Aimer ses ennemis

« Dieu leur donnera peut-être de se convertir et de connaître la vérité. » (2Tm 2.25)
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Didyme
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Aimer ses ennemis

Message non lu par Didyme » dim. 29 nov. 2020, 17:15

Bonjour,

Je souhaite lancer ce sujet par un extrait du livre " Guérir son enfant intérieur (faire la paix avec son passé)" de Moussa Nabati :

"...
Encore une fois, il ne faut pas se fier aux apparences trompeuses, s'imposant d'emblée aux sens, se donnant à voir et à entendre. L'insensibilité représente l'arbre qui cache la jungle, le voile qui masque le volcan incandescent. Les extrêmes se ressemblent. En cas de DIP (Dépression Infantile Précoce) et de culpabilité, consécutives à des carences narcissiques au cours de la petite enfance, comme cela est sans doute le cas chez Édouard, l'énergie vitale, empêchée de circuler librement et de manière fluide dans les allées de l'âme, se cabre, s'irrite, s'emporte, se radicalise en se coinçant dans l'un des deux extrêmes, la dépression ou la perversion. Édouard, ne s'autorisant pas à ressentir, en raison de sa chétivité psychologique, les affects anxiodépressifs, insupportables pour lui, s'est vu contraint de se réfugier dans le blockhaus pervers. Ce mot ne renvoie pas ici aux déviations classiques de l'instinct sexuel par rapport aux normes morales ou culturelles, comme la pédophilie, le sado-masochisme, etc. Il définit plutôt un fonctionnement psychologique particulier, y compris chez le sujet ayant une sexualité "normale", conventionnelle, dans le but d'empêcher son psychisme, tel un château de sable ou de cartes, de s'écrouler.
D'un côté, le déprimé, en raison de la présence d'une forte culpabilité, souffre de l'extinction libidinale, du manque de goût et d'en-vie. Il se replie sur lui-même en s'interdisant de jouir, préférant se sacrifier masochistement à autrui. De l' autre côté, et à l'inverse, le pervers, déniant toute culpabilité, inapte à l'empathie, est capable de sacrifier d'une façon maligne et égoïste, parfois même amorale et sadique, ceux qu'il prétend aimer, pour assouvir ses besoins pulsionnels. Ces deux tableaux, le pervers et le dépressif, s'inscrivent, par-delà leur opposition de façade, dans une même problématique, la carence narcissique maternelle, entraînant la DIP et la culpabilité d' avoir été malmené.
Mais pourquoi alors, si deux individus subissent une semblable blessure dans la petite enfance, l'un souffrira-t-il à l'âge adulte d'une dépression, tandis que l'autre présentera des traits pervers ? Pourquoi l'un aura-t-il tendance à occuper une place de victime émissaire, s'interdisant le bonheur, soucieux exclusivement de ses devoirs, se sentant coupable quoi qu'il fasse ou dise, tandis que le second, ne revendiquant que des droits, se permettra de jouir sans gêne et sans culpabilité, insensible à la souffrance et au désir d'autrui ? La différence tient au fait que le pervers, aux prises avec une culpabilité et une DIP encore plus massives et enfouies que celles du déprimé, se voit contraint, pour survivre, de dénier ces affects, de les censurer, les expulsant hors du champ de l'éprouvé et du ressenti conscient. Il est ainsi comparable à un appareil électrique qui aurait disjoncté en raison d'une augmentation exagérée de la tension pour ne pas exploser. Dans cette perspective, le pervers, bien que portant le vernis séducteur de la confiance en soi, de la solidité et de la maîtrise, souffre de césures narcissiques et identitaires bien plus graves que le déprimé. C'est le motif pour lequel ce qu'on pourrait lui souhaiter de meilleur en définitive, c'est de réussir un jour à déprimer pour pouvoir ôter son masque et quitter son blindage, afin de retrouver son enfant intérieur et d'accéder à sa vérité profonde longtemps dissimulée.
... "
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Didyme
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Didyme » dim. 29 nov. 2020, 17:17

On entend souvent dire concernant des personnes que l'on estime mauvaises ou répréhensibles, des ennemis et damnés en tout genre, "s'il est devenu ainsi c'est parce qu'il l'a voulu", "il a mal usé de sa liberté", "ce qu'il est devenu exprime son propre fond", etc.

Je me demande alors comment aimer une personne que l'on estime mauvaise, mauvaise jusqu'à se damner ? Comment aimer les pires dictateurs, criminels, psychopathes en tout genre ?
Oui, c'est sûr que c'est compliqué voir impossible quand en les voyant on ne voit que le mal, le péché. (Comme si par ailleurs, nous n'étions pas nous-mêmes atteints par le péché)


J'ai pris cet extrait d'un livre de psychologie car je trouve qu'il exprime des points intéressants. Que l'on adhère ou non à la psychanalyse, il n'empêche qu'aucune créature de Dieu ne devient "mauvaise" par hasard, cette évolution ne vient pas de nulle part.
Comme le révélait Dieu à Julienne de Norwich "Vois ! Je suis Dieu. Vois ! Je suis en toute chose. Vois ! Je fais toute chose ! Vois ! Je ne retire jamais ma main de mes œuvres, et jamais je ne la retirerai dans les siècles des siècles. Vois ! Je conduis toute chose à la fin que je lui ai assignée de toute éternité, avec la même puissance, la même sagesse, le même amour que lorsque je l'ai créée. Comment pourrait-il se faire qu'aucune soit mauvaise ? "

Certes la créature de Dieu porte le mal en elle mais comme le dit le Seigneur " comment pourrait-il se faire qu'aucune soit mauvaise ? ", la créature n'est pas mauvaise en soi.
C'est un point que j'aime dans la psychanalyse, celui de voir une base bonne en chacun qui a été blessée. Car si tel n'était pas le cas, que chercherait donc à guérir, réparer les psychanalystes ?

Quand on lit un extrait comme celui cité, comment ne pas être touché, pris de compassion pour cet "ennemi", ce pervers ici, et comment ne pas alors ressentir de l'amour pour lui, l'enfant en lui lorsque l'on considère que son état actuel reflète l'immense blessure que l'enfant, j'aurais envie de dire sa part d'innocence, œuvre originelle de Dieu, a jadis subie ?
Et c'est vrai, ce sont les pires criminels qui ont le plus besoin d'être guéri, sauvé. Ce sont eux les plus atteints, blessés, souillés par le péché.
Souvent, on ne s'arrête qu'à la surface, construisant une appréciation superficielle et terriblement simpliste des choses, condamnant sans discernement, arrivant à dire d'une personne qu'elle est mauvaise, la confondant avec son péché, avec ses maux. Je me dis que ça n'est pas anodin s'il nous est demandé de ne pas juger. En effet, qui de nous connaît parfaitement l'histoire de l'autre, tous les ressorts de sa vie, sa vie intérieure, psychique ? On parle souvent de justice divine, d'une justice semblant tellement dissocié de l'amour. Mais je me dis que Dieu aime sa créature, même lorsqu'elle a sombré dans le péché, parce que Dieu connaît sa créature, celle qu'il a créé, et Dieu juge sa créature en parfaite connaissance.
On me parle souvent du libre-arbitre, et cette approche psychanalytique a ceci de dérangeant qu'elle laisse apparaître une faiblesse du libre-arbitre. Mais si nous étions dans une telle liberté, dans une telle possession du libre-arbitre, alors je me demande bien de quoi Dieu nous sauverait, ce qu'il serait donc venu vaincre ? Avec un tel libre-arbitre, tout serait déjà parfait actuellement, puisque ce monde serait l'expression d'une pleine liberté, d'une pleine expression du libre-arbitre. La liberté, le libre-arbitre sont-ils donc un mal pour que Dieu condamne ce monde, veuille le sauver, le délivrer ? Mais délivrer de quoi puisque nous sommes tellement libres ?
"Libre" "arbitre", arbitrage libre. Le libre-arbitre c'est la liberté de penser, d'opinion, de choix, d'agir, indissociable de la volonté. Effectivement, nous en sommes doté. Mais est-ce que cela implique forcément des capacités pleines et entières, sans entraves ? Cela implique-t-il forcément des pensées, opinions, choix, actions saines, pures, clairvoyantes sans influence d'aucune sorte ?

La psychanalyse est gênante car elle montre à quel point nous ne le sommes pas. Et en ceci, elle est en accord avec Dieu dans ce qu'elle exprime une base bonne blessée et qui a besoin d'être guérie. Elle est en accord avec Dieu dans ce qu'elle exprime la propagation, la transmission de fautes, de blessures, de disfonctionnements et à travers ça une solidarité humaine dans la faute. Et c'est tellement vrai quand je pense à la façon dont nos actes, nos propres blessures, disfonctionnements, se transmettent à l'autre et l'atteignent au plus profond de lui, pervertissant tout, blessures héritées par ailleurs de nos aïeuls. Je ne peux m'empêcher d'y voir le reflet du péché originel qui d'une première faute a atteint toute l'humanité, blessant, pervertissant ce qui est bon. Considérant l'histoire humaine, voyant la société actuelle, chacun de nous, j'ai comme un vertige, comme une sensation d'être submergé par une immensité de blessures, de défaillances, un péché originel hors de contrôle et inarrêtable dans sa transmission, sa propagation incessante. On est guéri d'une faute et aussitôt atteint par une autre. Comment ne pas sentir une profonde solidarité humaine dans ce péché ? Nos fautes ne s'arrêtent pas à nous mais atteignent l'autre et le blessent. Comment se désolidariser de quiconque alors, comme si nous n'étions pas liés les uns aux autres ? Juger l'autre, même son ennemi, c'est ignorer sa part de responsabilité dans ce désordre, dans ce qui atteint l'autre, même indirectement. Quelque part, juger l'autre c'est se juger soi-même.
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Didyme » dim. 29 nov. 2020, 17:20

En considérant la part enfantine, créée par Dieu, belle et bonne "Dieu vit tout ce qu'il avait fait ; et voici, cela était très bon", et en parallèle le criminel qu'il peut être devenu, nous sommes souvent tenté de s'affliger dans un esprit de condamnation de ce que cette personne est devenue, la renvoyant à ses choix pleinement libres, qui la rendent intégralement responsable de son état, renvoyant ainsi à une mauvaise personne, et par conséquent à un mauvais fond et donc indirectement à une mauvaise base. Car à l'origine, le premier mauvais choix est bien parti de cette base bonne. Donc confondre la personne et son péché revient à confondre la base créée avec le péché. Or, le péché se tient à la porte mais n'est pas la demeure.
Mais où est l'enfant ici, dans cette appréciation, ce jugement ? Ici, on ne fait que voir "l'adulte".

Or, si en regardant l'adulte on considère en parallèle l'enfant, c'est là que le péché est mis en lumière dans toute sa nuisance, dans toute sa désolation, dans tout son chaos. Si à chaque jugement, on ne perd pas de vue l'enfant et ce que le péché a fait chez lui, comment le péché a défiguré l'œuvre divine, l'a blessé, humilié, souillé, insulté, violenté,... Alors que de compassion pour cette créature de Dieu, et d'autant plus grande pour le pire criminel que son état reflète les ravages, la violence faite à la part enfantine.
Je tends à penser que c'est quelque part ainsi que Dieu doit aimer jusqu'au damné, en ne perdant jamais de vue sa créature, en faisant la distinction entre la personne et le péché. Car si la personne était confondue, fondue avec son péché, que pourrait donc encore aimer Dieu ? Aimerait-il le péché ?...

Mais ceci n'est possible que si on fait la distinction entre ce qui est de Dieu et ce qui est du péché. Or, on accorde souvent au péché ce qui est à Dieu et à Dieu ce qui est au péché.


Il m'est souvent arrivé d'avoir cette impression folle qu'il se pourrait que ce soit les plus "méchants" qui, une fois délivrés, se voient un jour les plus gratifiés de réconfort, de consolation, d'amour, si l'on considère ce que cette beauté originelle créée par Dieu a été si profondément blessée dans sa dignité, souillée, comme insultée par le péché pour en arriver à de telles extrémités, si l'on considère la violence qui a été infligée à l'enfant, bien plus alors chez le pire criminel que chez le saint. Ce sont ces âmes qui ont le plus souffert du péché me semble-t-il.



Alors bien sûr, on peut pointer du doigt qu'une telle approche tend à déresponsabiliser, à déculpabiliser. Or, ce n'est pas le cas. Au final, nous sommes bien coupables. Car si nous ne l'étions pas alors cela signifierait que nous n'avons pas de problème, que nous sommes pleinement sains et saints, sans nul besoin d'un quelconque salut. Mais nous avons évidemment une maladie, une maladie de l'âme qui nous fait défaillir, déraisonner, commettre beaucoup de mal. Nous sommes coupables parce que nous ne sommes pas dans le bien. Être coupable c'est aussi considérer son état actuel, et ceci de façon d'autant plus flagrante si l'on considère la distance creusée avec l'enfant en nous. Mais être coupable ne signifie pas ne pas être victime du péché, de même qu'être victime ne signifie pas ne pas être coupable aujourd'hui.
Cela me semble être la façon la plus saine de considérer la culpabilité car si on ampute l'adulte aujourd'hui de l'enfant en lui, de son lien à Dieu, alors on risque de tomber dans une vision manichéenne, incapable d'aimer l'autre, d'aimer ses ennemis.
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Vincent » dim. 29 nov. 2020, 17:51

La Charité, dit le pape François dans le livre d'entretiens "politique et société" est au delà des lois, du bien ou du mal. C'est très vrai. Le chemin du chrétien, c'est l'amour. Il m'est un jour venue cette pensée que je garde en trésor : aime, et ne t'occupe pas du reste.
« Nous serons pauvres et nous souffrirons la misère aussi longtemps qu’il le faut, comme une ville assiégée qui n’entend pas capituler, mais nous montrerons que nous sommes quelque chose. »
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par nicolas-p » dim. 29 nov. 2020, 19:42

Aimer est un terme qui a de multiples sens et possibilités:

Aimer ses parents, amis, enfants, époux(se) etc... il existe de multiples façons d'aimer.

On a toujours tendance à croire que c'est ainsi qu'il faut aimer ses ennemis.
Cette façon là d'aimer comme sa famille, proche, conjoint est accessible qu'a peu de gens exceptionnels.

Pour la majorité, je le conçois ainsi, aimer ses ennemis c'est simplement vouloir de bonnes choses pour eux et non des mauvaises:

Par exemple, leur conversion, prier pour eux, ne pas les dénigrer,les désavantager etc...:
faire le mieux que l'on puisse faire pour eux ou leur âme, donc oui c'est de l' amour.

Une fois qu'on a compris cela, on comprend alors que oui c'est possible ( même si difficile ) d'aimer nos ennemis.

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Altior » dim. 29 nov. 2020, 20:17

nicolas-p a écrit :
dim. 29 nov. 2020, 19:42
Par exemple, leur conversion,
C'est bien ça.
Plus généralement, aimer ses ennemis c'est leur désirer le salut. C'est aussi «s'aimer soi-même» dans le bon sens: désirer notre salut. Car vivre éternellement avec Dieu, la source du Bien est le plus grand bien, par rapport auquel tout autre n'est que relatif, sinon illusion. Ce bien suprème, que nous voulons pour nous-même, nous le voulons pour notre prochain aussi, soit-il notre ennemi.

Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé relève de la même chose, car Dieu désire notre salut. C'est pourquoi, chaque fois que nous laissons quelqu'un dans l'ignorance, sans lui dire ce que Dieu nous enseigne, chose qui pourrait le faire fourvoyer et contribuer à sa débauche, nous ne l'aimons pas, car nous ne travaillons pas dans la direction de son salut, en refusant de lui ouvrir les yeux. Nous faisons souvent cela en pensant que nos mots le blesseront et qu'ainsi notre prochain deviendra notre ennemi. C'est parce que nous oublions que le commandement n'est pas «Soyez aimé par votre prochain», mais «Aimez votre prochain»/ «Aimez votre ennemi».

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Carolus » dim. 29 nov. 2020, 22:58

Altior a écrit :
dim. 29 nov. 2020, 20:17
Altior :

Plus généralement, aimer ses ennemis c'est leur désirer le salut. C'est aussi «s'aimer soi-même» dans le bon sens: désirer notre salut. Car vivre éternellement avec Dieu, la source du Bien est le plus grand bien, par rapport auquel tout autre n'est que relatif, sinon illusion. Ce bien suprème, que nous voulons pour nous-même, nous le voulons pour notre prochain aussi, soit-il notre ennemi.
Vous avez raison, cher Altior. 👍
CEC 2 […] le Christ a envoyé les apôtres qu’Il avait choisis en leur donnant mandat d’annoncer l’Évangile : " Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit.
Notre « prochain aussi, soit-il notre ennemi », a besoin d’entendre l’Évangile, n’est-ce pas ? :oui:

La bonne nouvelle (l’Évangile ) est un trésor qu’il faut rendre accessible à tous ceux que l’on aime. 🙏

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par cmoi » lun. 30 nov. 2020, 6:44

J’hésite à répondre à ce que ce genre de fil m’inspire, car ce serait personnel et me mettre en avant. Alors je ne le faisais pas, mais en même temps, pourquoi m’auto censurer et ensuite me plaindre que les choses « n’avancent pas » ?
Alors pour une fois je vais le faire, en toute transparence. Sans argumenter, comprendra chacun ce qu’il voudra ou pourra.
J’ai appris à aimer mes ennemis par mon père, parce qu’il m’a violé dès ma plus tendre enfance (si vous voulez des détails, je peux en donner… dès 2 ou 3 ans certains orifices le permettent, et l’adulte s’adapte au possible, au fur et à mesure... ) et qu’il était donc mon ennemi, mais aussi mon père et en tant que tel, je l’aimais et voyais aussi en quoi il était estimable. D’autant que ce n’était que des moments secrets en dehors desquels il était charmant, généreux, etc. moments durant lesquels il semblait être habité par plus fort que lui (mais il n’était en rien « possédé »).
Grâce à cela, j’ai aussi appris et ce fut le plus douloureux et le plus long à accepter (car je dus l’assumer avant de le pouvoir), à ne « demander l’amour » de personne, à me contenter de sa présence dans ce qui le bafouait et l‘enfermait, le rejetait) à n’en pas attendre pour donner le mien, à « trouver l’équilibre » sur cette seule offrande car il n’est pas possible d’en avoir d’autre – et ce qui me surprend le plus, c’est quand j’en reçois du vrai, du pareil, et que s’établit un échange de même hauteur.
Je n’en parlerai pas plus, mais c’est inévitable : j’ai réellement appris à aimer, aimer vraiment mon ennemi, « grâce » à lui. Sans haine, mais prêt à le tuer pour me défendre (si j’avais pu ! Et sans intention de faire du mal…) sur le moment, prêt à lui pardonner aussi, mais quant à « vouloir son salut », non : vouloir la justice, rien que la justice.
Vouloir le salut de son ennemi ce n’est pas l’aimer (Altior). C’est une considération sympathique dont je comprends l’idée, mais non, ce n’est pas l’aimer et ce n’est pas nécessaire pour aimer. C’est trop théorique et pas objectif, c’est une façon de s’entrainer pour parvenir à aimer, mais sinon c’est artificiel. Nous ne savons pas ce qui est en jeu et en cause, Dieu seul le sait, cela ne nous regarde pas. C’est Dieu qu’il faut aimer et sa volonté : comment croire qu’elle puisse se faire à notre détriment ?
C’est un devoir de chrétien de « lui rendre ce salut accessible » (Carolus) en cela je suis d’accord, et ce devoir est possible avec tous, il est un moyen de dépasser les offenses et de réaliser son pardon, de le rendre actif, par-delà le désir de l’accorder ou non, il est la promesse que nous le réussirons en dépit de nos émotions, il peut nous valoir bien des échecs et beaucoup d’incompréhension.
Il ne nous dispense pas de notre devoir de nous en protéger, et de ce que cela nous oblige à faire (tuer s’il le faut, sans aucune haine).

Quand j’ai plus tard eu de « vrais » ennemis, jusqu’à des membres d’organisations criminelles et voulant me supprimer, je n’ai pas eu de mal à les aimer et cela ne m’a pas « paralysé » : j’étais opérationnel. Je n’en pense pas pour autant que c’est pour quoi Dieu m’a « donné » l’enfance que j’ai eue et je n’en remercie rien ni personne, pas plus que d’avoir reçu l’enseignement privilégié et secret d’un maître d‘art martial, lui-même disciple direct d’un des plus fameux. Je constate dans ma vie des logiques d’enchaînements, je n’y porte aucun jugement, ils éclairent peu à peu un chemin que je n’ai pas choisi et je n’y donne aucune importance, car la vie est multiple et ce n’est là qu’un tout petit de ses aspects, bien moins important que ce que peut « donner » une bonne retraite spirituelle, ou un moment de contemplation éblouie de la vérité, sous quelque forme sensible ou spirituelle.
En dépit de nos aptitudes et de ces vicissitudes, notre vie nous appartient pour ce qui relève de notre liberté, pas de sa représentativité. Comme l’écrivait un académicien, « d’une vie ne reste (souvent) que ce qui lui a le moins ressemblé ».

Car j’ai aussi connu des saints, l’un d’entre eux est aujourd’hui canonisé qui me fut un ami cher, en dépit de la différence d’âge. Et je peux vous dire Didyme, même si je comprends vos considérations, que non, les criminels ne sont pas ceux qui ont le plus souffert ni eu l’enfance la plus difficile, ce sont au contraire des gens qui ne savent pas souffrir, et qui pour un rien s’en protègent et le refusent. C’est sans doute pour cela qu’ils ne « guérissent pas » mais s‘endurcissent, pas parce que c'était plus intense que pour d'autres (il ne s'agit pas de souffrances physiques, on est d'accord, qui leur servent souvent de "compensation" et à l'égard desquelles ils peuvent se montrer braves). Ceux qui le savent et qui ont connu les pires choses qui existent, ce sont les saints.

Je ne peux pas faire plus court, je comprends et je partage la compassion qui vous anime, mais la vérité est celle-là, et je crois bien savoir de quoi je parle et ma vie en témoigne plus que ces quelques paroles.
Je suis donc d’accord avec Vincent et Nicolas, sauf que nous sommes tous appelés à cet exceptionnel, et qu’il est bien plus facile à vivre et accessible qu’on ne le croit, il faut juste avoir la foi - la vraie, et c’est cela qui certes est un peu difficile, mais qui demande seulement de ne pas avoir peur : ni de la mort (par ses ennemis) ni de rien, sauf de perdre la grâce de Dieu.
Cette ligne de crête est même extrêmement facile à tenir, je l’affirme, bien plus que toute autre position, il faut juste y accéder et pour cela consentir aux sacrifices que cela demande. Elle donne une joie que rien ne peut altérer et qui peut absorber tout le mal.

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Didyme » lun. 30 nov. 2020, 13:38

Tout d'abord, merci pour votre contribution cmoi, et cette confidence si délicate.


cmoi a écrit :Car j’ai aussi connu des saints, l’un d’entre eux est aujourd’hui canonisé qui me fut un ami cher, en dépit de la différence d’âge. Et je peux vous dire Didyme, même si je comprends vos considérations, que non, les criminels ne sont pas ceux qui ont le plus souffert ni eu l’enfance la plus difficile, ce sont au contraire des gens qui ne savent pas souffrir, et qui pour un rien s’en protègent et le refusent. C’est sans doute pour cela qu’ils ne « guérissent pas » mais s‘endurcissent, pas parce que c'était plus intense que pour d'autres (il ne s'agit pas de souffrances physiques, on est d'accord, qui leur servent souvent de "compensation" et à l'égard desquelles ils peuvent se montrer braves). Ceux qui le savent et qui ont connu les pires choses qui existent, ce sont les saints.


Vous avez raison, j'ai manqué de nuances sur ce point. On peut trouver chez Alice Miller cette observation :

« Il est intéressant que dans les enfances de tous ces dictateurs, comme aussi dans ceux des criminels en série, on ne trouve pas de personnes que j'appelle "les témoins secourables" Il s'agit de personnes que presque chacun de nous connaît, quelqu'un qui nous a aimé, qui nous a donné un peu de chaleur, un peu de confiance en nous. Grâce à la présence d'une telle personne (même très passagère), nous pouvions développer l'espoir de trouver l'amour dans notre vie. Mais si une telle personne ne partage jamais la vie de l'enfant en le réconfortant, celui-ci ne connaîtra que la violence. Il la glorifiera et la perpétuera. »


Un aspect, qui si on peut le considérer comme plausible, renvoi par ailleurs à la responsabilité collective, à la solidarité dans la faute.
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par gerardh » lun. 30 nov. 2020, 20:08

__

Bonjour,

Le témoignage de cmoi m'a beaucoup touché. Cela dit, s'il fallait développer des propos sur l'amour qui est le nôtre, on pourrait dire que nous en manquons tous beaucoup. Et pourtant, en ce qui concerne le chrétien, il ne peut pas s'agir d'un amour banal, car il a un côté divin. En effet, "l'amour de Dieu est versé dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné" (Romains 5:5). Cela signifie que nous avons reçu de Dieu une nouvelle nature qui elle, ne pèche pas, mais nous avons aussi gardé en nous notre ancienne nature, "qui est inimitié contre Dieu" (voir Romains 7 et 8).

Il ne manque pas de versets de la Parole de Dieu, qui indiquent que notre première nature est très méchante. Il n'en manque pas moins pour affirmer que la grâce de Dieu est intervenue pour nous pardonner. Il n'en manque pas non plus pour relater la conversion de certains de nos ennemis, ou plutôt des ennemis de Dieu. N'en faisions pas partie nous mêmes ?

Aussi tout don parfait nous a été attribué par Dieu : "en ceci est l'amour, non en ce que nous, nous ayons aimé Dieu, mais en ce que lui nous aima et qu'il envoya son Fils pour être la propitiation pour nos péchés (1 Jean 4:10).

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par nicolas-p » lun. 30 nov. 2020, 20:36

Il m'a beaucoup touché aussi.
Et si quelqu'un peut donner des leçons sur ce que c'est aimer ses ennemis, ce sont biens ceux qui ont subit parfois jusqu'au martyr leurs épreuves.

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par cmoi » mar. 01 déc. 2020, 5:14

Merci tout d'abord à vous 3
Didyme a écrit :
lun. 30 nov. 2020, 13:38
On peut trouver chez Alice Miller cette observation :

« Il est intéressant que dans les enfances de tous ces dictateurs, comme aussi dans ceux des criminels en série, on ne trouve pas de personnes que j'appelle "les témoins secourables" Il s'agit de personnes que presque chacun de nous connaît, quelqu'un qui nous a aimé, qui nous a donné un peu de chaleur, un peu de confiance en nous. Grâce à la présence d'une telle personne (même très passagère), nous pouvions développer l'espoir de trouver l'amour dans notre vie. Mais si une telle personne ne partage jamais la vie de l'enfant en le réconfortant, celui-ci ne connaîtra que la violence. Il la glorifiera et la perpétuera. »


Un aspect, qui si on peut le considérer comme plausible, renvoi par ailleurs à la responsabilité collective, à la solidarité dans la faute.
Vous avez tout à fait raison de rappeler ce qu’évoque cette citation, qui met aussi le doigt sur la difficulté de soigner ce genre de personnes dans un cadre aussi bien thérapeutique que spirituel. Car devenues adultes, elles ne donneront que difficilement leur confiance, cela demandera (à la "bonne personne" pour elles) beaucoup d‘efforts et de temps, et de traverser des épreuves pour le moins insolites et à risque élevé. Même en amour, elles auront tendance à « forcer la main » ou de gérer la relation par la distance et le secret.
Bref, cette possibilité sera quasiment impossible à faire naître après l’enfance.

Je n’en avais pas parlé car cette possibilité a aussi un revers durant l’enfance. Pour peu que la personne qui assumera ce rôle de tuteur en somme, soit de mœurs louches ou criminelles, l’attachement suscité conduira au pire sur la base de valeurs foncièrement bonnes au départ – or c’est bien un des modes de recrutement de ces organisations. Il ne faut pas penser qu’à la France pour me comprendre. C'est la même cause qui participe au fait que le violé devient violeur : il occulte le mal et le reproduit, ce qui est une façon de le dénoncer et de s'en venger, tout en conservant à son affection un motif, une réciprocité. On en revient au fait de ne pas ou plutôt de mal supporter.

Si on élargit un peu la question, on s’apercevra que des pays entiers ont fait de leur légalité une structure de péché : inutile d’illustrer je pense. Or dans ce contexte, pour par exemple en sortir, il faut recourir à une logistique et une organisation illégales dont la simple possibilité relève souvent de celles déjà existantes et pratiquant le crime. Je ne sais pas si vous avez lu par exemple le best seller « shantaram » qui entre autres réalités que nous ne voulons pas voir, montre très bien cette problématique sur une certaine région du monde et une époque qui ne sont probablement pas celles auxquelles vous auriez pensé – sans toutefois mettre en jeu vraiment l’enfance. Ceci pour montrer la complexité des choses, et comme quoi ces organisations autant que des personnes (car le parallèle est évident) ne contiennent pas que de mauvaises graines, mais elles y sont complétement étouffées.
Ce qui rend non seulement le traitement du mal fort difficile, mais sa simple fréquentation très complexe.

Tout cela montre l’importance que l’Eglise doit accorder à l’éducation, la formation et la protection de l’enfance et de la jeunesse (y compris pour faire face à ces réalités là). Ce qui n’a pas pu se faire à ce moment là demandera 10 fois plus d’efforts et de compétence ensuite, à supposer que l’occasion s’en présentera ce qui sera au moins aussi rare.

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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Nanimo » ven. 04 déc. 2020, 0:11

Thurar a écrit :
jeu. 03 déc. 2020, 18:06
La colère, voire la violence physique, peuvent être légitimes dans certains cas. Cf. le concept de ''guerre juste''chez St Thomas d'Aquin ou St Augustin, notamment (* concept qui n'est plus valable aujourd'hui, d'après le pape François... Ah bon ? Sainte Jeanne d'Arc a donc eu tort de faire la guerre aux Anglais ? ou Jean Moulin a au tort de faire la guerre aux Allemands ? ... )
Cela mérite certainement d'être débattu, mais pourquoi ne pas nous donner la citation exacte du Pape? Je vois déjà un souci avec vos arguments c'est qu'ils datent d'hier.
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Ombiace » dim. 25 sept. 2022, 11:32

Bonjour à tous,
Je voulais vous soumettre cette réflexion personnelle, concernant les inimitiés parmi les plus proches, voire internes au christianisme :


Au sein-même du christianisme, en effet, ceux que je désignerais comme les chrétiens authentiques inspirent le mépris des faux, parce qu'ils (les authentiques) prennent sur eux-mêmes

Les faux, quant à eux, s'inspirent du respect entre eux, en ne prenant pas sur eux-mêmes, mais en prenant au contraire sur autrui..

Abriter en son sein des personnes qui se prétendent chrétiennes, avec le comportement des faux est un malaise chrétien qui dure certainement depuis plus de 2000 ans


Qu' en pensez-vous, svp ?
Est-ce que de ne pas censurer ces comportements (avoir de l'admiration pour ceux qui prennent sur autrui) n'aurait pas coûté la déchristianisation récente de l'Occident ?

Gaudens
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Re: Aimer ses ennemis

Message non lu par Gaudens » mar. 27 sept. 2022, 9:09

Pourriez vous développer autrement votre question,Ombiace? J'avoue ne pas comprendre sa formulation actuelle.
En particulier que signifie pour vous "prendre sur"? Se taire et laisser les "faux" s'exprimer tant qu'ils veulent?

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