Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

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Forum de débats dialectiques entre personnes de bonne volonté autour de la religion chrétienne (catholicisme) et des objections formulées à son encontre

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Gaudens
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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Gaudens » mar. 21 avr. 2020, 23:26

Bonsoir Nebularis,
Je pourrais dire à la suite de Kerygme que je ne suis même pas patient « pour un grand nombre de choses » comme lui…Et comme lui ,je devrais éviter les forum d’apologétique,qui sont pourtant ce qui m’intéresse le plus (un mauvais signe pour ma santé spirituelle).
Reste que vous-même,bien élevé et courtois , venez de nous signifier on ne peut plus élégamment que nos arguments ne sont fondés ni en bon sens, ni en raison,ni en histoire,ni d’après les Saintes Ecriture (pour reprendre vos termes) … puisque vous les rejetez à peu près ( ?) tous.
Quelques remarques et précisions éparses si vous voulez bien :
Après avoir soutenu que la primauté aurait dû revenir à Jérusalem (ce qui fut le cas quelques décennies,semble-t-il,dont celles où Pierre y résidait ou y revenait) ,vous suggérez qu’ »un autre des Douze » -Paul- aurait aussi bien pu la recevoir.Vous savez bien pourtant que Paul n’était pas un des douze ;qui allez vous nous proposer à défaut ?
Au sujet de Rome :elle n’était même pas un port de pêche,le charisme de ses évêques n’ayant pas suffi à la transporter miraculeusement au bord de la mer ; elle était donc , pendant les longs siècles où se renforça la conviction et la pratique de la primauté romaine, habitée par des pécheurs,effectivement , dont un Pasteur, plus concrètement par un ramassis de déclassés ,dont pas mal de délinquants de tout poil et et un prolétariat presque sans travail vraisemblablement .A toutes fins utiles,je vous reproduis un extrait du wikipedia français la concernant.Vous verrez du reste que le déclin de la ville dura bien plus longtemps que je ne le pensais,en termes démographiques.

« Au début du VIe siècle, la ville n'abritait plus qu'environ 200 000 personnes. Selon Procope, après son premier sac de Rome en 546, le Goth Totila n'aurait laissé à Rome que cinq cents habitants presque morts de faim. La ville, après avoir subi plusieurs sacs, tant par les Goths que par les Byzantins, ne comptera plus que 30 000 habitants à la fin des guerres gothiques, ce déclin démographique entraînant une rétraction du tissu urbain vers l'anse du Tibre et le champ de Mars. La population de la ville est restée à ces niveaux pendant presque tout le Moyen Age. Au XIe siècle, le sac de Rome opéré par les Normands de Robert Guiscard décima encore plus la petite communauté romaine. La renaissance qui a suivi, approchant au XIIe siècle les 80 000 habitants, a toutefois cessé au XIVe siècle en raison de la peste et des conflits entre les nobles romains, les papes et la ville. Une forte augmentation démographique s'est produite au XVe siècle et dans les premières décennies du siècle suivant. Selon le recensement pontifical réalisé entre la fin de 1526 et le début de 1527, à l'époque du Sac de Rome, la ville de Rome comptait 55 035 habitants, principalement composés de colonies originaires de différentes villes italiennes, à majorité florentine, mais réduit à 20 000 après cet événement tragique, devenant une petite ville. »Pendant ce temps là ,Constantinople était bien,elle,la très florissante capitale d’un empire.
Une question :vous admettez que la dérive que vous dénoncez débute bien aux temps carolingiens,en gros à partir du règne de Pépin le Bref,le protecteur des papes,vers 750.Cela veut-il dire que vous acceptez toutes les compétences que les Eglises anciennes reconnaissaient à l’Eglise de Rome avant cette époque en termes d’appel ,de validation des conciles,de référence dans les points de doctrine? En ce cas,lisez bien les informations qui ont été produites à ce sujet sur ce fil,entre autres et dites -nous si vous n’y voyez qu’une primauté honorifique n’engageant à strictement rien de concret comme vous l’avez écrit (et ce qu’il est de bon ton de dire dans les milieux orthodoxes actuels).Du reste , je rappelle que même quelques décennies après 750,le soutien du Pape aux iconodules contribua efficacement au rétablissement du culte des images,donc au « Triomphe de l’orthodoxie » .
Dernier point :vous faites votre la vieille et orgueilleuse proclamation russe : « Moscou est la troisième Rome et il n’y en aura pas de quatrième ! » :est-ce par bravade ,histoire d’être plus russe que les Russes ou par pur romantisme dostoievskien ? Car « par la raison et par l’histoire (religieuse) » , la prétention d’être la troisième Rome ne se justifie guère et pas plus aujourd’hui qu’hier selon des critères religieux.Ca ne justifiait déjà pas pour la deuxième Rome qui pour le coup, ne devait sa gloire qu’à la qualité de capitale d’un brillant empire ; en effet la prétention d’être un siège apostolique ne se soutient pas,la présence de l’apôtre André à Byzance n’ayant jamais été historiquement attestée.Quant à Moscou,privée de patriarcat peu de temps après son établissement et pendant trois siècles, une telle prétention n’a guère de fondement non plus.Rien qui puisse égaler la succession apostolique romaine,ni de près ni de loin.Par contre si vous avez en tête la succession des Empires,troisième Rome tant que vous voudrez.Quant à dire qu’il n’y en aura pas de quatrième,je laisse cette affirmation entre les mains de la divine Providence !

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Suliko » mar. 21 avr. 2020, 23:45

Bon, puisque je suis lancée, je vous propose, cher Nebularis, la lecture d'un article sur saint Théodore le Studite, vénéré par nos deux Eglises. Il s'agit d'un article du père Salaville, dont vous pouvez avoir un aperçu biographique ici : https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-55 ... _23_1_2024
L'article est le suivant : https://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-94 ... 7_104_4108
Cela m'a fait en passant découvrir un peu ce saint higoumène, qui m'a l'air très intéressant.
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mar. 21 avr. 2020, 23:57

Suliko a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 18:49
Sauf que cela n'a rien à voir, étant donné que tous les évêques possèdent ce pouvoir de lier et délier...
Si tous possèdent le même pouvoir, alors comment justifier la primauté ? Si tous les apôtres ont reçu le même pouvoir, si Pierre est simplement « mis en relief » (pour des raisons d’ailleurs pas très claires), si de plus, comme nous l’avons vu, l’importance du siège de Rome est une simple conséquence de la déshérence politique de Jérusalem, qui fut de l’avis unanime des spécialistes, le point de référence des chrétiens du Ier et d’une partie du IIe siècle, pour des raisons évidentes... alors dis-je, la primauté de Rome, en tout cas sous sa forme actuelle, grégorienne, médiévale et tridentine, s’écroule comme un château de cartes.
Et puis qu'entendez-vous par primauté honorifique ?
Vous avez fort bien su répondre vous-même, prouvant ainsi que vous en avez parfaitement saisi les contours, contrairement à ce que vous disiez. La primauté honorifique, c’est « le fait d'écouter avec une attention particulière, dans une assemblée, un homme distingué par son rang et/ou ses qualités, sans pour autant que son avis ait un poids suffisamment fort pour que des décisions puissent être tranchées seulement par son autorité. » Ni plus, ni moins.

Je vous renvoie par ailleurs à ma citation du pr. Salamito (page 1) :
Ce caractère collégial n’empêche pas que, selon le moment ou le lieu, telle personnalité s’affirme plus fortement. Clément de Rome passe pour l’auteur d’une Épître aux Corinthiens dans laquelle toute « l’Église de Dieu qui se trouve à Rome » s’adresse « à l’Église de Dieu qui se trouve à Corinthe ». Or il n’est que l’un des presbytres de la communauté romaine, sans doute un des plus influents, voire le plus rayonnant, mais pas un « évêque » au sens que ce mot prendra peu à peu au IIe siècle, encore moins un « pape » (car l’autorité particulière de l’évêque de Rome s’affirmera plus tard et progressivement, à partir des IIIe et IVe siècles).
Ceci est indirectement confirmé par la lettre de saint Basile :
It has seemed to me to be desirable to send a letter to the bishop of Rome, begging him to examine our condition, and since there are difficulties in the way of representatives being sent from the West by a general synodical decree, to advise him to exercise his own personal authority in the matter by choosing suitable persons to sustain the labours of a journey — suitable, too, by gentleness and firmness of character, to correct the unruly among us here; able to speak with proper reserve and appropriateness, and thoroughly well acquainted with all that has been effected after Ariminum to undo the violent measures adopted there.
Saint Basile me semble surtout estimer l’évêque de Rome pour ses qualités personnelles, et notamment son aptitude à sonder les cœurs et à sélectionner des caractères disposant des épaules nécessaires à l’accomplissement de certaine mission. Cela dit, il s’agit peut-être d’un biais induit par la traduction.

Quant à saint Jean Chrysostome, sur quoi se fonde-t-il pour proclamer le successeur de Pierre « chef et prince » ? Sur le passage de Mathieu dont nous avons parlé. Tout l’argumentaire en faveur d’une primauté de Pierre repose sur lui... ce qui me semble bien peu au regard de l’Histoire.

De manière générale, les citations patristiques tardives (IIIe siècle et au-delà) viendront souvent confirmer l’importance politique du siège romain après le déclin de Jérusalem. Importance que je ne conteste pas.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mar. 21 avr. 2020, 23:59

Suliko a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 23:45
Bon, puisque je suis lancée, je vous propose, cher Nebularis, la lecture d'un article sur saint Théodore le Studite, vénéré par nos deux Eglises. Il s'agit d'un article du père Salaville, dont vous pouvez avoir un aperçu biographique ici : https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-55 ... _23_1_2024
L'article est le suivant : https://www.persee.fr/doc/rebyz_1146-94 ... 7_104_4108
Cela m'a fait en passant découvrir un peu ce saint higoumène, qui m'a l'air très intéressant.
Je vous remercie. Je verrai ça demain (et oui, je crois aussi que Théodore le Studite est une figure fascinante !)

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » mer. 22 avr. 2020, 7:40

Merci Nébularis pour votre dernière réponse.
Ce que vous expliquez correspond bien à ce que j'ai senti "en arrivant", c'est encore pour moi un cadeau, une grâce, et il ne me viendrait pas à l'esprit d'en faire un argument.
J'ai pour cette raison et d'autres, souhaité une arrivée mais cette fois sur ce forum comme la vôtre, prié pour, et de toute évidence été exhaussé si complètement jusqu'en des détails d'ordre psychologique que je ne puis que dire à ceux que vous chagrineriez que c'est non pas tant de ma faute, quoique, mais qu'il leur faudrait s'en prendre à Dieu...
Ceci étant dit sans préjuger de la vérité ni du résultat...

Invité a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 21:13
La primauté de Pierre est un fait attesté par les Évangiles qu'il est difficile de contester sans risquer de tomber dans la mauvaise foi. Ce qui est en revanche beaucoup plus contestable, pour ne pas dire insoutenable, c'est d'y lire une quelconque transmission à un successeur.

Si le Christ confère un rôle particulier à Pierre il s'est en revanche bien gardé d'évoquer sa succession. L'histoire nous enseigne que la transmission de la primauté à un successeur résulte de décisions humaines. Inutile d'y voir la main de Dieu.
C'est une opinion tout à fait défendable, mais qui pour être recevable porte très loin en largeur et profondeur la remise en cause.
Elle suppose une purification phyto-sanitaire du corps mystique du Christ, jointe à une psychanalyse élaborée, pour non pas séparer le bon grain de l'ivraie, mais discerner les signes de fatigue ou de maladie, d'anémie, de traumatismes ou d'accidents, de ceux qui relèvent du travail d'accouchement de l'Esprit Saint, voire de sa claque ou de sa stimulation..
Elle ne doit et ne saurait porter sur un seul sujet, car il y a le psychosomatique et puis une anamnèse à effectuer, tout se tient, mais la conclusion qui est la vôtre est encore un peu hâtive au demeurant, elle demande ce préalable qui requiert une sorte de neutralité scientifique bien difficile à acquérir pour un croyant, s'il veut bien ne pas défendre une opinion mais se soumettre à des signes et des expériences concrètes de l'action de l'Esprit Saint.
Donc "contestable" oui, mais "insoutenable" : pas encore et peut-être jamais sans incertitude. L'histoire sainte (avec l'anecdote d'Onan aussi) montre que Dieu apprécie les généalogies.
Ceci dt, je vous accorde que si ce rôle ne doit être qu'honorifique, cela revient au même...!
D'où ma positon comme une hypothèse de secours.
La pierre angulaire est aussi la première, la plus basse, mais il y a aussi des piliers angulaires, et le rôle de chacune de ses parties à chaque hauteur peut varier pour parvenir au résultat attendu...

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mer. 22 avr. 2020, 11:57

Gaudens a écrit :
mar. 21 avr. 2020, 23:26
je devrais éviter les forum d’apologétique,qui sont pourtant ce qui m’intéresse le plus (un mauvais signe pour ma santé spirituelle).
Je ne pense pas... pourquoi croyez-vous, me suis-je inscrit sur un forum catholique ? Il est vrai qu'au moment de ma première inscription (sous un autre pseudonyme), je ne connaissais pas de forum orthodoxe, mais j'en ai trouvé un récemment, c'est-à-dire plutôt par messagerie instantanée. Or si j'aime à avoir commerce avec mes frères et sœurs de religion, et ce d'autant plus qu'ils sont nombreux à être beaucoup plus savants et cultivés que moi, je reste curieux de gens différents. N'est-ce pas un bon moyen d'élargir sa propre vision, quitte à se fonder sur une perspective nouvelle, insoupçonnée ? Et puis, même sans révélation majeure, on ne repart jamais les mains vides, puisque chaque confrontation avec la Réalité (qui est l'Autre, ce qui est distinct de soi) nous enrichit et nous grandit, même imperceptiblement.
Mais chez mes frères orthodoxes ? "Athanase Riabtsev, veuillez transmettre mes salutations à ce cher Oleg de la Rochefoucauld. Son analyse de la Philocalie des Pères neptiques à la lumière des lettres de saint Théophane le Reclus est d'une délicatesse et d'une élévation peu commune !" - "Oui mon cher, que la paix soit sur vous" - "Embrassez cette chère Olga-Louise de Tintignac de ma part..."
Reste que vous-même,bien élevé et courtois , venez de nous signifier on ne peut plus élégamment que nos arguments ne sont fondés ni en bon sens, ni en raison,ni en histoire,ni d’après les Saintes Ecriture (pour reprendre vos termes) … puisque vous les rejetez à peu près ( ?) tous.
Pas tous ! Je reconnais une forme de primauté à l'apôtre Pierre, et contrairement à notre "Invité", je ne rejette pas le principe de la succession, donc que les évêques de Rome soient les héritiers de Pierre. J'admets aussi que la destruction de Jérusalem par les Romains ait pu faire basculer le centre de la chrétienté naissante vers Rome (encore que ce soit là une justification tout à fait différente de son rôle et de son importance que celle avancée par l'apologétique catholique).
Ce que je ne reconnais pas, et ne puis malgré l'excellence de vos interventions cher Gaudens, me résoudre à accepter, précisément parce qu'elle ne me semble pas fondée scripturairement, mais politiquement, est l'autorité démesurée que se sont arrogée les successeurs de Pierre à partir de l'époque carolingienne.
Après avoir soutenu que la primauté aurait dû revenir à Jérusalem (ce qui fut le cas quelques décennies,semble-t-il,dont celles où Pierre y résidait ou y revenait)
Mais le martyre de Pierre est habituellement daté sous Néron, alors que le déclin de Jérusalem est postérieur d'au moins soixante ans ; de plus, le premier épiscope de Jérusalem fut Jacques (d'ailleurs personne ici n'a su me dire pourquoi, si Pierre jouissait d'un si grand prestige et d'un rang si élevé parmi les premiers chrétiens, il ne fut pas nommé épiscope à la place de Jacques...)
vous suggérez qu’ »un autre des Douze » -Paul- aurait aussi bien pu la recevoir.Vous savez bien pourtant que Paul n’était pas un des douze ;qui allez vous nous proposer à défaut ?
Paul est pourtant compté parmi les apôtres, bien qu'il ne fut pas au nombre des Douze, vous avez raison. Quant à d'autres apôtres se distinguant par leur importance, je pense immédiatement à « celui que Jésus aimait », l'apôtre bien-aimé, et que l'on peut sans doute identifier au saint évangéliste Jean. Jacques semble également avoir joué un rôle tout à fait éminent dans la première communauté chrétienne...
Une question :vous admettez que la dérive que vous dénoncez débute bien aux temps carolingiens,en gros à partir du règne de Pépin le Bref,le protecteur des papes,vers 750.Cela veut-il dire que vous acceptez toutes les compétences que les Eglises anciennes reconnaissaient à l’Eglise de Rome avant cette époque en termes d’appel ,de validation des conciles,de référence dans les points de doctrine? En ce cas,lisez bien les informations qui ont été produites à ce sujet sur ce fil,entre autres et dites -nous si vous n’y voyez qu’une primauté honorifique n’engageant à strictement rien de concret comme vous l’avez écrit (et ce qu’il est de bon ton de dire dans les milieux orthodoxes actuels).
Disons que selon moi, et toujours en m'appuyant sur l'avis d'éminents historiens, l'importance accordée aux papes en termes d'arbitrage etc. résulte de plusieurs facteurs, dont évidemment le prestige symbolique de la ville de Rome comme centre politique du monde civilisé, son importance culturelle et économique au moins jusqu'au VIe siècle, le fait aussi que dès la reconnaissance par Constantin, la carrière ecclésiastique est devenue très à la mode au sein de la haute société romaine et resta un moyen très prisé d'obtenir richesses et privilèges ; phénomène qui mena d'ailleurs à la réaction du monachisme, dès le IVe siècle. N'importe quel livre d'histoire du christianisme suffira à étayer mon analyse.

Le facteur purement spirituel, donc l'autorité morale de l'évêque de Rome comme successeur de Pierre, est considéré comme secondaire par la plupart des spécialistes.
Du reste , je rappelle que même quelques décennies après 750,le soutien du Pape aux iconodules contribua efficacement au rétablissement du culte des images,donc au « Triomphe de l’orthodoxie » .
Certes, et qu'il en soit remercié, même si ce soutien ne peut pas vraiment être considéré comme décisif. Par ailleurs la papauté a précisément profité de la crise iconoclaste et des troubles intérieurs de l'Empire byzantin pour avancer ses pions : le couronnement de Charlemagne tombe sous le règne de l'impératrice Irène, considérée comme illégitime de par son sexe...
Dernier point :vous faites votre la vieille et orgueilleuse proclamation russe : « Moscou est la troisième Rome et il n’y en aura pas de quatrième ! » :est-ce par bravade ,histoire d’être plus russe que les Russes ou par pur romantisme dostoievskien ?
Ni l'un ni l'autre. Je vous l'ai dit : la Russie est bien plus forte spirituellement que n'importe quel pays occidental. Sa dignité est antique et véritablement impériale, au sens le plus byzantin. Bien sûr, elle se débat, comme tout le monde, avec la modernité américaine. Mais elle dispose de ressources qui chez nous, sont desséchées depuis longtemps.
Car « par la raison et par l’histoire (religieuse) » , la prétention d’être la troisième Rome ne se justifie guère et pas plus aujourd’hui qu’hier selon des critères religieux.Ca ne justifiait déjà pas pour la deuxième Rome qui pour le coup, ne devait sa gloire qu’à la qualité de capitale d’un brillant empire
Mais la même chose est vraie de la "première" Rome, mon cher Gaudens. Ce n'est pas tant le martyre de Pierre en effet qui a fait la gloire de Rome, mais la qualité de son clergé, issu de l'aristocratie romaine et le fait que les meilleurs éléments du christianisme convergeaient du monde entier vers la Ville. De même, Constantinople est devenue importante par la simple présence du haut clergé et de la cour impériale (l'empereur étant à l'époque, de rang spirituel supérieur aux évêques)
Quant à Moscou,privée de patriarcat peu de temps après son établissement et pendant trois siècles, une telle prétention n’a guère de fondement non plus.Rien qui puisse égaler la succession apostolique romaine,ni de près ni de loin.
Pour évaluer la qualité d'une lignée ecclésiastique ou d'un centre religieux, il nous faut je crois abandonner la perspective païenne du mos maïorum. La noblesse d'épée dégénère en noblesse de robe. Nos ancêtres ont bâti des cathédrales, et regardez où nous en sommes aujourd'hui... la présence ou même le martyre d'un apôtre il y a deux mille ans ne présage en rien de la sainteté d'un lieu ou d'une Église.
Penchons-nous plutôt sur la qualité intrinsèque de la foi, telle qu'enseignée et transmise par ce centre, par les moines qui en dépendent. Je tiens l'Orthodoxie russe, et dès le Moyen Âge, pour un haut lieu de la spiritualité mondiale. Elle a créé un peuple dur et puissant, supérieur en tous points aux Occidentaux qui ne sont aujourd'hui – passez-moi les termes que j'emprunte à un néonazi français notoire, et luciférien par-dessus le marché – « plus que des pédales dégénérées ». L'individu en question étant d'ailleurs la propre preuve de ce qu'il avance.

En Christ,

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » mer. 22 avr. 2020, 13:37

Nebularis a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 11:57
Mais chez mes frères orthodoxes ? "Athanase Riabtsev, veuillez transmettre mes salutations à ce cher Oleg de la Rochefoucauld. Son analyse de la Philocalie des Pères neptiques à la lumière des lettres de saint Théophane le Reclus est d'une délicatesse et d'une élévation peu commune !" - "Oui mon cher, que la paix soit sur vous" - "Embrassez cette chère Olga-Louise de Tintignac de ma part..."
:-D :-D Au moins ils sont courtois et policés... En apparence...:-D :-D
Nebularis a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 11:57
de plus, le premier épiscope de Jérusalem fut Jacques (d'ailleurs personne ici n'a su me dire pourquoi, si Pierre jouissait d'un si grand prestige et d'un rang si élevé parmi les premiers chrétiens, il ne fut pas nommé épiscope à la place de Jacques...)
C'est là que je vous refile ma thèse : parce que ce n'était pas le rôle du pape, il en avait un autre et qui, sorti de la hiérarchie d'église qui commençait ainsi à se mettre en place, lui donne ce caractère si unique et particulier, paternel, vicaire du Christ. Partout où il va il a la primauté sur tous, et pourtant il est plus proche du plus petit parmi les petits des baptisés, il est un des leurs, illuminé par la grâce et rien que la grâce (non des diplômes ou une brillante carrière serait-elle ecclésiastique !)
Nebularis a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 11:57
Ce n'est pas tant le martyre de Pierre en effet qui a fait la gloire de Rome, mais la qualité de son clergé, issu de l'aristocratie romaine et le fait que les meilleurs éléments du christianisme convergeaient du monde entier vers la Ville. De même, Constantinople est devenue importante par la simple présence du haut clergé et de la cour impériale (l'empereur étant à l'époque, de rang spirituel supérieur aux évêques)
On est bien d'accord, même si la reconnaissance de la qualité de ce clergé entre un peu en contradiction me semble-t-il avec ce que vous disiez juste avant en remplaçant les aspects spirituels par d'autres aspects profanes pour expliquer ce prestige et cette ascendance papale.
Nebularis a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 11:57
L'individu en question étant d'ailleurs la propre preuve de ce qu'il avance.
Je ne vois pas du tout de qui vous voulez parler... :)

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Suliko » mer. 22 avr. 2020, 13:57

Je me permets encore quelques citations des Pères :

Saint Ambroise "Sur la mort de son frère Satyre" (en anglais, livre I, 47) :
He called the bishop to him, and esteeming that there can be no true thankfulness except it spring from true faith, he enquired whether he agreed with the Catholic bishops, that is, with the Roman Church
Saint Chrysostome "Commentaire sur l'évangile selon saint Jean", partie 88:
« Et après « avoir ainsi parlé , il lui dit : Suivez-moi ». Par ces paroles, saint Jean fait connaître que le Sauveur avait un grand soin de Pierre, et un grand amour pour lui. Que si quelqu'un dit : Pourquoi donc saint Jacques a-t-il été élevé sur la chaire de Jérusalem? Je répondrai que si Pierre ne fut point élevé sur cette chaire, c'est que Jésus-Christ l'établit pour être le docteur de tout le monde. « Pierre s'étant retourné, vit venir après lui le disciple que Jésus aimait, qui , pendant la cène, s'était reposé sur son sein », et dit à Jésus : « Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il ? »
2. Pour quelle raison l'évangéliste rappelle-t-il qu'il s'était reposé sur le sein du Seigneur? Ce n'est pas sans sujet , c'est pour montrer combien était grande la confiance que Pierre, après son renoncement, avait en son Maître. Car c'est Pierre, celui-là même qui n'osait alors interroger, et qui faisait signe à un autre de le faire pour lui, qui reçoit alors le gouvernement de ses frères, et qui non-seulement ne confie plus ses intérêts à un autre, mais qui même interroge son Maître sur le sort d'autrui. Jean reste dans le silence; lui il parle, il interroge. Enfin, l'évangéliste fait aussi connaître l'amour que Pierre avait pour lui, car Pierre aimait beaucoup Jean, comme la suite de l'histoire le fait voir : et cette étroite amitié se montre à découvert et dans tout l'Evangile, et dans les actes des Apôtres.
Comme donc le Seigneur avait annoncé de grandes choses à Pierre, comme il lui avait confié le gouvernement du monde, lui avait prédit le martyre qu'il devait souffrir, lui avait donné: de plus grands témoignages d'amour qu'à ses autres disciples, Pierre désirant de faire participer Jean à toutes ces grâces, dit : « Et celui-ci, Seigneur, que deviendra-t-il ? » Ne marchera-t-il pas dans la même voie que nous? Et de même que dans le temps qu'il n'osait interroger, il avait engagé Jean à le faire pour lui, ainsi maintenant il lui rend la pareille ; et, pensant bien que ce disciple aurait voulu demander à son Maître ce qu'il deviendrait et qu'il ne l'osait pas, il le demande lui-même. Que répondit dons Jésus-Christ? « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que vous importe ? » Pierre faisait cette demande par le grand amour qu'il avait pour Jean, et parce qu'il souhaitait de ne point se séparer de lui; et Jésus-Christ, pour lui faire connaître que quelque grand que fût son amour pour son confrère, il ne pouvait pas néanmoins atteindre au sien , lui répond : « Si je veux qu'il demeure, que vous importé? » Par là le Seigneur nous apprend que nous ne devons nous inquiéter, ni curieusement chercher à pénétrer au delà de ce qu'il lui plaît de nous découvrir. Il fit donc cette réponse à Pierre pour réprimer son feu, parce qu'il était toujours ardent, toujours prêt à faire de semblables questions; et pour nous montrer aussi que nous ne devons point tant interroger, ni tenter de connaître ses desseins et de les approfondir.
J'en profite également pour faire une petite remarque sur la citation de saint Irénée en page 1 : il faut bien comprendre que ce Père avait tout à fait conscience que l'Eglise de Jérusalem était l'Eglise la plus ancienne. Il le dit clairement dans l'ouvrage d'où est tirée cette citation ("Contre les hérésies"). Il est vrai que le terme latin traduit parfois par "la plus ancienne" peut prêter à confusion. Certains traducteurs pensent que le terme grec original a été maladroitement traduit, et plus généralement, on considère que par cette expression, il faut entendre "la plus vénérable" (un peu comme dans l'expression biblique "les Anciens", qui ne signifie pas forcément les personnes les plus âgées, mais des personnes âgées et vénérables pour leur sagesse et leur expérience). C'est pour cela que Bossuet traduit ce passage de saint Irénée par "très ancienne". Autrement, il faudrait en déduire que ce saint se contredit, puisqu'il reconnaît parfaitement qu'en terme d'ancienneté temporelle, c'est Jérusalem qui doit être nommée. On retrouve ce genre de pluralité de sens dans le passage des Écritures que je vous avais cité plus haut et où saint Pierre est qualifié de premier.

Suliko
C'est pourquoi elle seule, prédestinée avant les générations et annoncée par les prophètes, la Mère du Créateur de tout l'univers, non seulement n'a participé en rien à la tache originelle, mais elle est toujours demeurée pure comme le ciel et toute belle. (extrait du règlement pour le monastère de Biélokrinitsa (1841)

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mer. 22 avr. 2020, 14:02

cmoi a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 13:37
C'est là que je vous refile ma thèse : parce que ce n'était pas le rôle du pape, il en avait un autre et qui, sorti de la hiérarchie d'église qui commençait ainsi à se mettre en place, lui donne ce caractère si unique et particulier, paternel, vicaire du Christ. Partout où il va il a la primauté sur tous, et pourtant il est plus proche du plus petit parmi les petits des baptisés, il est un des leurs, illuminé par la grâce et rien que la grâce (non des diplômes ou une brillante carrière serait-elle ecclésiastique !)
Vous m’accorderez que votre vision est assez éloignée de la réalité, tant historique que contemporaine...
On est bien d'accord, même si la reconnaissance de la qualité de ce clergé entre un peu en contradiction me semble-t-il avec ce que vous disiez juste avant en remplaçant les aspects spirituels par d'autres aspects profanes pour expliquer ce prestige et cette ascendance papale.
Ce n’est pas contradictoire ! Ce sont des facteurs « profanes » et politiques qui expliquent l’ascension de Rome comme centre majeur du christianisme, mais ces mêmes facteurs sociopolitiques et économiques n’excluent pas la grande qualité, par l’excellente éducation de ses prélats et leurs origines sociales, du clergé romain.
Dernière modification par Nebularis le mer. 22 avr. 2020, 14:10, modifié 1 fois.

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Message non lu par Nebularis » mer. 22 avr. 2020, 14:08

Suliko a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 13:57
J'en profite également pour faire une petite remarque sur la citation de saint Irénée en page 1 : il faut bien comprendre que ce Père avait tout à fait conscience que l'Eglise de Jérusalem était l'Eglise la plus ancienne. Il le dit clairement dans l'ouvrage d'où est tirée cette citation ("Contre les hérésies"). Il est vrai que le terme latin traduit parfois par "la plus ancienne" peut prêter à confusion. Certains traducteurs pensent que le terme grec original a été maladroitement traduit, et plus généralement, on considère que par cette expression, il faut entendre "la plus vénérable" (un peu comme dans l'expression biblique "les Anciens", qui ne signifie pas forcément les personnes les plus âgées, mais des personnes âgées et vénérables pour leur sagesse et leur expérience).
Mais enfin Suliko, Jérusalem est incomparablement plus vénérable que Rome, c’est évident. Le martyre de Pierre n’est pas plus grand que la Passion du Christ ! Encore une fois, tous les premiers chrétiens considéraient Jérusalem non seulement comme la plus ancienne, mais aussi, naturellement, comme l’Église la plus vénérable. Rome n’était que la capitale politique de l’Empire, celui-là même dont les représentants avaient crucifié le Sauveur...

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Gaudens » mer. 22 avr. 2020, 15:29

Bonjour Nebularis,
Je reviens sur deux de vos affirmations ci-dessus :
« Le facteur purement spirituel, donc l'autorité morale de l'évêque de Rome comme successeur de Pierre, est considéré comme secondaire par la plupart des spécialistes »
Vous qui vous méfiez ,comme moi, des maniaques de la méthode historico-critique,devriez,je pense, aller au bout de cette méfiance :les spécialistes actuels acceptent en gtande majorité les présupposés matérialistes propres à cette époque que vous condamnez et qui est la nôtre : « évidemment » les explications spirituelles n’ont pas à être prises en compte(sous-entendu :puisque le monde spirituel est une fiction) et seules les explications matérialistes comptent.Donc bien sûr,on va trouver l’explication matérielle de la primauté romaine dans une supposée domination politico-économique (le marxisme bête et méchant n’est pas loin) même si l’histoire ne le confirme guère (au moins à partir de la chute de la dynastie des Antonins) comme j’ai essayé de vous le montrer.Et en évitant la démonstration contraposée :à Constantinople,lieu de pouvoir et de richesse pendant de bien plus longs siècles,le siège local n’a jamais réussi à se faire reconnaitre une prééminence équivalente(malgré sa prétention apostolique et « œcuménique »,que nous sommes unanimes à lui concéder aujourd’hui par charité courtoise et par respect envers son titulaire, à mes yeux aujourd’hui le second évêque de la chrétienté -ce que j’écrivis il y a quelques années à l’ambassade de Turquie à propos du séminaire confisqué de Halki et de quelques autres vexations à la communauté orthodoxe locale - .
Pr contre,le nouvel argument de justification , d’ordre culturel, du rôle de Rome que vous venez d’apporter ne manque pas d’intérêt :
« Ce n'est pas tant le martyre de Pierre en effet qui a fait la gloire de Rome, mais la qualité de son clergé, issu de l'aristocratie romaine et le fait que les meilleurs éléments du christianisme convergeaient du monde entier vers la Ville. De même, Constantinople est devenue importante par la simple présence du haut clergé et de la cour impériale (l'empereur étant à l'époque, de rang spirituel supérieur aux évêques). »
La convergence vers Rome des meilleurs éléments du christianisme me parait plutôt motivée par l’aura de sagesse et de sainteté de l’Eglise locale que le contraire ;les écoles profanes et sacrées de Constantinople étaient ,elles aussi, d’au moins aussi bon niveau et pourtant l’effet sur la primauté de la Polis n’alla pas bien loin. Par ailleurs,le clergé romain était-il en grande majorité issu de l’aristocratie locale ? En cela se différenciait-il d’autres sièges épiscopaux,dont Constantinople ? Je n’ai aucune information là-dessus(des études existent-elles ?) et aurais tendance à répondreplutôt oui à la première question et non à la seconde… Quant au rang spirituel du Basileus ,il me semble qu’il fut bien réel mais…de l’ordre de l’usurpation :Notre Seigneur n’habilita jamais quelque pouvoir temporel que ce fût à lier et délier dans l’ordre spirituel .


J’oubliais :à propos de la Russie ,pourquoi n’ouvriez-vous pas un nouveau fil dédié à ce vaste et beau sujet ? Il n’est pas indifférent à toute la chrétienté et aux catholiques en particulier,ne serait-ce qu’à cause des apparitions de Fatima.Il y aurait beaucoup à échanger.Quitte à vous contredire un peu(il le faut bien ), je ne suis pas très impressionné par la Russie actuelle en matière spirituelle :vu de loin (pas comme vous) , le réveil spirituel m’y parait quelque peu identitaire et instrumentalisé par le pouvoir.N’oublions pas que ce pays qui aime tant donner des leçons aux autres est celui où le nombre des avortements est proportionnellement de l’ordre de celui de la France(pas glorieux !) et où la GPA est autorisée si je n’ai pas loupé un épisode…Quant à la coexistence d’énormes fortunes très rapidement et mahonnêtement acquises avec une énorme misère,je vous renvoie aux publications de l’ACER que vous connaissez sans doute.Pas très chrétien,tout ça et hors de l’entendement du « néo-nazi » de service (Soral ?).Mais ne me croyez pas anti-russe pour autant.
Et à propos de Vladimir Soloviev,curieux que vous le considérez comme un penseur peu chrétien,ni orthodoxe ni catholique :il me semblait au contraire très chrétien, en chemin vers la catholicité sans cesser d’être orthodoxe.

Autre chose:"Pourquoi, si Pierre jouissait d'un si grand prestige et d'un rang si élevé parmi les premiers chrétiens, il ne fut pas nommé épiscope à la place de Jacques...)?".Cmoi et Suliko viennent de vous expliquer qu'il avait "emporté " sa primauté avec lui: j'ajouterai qu'au moment du supplice de Jacques,'il avait déjà définitivement quitté Jérusalem.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par cmoi » mer. 22 avr. 2020, 18:10

Nebularis a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 14:02
Vous m’accorderez que votre vision est assez éloignée de la réalité, tant historique que contemporaine...
Mais très volontiers ! Vous pourriez penser sinon que je suis par trop naïf ou gâteux...!
Il n'empêche que pour en être assez éloignée, elle n'en est possiblement pas moins plus juste et proche de ce qui aurait dû être
Si vous vous mettez dans la peau d'un bon pape, dans sa conscience, cette préoccupation tiendra nettement plus de place que la question de son autorité, ou que les sujets politiques, ou...
A propos d'autorité, aurez-vous noté qu'un pape ne rentre jamais dans les polémiques que peuvent soulever ses propos ? Il n'en a pas besoin, ni de se préoccuper de son autorité : elle lui est acquise ou il ne fera rien pour l'affirmer.

Il fallait que Jean-Paul II soit extrêmement solide pour se livrer au jeu des questions "vérité" comme il l'a fait en France à son premier voyage.
Voyez pourtant comme sa côte de popularité était forte; non parce q'il l'a fait, mais parce qu'il était capable de le faire et que cela se sentait, cela et d'autres choses... Qui rentrent à plein dans la définition que je donne à cette fonction.

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mer. 22 avr. 2020, 18:21

Gaudens a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 15:29
Vous qui vous méfiez ,comme moi, des maniaques de la méthode historico-critique,devriez,je pense, aller au bout de cette méfiance :les spécialistes actuels acceptent en gtande majorité les présupposés matérialistes propres à cette époque que vous condamnez et qui est la nôtre : « évidemment » les explications spirituelles n’ont pas à être prises en compte(sous-entendu :puisque le monde spirituel est une fiction) et seules les explications matérialistes comptent.
Je crois qu’il faut veiller à distinguer en effet les réalités spirituelles des données matérielles. Or la science, que ce soit en biologie, en astronomie ou en histoire, ne prétend pas à l’interprétation métaphysique des données matérielles. Elle se borne à constater des faits. Ce qui est dangereux, c’est lorsque l’on a transformé ces faits isolés en théorie générale, de produire des conclusions métaphysiques, donc relevant d’un système de croyances non-prouvées. C’est ce qu’on appelle le scientisme, qui est la pseudo-religion à la base de l’athéisme moderne. Il ne faut donc pas confondre le matérialisme philosophique (qui est une croyance métaphysique, une religion) avec l’étude des faits matériels et leur interprétation historique ! Car un historien, quelles que soient ses convictions métaphysiques, examine d’abord les faits historiques avant de les interpréter.

Or ce que je vous ai proposé ici n’est en rien une lecture « matérialiste » des données historiques puisque n’étant pas scientiste ou athée, mais orthodoxe, je rejette tous ces sophismes modernes.

Car la science n’est pas le scientisme. Si la science historique nous apprend que la donation de Constantin est un faux, cela n’implique en rien que la Réalité existante est purement matérielle. Ce n’est pas une remise en cause du christianisme en tant que tel. Simplement, cela montre que les papes du Moyen Âge avaient des préoccupations très temporelles. De la même manière, que de nombreux membres de la bonne société romaine aient embrassé la carrière ecclésiastique aux IVe et Ve siècle dans des buts autres que purement religieux, et parfois même très prosaïques, est un fait établi par l’Histoire. Cela ne remet pas en cause la sainteté de notre Mère l’Église, mais montre seulement qu’il ne suffit pas d’être baptisé pour être purifié pour toujours du péché !

Une interprétation purement scientiste et matérialiste d’un fait religieux serait par exemple de dire : la Terre est vieille de 4 milliards d’années, l’Univers de 13,8 milliards d’années, donc l’Ancien Testament est faux de A à Z et n’est qu’une collection de contes pour enfants, à commencer par la Génèse. Nous répondrons à ces messieurs avec quelques mots lumineux de saint Jean Chrysostome :
Ici, vision est synonyme de connaissance. Car, en parlant des vertus célestes, il ne peut s'agir ni d'yeux ni de paupières : ce qu'est la vision pour nous, la connaissance l'est pour elles. Quand donc vous entendez dire : « Personne n'a jamais vu Dieu », cela signifie que personne n'a jamais connu Dieu parfaitement dans son essence. Quand on vous dit que les séraphins détournent les yeux, se voilent la face, et que les chérubins agissent de même, ne vous imaginez pas qu'ils ont des yeux véritables ; cela n'appartient qu'aux corps ; par ces expressions, le Prophète marque leur connaissance. Lorsqu'il nous dit, qu'ils ne peuvent supporter la vue de Dieu, il indique simplement qu'ils ne peuvent avoir une connaissance parfaite et une compréhension entière, qu'ils n'osent regarder fixement l'essence pure et sans mélange même voilée. Regarder fixement, c'est connaître.
Saint Jean Chrysostome, IVe homélie : De l’incompréhensibilité de la nature de Dieu

Il est donc parfaitement idiot, selon Jean Chrysostome, de soupeser chaque mot des Écritures et de n’accepter qu’un sens littéral à l’exclusion de toute autre forme d’exégèse.
Mais il est vrai que l’athéisme n’est que l’application d’une doctrine mathématique, certainement pas une philosophie au sens noble, qui exige des capacités d’analyse et de réflexion !
à Constantinople,lieu de pouvoir et de richesse pendant de bien plus longs siècles,le siège local n’a jamais réussi à se faire reconnaitre une prééminence équivalente
Le patriarche de Constantinople est cependant le second en rang, derrière l’évêque de Rome, depuis le premier concile de Constantinople de 381. Quant à la première place, elle était réservée à cette époque non pas au pape, mais à l’empereur, qui résidait évidemment à Byzance !
Notre Seigneur n’habilita jamais quelque pouvoir temporel que ce fût à lier et délier dans l’ordre spirituel .
Tout comme Il n’autorisa pas l’aventurisme temporel de la papauté à partir du VIIIe siècle, cher Gaudens. Ni d’ailleurs, me permettrais-je d’ajouter, une autorité monarchique et plénipotentiaire des évêques de Rome sur l’ensemble de l’Église...
Et à propos de Vladimir Soloviev,curieux que vous le considérez comme un penseur peu chrétien,ni orthodoxe ni catholique :il me semblait au contraire très chrétien, en chemin vers la catholicité sans cesser d’être orthodoxe.
C’est une personnalité complexe que je rapprocherais plutôt, par sa théologie libertaire, du protestantisme. Sa « sophiologie » a notamment été condamnée comme hérétique par l’Église orthodoxe.

Quant aux avortements en Russie, ils s’expliquent avant tout (comme en France d’ailleurs) par le manque d’éducation chrétienne de la population. Mais contrairement à la France, la Russie a connu soixante-dix ans de bolchévisme athée fanatique et l’implantation par la force dans toutes les cervelles d’écoliers que seule existait la matière à l’exclusion de toute forme de présence spirituelle. Le recours à l’avortement s’en est trouvé amplement justifié, ce qui explique les 4 millions d’avortements enregistrés en 1990. Mais en 2012, ce chiffre était tombé à 935 000, et en 2017, à 627 000. Il continue de diminuer chaque année — contrairement à la France, où ce chiffre est stable — notamment parce que l’Église dispose d’un poids réel dans la société et que l’État russe a entrepris une vigoureuse politique nataliste.

N’oublions pas non plus les conditions matérielles très dures dans lesquelles vivent une majorité de Russes, et qui ne sont en rien comparables à la France.

De toute façon, les faits que vous mentionnez ne sont que de pure contingence et ne touchent pas à la force du sentiment religieux en tant que tel. J’ai vu et entendu en Russie des choses, sur le plan religieux, qui n’existent plus en France depuis très longtemps. Mais il est vain d’en discuter sur un forum : il faut aller voir tout cela par soi-même !

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Gaudens » mer. 22 avr. 2020, 20:39

Bonsoir Nebuaris,
D'accord avec votre analyse des insuffisances des analyses matérialistes,bien sûr mais ce n'est pas exactement ce que j'avais en tête concernant l'analyse historique de la conscience de primauté à Rome dans les VIII premiers siècles.J
e ne cherche pas à contester le caractère faux de la donation de Constantin par exemple ni même le fait de scruter l'histoire en général mais bien la manière des historiens actuels de rechercher les causes d'un quelconque phénomène dans des causes extérieures,purement matérielles (ou ce qu'ils croient tel) et surtout pas dans la nature même,interne, du ohénimène observé:inconsciemment ils sont les disciples du maitre du soupçon (Nietzche) et du matérialiste systématique (Marx) et la plupart de temps ils se plantent (-comme ici). Encore une fois,ce que nous sommes ici plusieurs à chercher à vous montrer c'est que l'ensemble des Eglises acceptaient dès les premiers siècles,sans aucune domination politico-économique en arrière-plan explicatif ,la primauté de Rome.Qu'elle se soit ensuite ,en gros à partir de la réforme grégorienne,transformée en ce que vous appelez une domination monarchique croissante est une autre question.
Si vous acceptiez de découpler ces deux questions,nous avancerions .Je ne sais jusqu'où on pourrait aller de façon prospective d'autant que,simples laics de base,nous n'avons aucune autorité pour cela :Cmoi nous a proposé une sorte de feuille de route de la mission qu'il envisagerait pour un pape du futur.J'avais l'autre jour trouvé cela un peu hors sujet ou du moins intempestif mais on pourrait en effet passer sur ce versant de la discussion, à condition qu'un minimum de consensus soit établi pour le premier versant, ce qui n'est pas le cas ;dès qu'on vous parle de primauté ,vous parlez d'autorité "monarchique", de ses excès et de ses déviances...

Par ailleurs ,je ne peux vous laisser dire qu'au plan religieux l'empereur avait la première place honorifique à Byzance devant le Patriarche:s'il l'avait ,il l'usurpait (le parallèle avec le pape étant ici hors sujet !):ce qu'on peut dire est qu'il prenait des initiatives pour débloquer des situations,convoquait certain conciles par exemple où assistaient des légats pontificaux mais pas le pape de Rome en personne .Cet activisme du Basileus pouvait être positif comme à Nicée mais aussi catastrophique (dans le cas des empereurs iconoclastes ,par exemple). En tous cas la conscience de l'Eglise était claire dès le concile oecuménique de 381: la "taxis" des patriarches était bien Rome d'abord ,puis Constantinople(ceci pour des raisons effectivement politiques plus que réellement écclésiales mais c'est ainsi,il n'y a pas à y revenir comme indiqué dans mon post précédent).

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Re: Témoignage de la tradition pour la primauté apostolique

Message non lu par Nebularis » mer. 22 avr. 2020, 22:03

Bonsoir Gaudens,
Gaudens a écrit :
mer. 22 avr. 2020, 20:39
la manière des historiens actuels de rechercher les causes d'un quelconque phénomène dans des causes extérieures,purement matérielles (ou ce qu'ils croient tel) et surtout pas dans la nature même,interne, du ohénimène observé
Reprenons. J’ai écrit plus haut qu’au regard de l’Histoire, « l'importance accordée aux papes en termes d'arbitrage etc. résulte de plusieurs facteurs, dont évidemment le prestige symbolique de la ville de Rome comme centre politique du monde civilisé, son importance culturelle et économique au moins jusqu'au VIe siècle, le fait aussi que dès la reconnaissance par Constantin, la carrière ecclésiastique est devenue très à la mode au sein de la haute société romaine et resta un moyen très prisé d'obtenir richesses et privilèges ; phénomène qui mena d'ailleurs à la réaction du monachisme, dès le IVe siècle. »

Vous contestez tout ceci et affirmez que le prestige de l’évêque de Rome repose essentiellement sur sa qualité de successeur du saint apôtre Pierre.

Coupons donc la poire en deux, si vous voulez bien : le rôle et le prestige de Rome doivent autant à la justification apostolique (sans laquelle il manquait à la papauté les bases pour asseoir son autorité : il faut le reconnaître) qu’à des facteurs extérieurs, notamment ceux que j’ai cités ci-dessus.
Par ailleurs ,je ne peux vous laisser dire qu'au plan religieux l'empereur avait la première place honorifique à Byzance devant le Patriarche
Il ne fait pourtant aucun doute que l’empereur avait non seulement la première place honorifique devant tous les patriarches (papes compris) mais la première place réelle et effective. De Constantin à Justinien et au-delà, l’empereur siégeait parmi les évêques, présidait les conciles, formulait des articles de foi (ainsi de Justinien lors du Ve concile œcuménique, en 553). À partir du même Justinien, les papes étaient nommés par l’empereur (ce fut le cas dans les faits ; officiellement, ils devaient être « confirmés » par lui), et même en matière de théologie, l’empereur l’emporte sur le pape, comme le montre l’affaire des Trois Chapitres. Quant au patriarche de Constantinople, on peut dire qu’en ces temps-là, il ne comptait guère ; en tout cas, il n’avait pas de pouvoir réel.

Ce qui nous ramène à la fin de cette période dite de la « papauté byzantine », vers le milieu du VIIIe siècle, où on voit que le seul moyen pour Rome de s’émanciper et de gagner une vraie autorité est de couronner un empereur d’Occident ! En prenant soin de souligner les prérogatives purement spirituelles contre la confusion « symphonique » des deux pouvoirs à Constantinople. On voit donc clairement comment ces deux pouvoirs, politique et religieux, spirituel et temporel, sont intimement liés, bien que distincts dans la théologie chrétienne (innovation inouïe pour le monde antique). La papauté n’est devenue réellement puissante sur le plan théologique et ecclésial qu’à partir du moment où elle s’est séparée de la tutelle politique de Byzance ! D’ailleurs, on verra tout ceci confirmé et reproduit par la suite, cette fois avec les empereurs d’Occident, qui se mirent à leur tour à contester l’autorité du pape (césaropapisme ottonien, les Investitures, guerre des Guelfes et Gibelins...). Nous pourrions évoquer aussi le gallicanisme d’un Philippe IV, qui fit déplacer le siège pontifical à Avignon pour en faire sa marionnette...

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