrifice principal, c'est celui des biens de l'âme. Une prière l'emporte sur tout bien du corps ou toute chose sensible qui pourrait être sacrifiée.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 08 nov. 2023, 16:34

La colère de Dieu, c'est l'absence de communion avec lui
Non, c’est Dieu châtiant cette absence.

Dieu, en un certain sens, ne veut pas être aimé. Il veut nous aimer et, Dieu étant ce qu'Il est, Il fallait bien que ce soit lui qui commence
Non, Dieu veut être aimé, et il ne nous aime que pour que nous L’aimions.


:)
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mer. 08 nov. 2023, 17:36

La subtilité de l'expression "en un certain sens" vous aurait-elle échappé ? :/

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 08 nov. 2023, 18:10

Ah, ouf, me voilà soulagé. :)
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Anit » jeu. 09 nov. 2023, 12:20

Encore une fois merci Olivier JC pour ces réponses.

Toutefois, puis-je me permettre de vous dire que tout cela est bien compliqué … Dieu n’est-il pas simple pourtant ?

Comment expliquer facilement le sacrifice du Christ à des personnes n’ayant aucune connaissance religieuse … ?

Comment faire naître la compréhension, le désir, et l’amour de Dieu aisément ?

Pourtant n’est-ce pas là le but : Sauver de nombreuses personnes du néant que constitue une vie sans Dieu ?

J’ai lu la Bible et je m’intéresse à Dieu depuis toute petite. Je le cherche, je sais qu'il y a "quelqu'un", mais je suis très loin de l’avoir trouvé car je ne ressens aucune joie, aucun réconfort puisque ce que me renvoie la religion et les textes m'en empêchent.…

Quand vous dites « Il y a une nature humaine partagée par tous, laquelle nature est soumise à une loi naturelle qui est reflet de la loi éternelle de Dieu. »

Du point de vue du croyant, oui ; mais vous savez bien que tout le monde n’est pas de cet avis et c’est bien là le problème.
Quand on ne ressent pas cette « loi éternelle de Dieu » tout est plus compliqué pour l'âme (pour ceux qui cherchent va sans dire, les autres s’en moquent).

En fait, et pour résumer, la réponse à ma question serait-elle ? :

Le Fils s’est sacrifié pour nous au Père en se substituant aux agneaux purs qui étaient sacrifiés dans l’AT (sacrifices demandés dans la loi hébraïque par le Père) en pardon des péchés.
En acceptant de mourir sur la croix le Christ a représenté le sacrifice le plus pur et le plus élevé que l’humanité puisse sacrifier à Dieu. Ainsi , le Père en agréant ce sacrifice peut nous pardonner le péché originel ce qui nous permet ainsi de retrouver notre pureté d’avant la chute et d’entrer dans son royaume par-delà la mort .
Par contre, ceux qui ne croient pas que le Christ est le Fils de Dieu, et par là même ne reconnaissent pas ce sacrifice, ne seront pas sauvés et n’entreront pas dans le royaume.
Cela sous-entend que si nous entrons dans cette logique nous reconnaissons que Dieu est Dieu, qu’il nous a créée et nous entrons en communion avec Lui.

Il y a de facto une adhésion à cette "narration" (ce n'est pas péjoratif dans ma bouche). Adhésion qui ne peut pas être forcée si ce n'est par superstition ce qui n'est pas, loin s'en faut, souhaitable.

Est-ce cela ?

Si c'est cela, est-ce vraiment étonnant que de nombreuses personnes ne croient pas ?

Quand on voit en plus que cette explication est basée sur des livres anciens qui évoquent des actes surnaturels qui font sourire (et je suis gentille) les hommes et les femmes du XXI ème siècle ?

Par contre, beaucoup adhèrent en partie ou en totalité à ces explication, en ressentent une joie infinie qui les aide à vivre et se projettent, sans doute particulier, dans ce monde futur qui leur est promis.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par prodigal » jeu. 09 nov. 2023, 12:43

Chère Anit,
Connaissez-vous l'œuvre de René Girard? Cet intellectuel catholique connu surtout pour ce que l'on appelle souvent la théorie du bouc émissaire, défend une théorie non sacrificielle du christianisme. Cela pourrait vous intéresser.
Bien sûr, la question est complexe, ne serait-ce qu'à cause de la notion même de sacrifice, indépendamment de la valeur qu'on lui attribue, et qui désigne à la fois le geste rituel par lequel des offrandes sont mises à mort pour être offertes aux dieux et la preuve d'amour que l'on fait chaque fois que l'on renonce à quelque chose pour le bien de cet amour. :)
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Olivier JC
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » jeu. 09 nov. 2023, 16:17

Anit a écrit :
jeu. 09 nov. 2023, 12:20
Encore une fois merci Olivier JC pour ces réponses.

Toutefois, puis-je me permettre de vous dire que tout cela est bien compliqué … Dieu n’est-il pas simple pourtant ?

Comment expliquer facilement le sacrifice du Christ à des personnes n’ayant aucune connaissance religieuse … ?

Comment faire naître la compréhension, le désir, et l’amour de Dieu aisément ?
Naturellement, tout cela peut paraître compliqué, ce n'en est pas moins nécessaire, sauf à rester dans quelque chose de très superficiel. Ainsi, nous savons que Dieu est Amour. De premier abord, cela semble effectivement très simple. Mais si Dieu est Amour, pourquoi le mal et et la haine prolifèrent-t-ils en ce bas monde ? Et vous voyez bien que la réponse à cette question implique immédiatement des développements qui ne peuvent faire l'économie de la notion de sacrifice puisque la réponse à la question, c'est Notre Seigneur cloué sur le bois de la Croix.

Car à défaut, vous vous retrouvez nécessairement face à deux réponses possibles :
1° - que Dieu n'est pas Amour.
2° - que Dieu n'est pas Tout-Puissant.
Dans un cas comme dans l'autre, Dieu ne présente plus aucun intérêt.
Anit a écrit :
jeu. 09 nov. 2023, 12:20
En fait, et pour résumer, la réponse à ma question serait-elle ? :

Le Fils s’est sacrifié pour nous au Père en se substituant aux agneaux purs qui étaient sacrifiés dans l’AT (sacrifices demandés dans la loi hébraïque par le Père) en pardon des péchés.
En acceptant de mourir sur la croix le Christ a représenté le sacrifice le plus pur et le plus élevé que l’humanité puisse sacrifier à Dieu. Ainsi , le Père en agréant ce sacrifice peut nous pardonner le péché originel ce qui nous permet ainsi de retrouver notre pureté d’avant la chute et d’entrer dans son royaume par-delà la mort .
Par contre, ceux qui ne croient pas que le Christ est le Fils de Dieu, et par là même ne reconnaissent pas ce sacrifice, ne seront pas sauvés et n’entreront pas dans le royaume.
Cela sous-entend que si nous entrons dans cette logique nous reconnaissons que Dieu est Dieu, qu’il nous a créée et nous entrons en communion avec Lui.

Il y a de facto une adhésion à cette "narration" (ce n'est pas péjoratif dans ma bouche). Adhésion qui ne peut pas être forcée si ce n'est par superstition ce qui n'est pas, loin s'en faut, souhaitable.

Est-ce cela ?
Avec cette précision que le sacrifice du Christ est un sacrifice au sens plein du terme, c'est-à-dire qui ne se limite pas à la finalité propitiatoire (pardon des péchés), le résumé est correct.
Anit a écrit :
jeu. 09 nov. 2023, 12:20
Si c'est cela, est-ce vraiment étonnant que de nombreuses personnes ne croient pas ?

Quand on voit en plus que cette explication est basée sur des livres anciens qui évoquent des actes surnaturels qui font sourire (et je suis gentille) les hommes et les femmes du XXI ème siècle ?
De nombreuses personnes ne croient pas parce qu'elles ne se posent pas sérieusement la question et que rien, dans les conditions d'existence moderne, n'est de nature à les conduire à s'interroger sérieusement. Quant aux hommes et femmes du XXIème siècle, sans doute seraient-ils bien inspirés de faire preuve d'une plus grande humilité plutôt que de se gausser, du haut de leur prétendue supériorité, de ce qu'ont pu penser, croire, dire ou faire ceux à qui ils doivent d'exister...

prodigal a écrit :
jeu. 09 nov. 2023, 12:43
Cet intellectuel catholique connu surtout pour ce que l'on appelle souvent la théorie du bouc émissaire, défend une théorie non sacrificielle du christianisme. Cela pourrait vous intéresser.
Bien sûr, la question est complexe, ne serait-ce qu'à cause de la notion même de sacrifice, indépendamment de la valeur qu'on lui attribue, et qui désigne à la fois le geste rituel par lequel des offrandes sont mises à mort pour être offertes aux dieux et la preuve d'amour que l'on fait chaque fois que l'on renonce à quelque chose pour le bien de cet amour.
René Girard est revenu sur ses critiques dirigées contre l'Eglise catholique et son approche non sacrificielle du christiannisme. Le problème de René Girard, c'est qu'il définit le sacrifice d'un point de vue exclusivement anthropologique comme la répétition rituelle d'un meurtre fondateur ayant mis un terme à une crise mimétique, sans voir que c'est le Sacrifice de la Croix qui permet de tout éclairer et de tout remettre en sa juste place, et d'éviter l'écueil réducteur sur lequel René Girard s'est manifestement échoué. Ainsi, si ses analyses permettent de rendre compte d'une grande partie de l'histoire religieuse de l'humanité, elle n'explique pas tout. J'ajoute que par l'horizontalité qui est la sienne, sa théorie ne permet pas d'expliquer le développement du religieux. C'est bien parce que l'âme humaine est naturellement ordonnée au divin que ce mécanisme de résolution des crises mimétiques donne lieu au développement des religions. C'est bien parce que le sacrifice est une exigence de droit naturel que ce qui n'est qu'une polarisation de la violence sur une victime émissaire se transforme en offrande faite à la divinité.

René Girard n'est pas, en réalité, un intellectuel catholique. C'est un intellectuel qui est devenu catholique en suivant le fil de sa réflexion. Le point de départ de sa réflexion, c'est l'existentialisme, le structuralisme, le déconstructivisme. Il a suivi son propre chemin, et c'est ce qui l'a conduit au catholicisme par l'intermédiaire des écrits prophétiques de la Bible, qu'il a lu en critique littéraire comme il lisait Sophocle, Platon, Cervantès, Shakespeare, Dostoïesvki, Proust, etc. S'il est, sur la fin de sa production intellectuelle, revenu sur ses premières analyses du christiannisme comme religion non-sacrificielle, il n'a pas pour autant repris toutes ses analyses à la lumière du Sacrifice de la Croix.

Bref, ce sujet est passionnant, mais il ne me semble pas que la lecture de René Girard soit la meilleure approche à conseiller à une personne qui a du mal avec la notion de sacrifice.

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