Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

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catholique zombie
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par catholique zombie » mar. 02 janv. 2024, 13:42

Coco lapin,

Merci pour la citation. La phrase peut apparaître troublante à première vue c'est vrai.
Car si Dieu avait voulu libérer l'homme du péché sans aucune satisfaction, il n'aurait pas agi contre la justice
On conclurait alors au caractère superflu de toutes les peines, au moins à une nécessité dénuée de raison. Mais ce serait surprenant que ce soit là une traduction de la pensée de saint Thomas d'Aquin.

Une explication possible : sans être injuste Dieu peut libérer sans peine un homme d'une offense lui ayant été faite. Ce sera différent quant au mal fait à d'autres.

Coco lapin
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Coco lapin » mar. 02 janv. 2024, 17:33

Sauf que saint Thomas parle ici spécifiquement de la Rédemption (qui vise spécialement le péché originel). L'Eglise enseigne qu'il fallait le sacrifice d'un Dieu pour que la valeur en soit infinie et que ce sacrifice puisse compenser l'offense faite à Dieu (qui a une valeur infinie parce que Dieu est infini). Bref, c'est justement l'offense faite à Dieu qui a besoin d'être compensée (et c'est ce qui justifie l'atrocité des supplices de l'enfer et leur caractère éternel).

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ChristianK
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par ChristianK » mar. 02 janv. 2024, 20:15

On voit les avenues possibles se dessiner dans les réponses.


Coco lapin a écrit :
dim. 31 déc. 2023, 16:36
Si le choix entre châtier et faire miséricorde ne dépend pas de la justice parfaite mais seulement de la liberté (arbitraire) de Dieu, alors ce n'est pas de la vertu.
Dieu n'est pas libre de damner les saints et de béatifier les apostats. Par nature, Dieu se doit de récompenser, de punir ou de pardonner avec des vertus de justice et de sagesse parfaites. Autrement il ne serait pas Dieu.
Ce serait certes la voie du rationaliste Leibniz (que j’aime bien), qui règle plus facilement la question du mal par une sorte d’obligation divine au meilleur monde possible, et pour ca il réinterprète la liberté divine. St Thomas rejette la théorie du meilleur monde possible.
Chose certaine : Dieu n’est pas cruel (punitions excessives) donc on peut raisonner par l’absurde et rejeter toute théorie qui aboutit la cruauté divine. En fait la liberté divine est nécessairement juste. Donc la question est seulement : une certaine miséricorde contredirait-elle cette justice?
Aussi, je crois que la piste c’est de voir que l’article de la Somme concerne la satisfaction par le Xt, une question distincte de damner les saints et béatifier les impénitents. Le Xt satisfait mais en pénitent, ou en montrant le chemin de la pénitence. Tandis que l’impénitent rejette l’offre de miséricorde, et c’est ce rejet qui fait que Dieu ne peut pardonner (là il semble que Dieu se doit à lui-même de damner). Dans l’article on ne parle pas de ca (pénitence et impénitence) mais de satisfaction, une fois la miséricorde acceptée par la pénitence. Donc St Thomas ne dit PAS que Dieu peut pardonner sans pénitence avec justice.


Coco lapin a écrit :
mar. 02 janv. 2024, 17:33
Sauf que saint Thomas parle ici spécifiquement de la Rédemption (qui vise spécialement le péché originel). L'Eglise enseigne qu'il fallait le sacrifice d'un Dieu pour que la valeur en soit infinie et que ce sacrifice puisse compenser l'offense faite à Dieu (qui a une valeur infinie parce que Dieu est infini). Bref, c'est justement l'offense faite à Dieu qui a besoin d'être compensée (et c'est ce qui justifie l'atrocité des supplices de l'enfer et leur caractère éternel).
Il faudrait s’assurer que cette doctrine est dogmatique (Denzinger) et non une élaboration théologique.
Ensuite ca semble différent d’une éventuelle miséricorde pour l’impénitent qui rejette activement la miséricorde. Pour ce dernier cas à mon avis on doit garder le scenario ou Dieu se doit à lui-même (et aux créatures) la justice en vertu de son amour nécessaire pour lui-même.
ON doit peut-être comprendre : Oui Dieu a choisi librement que le Xt devait satisfaire, non pcq c’était juste mais pcq c’était mieux, préférable. (on revient un peu à Leibniz sauf qu’il n’y a pas d’obligation (facon de parler) divine. Peut-être même une miséricorde plus grande pour les pécheurs (mais pas pour le Xt).
catholique zombie a écrit :
mar. 02 janv. 2024, 13:42

Merci pour la citation. La phrase peut apparaître troublante à première vue c'est vrai.
Car si Dieu avait voulu libérer l'homme du péché sans aucune satisfaction, il n'aurait pas agi contre la justice
On conclurait alors au caractère superflu de toutes les peines, au moins à une nécessité dénuée de raison. Mais ce serait surprenant que ce soit là une traduction de la pensée de saint Thomas d'Aquin.
Oui, et c’est probablement pas ca, même s’il faut trouver les textes. « sans aucune satisfaction » n’implique pas « sans aucune pénitence », « sans aucune aversion du péché ». Il crève les yeux que ca n’aurait aucun sens, St Thomas n’a pas pu penser ca.
Une explication possible : sans être injuste Dieu peut libérer sans peine un homme d'une offense lui ayant été faite. Ce sera différent quant au mal fait à d'autres.
Exactement, entre autres possibilités. Il n’y aurait aucun tort fait à Dieu comme dit St Thomas mais du tort fait à d’autres hommes, les justes, ce serait contraire à leur mérite (ils méritent que les impénitents soient damnés, c’est la vindicte, le rééquilibrage, la dé-compense)

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Coco lapin » mer. 03 janv. 2024, 10:17

ChristianK a écrit : Chose certaine : Dieu n’est pas cruel (punitions excessives) donc on peut raisonner par l’absurde et rejeter toute théorie qui aboutit la cruauté divine
Être cruel c'est pas forcément user de punitions excessives, mais punir sans nécessité (pour le plaisir, donc). Si donc Dieu n'était pas nécessité à punir (s'il était réellement libre de ne pas punir), alors il serait cruel lorsqu'il punit. C'est particulièrement visible dans le châtiment des âmes du purgatoire et des âmes damnées : en principe leurs châtiments ne servent à rien d'autre qu'à satisfaire la justice divine, mais si la justice est déjà satisfaite, pourquoi les torturer ? Réponse : par cruauté.
Et si l'on part du principe que Dieu n'est pas cruel, alors c'est qu'il n'est pas libre de ne pas exiger de satisfaction. Sa miséricorde est limitée, il ne peut pas en user autant qu'il voudrait.
ChristianK a écrit :Oui Dieu a choisi librement que le Xt devait satisfaire, non pcq c’était juste mais pcq c’était mieux, préférable. (on revient un peu à Leibniz sauf qu’il n’y a pas d’obligation (facon de parler) divine. Peut-être même une miséricorde plus grande pour les pécheurs (mais pas pour le Xt).
Oui, peut-être que Jésus s'est sacrifié sans que ce soit nécessaire, puisqu'il s'agit de lui-même, il peut bien faire ce qu'il veut. Mais quand on considère les damnés, là y aurait cruauté de Dieu envers ces créatures si leurs châtiments n'étaient pas nécessaires.
ChristianK a écrit :Exactement, entre autres possibilités. Il n’y aurait aucun tort fait à Dieu comme dit St Thomas mais du tort fait à d’autres hommes, les justes, ce serait contraire à leur mérite (ils méritent que les impénitents soient damnés, c’est la vindicte, le rééquilibrage, la dé-compense)
Si les damnés n'étaient pas torturés ça vous ferait du tort ? Si les âmes du purgatoire allaient immédiatement au Ciel, ça vous ferait du tort ? Vous avez la même logique que les ouvriers de la première heure dans la parabole. Pour les âmes du purgatoire je peux comprendre, il faut bien que leurs mérites moindres soient différenciés de ceux des saints (question de justice). Mais pourquoi forcément dans le sens négatif (souffrances). Pourquoi pas seulement dans le sens positif (d'ailleurs c'est ce que fait Dieu lorsqu'un enfant de trois ans baptisé meurt : en théorie celui-ci va directement au Ciel mais sa récompense et sa gloire sera moindre que celle des saints).

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Olivier JC
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mer. 03 janv. 2024, 10:47

Bonjour,

Il ne me semble pas que la doctrine du Docteur Angélique puisse être regardée comme autre chose qu'une élaboration théologique et, comme il est relevé dans un message précédent, celle-ci prend place dans l'analyse de la Rédemption opérée par Notre Seigneur. C'est à ce titre que je l'avais d'ailleurs citée.

Sans doute ensuite convient-il de relever que S. Thomas utilise le terme de "satisfaction", alors qu'il affirme par ailleurs que "la mort et les défauts corporels sont des peines qui résultent du péché de nos premiers parents" (IIa IIae, Q. 164, Art. 1), ce dont il me semble possible de déduire que la peine attachée au péché est, en quelque sorte, dans l'ordre des choses telles que voulu par Dieu. Il dit quelque chose de similaire dans la Somme de théologie, mais je n'ai pas le loisir à cette heure d'en rechercher le lieu précis.

La peine est ainsi une conséquence "naturelle" du péché et n'a pas de valeur satisfactoire intrinsèque. Pour le dire autrement, que Dieu exige ou n'exige pas satisfaction, c'est-à-dire réparation pour les offenses qui Lui sont faites, ne change rien au fait que tout péché aura sa peine.

Ajoutons à cela que ce qui est satisfactoire dans la peine attachée au péché n'est pas le fait de subir cette peine, mais le fait d'accepter cette peine. Et pour en revenir à Notre Seigneur, ce n'est pas d'avoir subi la Passion qui fut satisfactoire, mais le fait de l'avoir accepté (et nous parlons qu'une acceptation de chaque instant puisqu'il ne croyait pas si bien dire le passant qui ricanait en disant que s'Il était Fils de Dieu, il n'avait qu'à appeler ses anges pour être décroché : Il le pouvait et ne l'a pas fait jusqu'à ce qu'Il décide de rendre l'esprit).

Au final, la perspective qui me semble permettre de sortir des impasses dans lesquelles me semble se perdre cette discussion consiste à ne pas regarder la peine attachée au péché comme extrinsèque à celui-ci, mais bien comme intrinsèque à celui-ci. A chaque péché commis, Dieu ne décide pas, tel un juge humain, la peine qu'Il va infliger à son auteur.

Si les peines sont fixées par Dieu, c'est en ce sens que Dieu est Créateur et que les fondements mêmes de la Création sont radicalement incompatibles avec le péché puisque tout être créé est un reflet de l'être divin et de ses perfections. Les péchés sont en quelque sorte des grains de sable qui enrayent la mécanique de la Création, les soubresauts de celles-ci étant les peines de ces péchés.

Pouvait-il en être autrement ? C'est-à-dire, la Création pouvait-elle être telle que le péché n'entraîne aucun désordre, aucune peine ? A mon sens, ce n'était pas possible et c'est ce que Perlum Pimpum explique fort bien ailleurs. Aucune nécessité ne s'imposait à Dieu de créer, mais dès lors qu'Il décide de le faire, Il ne peut faire autrement que de s'assigner Lui-même comme fin dernière de la Création, et plus encore, il ne peut faire autrement que de créer à partir de ce qu'Il est Lui-même, de telle sorte que la Création soit un reflet des perfections divines comme l'explique l'Aquinate.

De telle sorte qu'au final, la seule cruauté qui pourrait être reprochée à Dieu par quelqu'un qui ne craindrait pas le blasphème serait d'avoir créé, tout en sachant qu'un tiers des anges chuteraient et entraîneraient l'humanité dans leur chute, faisant de la Création une vallée de larmes.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Gaudens » mer. 03 janv. 2024, 11:26

Bonjour Olivier JC:
"S. Thomas utilise le terme de "satisfaction", alors qu'il affirme par ailleurs que "la mort et les défauts corporels sont des peines qui résultent du péché de nos premiers parents" (IIa IIae, Q. 164, Art. 1) "

L'opinion de Saint Thomas,tout Docteur Agénlique qu'il fut,ne me parait pas en concordance avec les propos de Notre Seigneur quand il dit :
"Ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a tuées, croyez-vous qu'elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem? Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également."

Certes le contexte n'est pas le même mais la question entre la faute et ses conséquences physiques" est bien au centre dans les deux cas.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par catholique zombie » mer. 03 janv. 2024, 12:12

Coco lapin a écrit :

L'Eglise enseigne qu'il fallait le sacrifice d'un Dieu pour que la valeur en soit infinie et que ce sacrifice puisse compenser l'offense faite à Dieu (qui a une valeur infinie parce que Dieu est infini). Bref, c'est justement l'offense faite à Dieu qui a besoin d'être compensée (et c'est ce qui justifie l'atrocité des supplices de l'enfer et leur caractère éternel).
Ceci correspondrait à l'hypothèse théologique de saint Anselme (1033-1109) si je ne dis pas de bêtise; et parce que je le dis de mémoire. Il me semble que c'est Anselme de Cantorbéry, et qui était certes un très grand théologien catholique du Moyen-Âge.

Préoccupé justement par le besoin de posséder une intelligence de la foi : le théologien voulait répondre à la question de savoir par quelle nécessité aurait-il fallu que Dieu se fasse homme. Et sa réponse était que seul le sacrifice d'une victime parfaite pouvait compenser l'offense infinie faite à Dieu. Les hommes ne pouvant absolument pas se racheter eux-mêmes (offrir à Dieu le prix de consolation d'une fidélité parfaite), il fallait que ce soit le Fils de Dieu qui le fasse pour nous et en solidarité avec nous.

Un élément de comparaison à base d'Écriture sainte :
Lettre aux Hébreux

Chapitre 10

05 Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps.
06 Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ;
07 alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté, ainsi qu’il est écrit de moi dans le Livre.

[...]

10 Et c’est grâce à cette volonté que nous sommes sanctifiés, par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes.
11 Tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le Lieu saint pour le service liturgique, et il offrait à maintes reprises les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés.
12 Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu.
13 Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds.
14 Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie.

https://www.aelf.org/bible/He/10

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Olivier JC » mer. 03 janv. 2024, 14:22

Gaudens a écrit :
mer. 03 janv. 2024, 11:26
Bonjour Olivier JC:
"S. Thomas utilise le terme de "satisfaction", alors qu'il affirme par ailleurs que "la mort et les défauts corporels sont des peines qui résultent du péché de nos premiers parents" (IIa IIae, Q. 164, Art. 1) "

L'opinion de Saint Thomas,tout Docteur Agénlique qu'il fut,ne me parait pas en concordance avec les propos de Notre Seigneur quand il dit :
"Ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a tuées, croyez-vous qu'elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem? Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également."

Certes le contexte n'est pas le même mais la question entre la faute et ses conséquences physiques" est bien au centre dans les deux cas.
Pour le Docteur Angélique, espérant ne pas trahir sa pensée en la matière tant elle est dispersée ne serait-ce que dans la Somme, le péché étant une préférence accordée à sa propre volonté sur la Volonté de Dieu, il convient que la peine vienne contrarier cette volonté pour compenser et ainsi rétablir l'équilibre qui a été faussé par le péché.

Toute peine est, pour S. Thomas, liée à un péché personnel en ce sens que nul ne se voit infliger de peine pour un péché dont il ne serait pas personnellement responsable, que ce soit un péché actuel ou le péché originel. Ainsi, il vous répondrait sans doute que si la peine subie apparaît ne pas être en proportion d'un ou plusieurs péchés actuels, elle le serait en proportion du péché originel.

Il convient de relever que S. Jean-Paul II semble avoir enseigné une doctrine différente dans Salvifici Doloris en écrivant notamment que "s’il est vrai que la souffrance a un sens comme punition lorsqu’elle est liée à la faute, il n’est pas vrai au contraire que toute souffrance soit une conséquence de la faute et ait un caractère de punition. La figure de Job le juste en est une preuve spéciale dans l’Ancien Testament. La Révélation, parole de Dieu même, pose en toute franchise le problème de la souffrance de l’homme innocent : la souffrance sans faute. Job n’a pas été puni, il n’y avait pas de fondement pour lui infliger une peine, même s’il a été soumis à une très dure épreuve".

Or, il me semble que s'il y a souffrance, c'est :
  • premièrement, parce que la Création est défigurée, et c'est là la conséquence du péché des anges ;
  • deuxièmement, parce que l'Homme s'est détourné de Dieu par le péché originel et, privé en conséquence des grâces préternaturelles, doit désormais subir cette défiguration
Il est d'ailleurs curieux de lire chez le Souverain Pontife qu'il y aurait un problème de souffrance sans faute alors qu'il est acquis que le péché originel se transmet non uniquement en ses conséquences, mais également quant à la culpabilité. Nonobstant le fait que Job est avant tout une préfiguration de Notre Seigneur, le vrai et seul Innocent, il n'en demeure pas moins qu'il était bien coupable du péché originel, ce qui offre bien un fondement pour lui infliger une peine.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Coco lapin » mer. 03 janv. 2024, 20:01

Bonjour Olivier !
Olivier JC a écrit :Ajoutons à cela que ce qui est satisfactoire dans la peine attachée au péché n'est pas le fait de subir cette peine, mais le fait d'accepter cette peine.
Vous confondez "satisfactoire" et "méritoire". Les peines (punitions) satisfont à la justice divine indépendamment de leur acceptation. Les supplices subis par les damnés servent à satisfaire la justice divine. Dans le cas contraire ça relèverait de la cruauté. Or Saint Thomas sous-entend justement que Dieu peut pardonner les offenses sans exiger de satisfactions compensatoires. Du coup Dieu serait cruel, vu le sort des damnés.
Olivier JC a écrit :A chaque péché commis, Dieu ne décide pas, tel un juge humain, la peine qu'Il va infliger à son auteur.
Je dirais plutôt que Dieu décide telle une machine, car la perfection limite vachement la liberté.
Olivier JC a écrit :De telle sorte qu'au final, la seule cruauté qui pourrait être reprochée à Dieu par quelqu'un qui ne craindrait pas le blasphème serait d'avoir créé, tout en sachant qu'un tiers des anges chuteraient et entraîneraient l'humanité dans leur chute, faisant de la Création une vallée de larmes.
C'est vrai que Dieu ne demande pas l'avis des créatures avant de les créer pour les soumettre à l'épreuve qui consiste à faire son salut sur cette Terre. Sachant qu'il y a un gros pourcentage de chance de finir en enfer, on peut y voir une certaine cruauté. C'est un peu comme si quelqu'un obligeait des gens à traverser un gouffre en mode funambule sur un fil, sans leur demander leur consentement, mais en leur promettant une récompense s'ils survivent. Ca fait un peu psychopathe. On pourrait comparer Dieu à Jigsaw, dans une certaine mesure. « On va jouer à un jeu...»
Olivier JC a écrit :Il est d'ailleurs curieux de lire chez le Souverain Pontife qu'il y aurait un problème de souffrance sans faute alors qu'il est acquis que le péché originel se transmet non uniquement en ses conséquences, mais également quant à la culpabilité. Nonobstant le fait que Job est avant tout une préfiguration de Notre Seigneur, le vrai et seul Innocent, il n'en demeure pas moins qu'il était bien coupable du péché originel, ce qui offre bien un fondement pour lui infliger une peine.
L'héritage qui découle du péché originel se transmet, mais on ne peut pas imputer sa culpabilité aux descendants d'Adam (on ne peut pas être jugé coupable de la faute commise par un autre avant même notre naissance).
Job prend très très cher, c'est pas une simple conséquence du péché originel, il a l'air carrément maudit. Les peines ne sont pas nécessairement là pour châtier les péchés personnels. Saint Grégoire donne quelques pistes :
Saint Grégoire le Grand a écrit :Il existe plusieurs types de tribulations. Celle que subit le pécheur, sans appel, à titre de châtiment ; celle qu'il subit afin qu'il se corrige, et celle que nous subissons parfois non pour corriger une faute passée, mais pour nous empêcher d'en commettre à l'avenir ; enfin, celle qui nous atteint ni pour corriger une faute passée, ni pour prévenir une faute éventuelle, mais pour que, en recevant le salut qui suit l'épreuve, nous aimions davantage le Sauveur qui nous a ainsi montré sa puissance, et pour augmenter par sa patience les mérites de l'innocent frappé par l'épreuve.
Dieu rétablit la justice au Ciel en récompensant ses saints d'avoir enduré (avec moult actions de grâces !) les souffrances qu'il leur a infligées.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par ChristianK » ven. 05 janv. 2024, 20:26

Coco lapin a écrit :
mer. 03 janv. 2024, 10:17
Être cruel c'est pas forcément user de punitions excessives, mais punir sans nécessité (pour le plaisir, donc). Si donc Dieu n'était pas nécessité à punir (s'il était réellement libre de ne pas punir), alors il serait cruel lorsqu'il punit. …
Et si l'on part du principe que Dieu n'est pas cruel, alors c'est qu'il n'est pas libre de ne pas exiger de satisfaction. Sa miséricorde est limitée, il ne peut pas en user autant qu'il voudrait.
La conclusion est bonne mais punir sans nécessité est exactement une punition excessive (art. de ST Thomas sur la vertu de vindicte : juste milieu entre punitions trop molles ou excessives (cruauté)
Oui Dieu a choisi librement que le Xt devait satisfaire, non pcq c’était juste mais pcq c’était mieux, préférable. (on revient un peu à Leibniz sauf qu’il n’y a pas d’obligation (facon de parler) divine. Peut-être même une miséricorde plus grande pour les pécheurs (mais pas pour le Xt).
---------------------
Oui, peut-être que Jésus s'est sacrifié sans que ce soit nécessaire, puisqu'il s'agit de lui-même, il peut bien faire ce qu'il veut. Mais quand on considère les damnés, là y aurait cruauté de Dieu envers ces créatures si leurs châtiments n'étaient pas nécessaires.
« Puisqu’il s’agit de lui-même « est la bonne piste. Une satisfaction est quelque chose qu’on accepte dans la pénitence. L’enfer n’est aucunement une satisfaction au sens de III 46.
Au lieu de cruauté je dirais absurdité (en un sens c’est plus grave que cruauté car c’est une impossibilité métaphysique (comme dit St Thomas, Dieu est impuissant à pécher)
Exactement, entre autres possibilités. Il n’y aurait aucun tort fait à Dieu comme dit St Thomas mais du tort fait à d’autres hommes, les justes, ce serait contraire à leur mérite (ils méritent que les impénitents soient damnés, c’est la vindicte, le rééquilibrage, la dé-compense)
--------------------
Si les damnés n'étaient pas torturés ça vous ferait du tort ? Si les âmes du purgatoire allaient immédiatement au Ciel, ça vous ferait du tort ?
Oui, je suis St Thomas. Je verrais que Dieu est absurde. Il me ferais du tort que Dieu se bafoue lui-même.

Les peines (punitions) satisfont à la justice divine indépendamment de leur acceptation.
Non, erreur, la satisfaction est une part de la pénitence, elle présuppose celle-ci. Si on dit que l’enfer est une satisfaction c’est dans un sens différent du mot.

Olivier JC a écrit :
La peine est ainsi une conséquence "naturelle" du péché et n'a pas de valeur satisfactoire intrinsèque. Pour le dire autrement, que Dieu exige ou n'exige pas satisfaction, c'est-à-dire réparation pour les offenses qui Lui sont faites, ne change rien au fait que tout péché aura sa peine.

Ajoutons à cela que ce qui est satisfactoire dans la peine attachée au péché n'est pas le fait de subir cette peine, mais le fait d'accepter cette peine. Et pour en revenir à Notre Seigneur, ce n'est pas d'avoir subi la Passion qui fut satisfactoire, mais le fait de l'avoir accepté (et nous parlons qu'une acceptation de chaque instant puisqu'il ne croyait pas si bien dire le passant qui ricanait en disant que s'Il était Fils de Dieu, il n'avait qu'à appeler ses anges pour être décroché : Il le pouvait et ne l'a pas fait jusqu'à ce qu'Il décide de rendre l'esprit).
Exactement, c’est le filon. L’enfer n’est pas une satisfaction au sens de III 46
à ne pas regarder la peine attachée au péché comme extrinsèque à celui-ci, mais bien comme intrinsèque à celui-ci
là ca va trop loin dans l’autre sens. Dieu inflige au damné la perpétuité du chatiment en ne l’annihilant pas.

Gaudens a écrit :
"S. Thomas utilise le terme de "satisfaction", alors qu'il affirme par ailleurs que "la mort et les défauts corporels sont des peines qui résultent du péché de nos premiers parents" (IIa IIae, Q. 164, Art. 1) "

L'opinion de Saint Thomas,tout Docteur Agénlique qu'il fut,ne me parait pas en concordance avec les propos de Notre Seigneur quand il dit :
"Ces dix-huit personnes sur qui est tombée la tour de Siloé et qu'elle a tuées, croyez-vous qu'elles fussent plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem? Non, je vous le dis. Mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous également."
C’est pas incompatible. Dans le 2e cas il ‘agit d’un cas particulier; on ne dit pas que TOUTES les morts par accidents ne sont pas des punitions divines. Seulement certaines. Et ca tombe sous le sens car ca peut être aussi une épreuve pour les justes ou leurs proches.

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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par ChristianK » sam. 06 janv. 2024, 21:02

(extraits abrégés d’une 1ere version plus longue - on peut trouver le Pdf en ligne)

Textes de la Somme pour réfléchir. Je crois que tous y est pour les solutions. La satisfaction est essentiellement une bonne œuvre par un pénitent. Rien à voir avec l’enfer. Il y a donc une « obligation » de Dieu pour la damnation.

I-II 87

Article 3 : Y a-t-il un péché qui rende passible d’une peine éternelle ?
...
3. Nul ne fait une chose s’il n’y trouve pour soi-même un plaisir. Or, la Sagesse (1, 13) assure que “ Dieu ne prend
pas plaisir à la perdition des hommes ”. Il ne les punira donc pas d’un châtiment éternel.

…. C’est pourquoi, si le péché détruit dans son principe l’ordre par lequel la volonté de l’homme est soumise à
Dieu, le désordre sera de soi irréparable, encore qu’il puisse être réparé par la vertu divine. Or, le principe, en cet
ordre de choses, c’est la fin ultime à laquelle on adhère par la charité. C’est pourquoi tous les péchés qui détournent
de Dieu en faisant perdre la charité, entraînent, autant qu’il est en eux, l’obligation à une peine éternelle.
Il est pourtant juste, selon S. Grégoire, que l’homme ayant,
dans son éternité, péché contre Dieu, trouve son châtiment dans l’éternité de Dieu. ” Or, on dit de quelqu’un qu’il a
péché dans son éternité, non seulement lorsqu’il a continué l’acte durant toute sa vie d’homme, mais par le fait que,
s’il met sa fin dernière dans le péché, c’est qu’il a la volonté de le faire éternellement. Aussi S. Grégoire ajoute-t-il :
“ Les méchants auraient voulu vivre sans fin pour pouvoir demeurer sans fin dans leurs iniquités. ”

2….
. ” C’est donc de cette manière
que les peines éternelles des réprouvés, infligées par Dieu, sont médicinales : pour ceux qui s’abstiennent des péchés
par la pensée de ces grands châtiments. Selon ce passage du Psaume (60, 6) : “ Tu as fait signe à ceux qui te
craignent d’éviter le trait qui frappe, pour sauver tes bien-aimés. ”
3. Dieu ne prend pas plaisir aux châtiments pour eux-mêmes ; mais il prend plaisir à l’ordre de sa justice, qui les
exige.

...
Article 4 : Y a-t-il un péché qui rende passible d’une peine infinie en grandeur ?

Réponse :
. Ainsi donc, ce
qui correspond à l’aversion de Dieu dans le péché, c’est la peine du dam, laquelle est infinie comme cette aversion,
puisqu’elle est la perte d’un bien infini, c’est-à-dire de Dieu.
Solutions : 1. Il ne convient pas à la justice de Dieu que le pécheur soit tout à fait réduit à néant, parce que ce serait
contraire à la perpétuité de la peiné, qu’exige, avons-nous dit, la justice divine.
Mais de celui qui est privé des biens
spirituels, on dit qu’il est réduit à rien : “ Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ”, dit l’Apôtre (1 Co 13, 2).



----------------------------
III Supplément (ad mentem Thomae par le secrétaire Réginald de PIperno)

Q 12.
ARTICLE 2: La satisfaction est-elle un acte de justice?

De plus, nulle autre vertu que la justice n’a pour objet d’établir l’égalité entre des choses
extérieures au moi. Or c’est précisément ce que fait la satisfaction, qui établit l’égalité entre la
pénitence et l’offense précédente. La satisfaction est donc un acte de justice.
Conclusion:
…. Il en
va de même de la pénitence qui établit l’égalité dans celui-là seul qui la fait, puisque c’est le
pénitent lui-même qui "tient sa peine", en sorte que la pénitence est, d’une certaine façon, une
espèce de justice vindicative. Nous voyons par là4ue la satisfaction, qui établit dans celui qui
la fait une égalité par rapport à l’offense précédente, est une oeuvre de justice, quant à cette
partie de son opération qu’on appelle pénitence.

Solutions:



Art 3
3. La satisfaction étant une partie de la pénitence regarde le passé et non l’avenir. Or ne


Q 13

ARTICLE 1: L'homme peut-il offrir satisfaction à Dieu?
Objections:
...
5. Le péché mortel actuel est plus grave que le péché originel. Mais personne n’a pu offrir
satisfaction pour le péché originel; si ce n’est un Homme-Dieu; il en est donc de même pour
le péché actuel.
Cependant:
ainsi que l’a écrit saint Jérôme "Qu’il soit anathème, celui qui dit que Dieu nous prescrit
quelque chose d’impossible!" Or la satisfaction est de précepte "'Faites de dignes fruits de
pénitence." Il est donc possible d’offrir satisfaction à Dieu.
D’ailleurs Dieu est plus miséricordieux que l’homme; or il est possible d’offrir satisfaction à
l’homme et donc aussi à Dieu. …

. Or il arrive qu’on s’impose une peine
égale à la jouissance prise dans le péché. Il arrive donc qu’on puisse offrir à Dieu satisfaction.
Conclusion:
L’homme devient le débiteur de Dieu à double titre, à raison des bienfaits reçus et à raison des
péchés commis. L’action de grâces, l’adoration et les autres prières de même genre ont pour
objet la dette que nous créent les bienfaits reçus de Dieu; la satisfaction acquitte la dette
contractée par le péché que nous avons commis.


Q15
ARTICLE 1: Les oeuvres satisfactoires doivent-elles être pénales?
Objections:
1. Il semble que la satisfaction ne doive pas se faire par des oeuvres pénales. La satisfaction
doit être une compensation pour l’offense de Dieu. …
…3. Satisfaire, c’est, au dire de saint Anselme, "rendre à Dieu son dû d’honneur", mais cela peut
se faire autrement que par des oeuvres pénales. C’est donc que la satisfaction ne requiert pas
des oeuvres pénales.
Cependant:
saint Grégoire nous dit: "Il est juste que le pécheur s’inflige, par la pénitence, d’autant plus de
peine qu’il s’est fait, par sa faute, de plus grands dommages".
D’ailleurs la satisfaction doit guérir parfaitement la blessure du péché. Or les remèdes aux
péchés sont des peines, comme le dit le Philosophe. Il faut donc que la satisfaction se fasse
par des oeuvres pénales.
Conclusion:
…Or, quoique du côté de Dieu, rien du bien divin ne puisse être enlevé, le pécheur
Cependant, comme nous l’avons dit, s’efforce, autant qu’il est en son pouvoir, d’enlever
quelque chose à Dieu. Il faut donc, pour qu’il y ait con que la satisfaction enlève quelque
chose au pécheur, au profit de l’honneur de Dieu. Mais l’oeuvre bonne, en tarit qu’oeuvre
bonne, n’enlève rien à celui qui la fait; elle ajoute plutôt à sa perfection; celui-ci ne peut donc
subir une soustraction de bien, pour l’oeuvre bonne, que si cette oeuvre est pénale. Il faut
donc, pour qu’une oeuvre soit satisfactoire, qu’elle soit bonne, afin d’honorer Dieu et qu’elle
soit pénale afin de soustraire au pécheur quelque bien.
Solutions:
1. Bien que Dieu ne se délecte pas dans les peines en tant que peines, il y prend plaisir en tant
qu’elles sont justes et peuvent être ainsi satisfactoires.


3. L’honneur dû pour le péché est la compensation de l’offense qui ne peut se faire sans une
peine du pécheur. C’est de ce dû, que doit s’en tendre la parole de saint Anselme.


ARTICLE 2: Les peines de la vie présente sont-elles satisfactoires?
Objections:
1. Il semble que les peines dont Dieu nous, punit en cette vie ne puissent pas être
satisfactoires. Rien ne peut être satisfactoire que ce qui. est méritoire, comme on le voit par ce
que nous avons dit. Mais nous ne méritons que par les choses qui dépendent de nous; et
comme les châtiments, que Dieu nous inflige, ne dépendent pas de nous, il semble donc qu’ils
ne puissent pas être satisfactoires.
2. La satisfaction est le privilège des bons. Or ces châtiments temporels sont aussi infligés aux
méchants et c’est à eux principalement qu’ils sont dûs. Ils ne peuvent donc pas être
satisfactoires.
Conclusion:
La compensation de l’offense passée peut avoir sa cause dans l’offensant ou être imposée par
un autre. Quand elle est imposée par un autre, elle a plutôt le caractère de peine vindicative,
que celui de satisfaction. Quand elle procède de l’offensant lui-même, elle devient
satisfaction. S
i donc le patient, auquel Dieu inflige des châtiments, les fait siens de quelque
façon, ils reçoivent le caractère de satisfaction. Or il les fait siens en tant qu’il les accepte pour
la purification de ses péchés, les utilisant en patience. Si, au contraire, il proteste, avec
impatience, contre ces châtiments, il ne les fait siens d’aucune façon et ils n’ont, en con
séquence, aucun caractère de satisfaction, mais seulement celui de peine vindicative.
Solutions:

1. Bien que ces châtiments ne soient pas eux-mêmes en notre pouvoir, il dépend de nous de
nous en servir en patience; c’est ainsi que faisant de nécessité vertu, nous pouvons les rendre
méritoires et satisfactoires.
2. "Le même feu qui fait briller l’or fait fumer la paille" nous dit saint Grégoire (saint
Augustin dans la Cité de Dieu). C’est ainsi que les mêmes châtiments purifient les bons et
rendent les mauvais plus coupables par impatience. C’est pourquoi les châtiments ne sont
satisfaction que pour les bons, bien qu’ils soient communs aux bons et aux méchants.

ARTICLE 3: Les oeuvres satisfactoires sont-elles bien énumérées, quand on en compte
trois l’aumône, le jeûne et la prière?

cmoi
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par cmoi » dim. 07 janv. 2024, 7:02

ChristianK a écrit :
jeu. 28 déc. 2023, 16:39
Dieu est esprit avant d’ëtre amour.
Oui, et il est Saint avant tout, mais s’appuyer dessus est un pléonasme. Parler d’amour, cela donne sa couleur, même si ce n’est pas rigoureux philosophiquement.
Savoir qu’un tel est de nature angélique est insuffisant, nous avons besoin de savoir s’il est bon ou s‘il est méchant, c’est plus utile !
ChristianK a écrit :
jeu. 28 déc. 2023, 16:39
Il avait la nature humaine
Oui, c’est pourquoi la « souffrance » se manifeste autrement en Dieu et ne nuit pas ni n’exclut le concept de son impassibilité, mais parce que le dire ainsi peut être faux, il n’y a plus que la poésie (approche apophatique) pour essayer d’exprimer l’idée qui contredit la raison et que la raison sait pourtant juste.
Tandis que se limiter à ce que dit la raison c'est s'induire en erreur.

Coco lapin
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Coco lapin » lun. 08 janv. 2024, 12:26

ChristianK a écrit :La conclusion est bonne mais punir sans nécessité est exactement une punition excessive (art. de ST Thomas sur la vertu de vindicte : juste milieu entre punitions trop molles ou excessives (cruauté)
Pas exactement. Si je dis "j'ai donné une punition excessive à cet enfant", ça ne veut pas dire que je pouvais me permettre de ne pas lui donner de punition du tout.
Dans le cas où punir ne sert à rien, si je punis quand même, je fais preuve de cruauté.
ChristianK a écrit :Une satisfaction est quelque chose qu’on accepte dans la pénitence. L’enfer n’est aucunement une satisfaction au sens de III 46.
Les peines des sens en enfer existent pour satisfaire la justice divine. Sans cette nécessité, ce serait de la cruauté.
ChristianK a écrit :Non, erreur, la satisfaction est une part de la pénitence, elle présuppose celle-ci. Si on dit que l’enfer est une satisfaction c’est dans un sens différent du mot.
Oui, eh bien je ne vois pas quel autre mot employer. Ce qui compte c'est que les peines subies par les damnés et par les âmes du purgatoire sont nécessitées par la justice divine, et que Dieu ne peut les annuler librement.

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ChristianK
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par ChristianK » dim. 14 janv. 2024, 19:23

cmoi a écrit :
dim. 07 janv. 2024, 7:02
Oui, et il est Saint avant tout, mais s’appuyer dessus est un pléonasme. Parler d’amour, cela donne sa couleur, même si ce n’est pas rigoureux philosophiquement.
Savoir qu’un tel est de nature angélique est insuffisant, nous avons besoin de savoir s’il est bon ou s‘il est méchant, c’est plus utile !
Oui, c’est pourquoi la « souffrance » se manifeste autrement en Dieu et ne nuit pas ni n’exclut le concept de son impassibilité, mais parce que le dire ainsi peut être faux, il n’y a plus que la poésie (approche apophatique) pour essayer d’exprimer l’idée qui contredit la raison et que la raison sait pourtant juste.
Oui il y a complémentarité mais disctinction entre vocabulaire dogmatique et vocabulaire mystique


Coco lapin a écrit :
lun. 08 janv. 2024, 12:26
Dans le cas où punir ne sert à rien, si je punis quand même, je fais preuve de cruauté.
Oui mais cela fait partie d’un cas particulier de cruauté au sens de punition excessive, désordonnée (selon la définition thomiste de cruauté).
Une satisfaction est quelque chose qu’on accepte dans la pénitence. L’enfer n’est aucunement une satisfaction au sens de III 46.
-----------------
Les peines des sens en enfer existent pour satisfaire la justice divine. Sans cette nécessité, ce serait de la cruauté.
Oui pcq ici il n’y a aucune pénitence, pas contrition. St Thomas semble d’accord.
Non, erreur, la satisfaction est une part de la pénitence, elle présuppose celle-ci. Si on dit que l’enfer est une satisfaction c’est dans un sens différent du mot
-------------------------
Oui, eh bien je ne vois pas quel autre mot employer. Ce qui compte c'est que les peines subies par les damnés et par les âmes du purgatoire sont nécessitées par la justice divine, et que Dieu ne peut les annuler librement.
Pour les damnés oui. Au purgatoire je ne suis pas sûr de la position de St Thomas. Car il y eut contrition.
Le nœud de l’affaire est la distinction entre pénitents et impénitents.
Il semble que dans le cas des pénitents ils prennent sur eux la satisfaction, au moins d’intention; tandis que les damnés ne l’ont fait aucunement, et donc se voient imposés une satisfaction « de l’extérieur » à leur vouloir. On aurait le même mot en 2 sens un peu différents, ou ciconstances un peu différentes.

PS. Une analogie : dans les premiers siècles les confesseurs imposaient des satisfactions autrement raides que celles de maintenant (généralement quelques prières etc); supposons,pour l’argument, que des confesseurs d’aujourd’hui feraient la même chose, dirions-nous qu’il y aurait injustice pcq d’autres confesseurs font tout différemment? Nagturellement les confesseurs ne sont pas Dieu, mais le point important ici est l’idée de relativité, donc d’une certaine liberté.Et si la liberté divine existe là dessus comme pense St Thomas, pourquoi en théorie, ne pourrait –elle pas se passer de satisfaction par miséricorde pour les pénitents (bien que ce ne soit pas le meilleur puisque Dieu n’en a pas décidé ainsi)?
Cela dit, je pense que cette question n’a pas été tranchée directement par le dogme ou autrement donc on est peut-être dans le domaine des opinions laissées à la libre discussion. Toutefois voici un paragraphe de Trente qui peut fournir des pistes :

1690 (no.de Denzinger)
Assurément le caractère de la justice divine semble exiger que ceux qui ont péché par ignorance avant le baptême rentrent en grâce autrement que ceux qui, une fois délivrés de l'esclavage du péché et du démon, après avoir reçu le don du Saint-Esprit, n'ont pas craint de violer sciemment le Temple de Dieu 1Co 3,17 et de contrister l'Esprit Saint Ep 4,30.
Il convient que la clémence divine ne nous remette pas nos péchés sans aucune satisfaction si bien que, saisissant l'occasion et estimant nos péchés assez légers, nous tomberions dans de plus graves, faisant outrage et injure à l'Esprit Saint He 10,29, et amassant contre nous des trésors de colère pour le jour de la colère Rm 2,5 Jc 5,3. Sans aucun doute, en effet, ces peines expiatoires écartent grandement du péché, retiennent comme un frein, et rendent les pénitents plus prudents et plus vigilants pour l'avenir ; elles sont aussi un remède pour les séquelles du péché et enlèvent les habitudes vicieuses prises par une mauvaise vie en faisant accomplir des actions vertueuses opposées à ces habitudes.
Et aucune voie n'a jamais été estimée plus sûre dans l'Eglise de Dieu pour écarter la peine dont menace le Seigneur Mt 3,2 Mt 3,8 Mt 4,17 Mt 11,21 que de se consacrer assidûment à ces oeuvres de pénitence avec une vraie douleur de coeur.
À cela s'ajoute que, en souffrant lorsque nous satisfaisons pour nos péchés, nous devenons conformes au Christ Jésus qui a satisfait pour nos péchés Rm 5,10 Jn 2,1-2 lui de qui vient notre capacité 2Co 3,5, ayant aussi l'assurance très certaine que si nous souffrons avec lui, avec lui nous serons glorifiés Rm 8,17
https://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/f1m.htm

Ici on a l’idée que les satisfactions ne seraient pas dûes à Dieu de nécessité absolues (donc elles seraient libres pour Lui) mais qu’elles sont bonnes pour nous, pour la prudence, vigilance, peur de péché etc. Je favorise cette piste de peur de contredire l’autorité de St Thomas, docteur commun.

Coco lapin
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Re: Jésus s'est sacrifié à qui exactement ?

Message non lu par Coco lapin » mer. 17 janv. 2024, 20:12

Que la satisfaction soit acceptée ou non (damnées VS âmes du purgatoire), elle est obligatoire pour eux. Quand Dieu pardonne les péchés, il reste souvent une peine temporelle à expier. Le concile de Trente enseigne aussi que les pénitences ici-bas peuvent servir à satisfaire à cette expiation requise en tant que "châtiments". Les pénitences ne servent pas seulement à se corriger pour ne pas retomber dans le péché.

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