Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

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Perlum Pimpum
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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Perlum Pimpum » lun. 27 mars 2023, 16:35

ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
il n’est pas clair à 100% que les postulats de Kant, donc le Kantisme, soit incompatible complètement avec le dogme, car pour Kant la métaphysique est transférée en morale et donc la raison arrive à Dieu (plus faiblement certes).
J'attendrais d'avoir terminé l'étude complète du criticisme avant de me prononcer définitivement. Je voudrais toutefois revenir succinctement sur ce que vous disiez ailleurs de la "preuve" kantienne. Telle que vous la présentez, c'est un postulat, non une preuve apodictique : un postulat pétitionné pour légitimer la conception kantienne de la moralité. Tout s'y passe comme si Kant nous disait : "il faut que Dieu existe pour que ma morale soit vraie"...


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
il est objet d’onto-théologie, l’Etant suprême. Généralement on distingue ontologie de théologie naturelle et c’est ok mais un peu conventionnel. L’ontologie concerne tout ce qui est, et Dieu est souverainement. On pourrait dire : Ontologie= être créé + Etre incréé.

On pourrait dire substance par analogie pour Dieu mais c’est une question de mots je crois.
Que Dieu soit un étant est nié de ceux pour qui - dans la ligne néothomiste de Gilson - l'étant n'apparait qu'avec les créatures (analogués secondaires de l'analogie transcendantale = de Dieu aux créatures). Ils veulent que Dieu ne soit qu'exister, et nient qu'il soit une essence et une substance, faisant valoir que la substance et l'essence sont en puissance passive à l'exister (cf. CG, II, 52 sq). Bref, ils prétendent (faussement de mon point de vue) que la substance, et ainsi l'étant, n'apparait qu'avec les analogués secondaires.

Quant à savoir si Dieu est, à proprement parler, substance, c'est affaire de définition. Saint Thomas n'hésite pas à dire à de multiple reprises qu'à proprement parler (stricto sensu) Dieu n'est pas substance (d'où Gilson tire argument), encore que Thomas ne se gène pas pour en parler (lato sensu) comme d'une substance chaque fois qu'il en éprouve le besoin. La conclusion de ce rejet est que Dieu transcende les catégories, ce qui devient extrêmement problématique pour tout discours en lequel Dieu est un objet régional de la métaphysique. En effet la métaphysique (aristotélicienne) * a pour sujet l'être comme être, dit en des acceptions multiples, catégoriales (substance et accidents), et toujours par référence à un premier (substance), auquel seul "être" s'attribue intrinsèquement. De sorte que rien ne sera dit être sinon en tant qu'il sera : ou une substance, ou relatif à une substance [soit comme partie de la substance (partie essentielle : forme / matière ; partie méta-essentielle : exister), soit comme accident de la substance]. Ceci suffit à démonter que la métaphysique en laquelle l'exister est le sujet outrepasse la métaphysique aristotélicienne.

* La métaphysique aristotélicienne est donnée dans une analogie de proportion en laquelle l'analogue (être) s'attribue intrinsèquement au seul analogué principal (substance). Selon Aristote les analogués secondaires de l'analogie prédicamentale n'ont d'être que nominalement... D'où le besoin d'introduire un correctif de type avicennien pour attribuer intrinsèquement l'être aux secondaires ; d'où de nouvelles problématiques, l'être-sujet de la métaphysique apparaissant simultanément comme univoque et analogue. Il n'est pas dans mon intention d'expliquer ici comment l'assertion échappe à la contradiction.


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
Attention au terme sujet. Il est plus habituel de dire objet (avec le même sens). Sujet d’étude=objet (ou sujet vu sous un angle, pour être précis).
Le sujet d'une science est son préalable. Il est ce sur quoi la science porte, et est présupposé connu (comme sujet) antécédemment aux conclusions auxquelles la science va conséquemment aboutir. Le sujet vu sous un angle, par exemple l'être en tant qu'être, est le sujet formel d'une science ; science ayant pour sujet matériel le sujet pris indépendamment de l'aspect formel sous lequel la science l'envisage.

L'objet d'une science est ce que recherche la science. L'objet matériel est ce qui est recherché, l'ensemble des conclusions d'une science. L'objet formel d'une science est la lumière sous laquelle son objet matériel est traité. Pour ce qui est de la métaphysique, cette lumière est autant la lumière naturelle de la raison (par opposition à la lumière surnaturelle de grâce) que l'aspect formel sous lequel le sujet et conséquemment les objets matériels de cette science sont envisagés.


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
S'opposant aux deux branches de l'alternative, les thomistes contemporains précisent que le sujet de la métaphysique, l'être (esse ut sic), n'est pas l'étant (esse in actu) mais l'exister (esse ut actus) ; leur discours s'assimilant à une simple variante de l'onto-théologie. Pour qu'il en soit autrement, il leur faudrait basculer dans un schème théo-ontologique de la métaphysique, métaphysique ayant pour sujet l'exister incréé (et l'ontologie comme objet régional), sujet dont ils seraient incapables de dire de quel degré d'abstraction ils le tirent.
Je ne suis pas sûr du sens de ce ^paragraphe.

L’étant, sous l’angle de l’être, est objet de la métaphysique, ce qui inclut L’acte d’exister mais l’essence aussi, l’acte d’exister n’est pas le seul objet. « Leurs discours » est-il celui des thomistes contemporains?

Dans le ^paragraphe tout se passe comme si Dieu était l’objet premier de la métaphysique, ce qui n’a pas de sens,
Le § supposait connu la distinction de l'objet et du sujet d'une science. Je vous y disais :

(1) Que l'onto-théologie ne peut avoir Dieu comme sujet mais seulement comme objet.
(2) Qu'est débattu de savoir si le sujet de l'onto-théologie, l'être comme être, est la substance ou l'exister. ** / *** / ****
(3) Que Dieu ne peut être sujet d'une science qu'à opérer un basculement de l'onto-théologie à la théo-ontologie.
(a) Que ce basculement est impossible dans la perspective naturaliste de la philosophie, par défaut d'évidence du sujet.
(b) Qu'il n'est possible que dans le cadre de la doctrine sacrée, par le biais de revelabile.

** Dans toute métaphysique où l'analogue de l'analogie prédicamentale, l'être-comme-être, ne s'attribue intrinsèquement qu'à l'analogué principal, l'analogue s'identifie à l'analogué principal et à lui seul. Selon donc qu'on y assimilera le principal à la substance (aristotélisme strict) ou à l'exister (thomisme "gilsonien"), l'être-comme-être sera la substance ou l'exister, à l'exclusion du reste.

*** Ceux qui disent que le sujet de la métaphysique n'est ni la substance (qui est un étant) ni l'étant (commun ou possible) mais l'exister, instrumentalisent le reproche porté par Heidegger (l'oubli de l'être - qu'ils assimilent à l'oubli de l'être-comme-acte, l'acte d'être, l'exister) contre toutes les métaphysiques concurrentes, structurellement ontologiques, ayant l'étant pour sujet, ce que l'étant soit assimilé ou non à la substance. La métaphysique de l'exister est pourtant ontologique à sa manière, s'il est vrai que l'ontologie est un discours sur l'être, un discours ayant l'être pour sujet, ce indépendamment de savoir si ce sujet est l'être-comme-substance, l'être-comme-étant, l'être-comme-exister.

**** La question ultime est de savoir si le sujet de la métaphysique est l'être en amont de l'exister, de la substance, de l'étant ; ou s'il est, au choix, ou l'exister, ou la substance, ou l'étant ? Dit autrement, lequel des quatre suivants est le sujet de la métaphysique : l'être-comme-substance, l'être-comme-étant, l'être-comme-exister, ou l'être-comme-être ? Dit autrement, l'être-comme-être, sujet de la métaphysique, s'assimile-t-il à l'un quelconque des trois autres ? Dit autrement, quid est esse ?
(**** est étroitement solidaire de *)



ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
Dieu étant très inévident comparé à l’être tout court, hyperévident et fondement de toute évidence (« il y a de l’être, l’être est »)
Vos remarques sur l'ens commun, subdivisé en créé et incréé, vous situent sur le versant post-aristotélicien, scotiste-suarézien, de la métaphysique. D'où donc cette question : si « de toute évidence... l’être est », qu'est l'être ?

Je gage que la réponse ne soit pas si évidente que ça... *

* Non qu'elle manque d'évidence, mais parce qu'à la hauteur d'abstraction où elle se situe...


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
Je disais qu'en votre perspective Dieu n'est pas le sujet mais un des objets de la métaphysique. De sorte qu'à envisager la théologie naturelle comme une partie de la métaphysique, ainsi que vous le faites, Dieu ne sera pas d'avantage le sujet de la théologie, mais l'objet auquel cette partie de la métaphysique atteint. Aussi concluais-je que, pour que Dieu soit le SUJET d’une science philosophique, la théologie naturelle, celle-ci devra être distincte et supérieure à la métaphysique ; ce qui, au regard des trois degrés d'abstraction, est impossible ; mais qui pourtant est possible en tant :
Erreur à mon avis.
Vous y voyez une erreur parce que vous confondez l’objet et le sujet...


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30

Oui mais les maths ne sont pas subalternées à la science sacrée. Pourquoi donc?
Elles sont naturellement subalternées à la métaphysique, puisqu'elles reçoivent leur sujet, l'être comme quantifiable, de la science traitant de l'être comme être. Si donc cette dernière est elle-même surnaturellement incluse en la doctrine sacrée par le biais du revelabile...


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
mais ca n’implique aucunement que la métaphysique ait pour objet des données révélées qui sont au-delà d’elle-même.
Non seulement ça ne l'implique pas, mais ça l'exclut, la métaphysique (d'ordre philosophique) étant une onto-théologie.

Ce n'est que par manière de parler, lato sensu, en prenant "métaphysique" comme objet de la doctrine sacrée inclusive du revelabile, que l'assertion est audible.


ChristianK a écrit :
jeu. 23 mars 2023, 17:30
De ce que la révélation parle de sujets dont la philo parle ne s’ensuit pas que la philo parle des sujets strictement révélés (i.e. accessibles à la révélation seule). Mais j’imagine que vous ne voulez pas dire ca; vous voulez dire que sur le terrain strictement philosophique (avec exemple kantien), il y a nécessité morale de la foi pour que la philo soit protégée des erreurs sur son propre terrain strict . Je dis oui mais pas nécessité absolue ou intrinsèque, donc la philo en elle-même, indépendamment des faiblesses humaines, peut arriver au Dieu philosophique toute seule, en principe, bien qu’avec difficulté et pour une infime minorité. Après tout, Aristote définit Dieu comme pur être en acte et esprit, ce qui est exactement le petit caté : pur esprit infiniment parfait. Et quand on ajoute le créationnisme d’Avicenne par-dessus c’est encore plus fort. Vous direz Avicenne était musulman, mais je suis sûr que des paiens ont eu l’idée avant, des Platonisants par exemple.
Nous sommes ici d'accord. La nécessité de la grâce pour l'activité philosophique n'est pas une nécessité physique mais seulement morale. *

* Plus exactement, il y a aussi nécessité physique de la grâce, du moins quant à certains points dont traite faussement la métaphysique philosophique ; la raison ne pouvant en traiter droitement qu'en le cadre de la doctrine sacrée. C'est ainsi que la raison laissée à ses seules forces, alors-même qu'elle traite de la substance, ne la distingue pas l'hypostase. En quoi la raison philosophique erre manifestement, s'il est vrai, comme la foi l'enseigne, que sont trois hypostases consubstantielles, et que l'une d'elles est deux substances. Appert ainsi que même sur un sujet d'apparence aussi naturel et philosophique que celui de la substance, la raison va inexorablement défaillir si elle n'est pas assistée par la foi. La grâce ne sera pourtant pas physiquement nécessaire pour chacune des assertions de la raison relatives à la substance, mais elle le sera pour l'une d'elles, et des plus centrales, celle relative à l'identité ou la non-identité de la substance à l'hypostase...

Qu'il s'agisse là d'un hapax n'obstacle pas qu'il suffise de soi à restreindre la portée du principe d'une nécessité seulement morale de la grâce. Il y a nécessité physique de la grâce pour que le philosophe, ainsi transmuté en théologien catholique, en théologien qui philosophize, puisse résoudre une question, posée lors d'un questionnement purement philosophique, en écartant de la réponse l'erreur que la philosophie apportait inéluctablement.


--

Cordialement.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Vid » mar. 28 mars 2023, 10:01

Sur un autre forum on me répond ceci : "Ah non, car c'est a celui qui affirme l'existence de Dieu de prouver cette existence car on ne peut pas prouver l'inexistence de quelque chose et donc celui qui ne croit pas en Dieu n'a rien à prouver."

C'est assez courant et savoir répondre à ça rapidement peut exiger une préparation.
Pour moi, la réponse et aussi simple que rapide : je passe mon chemin. Celui qui voit ne pourra jamais prouver à un aveugle que les couleurs existent. Confronté à un aveugle, vous occuperiez mieux votre temps à prier pour que ses yeux s'ouvrent :)

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Héraclius » mar. 28 mars 2023, 16:43

Que Dieu soit un étant est nié de ceux pour qui - dans la ligne néothomiste de Gilson - l'étant n'apparait qu'avec les créatures (analogués secondaires de l'analogie transcendantale = de Dieu aux créatures). Ils veulent que Dieu ne soit qu'exister, et nient qu'il soit une essence et une substance, faisant valoir que la substance et l'essence sont en puissance passive à l'exister (cf. CG, II, 52 sq). Bref, ils prétendent (faussement de mon point de vue) que la substance, et ainsi l'étant, n'apparait qu'avec les analogués secondaires.
Par Gilsonisme primaire, je me permet de souligner que Gilson est plus nuancé en son fond qu'en certaines de ses expressions les plus radicales. Il n'ignore pas que Thomas parle d'essence de Dieu ou de Dieu comme un ens. Dire que Dieu n'est qu'exister est une évidence pour tout thomiste, puisque c'est une conséquence nécessaire de l'identification de l'essence de Dieu à son exister. Ajouter (avec Thomas en plusieurs endroits) qu'en un sens on peut dire que Dieu n'a pas d'essence, c'est simplement noter que Dieu n'a pas d'essence au sens où celle-ci est l'une des deux faces d'une distinction dont l'exister est l'autre terme, étant sauve la possibilité de se demander ce qu'est Dieu, qui justifie le fait de conserver pour Dieu le vocabulaire de l'essence (et Gilson ne le nie pas).
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par ChristianK » mar. 28 mars 2023, 17:41

Oui c'est mon opinion. Je conserve toutefois un doute raisonnable sur ces questions pointues, et je suis prêt à en changer.

Vid a écrit :
mar. 28 mars 2023, 10:01


Pour moi, la réponse et aussi simple que rapide : je passe mon chemin. Celui qui voit ne pourra jamais prouver à un aveugle que les couleurs existent. Confronté à un aveugle, vous occuperiez mieux votre temps à prier pour que ses yeux s'ouvrent :)
Le problème avec cette métaphore, c'est que on considère le Dieu des philosophes comme évident, aussi évident que la connaissance sensible de la vision. POint de vue que seuls les tenants de l'argument ontologique vont accepter (ca fait quand même du monde, Spinoza, Leibniz, St Anselme).
POur les autres, la réponse aura un effet de non réponse et c'est pas une bonne idée dialectique.
Et de toute facon, la question n'est pas du tout celle de l'existence de Dieu ou non, c'est la question préalable de savoir qui a le fardeau de preuve. Ca s'applique aussi bien à celui qui dit: c'est à celui qui dit que la vie extraterrestre existe de le prouver, pas à celui qui dit qu'elle n'existe pas.

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Vid » mer. 29 mars 2023, 16:10

Le problème avec cette métaphore, c'est que on considère le Dieu des philosophes comme évident [...] la question n'est pas du tout celle de l'existence de Dieu ou non, c'est la question préalable de savoir qui a le fardeau de preuve
Je ne parle pas du Dieu des philosophes que, n'ayant sans doute pas votre érudition, je ne connais mais qui me semble se résumer à une idée intellectuelle de Dieu, aussi vaste que puisse être cette idée. Je parle – et il me semble avoir été clair là-dessus – de percevoir Dieu, pas de s'en faire une idée... et je ne vois pas pourquoi je devrais prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. J'ai plaisir à témoigner mais le fait que l'on me croie ou non ne m'appartient pas.

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Gaudens » ven. 31 mars 2023, 11:29

Au sujet de cette discussion , je conseille se visionner la vidéo en lien: les raisons de la foi . C'est un podcast d'une émission de KTO(Regis Burnet reçoit deux jeunes philosophes chrétiens,l'un rédacteur en chef de Communio,l'autre animateur de la chaine youtube Foi et Raison.
https://www.youtube.com/watch?v=zCNhUOVV5Xc&t=794s

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par ChristianK » ven. 31 mars 2023, 17:11

Vid a écrit :
mer. 29 mars 2023, 16:10
Le problème avec cette métaphore, c'est que on considère le Dieu des philosophes comme évident [...] la question n'est pas du tout celle de l'existence de Dieu ou non, c'est la question préalable de savoir qui a le fardeau de preuve
-----------------------------------------
s mais qui me semble se résumer à une idée intellectuelle de Dieu, aussi vaste que puisse être cette idée. Je parle – et il me semble avoir été clair là-dessus – de percevoir Dieu, pas de s'en faire une idée... et je ne vois pas pourquoi je devrais prouver quoi que ce soit à qui que ce soit. J'ai plaisir à témoigner mais le fait que l'on me croie ou non ne m'appartient pas.
Ok mais vous renoncez à l'apologétique, qui est disctincte de la foi (confiance). Si vous ne prouvez rien vous n'aurez aucune part à une discussion sur l'athéisme philosophique, donc aucune prise sur l'évolution vers le théisme. Vous serez incapable de lever les objections/obstacles athées vers la foi.
Percevoir ne sera pas une réponse car tout de suite l'athéisme va interpréter cette perception comme une illusion puisque son objet n'existe pas.
Il est faux que le Dieu des philos soit une idée, c'est un être réel auquel l'intellect arrive. En revanche il est vrai que cet être réel est plus indirectement expérimenté que dans une expérience mystique, ou dans le cadre d'une révélation par un prophète ou Dieu parle, livre des messages. Bref, le Dieu philosophique ne couvre qu'une partie des propriétés du Dieu de la foi.
Et puis le théisme et l'athéisme sont des questions de philo fascinantes; que quelqu'un ne s'y intéresse pas ne change rien à la valeur de ces questions (sans compter le dogme de Vatican I).

perlum a écrit : . Tout s'y passe comme si Kant nous disait : "il faut que Dieu existe pour que ma morale soit vraie"...
Oui, mais le point que je veux souligner c’est que malgré cela, Kant lui-même utilise le terme preuve, et au sens qui parait fort en allemand (beweise) donc c’est permis, d’un point de vue historique kantien disons (mais j’admets bien que vous pourriez souligner un autre point de vue)
. La tradition reconnait pareillement les preuves morales (avec ce terme) tout en reconnaissant quasiment qu’elles n’en sont que par analogie, comparées aux preuves métaphysiques. Le dogme de Vatican I semble être assez large pour couvrir ca.


On pourrait dire substance par analogie pour Dieu mais c’est une question de mots je crois.
---------------------
Que Dieu soit un étant est nié de ceux pour qui - dans la ligne néothomiste de Gilson - l'étant n'apparait qu'avec les créatures (analogués secondaires de l'analogie transcendantale = de Dieu aux créatures). Ils veulent que Dieu ne soit qu'exister, et nient qu'il soit une essence et une substance, faisant valoir que la substance et l'essence sont en puissance passive à l'exister (cf. CG, II, 52 sq
Oui, et on peut très bien concéder en se mettant d’accord sur les mots. Pour moi Dieu=étant ca va, mais J’aime pas du tout Dieu=subtance, ne serait-ce que pour l’étymologie (sub-stare, donc avec accidents). St Thomas parle assez souvent de ens primum, et si je devais traduire je préférerais être premier, mais en étant pointilliste je devrais traduire étant premier (et alors, comme vous diriez, il me faudrait peut-être une note explicative pour dire « étant par analogie ».
De sorte que rien ne sera dit être sinon en tant qu'il sera : ou une substance, ou relatif à une substance [soit comme partie de la substance (partie essentielle : forme / matière ; partie méta-essentielle : exister), soit comme accident de la substance]. Ceci suffit à démonter que la métaphysique en laquelle l'exister est le sujet outrepasse la métaphysique aristotélicienne.
Oui, ON peut très bien dire ca, et donc la théologie naturelle devra dépasser un peu l’aristotélisme; on ^pourra parler d’étant nécessaire (qui possède essentiellement l’exister) en laissant tomber substance.

Le § supposait connu la distinction de l'objet et du sujet d'une science. Je vous y disais :

(1) Que l'onto-théologie ne peut avoir Dieu comme sujet mais seulement comme objet.
Pourquoi? Je comprends cette phrase comme signifiant : le Dieu révélé (sujet de la théologie sacrée) n’est pas objet de l’onto-théologie pcq cette dernière n’atteint que le Dieu des philos. Donc c’est trivial et pas grave.
(2) Qu'est débattu de savoir si le sujet de l'onto-théologie, l'être comme être, est la substance ou l'exister.
ON peut rester dans l’onto-théologie et rejeter la notion de substance pour Dieu
Il semble
*
(3) Que Dieu ne peut être sujet d'une science qu'à opérer un basculement de l'onto-théologie à la théo-ontologie.
Seulement si c’est le Dieu révélé il semble
(a) Que ce basculement est impossible dans la perspective naturaliste de la philosophie, par défaut d'évidence du sujet.
Justement non, car le sujet dont on parle c’est seulement le Dieu des philososophes, connu par analogie lointaine par ses effets. Question qui peut éclairer beaucoup la discussion : maintenez-vous votre position pour le Dieu strictement déiste?
(b) Qu'il n'est possible que dans le cadre de la doctrine sacrée, par le biais de revelabile.
Vérité triviale si on entend le Dieu révélé avec toutes ses propriétés.



* Ce n'est pas parce qu'on introduit un correctif de type avicennien que l'être comme être (esse ut sic) doit être assimilé à l'étant (ens)...
Oui mais je parlais de L’aspect Dieu créateur, à moitié absent chez Aristote. On ajoute ca à pur esprit infiniment parfait et on fait un bond en avant.
Je disais qu'en votre perspective Dieu n'est pas le sujet mais un des objets de la métaphysique. De sorte qu'à envisager la théologie naturelle comme une partie de la métaphysique, ainsi que vous le faites, Dieu ne sera pas d'avantage le sujet de la théologie, mais l'objet auquel cette partie de la métaphysique atteint. Aussi concluais-je que, pour que Dieu soit le SUJET d’une science philosophique, la théologie naturelle, celle-ci devra être distincte et supérieure à la métaphysique ;
Je comprends cette phrase comme signifiant la trivialité : le Dieu révélé n’est pas sujet de la métaphysique toute seule. Je ne vois pas pourquoi le Dieu objet de la métaphysique ne serait pas le Dieu sujet de la métaphysique, à condition de préciser que c’est le Dieu déiste (sauf que le déisme n’est pas neutre, il exclut la révélation, tandis que le pur Dieu métaphysique ne l’exclut pas, sans l’inclure.)

Oui mais les maths ne sont pas subalternées à la science sacrée. Pourquoi donc?
------------------------------------------
Elles sont naturellement subalternées à la métaphysique, puisqu'elles reçoivent leur sujet, l'être comme quantifiable, de la science traitant de l'être comme être. Si donc cette dernière est elle-même surnaturellement incluse en la doctrine sacrée par le biais du revelabile...
Donc il faut la révélation pour faire des bonnes maths?

Non seulement ça ne l'implique pas, mais ça l'exclut, la métaphysique (d'ordre philosophique) étant une onto-théologie.
Non ca ne l’exclut pas. Peut-être est-ce là le nœud de la discussion. Seul un déisme subséquent, qui dirait p.ex. qu’une révélation est impossible ou incompatible avec une perfection, l’excluerait.
A moins que par définition (mais on peut la rejeter) on dise que l’ontothéologie ne nous fait arriver qu’à une grosse chose limitée par une essence (c’est peut-être ca que vous voulez dire, plutôt que de souligner la différence entre Dieu révélé et Dieu métaphysique) ; mais on peut user du langage tel que un étant très particulier est acte pur d’exister (en ce sens on choisit de dire que étant=être), son essence et son existence ne font qu’un.
Nous sommes ici d'accord. La nécessité de la grâce pour l'activité philosophique n'est pas une nécessité physique mais seulement morale. *

* Plus exactement, il y a aussi nécessité physique de la grâce, du moins quant à certains points dont traite faussement la métaphysique philosophique ; la raison ne pouvant en traiter droitement qu'en le cadre de la doctrine sacrée. C'est ainsi que la raison laissée à ses seules forces, alors-même qu'elle traite de la substance, ne la distingue pas l'hypostase. En quoi la raison philosophique erre manifestement, s'il est vrai, comme la foi l'enseigne, que sont trois hypostases consubstantielles, et que l'une d'elles est deux substances. Appert ainsi que même sur un sujet d'apparence aussi naturel et philosophique que celui de la substance, la raison va inexorablement défaillir si elle n'est pas assistée par la foi. La grâce ne sera pourtant pas physiquement nécessaire pour chacune des assertions de la raison relatives à la substance, mais elle le sera pour l'une d'elles, et des plus centrales, celle relative à l'identité ou la non-identité de la substance à l'hypostase...

Qu'il s'agisse là d'un hapax n'obstacle pas qu'il suffise de soi à restreindre la portée du principe d'une nécessité seulement morale de la grâce. Il y a nécessité physique de la grâce pour que le philosophe, ainsi transmuté en théologien catholique, en théologien qui philosophize, puisse résoudre une question, posée lors d'un questionnement purement philosophique, en écartant de la réponse l'erreur que la philosophie apportait inéluctablement

Ceci confirme mes suspicions : on dirait le reproche trivial que la philo seule n’arrive pas aux vérités révélées. C’est sans importance car le Dieu des philosophes est un Dieu déiste (déisme neutre, pas celui au sens habituel qui nie toute révélation).

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Perlum Pimpum » ven. 31 mars 2023, 23:41

Héraclius a écrit :
mar. 28 mars 2023, 16:43
Que Dieu soit un étant est nié de ceux pour qui - dans la ligne néothomiste de Gilson - l'étant n'apparait qu'avec les créatures (analogués secondaires de l'analogie transcendantale = de Dieu aux créatures). Ils veulent que Dieu ne soit qu'exister, et nient qu'il soit une essence et une substance, faisant valoir que la substance et l'essence sont en puissance passive à l'exister (cf. CG, II, 52 sq). Bref, ils prétendent (faussement de mon point de vue) que la substance, et ainsi l'étant, n'apparait qu'avec les analogués secondaires.
Par Gilsonisme primaire, je me permet de souligner que Gilson est plus nuancé en son fond qu'en certaines de ses expressions les plus radicales. Il n'ignore pas que Thomas parle d'essence de Dieu ou de Dieu comme un ens. Dire que Dieu n'est qu'exister est une évidence pour tout thomiste, puisque c'est une conséquence nécessaire de l'identification de l'essence de Dieu à son exister. Ajouter (avec Thomas en plusieurs endroits) qu'en un sens on peut dire que Dieu n'a pas d'essence, c'est simplement noter que Dieu n'a pas d'essence au sens où celle-ci est l'une des deux faces d'une distinction dont l'exister est l'autre terme, étant sauve la possibilité de se demander ce qu'est Dieu, qui justifie le fait de conserver pour Dieu le vocabulaire de l'essence (et Gilson ne le nie pas).
Non, ce n’est aucunement une évidence, même à être thomiste. Car si certains passages du corpus thomasien vont dans le sens d’une négation de l’essence divine, d’autres vont manifestement en sens contraire. De sorte qu’une expression telle que « l’essence de Dieu est d’exister » est susceptible de deux lectures radicalement distinctes.

Pour l’une, Dieu est réellement une essence et un exister, qui s’identifient à raison de la simplicité divine. Selon cette première lecture, dire que « l’essence de Dieu est d’exister » revient à dire que Dieu est à la fois une Essence et un Acte conceptuellement distingués alors même que réellement identifiés à raison de la simplicité divine. Tout à l’inverse, la lecture gilsonienne aboutit à nier que Dieu soit une essence : Dieu est un exister an-essentiel, auquel la raison d’essence ne s’attribue qu’improprement ; l’essence n’apparaissant à proprement parler qu’avec les analogués secondaires. Gilson ne pouvait certes pas gommer les assertions thomasiennes allant à l’encontre de sa thèse, mais il pouvait les intégrer en les réputant n’avoir été dites que secundum quid.

Il est très différent de dire qu’en Dieu l’essence et l’exister se confondent (première lecture) ou de dire que Dieu est un exister an-essentiel (seconde lecture, gilsonienne). Dire que « Dieu est essence et exister » n’est aucunement convertible à « Dieu n’est qu’exister », la seconde proposition niant précisément que Dieu soit aussi une essence. En nous écrivant que « Dieu n’est qu’exister », vous avez attesté du véritable esprit du gilsonisme : Dieu comme exister an-essentiel. Mais vous vous êtes contredit, pour avoir voulu assimiler la seconde lecture à la première. Vous ne pouviez pourtant pas affirmer que « Dieu n’est qu’exister », tout en prétendant cette assertion être en « conséquence nécessaire de l'identification de l'essence de Dieu à son exister ». Votre propos est structurellement contradictoire puisque, si Dieu n’est qu’exister, il n’est pas aussi une essence à laquelle cet exister se confond : il n’est qu’exister, à l’exclusion de toute essence : il n’est que... Loin donc que l’exister divin se confonde à l’essence divine, de sorte que Dieu soit à la fois essence et exister, il n’est ici qu’exister : c’est un exister an-essentiel. Reste donc, ou que Dieu ne soit qu’exister, ou qu’il soit aussi une essence (à laquelle son exister se confond) : il faut choisir…

Et avant d’opter pour Gilson, le lecteur serait bien avisé de considérer que, si Dieu n’est qu’exister, est un exister an-essentiel, Dieu n’est l’acte de rien. Mais s’il n’est l’acte de rien, ce rien dans l’ordre de l’essence doit s’attribuer à l’exister comme an-essentiel. Bref, ce n’est pas assez dire que l’exister an-essentiel n’est l’acte de rien, l’acte d’aucune essence ; il est encore l’acte de rien, l’acte qui est essentiellement rien puisqu’il n’est essentiellement rien. L’acte de rien, autrement dit l’acte de néant ! Le néant, contradictoirement conçu comme divinement existant… Le Néant déifié… Dieu comme Acte de Rien… Ce discours, ruine de tout discours, mène inexorablement au nihilisme et à l’athéisme.
Dernière modification par Perlum Pimpum le sam. 01 avr. 2023, 0:31, modifié 1 fois.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Message non lu par Perlum Pimpum » sam. 01 avr. 2023, 0:17

ChristianK a écrit :
ven. 31 mars 2023, 17:11
perlum a écrit : . Tout s'y passe comme si Kant nous disait : "il faut que Dieu existe pour que ma morale soit vraie"...
Oui, mais le point que je veux souligner c’est que malgré cela, Kant lui-même utilise le terme preuve, et au sens qui parait fort en allemand (beweise) donc c’est permis, d’un point de vue historique kantien disons (mais j’admets bien que vous pourriez souligner un autre point de vue)
. La tradition reconnait pareillement les preuves morales (avec ce terme) tout en reconnaissant quasiment qu’elles n’en sont que par analogie, comparées aux preuves métaphysiques. Le dogme de Vatican I semble être assez large pour couvrir ca.
Si Kant dénommine « preuve » son postulat érigé en pétition de principe, cela ne fait pas de son postulat une preuve, mais une pure pétition de principe.

Par ailleurs Vatican I ne parle pas de postuler Dieu mais de le prouver. Et outre qu’il s’agisse pour le Concile, en accord à la doctrine catholique qu’il consacre, de preuves métaphysiques, ceci encore que j’ai du mal à comprendre comment vous assimilez le postulat kantien, pure pétition de principe, à une preuve morale. Qu’entendez-vous vous exactement par preuve morale ?


ChristianK a écrit :
ven. 31 mars 2023, 17:11

Pourquoi? Je comprends cette phrase comme signifiant : le Dieu révélé (sujet de la théologie sacrée) n’est pas objet de l’onto-théologie pcq cette dernière n’atteint que le Dieu des philos. Donc c’est trivial et pas grave.
Le Dieu des philosophes ne peut pas être sujet de l’onto-théologie, parce que son existence et sa nature sont déduites, sont des conclusions, donc des objets de l’onto-théologie ayant l’être en tant qu’être pour sujet…

Ceci répond à la suite de vos remarques.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Héraclius » sam. 01 avr. 2023, 18:10

Il est très différent de dire qu’en Dieu l’essence et l’exister se confondent (première lecture) ou de dire que Dieu est un exister an-essentiel (seconde lecture, gilsonienne). Dire que « Dieu est essence et exister » n’est aucunement convertible à « Dieu n’est qu’exister », la seconde proposition niant précisément que Dieu soit aussi une essence. En nous écrivant que « Dieu n’est qu’exister », vous avez attesté du véritable esprit du gilsonisme : Dieu comme exister an-essentiel. Mais vous vous êtes contredit, pour avoir voulu assimiler la seconde lecture à la première. Vous ne pouviez pourtant pas affirmer que « Dieu n’est qu’exister », tout en prétendant cette assertion être en « conséquence nécessaire de l'identification de l'essence de Dieu à son exister ». Votre propos est structurellement contradictoire puisque, si Dieu n’est qu’exister, il n’est pas aussi une essence à laquelle cet exister se confond : il n’est qu’exister, à l’exclusion de toute essence : il n’est que... Loin donc que l’exister divin se confonde à l’essence divine, de sorte que Dieu soit à la fois essence et exister, il n’est ici qu’exister : c’est un exister an-essentiel. Reste donc, ou que Dieu ne soit qu’exister, ou qu’il soit aussi une essence (à laquelle son exister se confond) : il faut choisir…
Mais vous remarquerez que ce n'est pas Gilson, mais Thomas, qui hésite à donner à Dieu une essence, alors qu'il n'hésite pas à lui accorder l'exister. On aura donc du mal, de ce simple fait, à rejeter comme impropre à la pensée de St Thomas de comprendre l'essence de Dieu comme relative à son exister, pour ainsi dire subordonnée à lui dans l'identification (au sens où dire ce qu'est Dieu, c'est le dire exister, acte pur d'être). Comment rendez-vous compte de l'hésitation avicennienne de l'Ange de l'Ecole, si vous tenez l'essence et l'exister comme les deux tenants face à face d'une distinction de raison ?

J'avoues ne pas trop comprendre non plus votre polémique contre le Dieu "acte de rien". Evidemment qu'en un sens, Dieu est acte de rien ! Y aurait-il une potentialité dont Dieu serait l'acte, analogue au rôle que l'espèce joue chez les anges ? J'ai l'impression qu'en érigeant votre "seconde lecture" en opposition à la première, vous en niez le fond puisque votre distinction de raison tend dangereusement vers la distinction réelle. Vous parlez du néant comme si c'était une catégorie qui s'opposait d'abord à l'essence, mais elle s'oppose d'abord à l'être ; Dieu n'est pas néant justemment parce qu'il n'est qu'être, mais naturellement pas l'être incomplet de la chose créé, indéterminé en l'abscence d'une limitation déterminante. Là encore, l'asymétrie de l'être et de l'essence en Dieu est exigée par leur rapport dans les choses créées : si dans ces dernières l'essence est en puissance de l'acte d'être, alors en Dieu il faudra n'admettre le terme d'essence que vidé du caractère "potentiel" qu'il a dans les choses créées.. Faute de quoi je ne vois pas comment sauver, concrètement, la simplicité divine.

Je suis curieux de savoir qui s'est fait nihiliste & athée pour avoir trop lu L'être et l'essence, haha. Mais l'accusation d'athéisme contre la théologie apophatique est vieille comme cette dernière.
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Perlum Pimpum » dim. 02 avr. 2023, 11:32

Bonjour Héraclius,

Héraclius a écrit :
sam. 01 avr. 2023, 18:10

Mais vous remarquerez que ce n'est pas Gilson, mais Thomas, qui hésite à donner à Dieu une essence, alors qu'il n'hésite pas à lui accorder l'exister. On aura donc du mal, de ce simple fait, à rejeter comme impropre à la pensée de St Thomas de comprendre l'essence de Dieu comme relative à son exister, pour ainsi dire subordonnée à lui dans l'identification (au sens où dire ce qu'est Dieu, c'est le dire exister, acte pur d'être). Comment rendez-vous compte de l'hésitation avicennienne de l'Ange de l'Ecole, si vous tenez l'essence et l'exister comme les deux tenants face à face d'une distinction de raison ?
Je remarque d’abord que saint Thomas attribue explicitement l’essence à Dieu, et fait dêcouler l’existence de l’essence divine par le biais de la simplicité :
[+] Texte masqué

Il ne s’agit pas de nier que la Q.3 vienne après la Q.2, en laquelle Thomas dit très clairement qu’ « avant de se demander ce qu’est une chose, on doit se demander si elle existe » (q.2 a.2 ad.2), mais de dire qu’en le cadre de la Q.3 l’affirmation de l’essence est antécédente à celle de l’existence.

Le raisonnement est :
1° Que Dieu est (q.2).
2° Que Dieu est Simple (q.3) : il n’y a pas en Dieu composition d’essence et de sujet (a.3), donc Dieu est son essence (a.3), donc son essence est son être (a.4).

Et vous trouvez très explicitement l’affirmation que la Déité de Dieu (autrement dit Dieu en son essentialité) est Dieu : « Dieu est la Déité-même » (q.3, a.3 sed contra)
« Dieu est identique à son essence ou nature... Ainsi, puisque Dieu n’est pas composé de matière et de forme, comme nous l’avons montré, on doit conclure nécessairement que Dieu est sa déité, sa vie, et quoi que ce soit d’autre qu’on affirme ainsi de lui. » (ST, I, q.3 a.3 co). Respondeo dicendum quod Deus est idem quod sua essentia vel naturaoportet quod Deus sit sua deitas

« Il ne suffit pas de dire que Dieu est identique à son essence, comme nous venons de le montrer ; il faut ajouter qu’il est identique à son être, ce qui peut se prouver de maintes manières... Son essence est donc son existence. » (ST, I, q.3, a.4 co). Respondeo dicendum quod Deus non solum est sua essentia, ut ostensum est, sed etiam suum esse… Sua igitur essentia est suum esse.


Je remarque ensuite que si la raison divine de son existence est son essence, nous ne connaissons pas cette essence (le formel de la Déité nous est sur-mystérieux) pour conséquemment déduire son existence : nous déduisons l’existence de Dieu de ses effets :

« “ Être ” [esse] se dit de deux façons : en un premier sens pour signifier l’acte d’exister, en un autre sens pour marquer le lien d’une proposition, œuvre de l’âme joignant un prédicat à un sujet. Si l’on entend l’existence de la première façon, nous ne pouvons pas plus connaître l’être de Dieu que son essence. De la seconde manière seulement nous pouvons connaître l’être de Dieu : nous savons, en effet, que la proposition que nous construisons pour exprimer que Dieu est, est vraie et nous le savons à partir des effets de Dieu, ainsi que nous l’avons dit. » (ST, I, q.3, a.4 ad.2).


C’est pourquoi je ne crains pas de dire que le gilsonisme opère une réduction de la doctrine thomasienne. Votre hésitation à attribuer l’essence à Dieu n’est pas thomasienne..

« Après ce qui précède, on peut tenir pour assuré que Dieu est sa propre essence, sa propre quiddité ou nature. Tout être, en effet, qui n'est pas sa propre essence ou quiddité, présente nécessairement une certaine composition. Puisque tout être possède une essence qui lui est propre, c'est tout ce qu'est une chose qui serait sa propre essence, si dans cette chose il n'y avait rien d'autre que cette essence ; cette chose serait elle-même sa propre essence. Si donc une chose n'est pas sa propre essence, c'est qu'il y a en elle, nécessairement, autre chose que son essence. Et il y aura ainsi en elle composition. Aussi bien, même l'essence, chez les êtres composés, est-elle désignée par mode de partie, l'humanité chez l'homme par exemple. Or nous avons montré qu'il n'y a aucune composition en Dieu. Dieu est donc sa propre essence. Seul semble rester en dehors de l'essence ou de la quiddité d'une chose ce qui n'entre pas dans la définition de cette chose. La définition exprime en effet ce qu'est la chose. Or seuls les accidents de la chose ne tombent pas sous la définition. Seuls donc, dans cette chose, les accidents se trouvent en dehors de l'essence. Or en Dieu, nous l'avons vu, il n'y a pas d'accidents.En Dieu, il n'y a donc rien qui ne soit son essence. Il est donc lui-même sa propre essence. Les formes qui ne sont pas attribuées à des réalités subsistantes, que celles-ci soient prises dans l'universel ou qu'elles le soient dans le singulier, sont des formes qui ne subsistent pas, par soi, à l'état isolé, individuées en elles-mêmes. On ne dit pas que Socrate, un homme, un animal, soient la blancheur, car la blancheur ne subsiste pas par soi, à l'état isolé ; elle est individuée par un sujet subsistant. De même encore les formes naturelles ne subsistent pas par soi, à l'état isolé ; elles sont individuées dans des matières qui leur sont propres : on ne dira pas que ce feu, ou que le feu, est sa propre forme. Les essences mêmes ou les quiddités des genres et des espèces sont individuées par la matière désignée de tel ou tel individu, bien que la quiddité du genre ou de l'espèce enferme une matière et une forme en général : on ne dira pas que Socrate, ou tel homme, soit l'humanité. L'essence divine, elle, existe par soi, en soi, individuée en elle-même, puisque, nous l'avons vu, elle n'existe en aucune matière. L'essence divine est donc attribuée à Dieu de telle manière que l'on dise : Dieu est sa propre essence. L'essence d'une chose ou bien est cette chose, ou bien se comporte à l'égard de cette chose d'une certaine manière à titre de cause, puisque c'est par son essence que la chose prend rang dans l'espèce. Mais rien, d'aucune manière, ne peut être cause de Dieu, puisque Dieu est l'être premier. Dieu est donc sa propre essence. Ce qui n'est pas sa propre essence se tient, pour une part de soi-même, à l'égard de son essence comme la puissance par rapport à l'acte. C'est pourquoi l'essence est aussi désignée à la manière d'une forme, par exemple quand on parle d'humanité. Mais en Dieu, nous l'avons vu, il n'y a aucune potentialité. Dieu est donc nécessairement sa propre essence. » (CG, I, 21).



Héraclius a écrit :
sam. 01 avr. 2023, 18:10

J'avoues ne pas trop comprendre non plus votre polémique contre le Dieu "acte de rien". Evidemment qu'en un sens, Dieu est acte de rien ! Y aurait-il une potentialité dont Dieu serait l'acte, analogue au rôle que l'espèce joue chez les anges ? J'ai l'impression qu'en érigeant votre "seconde lecture" en opposition à la première, vous en niez le fond puisque votre distinction de raison tend dangereusement vers la distinction réelle. Vous parlez du néant comme si c'était une catégorie qui s'opposait d'abord à l'essence, mais elle s'oppose d'abord à l'être ; Dieu n'est pas néant justemment parce qu'il n'est qu'être, mais naturellement pas l'être incomplet de la chose créé, indéterminé en l'abscence d'une limitation déterminante. Là encore, l'asymétrie de l'être et de l'essence en Dieu est exigée par leur rapport dans les choses créées : si dans ces dernières l'essence est en puissance de l'acte d'être, alors en Dieu il faudra n'admettre le terme d'essence que vidé du caractère "potentiel" qu'il a dans les choses créées.. Faute de quoi je ne vois pas comment sauver, concrètement, la simplicité divine.
La distinction d’essence et d’exister est une distinction réelle mineure (ex parte rei) en les créatures : les deux parties, quoique distinctes in re, sont simultanément données (à défaut l’essence existerait indépendamment de l’exister). De sorte que si, en l’ordre créé, devait se nier absurdement l’essence pour n’affirmer que l’exister, l’exister serait l’acte de rien, ce sans qu’on puisse en conclure que ce rien soit son essence, puisque en l’ordre créé l’essence est réellement autre que l’exister. Tout à l’inverse la distinction d’essence et d’exister est seulement une distinction de raison raisonnée en Dieu. De sorte que si en Dieu l’exister n’est l’acte de rien (l’acte d’aucune essence), l’alternative suivante : soit Dieu n’a pas d’essence ; soit ce rien est son essence réelle. Or, dans la mesure où vous faisiez découler CONTRADICTOIREMENT l’an-essentialité de l’exister divin de l’identité réelle en Dieu de l’exister et de l’essence *, devenait logique de vous attribuer la conséquence ultime de cette contradiction : l’essence de Dieu est le néant.

* Vous écriviez : « Dieu n'est qu'exister est une évidence pour tout thomiste, puisque c'est une conséquence nécessaire de l'identification de l'essence de Dieu à son exister. »

Je vous réponds que l’évidence pour tout thomiste est que Dieu est réellement une essence, autant que réellement un exister, et que les deux se confondent réellement à raison de la simplicité divine, quoiqu’ils continuent de se distinguer notionnellement. Dieu n’est donc pas qu’exister, il est aussi essence ! Exciper de l’identité réelle de l’essence et de l’exister en Dieu pour nier ensuite un des termes de l’équivalence est contradictoire ! Vous êtes donc confronté au choix suivant : soit affirmer que Dieu est un exister an-essentiel, auquel cas merci de ne pas vous prétendre thomiste ; soit faire dêcouler contradictoirement la négation de l’essence divine de son identité réelle à l’exister, et vous voilà défier le néant…


Héraclius a écrit :
sam. 01 avr. 2023, 18:10

Je suis curieux de savoir qui s'est fait nihiliste & athée pour avoir trop lu L'être et l'essence, haha. Mais l'accusation d'athéisme contre la théologie apophatique est vieille comme cette dernière.
Mon opposition n’est pas à l’apophatisme mais à sa caricature, l’ultra-apophatisme. Est nihiliste quiconque déifie contradictoirement le néant ; ce que vous avez fait, comme montré ci-avant.


Cordialement.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par ChristianK » mar. 04 avr. 2023, 20:22

Perlum Pimpum a écrit :
sam. 01 avr. 2023, 0:17

Si Kant dénommine « preuve » son postulat érigé en pétition de principe, cela ne fait pas de son postulat une preuve, mais une pure pétition de principe.

Par ailleurs Vatican I ne parle pas de postuler Dieu mais de le prouver. Et outre qu’il s’agisse pour le Concile, en accord à la doctrine catholique qu’il consacre, de preuves métaphysiques, ceci encore que j’ai du mal à comprendre comment vous assimilez le postulat kantien, pure pétition de principe, à une preuve morale. Qu’entendez-vous vous exactement par preuve morale ?
Tout simplement l’exigence morale de rétribution ultime, qui peut être vue comme une preuve au sens élargi un peu ancien (preuve non démonstrative ou fondement raisonnable, comme on disait que les miracles étaient des preuves).
Vatican I, et il semble que ca ait été voulu, a un vocabulaire plus large que le mot preuve :

1. Si quis dixerit, Deum unum et verum, Creatorem et Dominum nostrum, per ea, quae facta sunt, naturali rationis humanae lumine certo cognosci non posse; anathema sit.
2. I. Si quelqu’un dit que Dieu unique et véritable, notre Créateur et Maître, ne peut pas être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine, au moyen des choses qui ont été créées ; qu’il soit anathème.
VEadem Sancta Mater Ecclesia tenet et docet, Deum, rerum omnium principium et finem, naturali humanae rationis lumine e rebus creatis certo cognosci posse; invisibilia enim ipsius, a creatura mundi, per ea quae facta sunt, intellecta, conspiciuntur (Rom. I.):
La même sainte Mère Église tient et enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être certainement connu par les lumières naturelles de la raison humaine, au moyen des choses créées
La morale est un aspect de l’homme, qui est une chose créée. Le point : les postulats kantiens sont-ils certains pour Kant? Il parle de beweise (utilisé pour preuves en maths).



Enfin chez Kant il y a fusion de métaphysique (métaphysique des mœurs) et morale. Pétition de principe me parait fort; Dieu n’est pas utilisé comme preuve de la morale kantienne, bien au contraire elle tient sans ca. Il est une affirmation nécessaire consécutive à cette morale, donc en un sens prouvé pragmatiquement (seulement) par cette morale. On arrive à Dieu par la raison comme veut le concile, avec un certain degré de nécessité. On peut dire avec une certitude dérivée. Car la morale est certaine.


Le Dieu des philosophes ne peut pas être sujet de l’onto-théologie, parce que son existence et sa nature sont déduites, sont des conclusions, donc des objets de l’onto-théologie ayant l’être en tant qu’être pour sujet…
Merci pour cette précision qui fait progresser la discussion.
Donc le problème en cause concenerait le Dieu déiste aussi et il ne s’agit plus des propriétés révélées.

Il est exagéré selon moi de dire que pcq on a l’être en tant qu’être pour objet, on n’arrive pas à Dieu comme sujet, car un Étant qui est être nécessaire constitue un sujet, et ca le metà part de tous les autres étants.


St. Thomas dans l’art. 7 cité :
Objections : 1. Toute science, dit Aristote, suppose connue la nature de son sujet, autrement dit “ ce qu’il est ”. Or,
cette science ne suppose pas la connaissance de ce que Dieu est, car, selon S. Jean Damascène : “ Dire de Dieu ce
qu’il est nous est impossible. ” Dieu n’est donc pas le sujet de cette science.

Solutions : 1. Il est vrai, nous ne pouvons pas savoir de Dieu ce qu’il est ; toutefois, dans notre doctrine, nous
utilisons, au lieu d’une définition, pour traiter de ce qui se rapporte à Dieu, les effets que celui-ci produit dans
l’ordre de la nature ou de la grâce. Comme on démontre en certaines sciences philosophiques des vérités relatives à
une cause au moyen de son effet, en prenant l’effet au lieu de la définition de cette cause.
Dans le traitement de cette objection il s’agit de science sacrée. Et de Dieu par ses effets. Il suffit de transposer en théologie naturelle et ce sera pareil, sauf qu’on aura le Dieu du théisme neutre (les déistes briseront cette neutralité en éliminant la révélation.
Le Dieu des philos est donc bien le sujet de la théo naturelle.


Suite :
En sens contraire, on doit considérer comme le sujet d’une science cela même dont on parle dans la science ; or,
dans la science sacrée, il est question de Dieu : d’où son nom de “ théo-logie ”, autrement dit de discours ou de
parole sur Dieu. Dieu est donc bien le sujet de cette science.
Réponse : Dieu est effectivement le sujet de cette science. Il y a le même rapport, en effet, entre le sujet d’une
science et la science elle-même, qu’entre l’objet et une puissance de l’âme ou un habitus.
Le Dieu de la bible est le sujet de la théo révélée. Donc le Dieu des philos dont parle la théo naturelle est nécessirement le sujet de cette métaphysique.

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Perlum Pimpum » jeu. 06 avr. 2023, 13:10

I. Pour ce qui est de la « preuve » kantienne de Dieu dans son lien au système kantien de la moralité, je me risque à l’ébauche d’une réponse malgré mes retards dans l’étude du corpus.

Tout simplement l’exigence morale de rétribution ultime, qui peut être vue comme une preuve au sens élargi
1. L’existence de Dieu « prouvée » par le ressentiment des impuissants à se venger eux-mêmes… Il faut que Dieu existe pour que ma rage soit satisfaite… Voilà donc votre preuve… Vous n’y prouvez pas Kant, mais Nietzsche… Pour qu’il en soit autrement et que ce qui précède relève de la basse polémique, il faudrait que cette exigence morale résulte de l’impératif catégorique. Mais comment, si l’impératif moral s’impose indépendamment qu’existe ou non le Dieu rétributeur ? Comment, si en le système kantien l’impératif catégorique s’impose comme loi universelle de la raison indépendamment de l’existence ou de l’inexistence de Dieu ? Comment donc Dieu pourrait-il être prouvé par l’ordre kantien de la moralité, si l’existence de Dieu est indifférente à l’existence de cet ordre ?

Enfin chez Kant il y a fusion de métaphysique (métaphysique des mœurs) et morale. Pétition de principe me parait fort; Dieu n’est pas utilisé comme preuve de la morale kantienne, bien au contraire elle tient sans ca. Il est une affirmation nécessaire consécutive à cette morale, donc en un sens prouvé pragmatiquement (seulement) par cette morale.
2. La morale kantienne n’a aucun caractère d’évidence, n’étant que la confession de son auteur, l’expression d’une subjectivité prussienne structurée par la schlague... La morale de l’impératif catégorique ne s’impose pas, raison pourquoi son corollaire supposé, le Dieu Vengeur, relève de la pétition de principe.
[+] Texte masqué

Mais plutôt qu’affirmer, je vais vous questionner.

A. D’où Kant sait-il qu’une déduction transcendantale des concepts purs de l’entendement est possible ?

B. Par quelle déduction transcendantale les concepts purs de la raison pure pratique sont-ils atteints ? À défaut qu’ils soient déduits, d’où la raison connaît leur évidence ?

C. D’où la raison sait-elle que le devoir (le dictamen de la raison) doive s’imposer à la volonté ?
> D’où sait-elle que la volonté comme nature a pour objet le devoir plutôt que le bien ?
> D’où sait-elle que la volonté comme liberté de choix n’est bonne que conforme à l’impératif moral ?
> D’où sait-elle que tout motif autre que le devoir vicie l’acte volontaire ?
> D’où sait-elle que sont des devoirs universels constitutifs d’un impératif catégorique ?
> D’où sait-elle quels sont ces devoirs ?

D. D’où savez-vous que cette morale n’est pas que la confession de son auteur ?
3. S’imposerait-elle, son corollaire ne s’imposerait toujours pas.

Car qu’importe à la morale que Dieu existe si l’impératif catégorique s’impose ? Dieu n’est aucunement nécessaire à la vérité de l’impératif catégorique si le système kantien de moralité est vrai. Tout à l’inverse, si le système est faux, on comprend l’intérêt de le placer frauduleusement sous l’ombre postulée du Dieu Vengeur, pour le crédibiliser quelque peu...

Vous écrivez que la morale kantienne est vraie (« elle tient ») - oubliant qu’elle est incompossible à la morale catholique - et que l’existence de Dieu « est une affirmation nécessaire consécutive à cette morale ». Supposé, non concédé, la vérité de cette morale, où y trouvez-vous le fondement antécédent à la nécessité de conséquence affirmée par vos soins ? Comment cette nécessité de conséquence pourrait-elle se déduire d’un système où l’agent moral n’agira droitement qu’autant qu’en sus d’agir selon le devoir, il agisse par devoir, sans aucune autre considération ou motif que ce devoir-même. Agir dans la perspective d’une rétribution justicière, c’est introduire en l’acte volontaire un motif exclut par la conception kantienne de la moralité. Le seul motif kantien de l’acte moralement bon, c’est l’accomplissement du devoir, non l’espoir ou la crainte d’une rétribution sanctionnant l’accomplissement ou l’inaccomplissement du devoir. Votre nécessité consécutive est donc contradictoire.

un peu ancien (preuve non démonstrative ou fondement raisonnable, comme on disait que les miracles étaient des preuves).
Vatican I, et il semble que ca ait été voulu, a un vocabulaire plus large que le mot preuve :
4. La « certitude morale » n’est pas tant une certitude purement subjective conforme à la moralité (première espèce de certitude morale), qu’une certitude subjective fondée sur l’évidence objective atteinte par le biais de preuves morales (seconde espèce de certitude morale). La première espèce de certitude morale, purement subjective, est celle de l’enfant qui, confiant en l’autorité parentale, tient pour vrai ce que lui disent ses parents au seul motif qu’ils le lui disent ; et ce postulat est moralement honnête, puisque fondé sur la vertu de piété filiale de celui n’ayant pas encore atteint l’âge critique [au sens commun du terme] pour interroger les réponses parentales. Cette certitude est donc « morale » au sens où, alors même que ce qui est subjectivement tenu pour certain serait objectivement faux, la volonté n’est pas moralement fautive à commander l’assentiment au discours. C’est d’ailleurs là le processus même de l’éducation : la transmission d’un discours à des élèves encore incapables de discerner si l’enseignement transmis est vrai ou faux. La seconde espèce de certitude morale est celle fondée sur une évidence objective atteinte non par le biais d’une preuve apodictique - la certitude serait alors une « certitude de science » - mais par celui d’une preuve morale. L’exemple classique en théologie est la thèse du faisceau convergent de probabilités : aucun des arguments n’est apodictiquement probant, mais leur mise en faisceau suffit à fonder l’intime conviction, à la manière dont, lors des procès au pénal, la multiplication des indices convergents suffit pour écarter tout doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé.

Le premier type de certitude morale n’est pas celui envisagé par les théologiens quand ils parlent d’une certitude morale relativement aux préambules de la foi : ils réclament que le fondement objectif de cette certitude morale soit moralement prouvé. Relativement à la « preuve morale » des préambules de la foi, une distinction doit être opérée selon qu’on parle de la première ou de la seconde classe des préambules. L’Église affirme que la première classe des préambules, le fait que Dieu existe et qu’il est omniscient et vérace, peut être démontrée de manière apodictique. Cela ne signifie pas que chaque fidèle soit capable de cette démonstration. À défaut que la preuve apodictique soit apportée par la lumière naturelle de la raison, la raison laissée à’ ses seules forces peut elle atteindre à une preuve morale ? Si oui, laquelle ? Quant à la seconde classe des préambules de la foi, le fait que Dieu est réellement l’auteur de la Révélation, les tenants d’une certaine apologétique considéraient que ce fait pouvait être moralement prouvé, notamment par la théorie du faisceau convergent. D’autres s’opposent à cette manière de voir, en arguant que chacun des arguments de crédibilité mis en faisceau est réversible, de sorte qu’une preuve morale est ici impossible. D’où leur constat qu’à défaut de pouvoir prouver apodictiquement ou moralement la divinité du christianisme par la lumière naturelle de la raison, la preuve doit s’atteindre par une grâce donnant de percevoir surnaturellement, en un jugement surnaturel d’inclination antécédent à l’acte de foi, la divinité du christianisme.

Dans quelle mesure Kant peut il arriver à une preuve morale de Dieu ? Il faudrait pour cela : (1) Que la vérité de son système moral soit apodictiquement demontrée. (2) Que l’existence de Dieu soit le corollaire nécessaire du dit système. — Que vous asséniez ces deux propositions être vraies ne suffit pas à me les rendre moralement évidentes…

« J’ai raison parce que j’ai raison », véritable sous-entendu du criticisme kantien (cf. spoiler), est-ce vraiment là l’unique preuve possible de l’existence de Dieu ?

les postulats kantiens sont-ils certains pour Kant? Il parle de beweise (utilisé pour preuves en maths).
5. Encore faudrait-il que sa certitude soit objectivement fondée sur la preuve morale de son évidence… Tenir pour moralement certain (première espèce de certitude morale) que la nature du cercle soit carrée ne suffit pas à prouver moralement que les cercles soient carrés…




II - Sur l’impossibilité absolue que Dieu soit le sujet d’une science philosophique d’ordre exclusivement naturel.


Il est exagéré selon moi de dire que pcq on a l’être en tant qu’être pour objet, on n’arrive pas à Dieu comme sujet, car un Étant qui est être nécessaire constitue un sujet, et ca le metà part de tous les autres étants.

St. Thomas dans l’art. 7 cité :
[+] Texte masqué
Objections : 1. Toute science, dit Aristote, suppose connue la nature de son sujet, autrement dit “ ce qu’il est ”. Or, cette science ne suppose pas la connaissance de ce que Dieu est, car, selon S. Jean Damascène : “ Dire de Dieu ce qu’il est nous est impossible. ” Dieu n’est donc pas le sujet de cette science.

En sens contraire, on doit considérer comme le sujet d’une science cela même dont on parle dans la science ; or, dans la science sacrée, il est question de Dieu : d’où son nom de “ théo-logie ”, autrement dit de discours ou de parole sur Dieu. Dieu est donc bien le sujet de cette science.

Réponse : Dieu est effectivement le sujet de cette science. Il y a le même rapport, en effet, entre le sujet d’une science et la science elle-même, qu’entre l’objet et une puissance de l’âme ou un habitus

Solutions : 1. Il est vrai, nous ne pouvons pas savoir de Dieu ce qu’il est ; toutefois, dans notre doctrine, nous utilisons, au lieu d’une définition, pour traiter de ce qui se rapporte à Dieu, les effets que celui-ci produit dans l’ordre de la nature ou de la grâce. Comme on démontre en certaines sciences philosophiques des vérités relatives à une cause au moyen de son effet, en prenant l’effet au lieu de la définition de cette cause.
Dans le traitement de cette objection il s’agit de science sacrée. Et de Dieu par ses effets. Il suffit de transposer en théologie naturelle et ce sera pareil, sauf qu’on aura le Dieu du théisme neutre (les déistes briseront cette neutralité en éliminant la révélation.
Le Dieu des philos est donc bien le sujet de la théo naturelle.

Le Dieu de la bible est le sujet de la théo révélée. Donc le Dieu des philos dont parle la théo naturelle est nécessirement le sujet de cette métaphysique.
La transposition est IMPOSSIBLE.

Le sujet est en amont de l’objet
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Le sujet d'une science est son préalable. Il est ce sur quoi la science porte, et est présupposé connu (comme sujet) antécédemment aux conclusions auxquelles la science va conséquemment aboutir. Le sujet vu sous un angle, par exemple l'être en tant qu'être, est le sujet formel d'une science ; science ayant pour sujet matériel le sujet pris indépendamment de l'aspect formel sous lequel la science l'envisage.

L'objet d'une science est ce que recherche la science. L'objet matériel est ce qui est recherché, l'ensemble des conclusions d'une science. L'objet formel d'une science est la lumière sous laquelle son objet matériel est traité. Pour ce qui est de la métaphysique, cette lumière est autant la lumière naturelle de la raison (par opposition à la lumière surnaturelle de grâce) que l'aspect formel sous lequel le sujet et conséquemment les objets matériels de cette science sont envisagés.
Pour que Dieu soit le sujet d’une science philosophique, il devrait être donné avant toute démonstration de son existence, le fait de la démonstration reléguant par définition Dieu à un objet de cette science. La transposition que vous opérez à partir de la doctrine sacrée est donc irrecevable, précisément parce que la doctrine sacrée est subalternée à la science de Dieu :
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« À coup sûr la doctrine sacrée est une science. Mais, parmi les sciences, il en est de deux espèces. Certaines s’appuient sur des principes connus par la lumière naturelle de l’intelligence : telles l’arithmétique, la géométrie, etc. D’autres procèdent de principes qui sont connus à la lumière d’une science supérieure : comme la perspective à partir de principes reconnus en géométrie, et la musique à partir de principes connus par l’arithmétique. Et c’est de cette façon que la doctrine sacrée est une science. Elle procède en effet de principes connus à la lumière d’une science de Dieu et des bienheureux. Et comme la musique fait confiance aux principes qui lui sont livrés par l’arithmétique, ainsi la doctrine sacrée accorde foi aux principes révélés par Dieu. » (ST, q.1 a. 2 co).

La doctrine sacrée est subalternée à la science (intuition) que Dieu a de Lui-même, parce qu’elle tient l’évidence de son sujet de la science-même de Dieu, qui le lui révèle dans la lumière surnaturelle de la foi.

Mais la doctrine philosophique sur Dieu, en tant qu’elle est d’ordre strictement naturel, n’est aucunement subalternée à la science de Dieu : elle ne procède aucunement de la lumière surnaturelle de la Révélation, mais de la seule lumière naturelle de la raison laissée à elle-même. Dieu ne peut donc être le sujet d’une telle doctrine naturaliste, l’évidence de l’existence de Dieu n’apparaissant qu’au terme d’une démonstration. La transposition est donc impossible.

Pour que Dieu soit le sujet d’une science purement philosophique, la théologie naturelle, il faudrait que celle-ci soit subalternée à une autre science philosophique, la métaphysique, science de l’être en tant qu’être. Mais cette subalternation est elle-même impossible, car tout ce que pourrait dire la théologie naturelle (comme science subalternée à la métaphysique) sera déjà inclut dans la métaphysique comme l’un de ses objets. Loin donc que la théologie naturelle puisse être une science subalternée à la métaphysique, elle n’est constitutive que d’un objet régional de la métaphysique.

—--
Précision complémentaire :
[+] Texte masqué

Relativement à la doctrine sacrée, l’existence de Dieu :

  1. Peut être apodictiquement démontrée en amont de l’acte de foi, dans le jugement relatif à la première classe des préambules.
  • Être reçue comme une évidence immédiate à la lumière de la foi : reçue comme sujet de la doctrine sacrée.
  • Et parce que la doctrine sacrée affirme que l’existence de Dieu est démontrable en raison, la démonstration y devient un objet de la doctrine sacrée.
:!: Que Dieu puisse être démontré avant que soit posé l’acte de foi ne subalterne pas le sujet de la doctrine sacrée au jugement relatif à la première classe des préambules. La doctrine sacrée ne reçoit pas son donné du jugement de crédibilité relatif aux préambules de la foi : elle le reçoit de la Révélation connue à la lumière de la foi.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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ChristianK
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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par ChristianK » dim. 09 avr. 2023, 2:24

Perlum Pimpum a écrit :
jeu. 06 avr. 2023, 13:10
Tout simplement l’exigence morale de rétribution ultime, qui peut être vue comme une preuve au sens élargi
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L’existence de Dieu « prouvée » par le ressentiment des impuissants à se venger eux-mêmes… Il faut que Dieu existe pour que ma rage soit satisfaite… Voilà donc votre preuve…
Il y a malentendu. Je ne dis pas que la démarche kantienne est valide. Je la compare aux preuves morales classiques dans la tradition (reprises par Kreeft dans son apologétique, p.ex.), et pense que ca se ressemble, ca a un air de famille. Donc Kant est une des grandes philo morales avec Aristote (bonheur) et les utilitaristes (joie), et constitue un argument d’autorité, à ce titre dans la ligne du dogme de Vatican I. Comme l’argument ontologique, même si on a des doutes sur sa validité – certains croient en sa validité. Donc cet argument ontologique n’est pas interdit par le dogme.
Il ne s’agit pas d’être vengé chez Kant, sinon peut-être par la bande. Il s’agit de mérite et de démérite et que le vertueux mérite le bonheur sinon il risque de ne pas accomplir le devoir par passion de découragement.

Mais comment, si l’impératif moral s’impose indépendamment qu’existe ou non le Dieu rétributeur ? Comment, si en le système kantien l’impératif catégorique s’impose comme loi universelle de la raison indépendamment de l’existence ou de l’inexistence de Dieu ? Comment donc Dieu pourrait-il être prouvé par l’ordre kantien de la moralité, si l’existence de Dieu est indifférente à l’existence de cet ordre ?

Très excellentes questions qui m’ont longtemps chicoté. Voir le fil :

https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 11#p456131

Dieu est « prouvé » pcq nous avons le devoir de croire en lui pcq sinon le désespoir nous menace et met en danger l’accomplissement du devoir. Or notre devoir est d’écarter ce qui pourrait mettre en danger l’accomplissement du devoir. Donc on a le devoir de croire en Dieu et ce devoir est prouvé, à L’intérieur du kantisme. C’est pas rien, du point de vue argument d’autorité.

2. La morale kantienne n’a aucun caractère d’évidence, n’étant que la confession de son auteur, l’expression d’une subjectivité prussienne structurée par la schlague... La morale de l’impératif catégorique ne s’impose pas, raison pourquoi son corollaire supposé, le Dieu Vengeur, relève de la pétition de principe.
Que la morale kantienne soit vraie ou fausse est sans importance au point de vue argument d’autorité auquel je me placais. Elle est une grande construction de philo, comme le kantisme, et ceci est vrai indépendamment de la vérité du kantisme.
Donc mon point de vue est : à l’intérieur du kantisme Dieu est nécessaire donc en un sens pragmatiquement prouvé ( plus précisément la nécessité de son affirmation prouvée).


Mais plutôt qu’affirmer, je vais vous questionner.

Du point de vue de l’argument d’autorité, ces questions sont sans importance

3. S’imposerait-elle, son corollaire ne s’imposerait toujours pas.

Car qu’importe à la morale que Dieu existe si l’impératif catégorique s’impose ? Dieu n’est aucunement nécessaire à la vérité de l’impératif catégorique si le système kantien de moralité est vrai

Réponse ci-haut

Vous écrivez que la morale kantienne est vraie (« elle tient »)
Malentendu. Elle tient toute seule sans Dieu à l’intérieur du kantisme. Elle peut être fausse.




Agir dans la perspective d’une rétribution justicière, c’est introduire en l’acte volontaire un motif exclut par la conception kantienne de la moralité
Très exactement ce qui m’a cassé la tête longtemps. Voir ci haut



. La seconde espèce de certitude morale est celle fondée sur une évidence objective atteinte non par le biais d’une preuve apodictique - la certitude serait alors une « certitude de science » - mais par celui d’une preuve morale. L’exemple classique en théologie est la thèse du faisceau convergent de probabilités : aucun des arguments n’est apodictiquement probant, mais leur mise en faisceau suffit à fonder l’intime conviction, à la manière dont, lors des procès au pénal, la multiplication des indices convergents suffit pour écarter tout doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé.
Oui, cette seconde espèce est celle des preuves (j’aime mieux « fondements ») morales. Car des actes libres interviennent dans l'accomplissement du devoir et c'est pour accomplir le devoir qu'il faut croire en Dieu, il y a une sorte de conditionnalite non apodictique (comme on le disait souvent des preuves morales (on a besoin psychologiquement d'un législateur moral etc.)

Dans quelle mesure Kant peut il arriver à une preuve morale de Dieu ? Il faudrait pour cela : (1) Que la vérité de son système moral soit apodictiquement demontrée. (2) Que l’existence de Dieu soit le corollaire nécessaire du dit système. —
La question de la validité vient après et n’est pas mon point de vue. Il est clair qu’avec sa critique de la métaphysique classique, les postulats sont de la catégorie preuve morale, valide ou non. Ou à la rigueur des preuves de « métaphysique des mœurs », une métaphysique bis, mais j’aime mieux éviter ce langage.

les postulats kantiens sont-ils certains pour Kant? Il parle de beweise (utilisé pour preuves en maths).
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5. Encore faudrait-il que sa certitude soit objectivement fondée sur la preuve morale de son évidence

Pas important , l’autorité Kant parle de preuve; l’historien de la philo peut parler de preuve kantienne, comme l’historien peut parler des preuves sartriennes de l’inexistence de Dieu. La validité vient en 2e temps. Si vous voulez je voulais dire : « preuve morale au sens de Kant »





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II - Sur l’impossibilité absolue que Dieu soit le sujet d’une science philosophique d’ordre exclusivement naturel.

Il est exagéré selon moi de dire que pcq on a l’être en tant qu’être pour objet, on n’arrive pas à Dieu comme sujet, car un Étant qui est être nécessaire constitue un sujet, et ca le metà part de tous les autres étants.
Dans le traitement de cette objection il s’agit de science sacrée. Et de Dieu par ses effets. Il suffit de transposer en théologie naturelle et ce sera pareil, sauf qu’on aura le Dieu du théisme neutre (les déistes briseront cette neutralité en éliminant la révélation.
Le Dieu des philos est donc bien le sujet de la théo naturelle.

Le Dieu de la bible est le sujet de la théo révélée. Donc le Dieu des philos dont parle la théo naturelle est nécessirement le sujet de cette métaphysique.
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La transposition est IMPOSSIBLE.

Le sujet est en amont de l’objet



Le sujet d'une science est son préalable. Il est ce sur quoi la science porte, et est présupposé connu (comme sujet) antécédemment aux conclusions auxquelles la science va conséquemment aboutir. Le sujet vu sous un angle, par exemple l'être en tant qu'être, est le sujet formel d'une science ; science ayant pour sujet matériel le sujet pris indépendamment de l'aspect formel sous lequel la science l'envisage.


Pour que Dieu soit le sujet d’une science philosophique, il devrait être donné avant toute démonstration de son existence, le fait de la démonstration reléguant par définition Dieu à un objet de cette science. La transposition que vous opérez à partir de la doctrine sacrée est donc irrecevable, précisément parce que la doctrine sacrée est subalternée à la science de Dieu :



« Et c’est de cette façon que la doctrine sacrée est une science. Elle procède en effet de principes connus à la lumière d’une science de Dieu et des bienheureux. Et comme la musique fait confiance aux principes qui lui sont livrés par l’arithmétique, ainsi la doctrine sacrée accorde foi aux principes révélés par Dieu. » (ST, q.1 a. 2 co).

La doctrine sacrée est subalternée à la science (intuition) que Dieu a de Lui-même, parce qu’elle tient l’évidence de son sujet de la science-même de Dieu, qui le lui révèle dans la lumière surnaturelle de la foi.

Mais la doctrine philosophique sur Dieu, en tant qu’elle est d’ordre strictement naturel, n’est aucunement subalternée à la science de Dieu : elle ne procède aucunement de la lumière ….l’évidence de l’existence de Dieu n’apparaissant qu’au terme d’une démonstration. La transposition est donc impossible.
Oui mais dans sa 1e rép. Art 7 Thomas écrit :

« Solutions : 1. Il est vrai, nous ne pouvons pas savoir de Dieu ce qu’il est; toutefois, dans notre doctrine, nous utilisons, au lieu d’une définition, pour traiter de ce qui se rapporte à Dieu, les effets que celui-ci produit dans l’ordre de la nature ou de la grâce. Comme on démontre en certaines sciences philosophiques des vérités relatives à une cause au moyen de son effet, en prenant l’effet au lieu de la définition de cette cause.
«
En théologie naturelle on connait Dieu par les effets et donc on arrive à une certaine sorte de sujet dont on traite. C’est le sens de l’objection 1 : on connait pas le sujet. Et la réponse c’est qu’on le connait , et pas nécessairement par la grâce.

Pour que Dieu soit le sujet d’une science purement philosophique, la théologie naturelle, il faudrait que celle-ci soit subalternée à une autre science philosophique, la métaphysique, science de l’être en tant qu’être. Mais cette subalternation est elle-même impossible, car tout ce que pourrait dire la théologie naturelle (comme science subalternée à la métaphysique) sera déjà inclut dans la métaphysique comme l’un de ses objets. Loin donc que la théologie naturelle puisse être une science subalternée à la métaphysique, elle n’est constitutive que d’un objet régional de la métaphysique.
Je crains qu’on ne revienne au problème du Dieu révélé vs le Dieu métaphysique, car ce qui fait la subalternation dans le cas de la doctrine sacrée c’est que le sujet est donné, ou connu par la foi (qui est obscure, qui ne fait pas connaitre l’essence divine directement); en philo le sujet est connu par la raison, avec un autre type d’obscurité. Il ne faut pas trop dissocier objet et sujet.

A titre de curiosité, car c’est sans doute une erreur, voici comment le site new advent traduit l’art.7 (il rend subject par object! Mais sait-on jamais, ca peut être possiblement ok) :

Objection 1. It seems that God is not the object of this science. For in every science, the nature of its object is presupposed. But this science cannot presuppose the essence of God, for Damascene says (De Fide Orth. i, iv): "It is impossible to define the essence of God." Therefore God is not the object of this science.

Objection 2. Further, whatever conclusions are reached in any science must be comprehended under the object of the science. But in Holy Writ we reach conclusions not only concerning God, but concerning many other things, such as creatures and human morality. Therefore God is not the object of this science.

On the contrary, The object of the science is that of which it principally treats. But in this science, the treatment is mainly about God; for it is called theology, as treating of God. Therefore God is the object of this science.

I answer that, God is the object of this science. The relation between a science and its object is the same as that between a habit or faculty and its object. Now properly speaking, the object of a faculty or habit is the thing under the aspect of which all things are referred to that faculty or habit, as man and stone are referred to the faculty of sight in that they are colored. Hence colored things are the proper objects of sight. But in sacred science, all things are treated of under the aspect of God: either because they are God Himself or because they refer to God as their beginning and end. Hence it follows that God is in very truth the object of this science. This is clear also from the principles of this science, namely, the articles of faith, for faith is about God. The object of the principles and of the whole science must be the same, since the whole science is contained virtually in its principles. Some, however, looking to what is treated of in this science, and not to the aspect under which it is treated, have asserted the object of this science to be something other than God — that is, either things and signs; or the works of salvation; or the whole Christ, as the head and members. Of all these things, in truth, we treat in this science, but so far as they have reference to God.

Reply to Objection 1. Although we cannot know in what consists the essence of God, nevertheless in this science we make use of His effects, either of nature or of grace, in place of a definition, in regard to whatever is treated of in this science concerning God; even as in some philosophical sciences we demonstrate something about a cause from its effect, by taking the effect in place of a definition of the cause.

Reply to Objection 2. Whatever other conclusions are reached in this sacred science are comprehended under God, not as parts or species or accidents but as in some way related to Him.

https://www.newadvent.org/summa/1001.htm


Ensuite voici 2 commentaires sur l’art. 7:

article 7: Is God the subject of the science of sacred doctrine?

The reason for hesitation here is that we don't even have a real definition of God which would serve as the minimal conceptual grasp needed to begin building a science about God. In addition, sacred doctrine talks about lots of things that are not God but creatures instead. So how can God be its subject?

No problem, replies St. Thomas. First of all, it is perfectly obvious that God is the principal subject of sacred doctrine, since everything else this doctrine talks about is such that it is talked about in its relation to God. This is what he means by saying that the formal characteristic under which things are talked about in sacred doctrine is God. Second, in sacred doctrine we use God's effects in place of a real definition, just as in other disciplines we often use the subject's effects in place of a real definition. To be sure, it is more desirable to attain a knowledge of a cause's essence, and this we will do (we hope) in the next life. But sacred doctrine is the best we can do in this life.


https://www3.nd.edu/~afreddos/courses/439/summa1,1.htm

Comment la théologie naturelle peut-elle avoir un sujet sans le connaitre, sans sa définition.? On le connait et on le définit par ses effets, dit ce commentaire, et même en doctrine sacrée. Alors idem en métaphysique.


Brian Davies :
,
In 1a,1,7, Aquinas raises the question “Is God the subject (subjectum) of
sacra doctrina?” Here he is asking whether or not teachers of sacra doctrina are
focused on one thing, and his answer is that they are focused on God and
nothing else. God is the one interest in mind when it comes to sacra doctrina
and everything else is discussed only insofar as it relates in some way to God.
“Sacred doctrine deals with all things in terms of God, either because they are
God himself or because they are related to God as their origin and end.”8 It
will be obvious from the way the Summa Theologiae proceeds how strictly
Aquinas adheres to this understanding of sacra doctrina.
Donc la théologie naturelle a pour sujet et objet Dieu. Quoi d’autre? Certes la foi donne un autre canal et peut faire en sorte que la raison use d’une démarche disons partiellement descendante. Mais à mon avis ca ne veut rien dire d’autre que le Dieu Xtien est plus large que le Dieu métaphysique (est, partiellement un différent sujet). On pourrait dire que les 2 sujets sont différents et recoupants, pas que l’un n’est pas sujet.

Si , d’autre part, et en opposition à ce que je viens d'écrire, on donne au mot sujet un sens tel que seule la foi le concerne, eh bien tant pis, pas de problème, la théologie naturelle aura le Dieu des philos pour objet et pas de sujet, et c’est pas grave car la philo n’est pas la foi. On peut voir ici je crois que tout semble tourner autour de la différence foi-philo et que c’est pas grave du tout pcq on savait ca depuis le départ.

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Re: Répondre à : C'est au théiste à prouver, pas à l'athée

Message non lu par Perlum Pimpum » mer. 12 avr. 2023, 9:12

Bonjour Christian,


I - Sur la prétendue preuve morale kantienne de l’existence de Dieu.

L’Église parle de preuves. La certitude morale que vous voudriez reconnaître à l'existence de Dieu en vous appuyant sur le système kantien de la moralité supposerait :

  • La preuve apodictique ou morale de ce système moral.
  • La preuve morale d'une nécessité d'un Dieu justicier sanctionnant l'ordre kantien pré-prouvé de la moralité.
La preuve morale, autrement dit l'argument ou le faisceau d'arguments qui, alors même que non-apodictiques, suffisent à écarter tout doute raisonnable quant au système kantien de la moralité et quant à la nécessité corrélative d'un Dieu sanctionnant l'ordre kantien de la moralité. L'interrogation relative à la validité de la morale kantienne ne peut donc être postérieure à l'affirmation que le système kantien de moralité suffit à prouver moralement l'existence de Dieu : il ne peut la prouver qu'autant qu'il soit valide et implique de soi l'absence de tout doute raisonnable...

À défaut donc que la raison laissée à ses seules forces arrive à cette démonstration par preuve morale, le medium quo de cette preuve ne pourra se trouver qu'en la grâce actuelle, en tant que donnant surnaturellement à percevoir la vérité de la première classe des préambules de la foi (l’existence du Dieu vérace) par delà l'inévidence apodictique ou morale des arguments de raison employés. Dans l'hypothèse, la lumière de cette grâce actuelle ne vise ni à montrer cette grâce par quoi la vérité de l'existence de Dieu est atteinte en préalable de l'acte de foi théologale, ni moins encore à montrer la vérité des faux-arguments de raison kantienne, mais seulement à percevoir dans un jugement surnaturel d'inclination la vérité de la conclusion atteinte au moyen d'arguments rationnels faux, Dieu ayant assez de puissance pour tirer accidentellement un bien (l'aperception surnaturelle de la vérité de l'affirmation de l'existence de Dieu) d'un mal (les raisonnements faussés de la raison kantienne).

Soit donc la doctrine kantienne est suffisante de soi à prouver apodictiquement ou moralement l'existence de Dieu. Soit elle en est radicalement incapable, et loin que les vaticinations kantiennes puissent moralement prouver l'existence de Dieu, l'affirmation de cette existence relèvera d'une pétition de principe de la raison kantienne laissée à elle-même ; la grâce actuelle impérant le jugement de co-surnaturalité relatif à la première classe des préambules de la foi n'ayant aucunement pour effet de rendre vrais les arguments de raison imbécile mobilisés par la systématique kantienne.

Vous ayant dit que la doctrine kantienne est incapable de prouver apodictiquement ou moralement l'existence de Dieu, vous me répondez en refusant d'envisager la question de la validité du système moral kantien, vous contentant d'affirmer que ce système conduit nécessairement (de nécessité morale) à affirmer l'existence de Dieu, motif pris qu'à défaut l'homme soumis au devoir d'agir selon l'impératif catégorique désespérerait. La religion dans les simples limites de la raison relève pourtant d'un présupposé extra-philosophique, essentiellement confessionnel. Que la philosophe transcendantale puisse s’accommoder d’un tel opus dit assez le véritable esprit de cette philosophe : Kant travestit ses propres présupposés en des axiomes de la raison.

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Je répondrais tantôt à l’autre partie de votre message.
« L’âme bavarde est vide intérieurement. Il n’y a en elle ni vertus fondamentales ni intimité avec Dieu. Il n’est donc pas question d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure Dieu. L’âme qui n’a jamais goûté la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet et elle trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui sont dans les gouffres de l’Enfer pour n’avoir pas gardé le silence. »

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