Je souhaite lancer ce sujet par un extrait du livre " Guérir son enfant intérieur (faire la paix avec son passé)" de Moussa Nabati :
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Encore une fois, il ne faut pas se fier aux apparences trompeuses, s'imposant d'emblée aux sens, se donnant à voir et à entendre. L'insensibilité représente l'arbre qui cache la jungle, le voile qui masque le volcan incandescent. Les extrêmes se ressemblent. En cas de DIP (Dépression Infantile Précoce) et de culpabilité, consécutives à des carences narcissiques au cours de la petite enfance, comme cela est sans doute le cas chez Édouard, l'énergie vitale, empêchée de circuler librement et de manière fluide dans les allées de l'âme, se cabre, s'irrite, s'emporte, se radicalise en se coinçant dans l'un des deux extrêmes, la dépression ou la perversion. Édouard, ne s'autorisant pas à ressentir, en raison de sa chétivité psychologique, les affects anxiodépressifs, insupportables pour lui, s'est vu contraint de se réfugier dans le blockhaus pervers. Ce mot ne renvoie pas ici aux déviations classiques de l'instinct sexuel par rapport aux normes morales ou culturelles, comme la pédophilie, le sado-masochisme, etc. Il définit plutôt un fonctionnement psychologique particulier, y compris chez le sujet ayant une sexualité "normale", conventionnelle, dans le but d'empêcher son psychisme, tel un château de sable ou de cartes, de s'écrouler.
D'un côté, le déprimé, en raison de la présence d'une forte culpabilité, souffre de l'extinction libidinale, du manque de goût et d'en-vie. Il se replie sur lui-même en s'interdisant de jouir, préférant se sacrifier masochistement à autrui. De l' autre côté, et à l'inverse, le pervers, déniant toute culpabilité, inapte à l'empathie, est capable de sacrifier d'une façon maligne et égoïste, parfois même amorale et sadique, ceux qu'il prétend aimer, pour assouvir ses besoins pulsionnels. Ces deux tableaux, le pervers et le dépressif, s'inscrivent, par-delà leur opposition de façade, dans une même problématique, la carence narcissique maternelle, entraînant la DIP et la culpabilité d' avoir été malmené.
Mais pourquoi alors, si deux individus subissent une semblable blessure dans la petite enfance, l'un souffrira-t-il à l'âge adulte d'une dépression, tandis que l'autre présentera des traits pervers ? Pourquoi l'un aura-t-il tendance à occuper une place de victime émissaire, s'interdisant le bonheur, soucieux exclusivement de ses devoirs, se sentant coupable quoi qu'il fasse ou dise, tandis que le second, ne revendiquant que des droits, se permettra de jouir sans gêne et sans culpabilité, insensible à la souffrance et au désir d'autrui ? La différence tient au fait que le pervers, aux prises avec une culpabilité et une DIP encore plus massives et enfouies que celles du déprimé, se voit contraint, pour survivre, de dénier ces affects, de les censurer, les expulsant hors du champ de l'éprouvé et du ressenti conscient. Il est ainsi comparable à un appareil électrique qui aurait disjoncté en raison d'une augmentation exagérée de la tension pour ne pas exploser. Dans cette perspective, le pervers, bien que portant le vernis séducteur de la confiance en soi, de la solidité et de la maîtrise, souffre de césures narcissiques et identitaires bien plus graves que le déprimé. C'est le motif pour lequel ce qu'on pourrait lui souhaiter de meilleur en définitive, c'est de réussir un jour à déprimer pour pouvoir ôter son masque et quitter son blindage, afin de retrouver son enfant intérieur et d'accéder à sa vérité profonde longtemps dissimulée.
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