Les Pères que vous citez sont trop tardifs pour corroborer ce que vous dites.
Et depuis quand et au nom de quoi le consensus des Pères perdrait-il de sa force sous prétexte que lesdits Pères seraient trop tardifs ? D'autant plus que d'une part, je vous ai donné des citations de Pères des trois premiers siècles (et je pourrais en ajouter, par exemple Tertullien), et que d'autre part, le IVe siècle n'a jamais été considéré par personne comme une période tardive. Il s'agit de l'âge d'or des Pères de l'Eglise !
La primauté de Jérusalem, qui ne fait guère de doute tant d'un point de vue historique qu'ecclésiologique (il suffit de lire les Actes des Apôtres) s'efface vers le début du IIe siècle, soit bien avant les citations que vous avez produites !
Ce n'est pas ce qu'écrit saint Irénée, au IIe siècle... Et vous mélangez une fois de plus primauté temporelle et primauté réelle.
dès lors il n'est pas étonnant de trouver des marques d'estime dans les écrits des Pères
Il ne s'agit pas de simples marques d'estime, mais de reconnaissance d'une véritable primauté ! Relisez donc mes citations. Pour en réduire la portée, vous êtes obligés d'en minimiser le sens littéral...
Déjà, il n'est pas du tout certain que Pierre ait détenu un quelconque pouvoir réellement distinct de celui des autres apôtres. L’Évangile de saint Mathieu en tout cas, ne permet de justifier que d'un rang honorifique. Les Actes des Apôtres et l’Épître de saint Paul aux Galates montrent ensuite que l'autorité de Pierre, fût-elle réelle, n'avait strictement rien à voir avec ce qu'est devenu par la suite le pouvoir des papes.
Tout ce que vous me dites est contredit par les Pères. Je suis désolée, mais si vous voulez me convaincre, il va falloir me citer des écrits de plusieurs Pères qui diraient clairement que l'évêque de Rome n'occupe pas le plus illustre des Sièges, qu'il n'a aucune place particulière dans l'Eglise, etc...
D'autant plus que Pierre est aussi le fondateur d'une autre Église, celle d'Antioche, où il a sans doute passé bien plus de temps qu'à Rome - un autre centre très important du christianisme ancien que vous ne mentionnez nulle part dans votre démonstration !
Et alors ? Ce n'est pas la question. L'Eglise d'Antioche est certes très ancienne et vénérable, mais je ne vois pas où les Pères lui donneraient une primauté particulière et réelle.
Je l'ai déjà dit : être chrétien et obéir à l’Église, comprise comme le corps du Christ, n'implique en rien d'abdiquer tout esprit critique, puisque celui-ci s'exerce dans la réalité physique...
Vos propos sont presque insultants. Sous prétexte que je me soumets à l'enseignement de l'Eglise et des Pères, qui me semblent limpides dans leur acceptation de la primauté de Rome, vous sous-entendez que j'abdique tout esprit critique !
En suivant votre logique, il faudrait accepter la fausse donation de Constantin, puisque ce sont des papes qui l'ont produite.
Vous déduisez des choses absurde de ma prétendue logique... Par ailleurs, la fausse donation de Constantin apparaît à une époque beaucoup plus tardive que les textes des Pères cités (sauf en ce qui concerne saint Théodore le Studite, qui n'en parle de toute façon pas) et ne peut donc par conséquent pas les avoir influencés.
J'ai suivi des cours à l'université sur le christianisme ancien ; je ne dis pas cela pour vous assommer d'un argument d'autorité
Cela ne m'assomme pas, mais le fait est que beaucoup de professeurs et chercheurs en théologie professent des croyances hétérodoxes, et cela se peut se refléter dans leurs écrits. A partir de mêmes faits, tant d'interprétations divergentes peuvent être tenues, avec un peu d'érudition (et d'imagination) !
Mais de toute façon, cela n'a qu'une importance marginale dans notre débat, où les documents cités doivent être des documents des Pères, des théologiens, des écrivains chrétiens des premiers siècles. Ce sont eux qui ont toujours compté aux yeux de l'Eglise, et non pas les historiens ou les archéologues. Vous ne pouvons donc pas minimiser les propos des Pères sur la primauté de Rome sous prétexte que ladite primauté ne vous semble pas avoir de légitimité !
Mais qu'est-ce qui fait autorité dans l'Eglise ? Les Pères et leurs enseignements, ou des historiens ?
Mais on ne peut pas dissocier les Pères, ou les papes, du contexte historique dans lequel ils vivaient.
Je suis désolée, mais dès qu'il y a consensus des Pères et réception par l'Eglise dudit enseignement, les circonstances historiques importent peu. Où voyez-vous dans les écrits des théologiens, qu'ils soient catholiques ou orthodoxes, que ces circonstances - qui sont par ailleurs susceptibles de bien des interprétations divergentes - peuvent ôter ou minimiser la nécessité d'adhérer à ce consensus ? Je ne vois cela nulle part, parce que c'est une démarche moderniste. (Et je ne pensais jamais vous dire cela un jour, croyez-moi !). A ce taux-là, on peut se mettre à minimiser à peu près tous les enseignements de l'Eglise, et notamment les enseignements moraux, sous prétexte qu'ils seraient historiquement datés...
Quand le tsar supprime l'autonomie de l'Eglise géorgienne, quand un de ses prédécesseurs supprime le patriarcat russe
Cela n'a rien à voir avec le domaine spirituel proprement dit.
Depuis quand et au nom de quoi cela n'aurait-il pas de lien avec le domaine spirituel ? Je ne vous suis pas... Rome aurait abusé de son pouvoir en cherchant à faire respecter la liberté de l'Eglise face au pouvoir temporel, mais Moscou pourrait sans problème annexer une autre Eglise indépendante ? Vous voyez bien le danger qu'il y a à argumenter à l'aide non pas des Pères et des théologiens, mais d'exemples historiques : je pourrais surenchérir de mon côté en mettant en avant les déficiences du monde orthodoxe. Mais ce n'est pas la question qui nous intéresse en premier lieu et c'est donc pour cela que j'ai évité d'adopter une telle attitude (ce qui ne fut pas votre cas...).
lorsque des empereurs cherchent à faire avaliser par l'Eglise leurs mœurs douteuses et même des hérésies, etc...
Pourriez-vous préciser à quoi vous faites allusion ?
Par exemple la réaction de l'empereur envers l'Eglise lorsque Saint Théodore le Studite refuse son nouveau mariage (illégitime); la démission de patriarches exigée par l'empereur Anastase, partisan des monophysites; les empereurs iconoclastes qui ne se gênèrent pas pour imposer leurs vues religieuses au clergé récalcitrant, etc... Il y a maints exemples de princes se mêlant des affaires purement religieuses, cherchant à imposer leurs hérésies ou leur morale par la force ! L'Eglise n'avait-elle donc pas le droit de réagir et de proclamer ses droits légitimes ?
Je ne peux que répéter ce que j'ai écrit : une Église dissociée du pouvoir temporel, voire même soumise à lui, se conforme aux Écritures et à l'enseignement de Notre Seigneur.
L'Eglise ne peut pas accepter que le pouvoir temporel enseigne des hérésies au peuple chrétien. Quand aux liens entre les deux pouvoirs, je pourrais aussi vous faire des citations des Pères pour vous montrer que la position catholique est légitime et parfaitement logique : reconnaissance de la primauté du spirituel sur le temporel, distinction des deux pouvoirs, mais non pas asservissement de l'Eglise à l'Etat, pas plus que de l'Etat à l'Eglise.