L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par gerardh » ven. 05 févr. 2021, 14:56

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Je réagis à quelques interventions sur ce fil de discussions :

"Le salaire du péché, c'est la mort" (Rom 6 : 23), a-t-on indiqué. Mais il convient bien sur de compléter par la suite du verset : « mais le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur ».
Il ressort tout de même de ces interventions une difficulté à concilier miséricorde de Dieu et principe de justice divine.
La réponse divine suprême, c’est Jésus Christ, sa croix, sa résurrection et sa montée dans la gloire, la foi en Lui du croyant.

C’est d’ailleurs ce qui a été indiqué dans la suite de la contribution.
Mais aucun intervenant n'a répondu à ma question initiale : sur quelle base objective peut-on affirmer que le sang fait réellement expiation ?
La vérité impliquée dans le « sang » a son expression la plus élevée à la croix de Golgotha, car là, le Seigneur Jésus a « fait la paix par le sang de sa croix » (Col. 1:20). La première ordonnance en rapport avec le sang se trouve après le déluge (Genèse 9:4-6) : interdiction de manger le sang… et « qui aura versé le sang, par l’homme son sang sera versé ; car à l’image de Dieu, il a fait l’homme ». Ensuite Lévitique 17:11-12 confirme l’interdiction de manger le sang en indiquant que « l’âme de la chair est dans le sang… le sang fait propitiation pour l’âme ». Deutéronome 12:23 dit : « le sang est la vie » (ce dernier mot ayant le sens de vie ou âme dans l’original hébreu).

Le sang est donc l’âme de tout être vivant, mais ce n’est pas à prendre au sens littéral, car le sang est matériel et l’âme est immatérielle. Or le sang est une expression concrète et visible de l’âme invisible, car quand on est vidé de son sang, la vie et l’âme quittent le corps. Ces considérations se rapportent non aux connaissances humaines sur le sang, mais aux pensées divines à son sujet — sujet à traiter avec révérence et adoration (voir 1 Cor. 2:13 ; 2 Cor. 10:5).

Il n’est parlé de sang et de sacrifices qu’après la chute. Le sang versé lors d’un sacrifice témoigne que le péché est présent dans le monde. Il parle de la mort salaire du péché (Rom. 6:23), mais rappelle aussi le Créateur qui est le Conservateur de toute vie (1 Tim. 4:10). La seconde conséquence de ce que le sang est le symbole de l’âme, est que le sang est le moyen ordonné de Dieu pour la propitiation et le pardon des péchés. La portée de cette vérité s’étend jusque dans l’éternité. Mais ce sang versé n’ôtait pas les péchés, il n’était qu’un acte remémoratif de ces péchés et de la condition pécheresse de l’homme (Héb. 10). La loi de Sinaï ne permettait pas d’être justifié devant Dieu, elle donnait seulement la connaissance du péché (Rom. 3:20 ; Gal. 2:16 ; Héb. 7:19). David, homme de foi, avait déjà discerné du temps de l’Ancien Testament que pour être pardonné, il fallait repentance et confession (Psaume 51:16, 17 ; 32), le fondement du pardon n’étant pourtant que l’œuvre rédemptrice de Christ.
La question mérite d'autant plus d'être posée que le prophète Jérémie ne déclare pas les sacrifices comme une exigence de Dieu mais comme une initiative de l'homme, faute de suivre Sa volonté (Jérémie 7 :21-24).
Il s’agissait dans ces circonstances d’holocaustes et de sacrifices idolâtres, comme on le voit bien dans le paragraphe précédent (versets 17-20).

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Ombiace
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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Ombiace » sam. 06 févr. 2021, 0:27

Bonsoir invité, bonsoir Menochios et autres intervenants

Je suggère juste , pour répondre à la question N°2 d'Invité, objecter à la réponse ...N°2 de Menochios
le Christ est Dieu, et s'il meurt sur la Croix, ce n'est pas métaphoriquement. C'est une mort humaine, de souffrance et de doutes qui conduit à la Résurrection. C'est l'exact opposé du sacrifice d'Abraham. Dieu sacrifié par l'homme sous son propre regard. Scandale pour les païens, scandale vingt siècles plus tard.
ceci:
Je ne trouve pas d'opposition entre le sacrifice de Jésus, et celui d'Abraham.
Pour moi, Abraham avait conçu et consenti le dessein de sacrifier Isaac.
Mais sacrifier le fils de la promesse ne signifiait pas une dépréciation de ce qu'il représentait, à savoir, une créature sans prix dont on se défait aisément.

Au contraire, Isaac était, vous en conviendrez certainement, le fruit non seulement d'une attente enfin "récompensée", mais encore, sur lui seul reposait l'espoir de voir s'accomplir cette promesse extraordinaire d'une descendance nombreuse.
Ce sacrifice réalisé dans le cœur d'Abraham consistait donc, comme dans une partie de poker, en la remise dans la balance de l'intégralité du fruit de leurs efforts de patience (à Abraham et Sarah), de cette foi qui avait du persévérer contre toute logique, plus le renoncement à l'espoir d'une descendance par cet enfant...

Sacrifice à l'envergure inégalée dans l'histoire des pécheurs, je pense.
Le sang versé n'aurait représenté que la surface de choses, dont la profondeur, donc, est, à mon sens, celle que je viens d'écrire.

Ainsi, Invité, je vous invite encore, mais cette fois-ci à rendre au sang d'Isaac versé virtuellement la fonction sacrificielle profonde qu'il comportait: Renoncement pour Abraham à être, par Isaac, le père d'une multitude, au profit de l'obéissance à ce dieu, notre Dieu , désobéi depuis les origines.
Vous connaissez la suite, mais pour moi, le sacrifice de Jésus englobe celui d'Abraham, plutôt que d'en être l'opposé. Il le transcenderait plutôt

Cinci
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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » sam. 06 févr. 2021, 16:43

Reprenant le point [ Prodigal l'avait relevé aussi p.1) de notre invité :
Invité :

2. Il découle de cette vision de l'Ancien Testament que pour épargner la vie de celui qui commettait involontairement un péché, les Juifs ont introduit des sacrifices de substitution au travers des animaux. Sacrifices d'animaux ou sacrifice du Christ sur la Croix, ils tirent leur origine du livre du Lévitique, chapitre 17, verset 11: "c’est le sang, comme principe de vie, qui fait expiation". Or, sur quelle base objective peut-on affirmer que le sang fait réellement expiation ? Cette conception ne défend-elle pas l'image d'un Dieu sanguinaire dont seul le sang versé peut apaiser la colère (croyance que l'on retrouve chez des peuples païens) ?
Je vous dirais qu'il y a là un certain biais interprétatif. Mais vous êtes nullement forcé d'embarquer dans une sorte de lecture effrayante. Par exemple, si j'ouvre le numéro du Cahier des Évangiles consacré aux sacrifices de l'Ancien Testament : je ne trouverai rien de ce que vous venez de dire à propos d'un "Dieu sanguinaire" ayant cette sorte d'exigence judiciaire terrible.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » sam. 06 févr. 2021, 20:00

D'abord

La vie du Christ est sacrifice

Il s'agit de comprendre que le sacrifice, c'est l'acte par lequel l'homme accède à la liberté, la véritable liberté qui est l'amour. N'oubliez jamais les trois mots qu'Il ne faut jamais séparer et entre lesquels il y a une inclusion mutuelle : amour, liberté, joie. L'homme est fait pour la joie. Cette joie, il ne peut la trouver que dans l'amour. Et l'amour, c'est la liberté même. Par conséquent, le sacrifice est l'acte par lequel on accède à la liberté.

Saint Augustin a donné, dans La cité de Dieu, une définition du sacrifice qui est devenue classique : "Verum sacrificium est omne opus ..." - un vrai sacrifice est tout acte par lequel l'homme se rapporte à Dieu pour s'unir à lui, pour former avec lui une société sainte, sancta societas. (La cité de Dieu, livre X, vi : "Le vrai sacrifice est donc toute oeuvre qui contribue à nous unir à Dieu, dans une société sainte, à savoir toute oeuvre rapportée à ce bien suprême grâce auquel nous pouvons être véritablement heureux", traduction G. Gombès, dans Oeuvres de saint Augustin, Desclés de Brouwer, t. 34. p. 445


La fonction première du culte sacrificiel n'est pas l'absolution (expiation, etc.). Celle-ci n'est qu'une fonction seconde par rapport à ce qui est la fonction principale du sacrifice, à savoir établir une communication avec Dieu, en signe de piété, afin de lui rendre hommage et de lui témoigner son attachement.

- F. Varillon s,j., "Le sacrifice de la croix" dans La souffrance de Dieu, Bayard, 2002 (1975)




_________

Et alors l'Implication du sang dans le rite d'expiation

Le Sang

Le sang dont il est question est le sang du hattat, seule catégorie de sacrifice à attribuer au sang la fonction de servir à l'absolution. Cette absolution est réalisée par le moyen de la vie que contient le sang. Parce que le sang est la vie, il peut servir d'antidote à la mort et à tout ce qui est facteur de mort. La fonction du sang du hattat est donc analogue à celle du sang pascal ; appliqué là aux montants et au linteau des portes des maisons - il préserve de la mort. Il ne s'agit pas d'apaiser Dieu par une offrande particulièrement précieuse, une vie animale qui, comme on l'a souvent affirmé, prendrait la place de la vie de l'offrant. Le sang n'est pas donné à Dieu par l'offrant. Ainsi que le dit explicitement le verset 11 [ cf. Lv 17, 11 "Car la vie d'une créature est dans le sang ; et moi je vous l'ai donné, sur l'autel, pour l'absolution de votre vie. En effet, le sang procure l'absolution parce qu'il est la vie"]- et cette affirmation se situe au coeur de la péricope -, c'est tout au contraire Dieu qui donne le sang à Israël. Et ce affin qu'appliqué aux cornes de l'autel, le sang du hattat, que Dieu a destiné à cet effet, repousse la mort et enlève ainsi tout ce qui empêche la communication avec Dieu.

et

L'une des fonctions du sacrifice [AT] est donc de satisfaire l'exigence vitale de pureté et de sainteté, en permettant la réintégration des pécheurs légers et de ceux qui se seront rendus impurs et la purification périodique du pays. L'offrande de hattat et de sacrifices de réparation évite que la mise en oeuvre de cette exigence [de sainteté], qui conduit à exclure pécheurs et impurs, n'aboutisse à la disparition d'Israël.

Cahier Évangile, Les sacrifices de l'Ancien Testament, no 111





Le culte sacrificiel régulier constitue la colonne vertébrale qui soutient toute l'existence d'Israël. Il place celle-ci sous la bénédiction du Dieu créateur.

L'importance de ce culte est résumée dans le discours que le Chroniste met dans la bouche du roi Ezékias au moment ou il décide de restaurer le culte divin :
Sanctifiez-vous et sanctifiez la Maison du Seigneur, le Dieu de vos pères. Otez du sanctuaire toute souillure. Car nos pères ont été infidèles et ont fait le mal aux yeux du Seigneur notre Dieu : ils l'ont abandonné, ils ont détourné leur face de la demeure du Seigneur et ils lui ont tourné le dos; même ils ont fermé les portes du Vestibule, ils ont éteint les lampes, ils ont cessé d'offrir l'encens et l'holocauste dans le sanctuaire pour le Dieu d'Israël. (2 Ch 29, 5-9)
Ce n'est pas un hasard si le Chroniste accorde autant d'importance au Temple et assimile sa construction par Salomon à un âge d'or. Car ce qu'en définitive ce culte apporte à Israël n'est rien moins que la vie.

Dans l'ensemble

Les sacrifices [AT] marquent des temps forts. Ils expriment l'hommage de ses sujets au divin suzerain, et leur soumission. Ils constituent des redevances à celui à qui appartient le pays et tout ce qui y vit et, par là même, font participer Yhwh à la prospérité de son peuple. Les sacrifices l'associent à la joie de ses fidèles. Et, surtout, les sacrifices permettent à Israël de faire appel à Yhwh pour le consulter ou, comme ultime recours, lorsque l'intégrité d'Israël est en jeu, afin de l'amener à intervenir en vue de modifier le cours normal des choses. Les narrateurs raconteront comment, à la suite de ces sacrifices, la situation s'est débloquée et s'est retournée en faveur d'Israël.

La critique des prophètes

Elle ne consiste pas à vouloir supprimer les sacrifices. Le culte n'est pas condamné en tant que tel, mais parce qu'il peut donner au peuple une fausse sécurité, en lui faisant croire que le culte, à condition d'être célébré dans les règles, suffit à s'assurer la bienveillance divine. Cette confiance illusoire dans le culte, comme moyen de parer à tous les dangers, sera également dénoncée par Jérémie : à ceux qui n'ont à la bouche que les mots "Temple de Yhwh, Temple de Yhwh, Temple de Yhwh !" . il répond : "amendez sérieusement votre conduite. votre manière d'agir, en défendant activement le droit dans la vie sociale; n'exploitez pas l'immigré, l'orphelin et la veuve; ne répandez pas du sang innocent en ce lieu; ne courez pas, pour votre malheur, après d'autres dieux; je pourrai alors habiter avec vous en ce lieu" (Jr 7,3-7) Un siècle plus tard, le prophète Zacharie expliquera aux prêtres et au peuple que c'est précisément l'injustice sociale - la perversion de la justice et l'exploitation des plus faibles - et le manque de fraternité qui ont constitué les causes ultimes de la catastrophe de 587 (Za 7,8-14)

Malachie, pour sa part, critiquera la désinvolture avec laquelle sont offert les sacrifices. Dans un long réquisitoire il s'en prend à ceux qui apportent à Yhwh des victimes aveugles, boiteuses, mutilées, malades, victimes qu'ils n'oseraient pas offrir à leur gouverneur, ou même un animal dérobé, et qui pensent par là honorer Yhwh. Et il condamne avec véhémence la manière avec laquelle on s'acquitte de ses obligations envers Yhwh. Pour Malachie un tel culte n'a aucun sens, et mieux vaudrait qu'il n'y ait plus de sacrifice du tout. Car pour Malachie, le culte sacrificiel est fondamentalement une marque d'hommage et de soumission qui rend témoignage à la grandeur de Yhwh.

La polémique des prophètes contre le sacrifice procède ainsi, en dernière instance, de leur conception de Dieu. C'est parce que leur Dieu est "le Dieu des dieux, le Seigneur des seigneurs" (Dt 10, 17)qu'ils ne peuvent pas accepter la désinvolture dans son culte. Et c'est parce que leur Dieu est un Dieu qui fait droit à l'orphelin et à la veuve, et qui aime l'immigré qu'ils ont l'obsession de la justice sociale. De sorte qu'en dernière analyse, ainsi que le laisse entendre Es 66, 1-3, un sacrifice qui ne témoigne pas de la grandeur de Dieu, qui ne s'inscrit pas dans une démarche de piété et qui n'est pas accompagné d'un comportement éthique, un tel sacrifice n'est rien d'autre, en définitive, qu'une forme d'idolâtrie.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » sam. 06 févr. 2021, 20:24

Très important


Du sacrifice, il est question dans pratiquement tous les livres de l'Ancien Testament.

Plusieurs dizaines de narrations s'articulent autour d'un récit d'offrande; des dizaines d'oracles prophétiques ont pour thème le culte sacrificiel; de nombreux psaumes, des sentences de sagesse y font référence. La construction et l'aménagement du Temple et les dispositions relatives à son culte occupent une place centrale dans les livres de l'Exode, du Lévitique et des Chroniques, et constituent le point culminant du livre d'Ezéchiel.

Car le sacrifice n'est pas seulement une exigence imposée par Dieu au peuple qu'il vient de libérer de la servitude d'Égypte. Il répond aussi à une aspiration humaine. Il n'est pas indifférent que le premier geste de Noé, au sortir de l'Arche, après le déluge, ait été de construire un autel et d'y offrir un gigantesque holocauste constitué d'une victime de chacune des espèces animales pures, ceci en vue de rétablir la relation de l'humanité nouvelle avec Dieu (Gn 8,20), Car au sacrifice est aussi liée une promesse. La première parole prononcée par Dieu après le déluge, à la suite de cet holocauste, a été sa décision de révoquer la malédiction qu'il avait jadis prononcée sur la terre (Gn 3,17) et l'engagement de ne jamais plus détruire la terre par un déluge. Et la première parole de Dieu, au Sinaï, adresse à Israël par l'intermédiaire de Moïse, après avoir proclamé le décalogue, est une promesse de bénédiction expressément associée au culte sacrificiel :
"en tout lieu ou je te ferai rappeler mon nom, je viendrai vers toi et je te bénirai " (Ex 20,24)
Au sacrifice est liée une bénédiction, c'est à dire une promesse de vie. Toute explication du sacrifice qui ne ferait pas de la bénédiction divine son centre devrait être considérée comme non conforme à la fonction que le Premier Testament attribue au sacrifice. Toute approche du sacrifice qui ne le considérerait que comme un rite marginal ou comme une simple rémanence du paganisme, serait en totale contradiction avec le témoignage du Premier Testament.

Exode 20, 22-26, un texte fondamental
24 Tu me feras un autel de terre pour y sacrifier tes holocaustes et tes sacrifices de paix, ton petit et ton gros bétail; en tout lieu ou je ferai rappeler mon nom, je viendrai vers toi et je te bénirai.
Le texte est important en ce qu'il indique quelle est la fonction du sacrifice. 1. Chaque fois qu'Israël offre un sacrifice, Dieu vient - et l'auteur utilise le même verbe que celui qu'il avait employé en Ex 19,9 à propos de la révélation de Dieu au Sinaï, Le sacrifice ne consiste donc pas à faire monter une matière sacrificielle au ciel, mais il vise à faire descendre Dieu sur terre, auprès de l'offrant. 2. Lorsque Dieu vient c'est uniquement pour bénir. Ces deux affirmations sont d'une importance fondamentale pour la compréhension du culte sacrificiel.

On notera, en passant, cette conclusion assez surprenante (Ex 29, 38-46) qui motive la sortie d'Égypte et le don du pays non pas, comme il est habituel, par des considérations politiques, par le souci de libérer Israël et de le protéger en lui donnant un territoire en propre, mais par des considérations exclusivement théologiques : permettre à Dieu de résider au milieu de son peuple. Les sacrifices ont pour fonction fondamentale de répondre à la présence de Dieu parmi son peuple et de pérenniser cette présence.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Invité » dim. 07 févr. 2021, 19:23

Merci Cinci pour ce partage. Cependant, l'interprétation proposée par les Cahier Évangiles est assez libre et à certains égards déroutante. Voyons :
Il s'agit de comprendre que le sacrifice, c'est l'acte par lequel l'homme accède à la liberté, la véritable liberté qui est l'amour.
Je suis tout à fait d'accord pour dire que le don de sa propre vie est la plus belle preuve d'amour lorsqu'il est le seul prix à payer pour sauver un être cher. Mais l'amour véritable peut s'exprimer sans nécessairement devoir se manifester par le sang.
La fonction première du culte sacrificiel n'est pas l'absolution (expiation, etc.). Celle-ci n'est qu'une fonction seconde par rapport à ce qui est la fonction principale du sacrifice, à savoir établir une communication avec Dieu, en signe de piété, afin de lui rendre hommage et de lui témoigner son attachement.
Cette interprétation est l'exact opposé de l'Ancien Testament. Le livre du Lévitique affirme que tout homme qui commet un péché volontairement devait être mis à mort, aucun pardon n'était possible. En revanche, pour le cas où un péché était commis par inadvertance, un sacrifice d'expiation devait être réalisé pour pouvoir réintégrer la communauté d'Israël qui avait vocation à être sainte en tant que peuple de Dieu. De même, des sacrifices étaient réalisés quotidiennement pour expier les fautes commises inconsciemment et dont nul ne pouvait avoir connaissance. Le sacrifice était donc le moyen d'expiation et d'obtention du pardon pour se maintenir dans l'alliance. II sanctifiait la communauté. C'était sa fonction première et non un moyen de communiquer avec Dieu.
La fonction du sang du hattat est donc analogue à celle du sang pascal ; appliqué là aux montants et au linteau des portes des maisons - il préserve de la mort. Il ne s'agit pas d'apaiser Dieu par une offrande particulièrement précieuse, une vie animale qui, comme on l'a souvent affirmé, prendrait la place de la vie de l'offrant.
Le sacrifice animal avait pour objectif de se substituer à la mise à mort de l'homme qui commettait un péché par inadvertance. Peut-être serait-il exagéré de voir dans le sacrifice un moyen d'apaiser la colère de Dieu. Mais il n'en demeure pas moins l'unique moyen moins de réconciliation dans la théologie chrétienne. C'est au prix de sa vie que le Christ nous a réconcilié avec Dieu et ouvert les portes du Royaume. À ce titre déclare-t-il qu'il "n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs" (Mc 10,45). Le don de la vie de Jésus est la rançon qui est versée à Dieu pour la réconciliation.
Et, surtout, les sacrifices permettent à Israël de faire appel à Yhwh pour le consulter ou, comme ultime recours, lorsque l'intégrité d'Israël est en jeu, afin de l'amener à intervenir en vue de modifier le cours normal des choses. Les narrateurs raconteront comment, à la suite de ces sacrifices, la situation s'est débloquée et s'est retournée en faveur d'Israël.
C'était exactement le mode de fonctionnement des païens à l'égard de leurs dieux.


[.... supprimé critiques de la modération]

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » ven. 12 févr. 2021, 3:56

invité a écrit :Cette interprétation est l'exact opposé de l'Ancien Testament.
Attendez une minute.

C'est plutôt que vous ne comprenez pas quand je parlais de fonction première du sacrifice, et de l'expiation comme d'une fonction seconde.

Je voulais dire que la première fonction du sacrifice porte sur le fait même de la connaissance de l'identité de Dieu, la communication qui est déjà établi entre Dieu et le sujet (son peuple), pour célébrer ou honorer l'existence même de cette alliance, ce lien qui existe. La première fonction du sacrifice est de maintenir vivant ce rapport de communication entre Dieu et nous. La raison d'être première du sacrifice dans l'Ancien Testament, ce n'est pas de s'amuser à égorger des bêtes, à massacrer des victimes, à faire couler du sang ou encore à tenter d'amadouer un Dieu fâché qui réclame réparation de ce qu'on l'offense.

Cette raison première (= communication, la liaison; pour faire en sorte que Dieu soit toujours présent parmi nous ici sur terre, avec nous), on la trouve aussi bien dans le livre de l'Exode.

Ainsi :
Dieu se souvint de son alliance

Or pendant de longs jours, mourut le roi d'Égypte. Les fils d'Israël gémirent du fond de leur servitude; ils crièrent et leur cri d'alarme monta vers Dieu, du fond de la servitude. Dieu entendit leurs soupirs, et Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, avec Isaac et Jacob. Dieu regarda les fils d'Israël et se fit connaître d'eux. (Ex 2, 23)
Ensuite Moïse et Aaron vinrent dire à Pharaon :"Ainsi parle Yavhé, Dieu d'Israël : Renvoie mon peuple, pour qu'il me fête au désert" Pharaon dit :"Qui est Yavhé pour que j'écoute sa voix, en renvoyant Israël ? Je ne connais pas ce Yavhé [...] (Ex 5, 1)
et

Le troisième mois après leur sortie d'Égypte, en ce jour-là, les fils d'Israël arrivèrent au désert du Sinaï. [...] Quant à Moïse, il monta vers Dieu. Yavhé l'appela de la montagne en disant :"Tu parleras ainsi à la maison de Jacob et tu déclareras aux fils d'Israël [...] si vous observez mon alliance, vous serez mon bien particulier parmi tous les peuples [...] c'est vous qui serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte [...]  (Ex 19, 1- 10)
Le sacrifice que Dieu demande aux Israélites de respecter, comme le mémorial pour Yavhé (avec le don de la loi, l'éthique de comportement) a pour FONCTION PREMIÈRE d'assurer la présence réelle de Yavhé parmi son peuple, pour le bénir. Le but numéro un : c'est d'être en contact avec Dieu. "Écoutes, ô Israël, le Seigneur est le seul Seigneur ..."

Et, ensuite, l'expiation comme en SECOND LIEU : c'est le moyen que Dieu agrée, utilise ou peut fournir Lui-même afin de purifier son peuple, lui rendre la vie, pour lui restituer ce que le mal aurait tendance à lui ôter.

Lisez :
"Qui serait assez fou pour croire que Dieu a besoin des sacrifices qu'on lui offre ? Le culte qu'on rend à Dieu profite à l'homme et non à Dieu. Ce n'est pas à la source que cela profite si on y boit, ni à la lumière si on la voit. Il n'y a qu'une façon de comprendre les sacrifices qu'offraient nos pères (juifs) : ils étaient le signe de ce qui s'accomplit en nous-mêmes, c'est à dire notre adhésion à Dieu. Le sacrifice visible est le sacrement ou signe sacré du sacrifice invisible.

Le vrai sacrifice, c'est tout ce que nous faisons pour être unis à Dieu, pour être en communion avec lui. L'homme lui-même, consacré par le nom de Dieu et vivant pour Dieu est un sacrifice. Notre corps, quand, pour Dieu, nous le maîtrisons par la tempérance, quand nous ne nous offrons pas au mal, est un sacrifice. C'est à cela que l'apôtre Paul nous invite : "Je vous exhorte, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu : c'est là votre culte spirituel (Rm 12,1-2)

Il découle de là que tout le peuple racheté, c'est à dire la communion et la communauté des saints, est le sacrifice universel offert à Dieu par notre grand prêtre, lui qui, dans sa passion, s'est offert lui-même pour nous, pour que nous devenions son corps. C'est sa condition d'homme qu'il a offerte, c'est selon cette condition humaine qu'il est médiateur, en elle qu'il est prêtre, en elle qu'il est le sacrifice. Voilà donc le sacrifice des chrétiens : tous ensemble un seul corps en Christ. C'est le mystère que l'Église célèbre si souvent au sacrement de l'autel ou il lui est montré que dans ce qu'elle offre, c'est elle qui est offerte.

Saint Augustin (354-430)
La cité de Dieu, X, 5-6  
Par-dessus tout, c'est le facteur relationel qui est le premier principe. C'est pourquoi les prophètes d'Israël considéraient comme nuls et non avenus les sacrifices de taureaux, de veaux, d'agneaux et tout ce que vous voulez, si le coeur de l'offrant est séparé de Dieu, si les procéduriers ne veulent pas marcher avec Dieu, dans sa voie, en fonction des exigences morales qui sont celles de Dieu.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » ven. 12 févr. 2021, 6:40

Invité :
Le sacrifice animal avait pour objectif de se substituer à la mise à mort de l'homme qui commettait un péché par inadvertance. Peut-être serait-il exagéré de voir dans le sacrifice un moyen d'apaiser la colère de Dieu. Mais il n'en demeure pas moins l'unique moyen moins de réconciliation dans la théologie chrétienne. C'est au prix de sa vie que le Christ nous a réconcilié avec Dieu et ouvert les portes du Royaume. À ce titre déclare-t-il qu'il "n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et pour donner sa vie en rançon pour plusieurs" (Mc 10,45). Le don de la vie de Jésus est la rançon qui est versée à Dieu pour la réconciliation.
Ce qu'il faut comprendre, alors, c'est que l'animal en question est le moyen que Dieu donne afin d'assurer la vie du peuple. C'est pour que Dieu nous communique sa vie, nous affranchisse. nous assure la liberté. Comme dans le récit de la sortie d'Égypte, le sang de l'agneau apposé sur les linteaux fait office de protection contre les puissances de mort. Dieu pardonne par ce moyen qui lui donne.

Je ne sais pas si vous saisissez bien la différence.

On n'a pas affaire à un Dieu monstrueux, un ogre abominable qui réclamerait du sang pour lui-même, qui exige des autres qu'on lui apporte un tribut de victimes pour Lui, pour des besoins qui lui seraient propres, parce que lui, Dieu, aurait besoin de satisfaire une vengeance implacable. Non, non et non !

Dans le fameux récit de la Genèse avec Abraham, il est dit que Dieu lui réclame son fils Isaac. Mais il s'avère plutôt à la fin que c'est Dieu lui-même qui fournit l'agneau pour le sacrifice. En clair, c'est Dieu qui donne sa vie pour le bénéfice d'Abraham et toute sa descendance. L'agneau sacrifié, que ce soit pour mettre un peu de sang sur les montants de la porte de la demeure, sur le rebord de l'autel, sur le couvercle de l'arche d'alliance, pour qu'Abraham puisse manger la chair de l'animal en un repas de communion avec Dieu : c'est toujours pour signifier le pardon de Dieu.


Le sacrifice du Christ et des chrétiens
Cahier Évangile, no 118

L'expiation, dont l'action est exprimée par le verbe kipper (d'ou le nom de la fête de Kippour), n'est pas destinée à apaiser la colère divine, mais elle exprime le pardon donné par Dieu. Les rites en sont nombreux, mais ils culminent lors de la fête de Kippour; le sens en est donné par Lv 16,30 :"C'est en ce jour-là qu'on fait sur vous le rite d'expiation pour vous purifier; devant le Seigneur, vous serez purs de tous vos péchés". C'est ainsi que tout est référé au Seigneur miséricordieux qui donnait par le grand prêtre son pardon et sa bénédiction.

Christ et le rite de Kippour (Rm 3,25)

Décrivant l'oeuvre de salut accomplie en Jésus-Christ, Paul écrit à propos de ce dernier : C'est lui que Dieu a placé comme propriatoire par la foi, au moyen de son sang, pour montrer ce qu'était sa justice, par la mise à l'écart des péchés antérieurs" (Rm 3,25) Contournée dans sa formulation, la phrase exprime cependant une idée assez claire, confirmée d'ailleurs par son contexte : par la mort de Jésus, Dieu a manifesté aux hommes sa justice, cette mort ayant abouti au pardon des péchés que l'humanité avait commis depuis les origines.

Le couvercle de l'arche d'alliance se dit en hébreu kapporèt, qui vient du verbe kipper, "couvrir, absoudre" (les péchés absous sont comme couverts). C'est sur le couvercle de l'arche que le grand prêtre faisait des aspersions avec le sang des victimes sacrifiées au jour de Kippour, la célébration du grand pardon (Lv 16, 14-15).

Si l'on fait du texte de Paul une lecture réaliste, il semble alors que l'apôtre compare le Christ crucifié au couvercle de l'arche d'alliance, lieu saint par excellence, éclaboussé du sang lors du grand sacrifice annuel offert pour le pardon. [...] Il semble que le rite sacrificiel ici accompli par la mort du Christ en croix est bien dans ce texte le rite de Kippour, rite par lequel Israël célébrait chaque année le pardon divin. C'était un rite sanglant comme la croix fut sanglante . Les analogies ne méritent cependant pas d'être précisées à l'excès : l'insistance peut être soi sur le sang qui coula, soi sur le corps baigné de sang , soit encore sur l'événement global de la crucifixion conçue comme un sacrifice. Ce qui est central pour Paul, c'est que la mort de Jésus fut sanglante, et qu'elle est à la fois l'accomplissement et le terme des sacrifices qui, de son vivant, étaient encore offerts au Temple de Jérusalem.

Dans la vision paulinienne des choses, Christ mourut bien pour les péchés des hommes, mais il n'en fut pas pour autant souillé par le péché. La figure du bouc émissaire ne s'applique pas au Christ. Dans le rituel du grand pardon, le bouc émissaire n'était pas mis à mort. Il était chargé des péchés des hommes par imposition des mains du grand prêtre, puis envoyé au démon Azazel, dans le désert. Au contraire, la victime sacrifiée, à Kippour comme pour les autres sacrifices, est une victime sainte ; par sa mort elle libère d'un péché qui, d'une certaine façon, ne l'atteint pas.


Christ est mort pour

Traduire hyper par "à la place de " conduirait à bâtir une théologie de la substitution que la tradition chrétienne n'a pas toujours su éviter. Elle laisserait entendre que nos péchés nous auraient mérité un châtiment et que Christ aurait subi la sanction à notre place. Inconsciemment, c'est la figure du bouc émissaire qui fonctionne alors, et nous avons vu que les textes de Paul ne conduisent nullement à l'identifier au Christ. Elle donne aussi de Dieu un visage peu ouvert au pardon, comme s'il fallait bien que quelqu'un paie. On revient plus ou moins par là à la figure d'un Dieu vindicatif dénoncée précédemment,. que ni Paul ni la tradition biblique autorisent.

Plus justifié - c'est sans doute le sens le plus riche, est le sens final. celui qui convient surtout dans des expressions de type "mort pour nous". Nous sommes les bénéficiaires de cette mort. Elle fut le don total que le Christ fit de lui-même. Elle fut sanglante, certes, mais ce moment sacrificiel ne peut être isolé de tous les autres dons que Dieu nous fait en permanence de lui-même par Jésus-Christ. Et si sa mort fut une "mort pour", sa vie aussi fut une "vie pour", une vie entièrement tournée vers les autres, une 'proexistence".

[...]

La valeur du don de la vie correspond à la théologie du martyre bien attestée dans le IVe livre des Maccabées (apocryphe du Ier siècle de notre ère). Le martyr prie en ces termes : "Fais de mon sang leur purification et prend ma vie (psyché) comme rançon (antipsychos) pour la leur" (6,29). Plus loin, on apprend que le tyran fut puni et notre pays purifié, puisque les martyrs sont devenus comme une rançon pour le péché de la nation" (17, 21). Ces contacts indiquent dans quel sens s'enracinent la sentence évangélique.

Michel Quesnel et al, Le sacrifice du Christ et des chrétiens, Cahiers Évangile, Édition du Cerf, no 118, 2002, 67 p.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » ven. 12 févr. 2021, 14:55

A-t-on besoin d'un rédempteur ? Réponse : oui.


La critique prophétique a eu le mérite de pointer les risques de déviations du culte sacrificiel et de rappeler qu'il est d'abord relation.
"Dans une fort belle introduction au culte, Ina Wili-PLein, professeur d'Ancien Testament à Hambourg, a comparé avec humour la critique prophétique du sacrifice à la critique théâtrale. Pas plus, dit-elle, que la critique théâtrale ne vise l'abolition du théâtre et son remplacement par une autre forme d'expression artistique, la critique prophétique ne vise la suppression du sacrifice au profit d'une autre forme de piété. Ce qui est critiqué, dans l'un et l'autre cas, ce sont les acteurs !"

Cahiers Évangile, Les sacrifices de l'Ancien Testament, no 111
Enfin ...

Pour faire justice de cette impiété larvée à l'égard de Dieu dans l'Ancien Testament, à toujours vouloir prendre Dieu pour Hannibal le cannibal (Je ne me retenais pas, je pense que briserais l'ordi à force de lire le genre de mauvaise réputation que l'on continue de vouloir charrier sur Dieu) - Et, pour bien faire, à ce sujet, il faudrait que Trinité lise ça, lui aussi, une fois rentré de vacance (sourire).


Dans l'Ancien Testament

Dieu guérit. Après avoir délivré les Israélites de leur esclavage en Egypte, le Seigneur leur indiqua son identité : "Je suis l'Éternel qui te guérit" (Exode 15,26). En hébreu, on lit : Yhwh rapha, qui se traduit littéralement par "Je suis l'Éternel, ton médecin."
Lui qui pardonne toutes tes fautes, lui qui guéris toutes tes maladies, lui qui rachète ta vie de la fosse, lui qui te couronne de fidélité et de miséricorde, lui qui rassasie de biens tes années, pour que ta jeunesse se renouvelle comme l'aigle (Ps 103, 3-5)

Dans leur détresse ils crièrent vers le Seigneur : de leur angoisse il les sauva, il les délivra de leur fosse (Ps 107, 19-20)

Sarah guérit de son infertilité dans sa vieillesse (Gn 21), Naaman guérit de sa lèpre (2 R 5), le roi Ezékias guéri d'une maladie mortelle (2 R 20), Tobit est guéri de sa cécité, etc.







La signature du Messie


Il parcourait toute la Galilée ... guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple ... et on lui présenta tous les malades atteints de divers maux et tourments. Et il les guérit (Mt 4,23-24)

Le soir venu, on lui présenta beaucoup de démoniaques : il chassa les esprits d'un mot et guérit tous les malades (Mt 8, 16)

Les gens de l'endroit (Génésareth) lui présentèrent tous les malades : on le priait de les laisser simplement toucher la frange de son manteau , et tous ceux qui touchèrent furent sauvés (Mt 14, 35-36)

Jésus vint au bord de la mer de Galilée. Il gravit la montagne et il s'assit. Et des foules nombreuses s'approchèrent de lui, ayant avec elles des boiteux, des estropiés, des aveugles, des muets et bien d'autres encore qu'ils déposèrent à ses pieds; et il les guérit. Et les foules de s'émerveiller en voyant ces muets qui parlaient, ces estropiés qui redevenaient valides et ces aveugles qui recouvraient la vue (Mt 15, 29-31)

Après que jésus eut chassé les vendeurs du Temple, "il y eut aussi des aveugles et des boiteux qui s'approchèrent de lui dans le Temple, et il les guérit. Voyant les prodiges qu'il venait d'accomplir et ces enfants qui criaient dans le Temple "Hosanna au fils de David ! ..." Mt 21, 14

Jésus en débarquant vit une foule nombreuse et il en eut pitié, et il guérit leurs infirmes (Mt 14)

Après la mission des Douze, ou ils avaient opéré partout des guérisons, les foules trouvèrent Jésus à l'écart avec ses Apôtres, Jésus leur fit bon accueil, leur parla du royaume de Dieu, et rendit la santé à ceux qui avaient besoin de guérison (Lc 9, 11)

Après un conflit avec les Pharisiens au sujet de la guérison d'un homme à la main sèche le jour du sabbat, "Jésus se retira de là, beaucoup le suivirent et il les guérit tous"

Puis Matthieu, citant le prophète Isaïe, explique : "Voici mon serviteur que j'ai choisi ... Je placerai sur lui mon Esprit ... le roseau froissé, il ne le brisera pas, et la mèche fumante, il ne l'éteindra pas ... en son nom les nations mettront leur confiance" (Mt 12, 20)

________

Prière de l'Église, Dimanche des Rameaux :
"Bien qu'il fut exempt de péchés, Il a accepté librement de souffrir pour les pécheurs. Bien qu'il fût innocent, il a accepté la mort pour sauver les coupables. Par sa mort, Il a détruit nos péchés. En ressuscitant, Il nous a ressuscités à une vie sainte" (Préface eucharistique de Pâque 1)

Dieu est venu Lui-même nous sauver en nous donnant sa propre vie divine. Saint Grégoire de Nysse l'explique ainsi :

"Malade, notre nature demandait à être guérie; déchue, à être relevée; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière; captifs, nous attendions un sauveur; prisonniers, un secours; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas d'émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu'à notre nature humaine pour la visiter, puisque l'humanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux." (saint Grégoire de Nysse, cité dans le Catéchisme de l'Église, numéro 457)

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » ven. 12 févr. 2021, 16:16

Et pour finir :
Invité :
C'était exactement le mode de fonctionnement des païens à l'égard de leurs dieux.
Pas du tout.


Dans le monde païen, le sacrifice vise justement à amadouer le dieu, à se protéger de sa violence destructrice, à l'acheter, à tenter de l'influencer. Comme les dieux de l'Olympe, les divinités païennes peuvent être à la fois bonnes et mauvaises, imprévisibles; tantôt favorables, tantôt défavorables.

Le Dieu de la révélation biblique est BON, BON et uniquement BON à la vérité; BIENFAISANT. Et alors le sacrifice qui lui est offert ne vise pas à le changer, Lui; non pas à lui faire changer de disposition, à le faire revenir d'une colère terrible. Ce sacrifice offert à Dieu est en soi pour le bénéfice de celui qui offre. 1) signe de la relation de dépendance qui nous relie à ce Dieu BON. Sacrifice d'Abel, de Noé, de Mechisédech, etc. ; "La nuit même ou il fut livré, Jésus prit le pain, il rendit grâce (au Père ... reconnaissance de ce lien relationnel) 2) Au travers de ce sacrifice qui lui est offert, Dieu vient à nous, pour bénir, pour nous bénir, uniquement pour guérir.

Différence :

Chez les Aztecs, il fallait sacrifier des prisonniers de guerre à la divinité. Parce que, croyait-on, le dieu-soleil avait besoin, lui, de cette énergie vitale pour se regénérer, pour que le soleil puisse refaire ses forces et continuer de briller. Ce sont les hommes qui doivent nourrir le dieu susdit. Comme le mentionne la Bible elle-même : les païens servent de la nourriture à leurs idoles, un peu comme si l'idole en bois avait besoin de se sustenter et qu'on lui fournisse sa pitance. Comme chez les animistes, comme dans le monde asiatique : il faut apporter des offrandes, des gâteaux de riz, afin que l'esprit ou "les esprits" puissent prendre quelque chose et ne pas venir tourmenter les membres de la tribu. La fête "païenne" de l'Halloween : le monstre exige qu'on lui donne un bonbon pour le satisfaire, sinon ...

Dans la Bible, le bonbon (le taureau, l'agneau ... ; Jésus !) mais c'est Dieu lui-même qui le donne. Dieu n'a pas besoin de prendre, de s'emparer d'un cadeau que nous lui ferions, tout comme Dieu n'a pas besoin du taureau en tant que tel, pas "besoin" du sang de la bête. C'est plutôt nous qui avons besoin d'être rejoint par Dieu, touché par sa grâce, etc. Le sacrifice qui est fait à Dieu devient alors le modus operandi par lequel Dieu passe pour venir nous sanctifier. Dieu donne tout. Il est Don total.

Païen = le bénéfice est pour la divinité, l'idole.
Bible = le bénéfice est pour le fidèle.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Invité » sam. 13 févr. 2021, 8:58

Bonjour Cinci,
Cinci a écrit :Je voulais dire que la première fonction du sacrifice porte sur le fait même de la connaissance de l'identité de Dieu, la communication qui est déjà établi entre Dieu et le sujet (son peuple), pour célébrer ou honorer l'existence même de cette alliance, ce lien qui existe. La première fonction du sacrifice est de maintenir vivant ce rapport de communication entre Dieu et nous. La raison d'être première du sacrifice dans l'Ancien Testament, ce n'est pas de s'amuser à égorger des bêtes, à massacrer des victimes, à faire couler du sang ou encore à tenter d'amadouer un Dieu fâché qui réclame réparation de ce qu'on l'offense.
La fonction première du sacrifice est l'expiation, ne vous en déplaise. Parce qu'Israël était incapable de suivre fidèlement les commandements de son Dieu, il a introduit un système sacrificiel avec la certitude que le sang versé était la condition nécessaire au pardon des péchés. L'origine est païenne.

Le sacrifice ni ne célèbre ni n'honore l'existence de l'alliance. Il est au contraire le moyen qui permet de se maintenir dans l'alliance.
Cinci a écrit :Le sacrifice que Dieu demande aux Israélites de respecter, comme le mémorial pour Yavhé (avec le don de la loi, l'éthique de comportement) a pour FONCTION PREMIÈRE d'assurer la présence réelle de Yavhé parmi son peuple, pour le bénir. Le but numéro un : c'est d'être en contact avec Dieu. "Écoutes, ô Israël, le Seigneur est le seul Seigneur ..."
Le sacrifice de la sortie d'Égypte n'a pas "pour fonction première d'assurer la présence réelle de Yavhé parmi son peuple, pour le bénir". Citons le verset concerné : "Ainsi, lorsque le Seigneur traversera l’Égypte pour la frapper, et qu’il verra le sang sur le linteau et les deux montants, il passera cette maison sans permettre à l’Exterminateur d’y entrer pour la frapper." (Ex 12,23)

Il est un signe de reconnaissance qui permet d'épargner les maisons du peuple hébreu d'une mort certaine. Le récit de la mort des nouveaux-nés, comme les plaies qui précèdent est le sommet de l'horreur. Peut-on vraiment croire que le Dieu d'amour révélé par Jésus, pour sauver son supposé peuple, dévaste le pays Égypte et sème la mort d'innocents ? La réponse est un non ferme et définitif. Le récit est uniquement politique, il est une revanche symbolique d'Israël qui, à défaut d'avoir été historiquement un royaume puissant, s'est donné une supériorité religieuse en phase avec la mentalité de son époque : Yahweh n'était pas encore devenu le Dieu d'amour universel mais une divinité locale (le Dieu d'Israël) qui écrase ses supposés ennemis étrangers et, au sein de son peuple, massacre à tout va ceux qui transgressent ses lois. L'imagination humaine, et surtout la frustration des rédacteurs bibliques, est décidément sans limites et s'illustre admirablement dans ce qu'elle a de plus mauvais. Malheureusement, c'est Dieu lui-même qui pâtit de cette image désastreuse que des hommes ont un jour voulu lui assigner à travers des récits qui aujourd'hui sont indigestes.
Cinci a écrit :Traduire hyper par "à la place de " conduirait à bâtir une théologie de la substitution que la tradition chrétienne n'a pas toujours su éviter. Elle laisserait entendre que nos péchés nous auraient mérité un châtiment et que Christ aurait subi la sanction à notre place. Inconsciemment, c'est la figure du bouc émissaire qui fonctionne alors, et nous avons vu que les textes de Paul ne conduisent nullement à l'identifier au Christ. Elle donne aussi de Dieu un visage peu ouvert au pardon, comme s'il fallait bien que quelqu'un paie. On revient plus ou moins par là à la figure d'un Dieu vindicatif dénoncée précédemment,. que ni Paul ni la tradition biblique autorisent..
Les Évangiles nous autorisent à croire que nos péchés nous auraient mérité un châtiment et que le Christ aurait subi la sanction à notre place. Jésus l'affirme lui-même : "le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude" (Mt 20,28).

On ne peut non plus passer sous silence ce verset de Paul qui s'inscrit dans la même lignée : "En effet, il n’y a qu’un seul Dieu ; il n’y a aussi qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous." (1 Tim 2,5-6)

Le Christ s'est revêtu de tous nos péchés sur la Croix, ils ont été crucifiés avec lui sur le bois. Par son sacrifice, Jésus s'est substitué à nous et à payé le prix de nos fautes. Il le dit, Paul le dit et Isaïe le dit :

"Or, c’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris." (Is 53,5).
Cinci a écrit :Païen = le bénéfice est pour la divinité, l'idole.
Bible = le bénéfice est pour le fidèle.
Dans les deux cas, le bénéfice est pour celui qui commet le sacrifice. En apaisant la colère de la divinité, le païen sauvegarde sa propre vie et s'attire la bénédiction de son dieu. Je ne vois pas la différence.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par menochios » mar. 16 févr. 2021, 13:44

Je suis assez mal à l'aise devant cette discussion qui s'attache au pourquoi du comment des lois du temple.
Je vais essayer d'éviter d'avoir sur le sujet une approche transactionnelle ou utilitariste.

Transactionnelle, c'est à dire prêter à Dieu des sentiments et des motivations humaines. Il est en colère, il se venge. Invité, vous dites "Dieu pâtit de cette image désastreuse". Dieu ne 'pâtit' pas. C'est nous qui pâtirons de nos idées fausses. Dieu n'est pas réductible à un individu, ni son dialogue avec l'humanité à une discussion de gré à gré. Quand le bras d'Abraham est retenu, le message n'était il pas suffisamment clair ? Il faut croire que non puisqu'il a fallu que le Christ s'offre en sacrifice pour qu'enfin ces usages s'interrompent. Dommage pour les marchands de colombes, qui perdaient un confortable gagne-pain et transformaient les abords des temples en volailleries improvisées. Dans le genre, les romains n'étaient pas mal non plus avec leur principe un voyage - un sacrifice, comme nous souscrivons nous à des assurances qui ne servent pas. Que les hommes aient été des païens, nul n'en doute. C'est bien pour celà qu'il a fallu une longue suite de révélations pour les tirer de l'ornière.

Utilitariste, ensuite, c'est à dire chercher quel bénéfice ont peut tirer de quel sacrifice, dans quelle circonstance il est efficace ou pas. Tout ce raisonnement basé sur le coût- bénéfice du sacrifice va à l'encontre de la nécessaire humilité devant Dieu. Essayer de 'négocier' avec Dieu, de l’appâter ou de leurrer avec des sacrifices, celà s'apparente à de la sorcellerie. Que les hébreux s'en soient fait une spécialité ne nous oblige pas à le reprendre à notre compte.

Maintenant, il me semble, Invité, que vous oubliez l'essentiel dans votre réflexion : Le Christ est Dieu. Plus exactement, le Christ est ce que l'on peut comprendre de Dieu. Si on parle de sacrifice, c'est parce qu'il faut bien mettre des mots sur les choses. Sacrifice est une description de trop haut niveau. Si on s'en tient aux faits, ce sont des hommes qui crucifient le Christ. Des hommes responsables et intelligents, sans doute pères de famille. Caïphe et Pilate. Ils ne l'offrent même pas en sacrifice - autant pour les règles du Temple - ils s'en débarrassent cruellement comme d'un empêcheur de gouverner en rond.
Et ils ne le font pas eux même, ils délèguent aux brutes avides de sang qui servent tous les pouvoirs, et qui jouent au dé un manteau sans couture.
Voilà la mort du Christ. Ce sont des hommes qui la font, et c'est Dieu qui disparaît. Si vous ne voyez pas la différence qu'il y a entre ce sacrifice, et des hommes terrifiés qui s'entre-scarifient comme des rats dans une cage pour baisser leur niveau de frustration, je ne vois pas comment des mots pourront le faire comprendre.
Mais la Foi ne passe pas par les mots.

Pour répondre à la question : non l'homme n'a pas besoin d'un rédempteur, le Rédempteur est déjà venu. L'homme a besoin de l'intelligence pour le comprendre et de l'humilité pour l'accepter.
Où Dieu m'a mis, je tiens.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » jeu. 18 févr. 2021, 3:10

Bonjour invité,
Le sacrifice ni ne célèbre ni n'honore l'existence de l'alliance. Il est au contraire le moyen qui permet de se maintenir dans l'alliance.
C'est dire la même chose. Célébrer l'alliance, se maintenir dans l'alliance ...

Vous ajouterez :
Le sacrifice de la sortie d'Égypte n'a pas "pour fonction premièred'assurer la présence réelle de Yavhé parmi son peuple, pour le bénir". Citons le verset concerné : "Ainsi, lorsque le Seigneur traversera l’Égypte pour la frapper, et qu’il verra le sang sur le linteau et les deux montants, il passera cette maison sans permettre à l’Exterminateur d’y entrer pour la frapper." (Ex 12,23)
Je disais que le motif pour lequel Dieu libère les esclaves hébreux en Égypte : pour que ceux-ci deviennent explicitement le peuple de Dieu et que Dieu puisse être leur Dieu. Comment ? Au moyen de l'alliance de Moïse. Par le don de la loi, le fameux décalogue. Dieu envoie Moïse au pharaon d'Égypte pour lui demander de laisser sortir son peuple, pour que celui-ci puisse lui rendre un culte dans le désert. Et tout cela n'a rien à voir premièrement avec une histoire d'expiation sanglante ou de nécessité pour les Hébreux de devoir éviter eux-mêmes un châtiment terrible d'un Dieu en colère, etc. Rien à voir !

Parce que la chose essentielle ou le fait premier : c'est comme l'établissement de ce lien réel ou lien vivant entre Dieu et son peuple. C'est l'étape première. Il faut bien que la communication soit ouverte entre ces deux termes. Il ne servira pas à grand chose d'offrir des sacrifices à un divinité que l'on ne connaît pas ou avec laquelle on ne souhaiterait pas d'abord être en rapport. Ce qui initie toute l'affaire : Dieu a entendu le cri de son peuple.

et

Le "coup" de la première Pâque en Égypte, le fameux soir avec l'agneau préparé, consommé; son sang aspergé près de la porte de la demeure des Hébreux : comme un signe de reconnaissance donné par Dieu lui-même et pour que son peuple échappe à la puissance de l'ange exterminateur. Pour le dire autrement : celui qui a lancé une malédiction mais c'est le pharaon d'Égypte et non pas Dieu. C'est le pharaon injuste qui aura décrété la mise à mort de tous les enfants mâles premiers-nés parmi les Hébreux. C'était une malédiction injuste que le vilain pharaon avait lancé contre les Hébreux et, comme il est injuste, qu'il n'avait aucune raison d'agir ainsi : sa propre malédiction lui revient et retombe finalement sur son peuple. L'idée c'est que Dieu représente un abri pour ceux qui se placent sous sa protection. Ce n'est pas : il faut que je massacre quelqu'un d'une manière ou l'autre, et si tu ne me verse pas mon obole tu vas voir ce que tu vas voir. Plutôt : "Confiez-vous à moi et alors le mal ne vous atteindra pas." Nuance. Le sang de l'agneau que Dieu fournit lui-même (comme dans le récit de la Genèse avec Abraham) agit pratiquement comme une sorte de charme, pour éviter la mort aux Hébreux. Pour les sauver de la mort ! On parle d'un Dieu Sauveur.

Vous commentez :
Il est un signe de reconnaissance qui permet d'épargner les maisons du peuple hébreu d'une mort certaine. Le récit de la mort des nouveaux-nés, comme les plaies qui précèdent est le sommet de l'horreur. Peut-on vraiment croire que le Dieu d'amour révélé par Jésus, pour sauver son supposé peuple, dévaste le pays Égypte et sème la mort d'innocents ? La réponse est un non ferme et définitif.
Il faut prendre le texte comme il est. Il n'est pas nécessaire non plus de le surcharger de projections qui seraient bonnes à faire verser au dossier d'accusation à monter contre Dieu. Le sens global c'est que YHWH donne toutes les chances au pharaon de s'amender, à plusieurs reprises. C'est le récit des dix plaies. En vain ! L'autre s'enfonce plutôt dans un endurcissement. Conséquence ? Le mal qu'il veut réserver aux autres lui revient sur la tête. Dur à entendre ?

C'est pourtant ce qui se produit aussi dans la réalité. Plus prosaïquement, c'est tel le pharaon-Nasser qui projette de jouer un bon tour aux Juifs en 1967 en voulant leur déclarer la guerre sans réel motif et jusqu'à ce que "Patatrac !", voici que le ciel lui déboule sur la trogne, avec pour conséquence la perte de quasiment toute son aviation de guerre, des milliers de morts dans son camp. C'est un peu la même idée.

Et c'est aussi que Dieu laisse des "puissances de mort" (ange exterminateur ?) faire leur office. Bizarre ? C'est également comme dans la réalité. L'agir de Dieu n'est pas si simple à encaisser. Ce n'est pas exactement comme on le voudrait, comme on pourrait imaginer. Ce n'est pas tout à fait comme dans des contes de fées - il arrive qu'il puisse y avoir de la douleur, des morts même innocents et qui semblent payer pour d'autres, etc.

Vous dites :
Le récit est uniquement politique, il est une revanche symbolique d'Israël qui, à défaut d'avoir été historiquement un royaume puissant, s'est donné une supériorité religieuse en phase avec la mentalité de son époque : Yahweh n'était pas encore devenu le Dieu d'amour universel mais une divinité locale (le Dieu d'Israël) qui écrase ses supposés ennemis étrangers et, au sein de son peuple, massacre à tout va ceux qui transgressent ses lois. L'imagination humaine, et surtout la frustration des rédacteurs bibliques, est décidément sans limites et s'illustre admirablement dans ce qu'elle a de plus mauvais. Malheureusement, c'est Dieu lui-même qui pâtit de cette image désastreuse que des hommes ont un jour voulu lui assigner à travers des récits qui aujourd'hui sont indigestes.
Une interprétation de votre part qui se positionne franchement en révolte contre le texte biblique, et qui ne permettrait plus de voir la "Parole de Dieu" jusque dans le texte de l'Exode. me semble-t-il. Avec votre idée, il faudrait sûrement refaire le livre de l'Exode.

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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Cinci » jeu. 18 févr. 2021, 6:45

Poursuivons :
invité :
Les Évangiles nous autorisent à croire que nos péchés nous auraient mérité un châtiment et que le Christ aurait subi la sanction à notre place. Jésus l'affirme lui-même : "le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude" (Mt 20,28).

Il n'y a pas de lien logique pourtant entre votre image de Dieu vengeur et l'affirmation de l'évangéliste.

Que le Christ veuille prendre notre condition humaine et accepter aussi de descendre dans notre mort (comme pour prendre sur lui notre misère) ne signifie en rien que c'est Dieu-le-Père qui se trouverait au départ dans le "besoin" de châtier quelqu'un. L'idée qui ressort serait bien plutôt celle d'un Dieu qui vient pour nous faire vivre de sa vie. Une bonne nouvelle !

Parler d'un Dieu qui veut nous faire vivre, c'est autre chose que la présentation d'un Dieu qui voudrait nous tuer, non ? Quand on donne un rançon pour le bénéfice de quelqu'un, c'est pour l'avantager et jamais pour le châtier ou pour s'éviter à devoir le châtier. Si le gouvernement français donne une rançon pour la vie d'une citoyenne tombé dans les filets de terroristes au Mali : personne ne va comprendre que le gouvernement de la France aurait voulu châtier la citoyenne dès le premier jour, mais que s'Il livre une rançon à la fin c'est surtout pour s'empêcher de devoir la faire battre par son équipe de fier-à-bras.

Carolus
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Re: L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?

Message non lu par Carolus » jeu. 18 févr. 2021, 22:37

Question de ce fil : L'homme a-t-il réellement besoin d'un rédempteur ?
Réponse : OUI ‼️

Dieu se révéla à Adam et Ève.
CEC 55 Cette Révélation n’a pas été interrompue par le péché de nos premiers parents. Dieu, en effet, " après leur chute leur promit une rédemption, leur rendit courage en les faisant espérer le salut […]
La rédemption, par le sang précieux de l’Agneau (par notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ), nous fait espérer le salut.

SANS RÉDEMPTION (par le sang précieux de l’Agneau), il n’y aurait pas de salut. :(

Jésus-Christ est notre SEUL RÉDEMPTEUR ET SAUVEUR.

Nous avons donc besoin de ce RÉDEMPTEUR. 🙏

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