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par Un gentil athée » lun. 26 avr. 2010, 11:59
Les origines de la vie posent encore une énigme à la science, mais il serait précipité d'en conclure que la science sera à jamais incapable d'en rendre compte et que la meilleure explication est "créationniste". Au contraire, loin de stagner ou de revenir en arrière, la science progresse dans la compréhension des origines de la vie.
Depuis l'expérience de Miller (1953), d'autres essais ont été tentés, tenant compte des nouvelles connaissances concernant la composition de l'atmosphère, de la lithosphère et de l'océan primordiaux. De nombreux monomères organiques (acides aminés, nucléotides, etc.), et même des polymères (polypeptides, segments d'ARN ou d'ADN, etc.) ont pu ainsi être synthétisés à partir de molécules minérales (azote, eau, dioxyde et monoxyde de carbone, etc.) dont on suppose qu'elles étaient abondantes sur Terre il y 4 milliards d'années.
A cette époque, il semble que les argiles et les cristaux de pyrite ont joué un rôle de tout premier plan dans la fixation des molécules et la catalyse des réactions qui ont débouchées sur la formation des macromolécules. Reste à comprendre comment des cellules ont pu apparaître à partir de cet ensemble hétérogène et disparate de composés minéraux et organiques, simples et complexes.
Sur cette question, on commence aussi à avoir quelques éclairages scientifiques. Avant Miller, en 1922, Oparine était parvenu à former des sphérules colloïdales phospholipidiques qu'on appelle "microgouttes", "coacervats" ou "protobiontes". Elles possèdent un diamètre qui, "bizarrement", coïncide avec celui des plus petites bactéries connues, les mycoplasmes... Ces "microgouttes" peuvent emprisonner d'autres composés organiques et minéraux, de types variés et selon des proportions variées (Oparine a même montré qu'en présence de catalyseurs, ces "microgouttes" échangent des substances avec le monde extérieur, grossissent et finissent par se multiplier par scission). Ainsi, on peut supposer qu'il y a 4 milliards d'années, un très grand nombre de ces "microgouttes" ont été formées. Certaines "microgouttes", par un simple phénomène mécanique, ont fusionné ensemble, d'autres se sont divisées. Certaines, par le hasard des combinaisons et des proportions des différents composés qu'elles renfermaient, ont acquis la capacité de s'autorépliquer à l'identique, d'autres (peut-être, en partie, les mêmes), à fabriquer de l'énergie et/ou à synthétiser de la matière organique et/ou à la puiser dans le milieu, et/ou à puiser de la matière minérale dans le milieu. Certaines de ces très nombreuses "microgouttes" se sont retrouvées donc, par le simple jeu des combinaisons aléatoires, dotées de caractéristiques avantageuses sur tel ou tel aspect, ou qui allaient le devenir, associées entre elles.
Or, à supposer même qu'il n'aurait jamais existé une seule "microgoutte" présentant d'emblée, par hasard, toutes ces caractéristiques (ce qui serait quand même très étonnant si on considère qu'il y a eu plusieurs milliards de milliards de telles "microgouttes" sur plusieurs centaines de millions d'années), il reste que par fusion aléatoire des "microgouttes" entre elles, il est fort possible que certaines capables de s'autorépliquer à l'identique aient fusionné avec d'autres capables de métaboliser, conjuguant ainsi leurs avantages respectifs au sein d'une seule "microgoutte" ainsi appelée à se pérenniser. Et un être capable de se reproduire ainsi par lui-même et de maintenir son homéostasie, c'est ce qu'on appelle un être vivant...
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Il reste que dans une perspective théologique ou philosophique, on peut peut-être se demander pourquoi les molécules chimiques possèdent la propriété de former ainsi encore assez facilement (sous certaines conditions qui étaient vraisemblablement réunies sur la Terre primitive) des polymères organiques, pourquoi les phospholipides possèdent ainsi la propriété de former des "microgouttes" en émulsion, etc. Mais en ce qui concerne le comment, le problème, s'il existe, ne laisse pas toutefois la science sans voix, bien au contraire. Aussi, je ne crois pas judicieux de s'appuyer sur les "trous" actuels de la connaissance scientifique pour assoir la croyance en Dieu, car ces "trous", un jour ou l'autre, risquent d'être comblés, et ce qui parait aujourd'hui incompréhensible sera l'évidence même demain. Retenons les leçons de l'Histoire : jadis, les phénomènes atmosphériques comme le vent ou l'orage posaient une énigme à l'être humain. Pour tenter d'expliquer ces phénomènes, il les mit sur le compte de divinités (Eole, Zeus, etc.). Aujourd'hui que la science arrive à rendre raison de ces phénomènes, les explications mythologiques paraissent pour le moins désuètes. Il n'y a pas encore si longtemps, la schizophrénie était "expliquée" par la possession démoniaque, alors que l'on sait de mieux en mieux, à présent, expliquer ce trouble en termes de facteurs génétiques, neurobiologiques, psychologiques et sociologiques.
Plus une croyance se base sur ce genre d'argumentum ad ignorantiam, plus son emprise et sa pertinence se désagrège au cours du temps. Le "dieu des trous" voit son Royaume se réduire comme une peau de chagrin au fur et à mesure que les dits "trous" sont comblés par des connaissances positives.
Autant d'emblée renoncer à ce genre d'arguments et croire en un Dieu qui n'empiète pas sur le domaine des sciences de la nature, afin que ces dernières ne risquent pas de l'en déloger ; un Dieu inatteignable par les sciences expérimentales, afin que celles-ci ne puissent pas le réfuter. Nul scientisme dans cette démarche, car pointer les mauvais arguments en faveur de l'existence de Dieu ne veut pas dire qu'il n'en existe pas des bons, et a fortiori, cela ne veut pas dire que Dieu n'existe pas. D'ailleurs, j'ai infiniment plus de considération pour la croyance basée sur la seule foi ou la seule grâce, ou encore celle s'appuyant sur des arguments métaphysiques ou moraux prenant de la hauteur par rapport au travail de la science plutôt que de vouloir puérilement concurrencer ce dernier... Par exemple les arguments qui questionnent l'existence de l'Univers pris comme un tout spatio-temporel avec les lois de fonctionnement qui sont les siennes et qui ont permis l'éclosion de la vie (des questions qui, par essence, ne peuvent relever du travail scientifique), me semblent infiniment plus recevables que ceux qui cherchent à mettre en échec la science dans son activité, et qui, pointant les questions qu'elle n'a pas encore résolues, risquent de faire obstacle à la recherche scientifique en y apportant des pseudo-réponses surnaturelles non testables...
Bien cordialement.