La valeur du dialogue

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Re: La valeur du dialogue

par prodigal » mer. 15 juin 2022, 9:21

Léon a écrit :
dim. 12 juin 2022, 7:48
je trouve que au fond, le dialogue n'a de valeur que s'il conduit à pratiquer la charité véritable.
Cher Léon,
vous avez sans doute raison, mais ne peut-on dire cela de tout? Ne faut-il pas aller jusqu'à dire que même la guerre doit être subordonnée à la charité?
La différence, peut-être, serait que le dialogue pourrait déjà constituer en lui-même un chemin de charité, car l'amour de la vérité et du prochain en est l'essence.

Re: La valeur du dialogue

par Léon » dim. 12 juin 2022, 7:48

Bonjour,

je trouve que au fond, le dialogue n'a de valeur que s'il conduit à pratiquer la charité véritable.
Merci à saint Paul pour son Hymne à la Charité:
PREMIÈRE LETTRE DE SAINT PAUL APÔTRE AUX CORINTHIENS
01 J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante.

02 J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.

03 J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien.

04 L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ;

05 il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ;

06 il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ;

07 il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout.

08 L’amour ne passera jamais. Les prophéties seront dépassées, le don des langues cessera, la connaissance actuelle sera dépassée.

09 En effet, notre connaissance est partielle, nos prophéties sont partielles.

10 Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé.

11 Quand j’étais petit enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai dépassé ce qui était propre à l’enfant.

12 Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu.

13 Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité.
https://www.aelf.org/bible/1co/13

Re: La valeur du dialogue

par Léon » mer. 01 juin 2022, 17:02

Bonsoir Gaudens,

je reconnais que je me suis trompé, il existe bien des échanges oecuméniques dans le cadre théologique, donc avec des règles et méthodes théologiques probablement.
Même si ça semble marginal et lent, ça va dans le bon sens, celui de la réconciliation de la Chrétienté.

Pour ce qui est du dialogue entre catholiques, il peut y avoir des tensions et des écarts de points de vue, mais faut pas trop noircir le tableau.
Comme par exemple le chemin synodal allemand qui est assez controversé.
J'ai lu dans la presse, que 74 évêques, essentiellement américains, avaient écrit aux évêques allemands pour les avertir de certains dangers et erreurs. Et ce, comme pour palier le silence de Rome et du Pape, à ce sujet.
Je trouve que c'est une belle démarche d'attention pour l'Eglise et son Unité.

En France, les Evêques se réunissent chaque année à Lourdes pour échanger ensemble donc on peut dire qu'ils montrent l'exemple du dialogue dans l'unité.
Bon après, de mon point de vue, il y a trop de bureaucratie et de technocratie dans l'institution ecclésiale, ce qui la déshumanise un peu et étouffe le dialogue, la prise de parole, la prise d'initiatives, la vie fraternelle... C'est le genre de choses que j'aurais aimé dire pour le synode sur la synodalité.

Re: La valeur du dialogue

par Gaudens » mar. 31 mai 2022, 19:55

Bonsoir Léon,
Vous écrivez qu'il n'y a ni cadre ni règle dans le dialogue oecuménique.Mais si,il y en a :des groupes de théologiens ,mandatés par leurs hiérarchies respectives, se rencontrent sur des thèmes précis des décennies: groupe des Dombes,discussion catholiques -orthodoxes à Balamand au Liban,etc...
Et n'oubliez pas les accord christologiques conclus par l'Eglise catholique avec les Eglises des deux ou des trois Conciles(Eglises non chalcédoniennes et Eglise de l'Orient).Ainsi que l'accord sur la Justification avec les Luthériens en 1998,sauf erreur.

Comme vous,il me semble que cette recherche d'unité est une exigence de fond et aussi...que c'est encore plus difficile de dialoguer entre catholiques ,tant les positions des uns et des autres ont fait le grand écart depuis quelques décennies,avec un climat de moins en moins apaisé,je le crains.

Re: La valeur du dialogue

par Léon » lun. 30 mai 2022, 18:22

prodigal a écrit :
lun. 30 mai 2022, 9:02
Pas d'obligation de résultat, en effet, je partage votre façon de voir.
Cela fait alors une différence entre le dialogue et la négociation. C'est peut-être à méditer lorsque l'on parle de dialogue œcuménique. Celui-ci relève-t-il du dialogue ou de la négociation?
En effet, c'est intéressant.
Normalement, le dialogue permet d'abord de rétablir une relation abimée voire disparue.
La négociation est plutôt une réalité marchande, diplomatique, politique.

A partir de là, l'oecuménisme semble relever du dialogue essentiellement, puis de façon secondaire relève de la négociation en vue d'une pleine réconciliation fraternelle entre chrétiens.
Mais à ma connaissance, il n'y a pas de règles ni de cadre dans le dialogue oecuménique, ça ressemble à de l'improvisation.
J'ai remarqué que l'oecuménisme vient surtout d'une volonté des autorités religieuses, et essentiellement pratiqué par eux et quelques communautés spécialisées sur ce charisme.

Autrefois j'étais plutôt méfiant et hostile à l'oecuménisme, pouvant dénaturer l'Eglise et la foi chrétienne.
Je trouve désormais nécessaire et même un devoir chrétien, ce travail de réconciliation de la Chrétienté.
Comme ailleurs, il faut trouver un équilibre dans le dialogue oecuménique, mais il faut surtout une vision claire de ce plan de réconciliation.
Le synode sur la synodalité est un autre exemple de ce que le dialogue peut restaurer et parfois construire, innover... Enfin, on verra bien.
C'est peut-être un bon exercice de dialogue, une bonne étape, avant de se tourner vers l'oecuménisme ?
Je dis ça parce que je trouve que le dialogue entre catholiques n'est pas une évidence ni une pratique régulière, donc autant se mettre d'accord déjà en famille avant de se tourner vers le reste de la Chrétienté ?

Re: La valeur du dialogue

par prodigal » lun. 30 mai 2022, 9:02

Pas d'obligation de résultat, en effet, je partage votre façon de voir.
Cela fait alors une différence entre le dialogue et la négociation. C'est peut-être à méditer lorsque l'on parle de dialogue œcuménique. Celui-ci relève-t-il du dialogue ou de la négociation?

Re: La valeur du dialogue

par Léon » jeu. 26 mai 2022, 18:36

prodigal a écrit :
jeu. 26 mai 2022, 17:44
Très certainement, oui.
Il y a les sentiments, les intérêts, et les questions d'amour-propre, qui tous trois polluent les dialogues.
Je me demande s'il ne conviendrait pas de faire un rapprochement avec les trois concupiscences.
Oui, ça fait partie de la nature humaine, mais ces pollutions et la triple concupiscence sont nettoyables et soignables.
Je pense qu'il faut accepter cette réalité d'imperfections humaines, sinon on aimera et dialoguera jamais...
C'est ce que Jésus disait à saint Augustin me semble t-il, "aime moi tel que tu es, car si tu attends d'être parfait, tu ne m'aimeras jamais"...
Le dialogue est un chemin qui a ses exigences mais c'est pas non plus une obligation de perfection ni une obligation de résultat...

Re: La valeur du dialogue

par prodigal » jeu. 26 mai 2022, 17:44

Très certainement, oui.
Il y a les sentiments, les intérêts, et les questions d'amour-propre, qui tous trois polluent les dialogues.
Je me demande s'il ne conviendrait pas de faire un rapprochement avec les trois concupiscences.

Re: La valeur du dialogue

par Léon » jeu. 26 mai 2022, 9:47

Le rapport à la vérité n'est pas toujours clair dans un dialogue.
On peut distinguer le "sentiment" de vérité de la vérité elle-même, sans tout mélanger.
Je dis ça parce qu'à notre époque, les émotions et sentiments prennent souvent le dessus sur la raison, la conscience et le réel: résultat, c'est un gros bazar où tout est mélangé, sans aucun discernement, sans distinction, et sans nuance.
J'ai remarqué chez beaucoup de personnes qu'elles étaient coincées dans une sorte de dictature de leurs émotions, sentiments, et ressentiments... Au point de déterminer ensuite leur comportement, leur conduite.
Cela peut expliquer la fin rapide de certains dialogues, tel un naufrage...

Re: La valeur du dialogue

par Cedricspandrell » lun. 16 mai 2022, 23:06

prodigal a écrit :
mer. 11 mai 2022, 13:49
Perlum Pimpum,
Je comprends mieux.
Alors cela soulève une question potentiellement intéressante : peut-il y avoir dialogue entre deux personnes qui savent?
A première vue, si toutes deux savent elles diront la même chose, ce qui n'est pas dialoguer.
De plus, on voit souvent que les discussions entre spécialistes tournent à la querelle d'égos, sans profit pour ceux qui s'y livrent.

Mais, sed contra, il ne faut pas mettre la lumière sous le boisseau, ce qui peut vouloir dire, bien sûr, qu'il faut instruire les ignorants, mais peut-être concerne aussi les savants, qui doivent transmettre la connaissance et non se contenter de la déguster en solitaire (bien que la contemplation soit recommandée, cela va de soi).

C'est que la connaissance à laquelle parvient un être humain est toujours relative, c'est-à-dire mêlée d'ignorance et d'incompréhension. Prendre le risque du dialogue avec un autre savant honore l'homme instruit qui s'y livre, qui se trouvera ainsi inévitablement confronté à la relativité de sa science, et pourra peut-être ainsi progresser en sagesse et en humilité. C'est tout ce que je souhaite à tous ceux qui le veulent bien.
Bonjour,
Alors plus on sait, plus on s'éloigne de la vérité. Les savants sachant où vice versa perdent peut-être la vérité en la possédant..
Comme dirait brassens mais je crois que les paroles d'Aragon.
"L'homme, à trop vouloir serrer son bonheur, il le broie" dans' il n'y a pas d'amour heureux ',
Peut-être que L'homme qui voit la vérité rentre dedans comme dans un miroir et finalement ne peut plus s'en extirper pour la juger puisqu'il fait à présent partie du tableau ?

Re: La valeur du dialogue

par Fée Violine » dim. 15 mai 2022, 7:31

Attention, ademimo, ne faites pas de st Thomas d'Aquin un manichéen !
Quant à s'éloigner du débat politique : j'espère bien ! Pourquoi voulez-vous absolument rester sur le terrain de la politique ?

Re: La valeur du dialogue

par ademimo » sam. 14 mai 2022, 22:26

Riou a écrit :
ven. 13 mai 2022, 20:29
Xavi a écrit :
ven. 13 mai 2022, 19:30


La vérité, c’est « le » réel. Le mot « vérité » est un substantif qui nomme, désigne ou identifie un être, ce qui « est ».
Bonsoir,

Cette identification entre "vérité" et "réel" est problématique au regard de la tradition philosophique. Thomas d'Aquin fait d'ailleurs partie de ceux qui ne définissent pas la vérité ainsi.
Le "réel est", et c'est bien tout ce qu'on en peut dire. Mais la vérité n'est pas le réel, mais l'adéquation entre un jugement et le réel. Autrement dit, la vérité se situe dans le rapport entre nos énoncés et le réel. La vérité est donc une propriété du jugement porté sur la chose, pas la chose elle-même, qui ne peut pas être fausse en tant que telle.
Beaucoup de sophistes, il est vrai ironiques ou parfois mal intentionnés, se sont amusés à jouer sur l'identification entre vérité et réalité. Certains interlocuteurs de Socrate, par exemple, disaient que si la vérité et la réalité sont identiques, alors l'erreur, ou même le mensonge, ne peuvent pas exister. En effet, ils disaient qu'une proposition, quelle qu'elle soit, fait aussi partie de la réalité, et que puisque une proposition est une chose réelle qui existe, alors une proposition ne peut être fausse, puisque la réalité est identique à la vérité. Ainsi, tout ce qui est dit est vrai, puisque faisant partie de la réalité.
C'est un peu "tiré par les cheveux", j'en conviens, mais cette petite pirouette sophistique permet d'attirer l'attention sur le caractère problématique d'une telle identification entre vérité et réalité.
Ainsi, est vrai ce qui est conforme à la définition de la vérité, c'est-à-dire ce qui manifeste une adéquation entre la chose et l'intellect.
Il n'est pas interdit, pour autant, de critiquer cette définition ou d'en proposer un approfondissement.

Il y aura ainsi différents types de vérités (mathématiques, sciences empiriques, vérités morales, vérité religieuse, etc.), et celles-ci nécessiteront un certain nombre de conditions : cohérence logique du raisonnement, pour que la pensée soit en accord avec elle-même, mais aussi des preuves, etc.

Je crois que le questionnement d'ademino portait sur l'existence de vérités morales et politiques. Autrement dit, il n'y aurait de vérités que théoriques ou factuelles (qui visent des faits, des états de choses dans le monde), mais pas de vérités en politiques (puisqu'il n'y aurait que des "projets" et des "intérêts").
Prodigal rejette ce point :
prodigal a écrit :
ven. 13 mai 2022, 9:57

1) je nie fermement que les questions dites de valeur excluent toute idée de vérité. Pour ne pas étouffer la discussion, et aussi par paresse, je m'abstiens de composer ici le long traité que la question exigerait. Mais peut-être y reviendrons-nous.
Il me semble que le nœud de la discussion portait sur ce point crucial entre valeur et vérité. Existe-t-ils des "valeurs vraies" et de "fausses valeurs"? Peut-on dire qu'un projet politique repose sur quelque chose de "faux"? Où n'y a-t-il, sur la question des valeurs politiques et morales, que des intérêts et des décisions existentielles, coupés de la distinction entre vérité et fausseté?
Il ne faut pas perdre de vue que pour un homme du XIIIe siècle, le "monde" n'est qu'illusion. Et l'illusion est l'oeuvre du malin. C'est à ce titre que la "réalité", ou plutôt ce que nos sens peuvent constater de visu, n'est pas nécessairement la vérité, au sens où celle-ci n'est pas nécessairement "visible". L’œuvre des anges de Dieu n'est pas visible, l'oeuvre du Diable n'est pas visible. A partir de là, n'est réellement vrai que ce qu'en dit l’Église, laquelle constitue la "nef" de Pierre devant amener le fidèle chrétien à bon port dans l'autre monde.

Mais je crois que ces considérations nous éloignent considérablement du "débat" politique.

Re: La valeur du dialogue

par Leonhard » sam. 14 mai 2022, 18:40

Riou a écrit :
sam. 14 mai 2022, 15:22
Bien sûr, je suis d'accord avec vous. Le mal et l'erreur, formellement, existent. Mais ils visent le néant (un non-être relatif, et non absolu), et d'ailleurs, on dit bien que le mal détruit, blesse la création. Tuer, pour prendre un exemple extrême, c'est détruire l'autre, supprimer son existence. Le meurtre existe, mais il vise bien une négation de ce qui est, il cherche à défaire la création, et c'est cette négation douloureuse de la bonté de ce qui est qui produit le spectacle attristant du mal.
Je pense que ce que vous dîtes à propos de l'erreur s'appliquerait davantage au mensonge, qui lui vise effectivement le néant, le non-être, et qui est la marque du Malin. Mais quant à l'erreur, je ne suis pas certain qu'elle ait pour finalité le néant. Il arrive que l'erreur renferme une part de vérité et que celle-ci puisse servir d'appui pour engager un dialogue. Cependant, je crois le dialogue impossible si est présente l'intention de tromper et de mentir.
La différence étant que l'erreur dit quelque chose de la réalité tandis que le mensonge est une négation du réel.
Nous faisons tous des erreurs, comme vous l'avez très justement évoqué, et ces erreurs peuvent s'avérer pédagogiques, nous faire progresser par la vertu du dialogue ou par l'expérience vers ce qui est vrai et bon.

Ce que je dis peut passer pour être des banalités, mais je considère que ce n'est pas insignifiant. Seul Dieu ne fait pas d'erreur et connaît toute chose en se connaissant Lui-même, étant Lui-même la source de tout. Quant à l'homme, il peine ne serait-ce qu'à se connaître lui-même, et sa connaissance est limitée de par sa nature. C'est pourquoi il me semble important d'accepter que son prochain puisse faire des erreurs manifestes sans le désigner comme un suppôt du mal à priori. Cela ne signifie pas qu'il faille accepter l'erreur, mais que l'erreur peut avoir pour vertu de faire émerger la vérité.
Riou a écrit :
sam. 14 mai 2022, 15:22
Si l'erreur, formellement, existe, puisqu'ils nous arrivent tous de nous tromper, nous disons que l'erreur dit soit 1) quelque chose qui n'est pas en croyant qu'elle est, soit 2) prend une chose pour une autre, c'est-à-dire prend une chose pour ce qu'elle n'est pas
Nous sommes d'accord.

Re: La valeur du dialogue

par Xavi » sam. 14 mai 2022, 16:47

Merci Riou pour ces éclairages complémentaires que je peux rejoindre de sorte que notre échange devient ainsi un bon exemple d’un dialogue fructeux où nos approches, bien que paraissant d’abord contraires, ont fini par s’enrichir suffisamment pour pouvoir converger paisiblement.

Sans cesser de rester ouverts à d’autres approches ou d’autres difficultés pour aller plus loin encore.

Re: La valeur du dialogue

par Riou » sam. 14 mai 2022, 15:22

Bonjour Leonhard,

Bien sûr, je suis d'accord avec vous. Le mal et l'erreur, formellement, existent. Mais ils visent le néant (un non-être relatif, et non absolu), et d'ailleurs, on dit bien que le mal détruit, blesse la création. Tuer, pour prendre un exemple extrême, c'est détruire l'autre, supprimer son existence. Le meurtre existe, mais il vise bien une négation de ce qui est, il cherche à défaire la création, et c'est cette négation douloureuse de la bonté de ce qui est qui produit le spectacle attristant du mal.
Si l'erreur, formellement, existe, puisqu'ils nous arrivent tous de nous tromper, nous disons que l'erreur dit soit 1) quelque chose qui n'est pas en croyant qu'elle est, soit 2) prend une chose pour une autre, c'est-à-dire prend une chose pour ce qu'elle n'est pas (pour reprendre l'exemple de xavi, c'est ce qui arrive lorsque je décris l'arc de Triomphe alors que je prétends décrire la Tour Eiffel). Vous remarquerez qu'à chaque fois, nous sommes obligés de faire intervenir la négation pour décrire l'erreur, ce qui renvoie bien au fait que l'erreur vise quelque chose qui a à voir avec le non-être.

Bonjour xavi,

L'esprit de mon propos n'était pas d'objecter ou de pointer des contradictions, mais de clarifier la chose dont on parle. C'est pourquoi je me mettais dans la peau des sophistes grecs rencontrés par Socrate pour mettre en valeur le type d'entourloupe qui pouvait découler d'une identification entre réel et vérité. Sans doute, ces sophistes ne sont pas toujours disposés par une bonne volonté, mais ils alertent néanmoins sur certains points problématiques qui nous forcent à ajuster notre pensée.

L'homme existe, il est, et je suis d'accord avec vous. Mais son existence n'est pas absolue. S'il porte en lui un infini, il n'est pas l'infini. Voilà pourquoi, à mon sens, il peut être, à l'inverse de Dieu, compris comme un être en rapport avec le néant. Sinon, cette créature qu'est l'homme ne serait pas angoissée par la mort, par exemple.
Par conscience, j'entendais la puissance de se rapporter au monde, et que la conscience est à trouver dans ce rapport au monde et à soi.

Il est bien clair que j'entends par vérité et discours des réalités humaines dans ce contexte, puisqu'il est question du dialogue entre êtres humains, y compris sur des sujets peu excitants comme la politique ou des "projets" de vie, par exemple. Ainsi, j'entends ces termes en un sens plutôt philosophique, et ceci pour des raisons théologiques et anthropologiques qui justifient, selon moi, le fait de distinguer entre vérité et réalité.
Si l'homme est crée à l'image de Dieu, en tant qu'image, il n'est pas Dieu (on retrouve d'ailleurs la négation). Or, le Verbe de Dieu se distingue de la parole humaine en ceci que le Verbe divin ne se distingue pas de l'être, et que parler, pour lui, c'est poser la chose dont il est question dans l'existence. C'est un des sens profond de la Genèse : "Dieu dit... et la chose fut. A vrai dire, entre le Verbe et la chose qui advient à l'existence, il n'y a peut-être qu'une distinction nominale (je laisse les théologiens affutés trancher cette question), liée au caractère discursif de notre discours humain qui fait que nous sommes toujours un peu contraints de prendre des détours pour parler d'une réalité Absolue et Une.
A l'inverse, il n'échappe à personne que la parole humaine ne jouit pas vraiment d'un tel privilège. Si l'homme, dans la Genèse, se voit offrir par Dieu le don de parler (en quoi il est à l'image de Dieu), il nomme aussitôt le vivant mais ne le crée pas par sa parole. De là une distinction entre parole, vérité et réalité. Dès lors, l'homme nomme quelque chose de déjà là, et il peut lui arriver de se tromper et de manquer ce qui est vraiment. C'est d'ailleurs sur le langage et ses subtilités que le serpent va tromper son monde et faire advenir le mal, l'erreur et la mort dans le monde, en disant quelque chose qui n'est pas pour égarer Adam et Eve, bien que son propos ressemble à ce qui est ( => c'est le principe de l'illusion).

Je peux donc retourner au sujet :
Verbe divin et parole humaine sont donc très distincts. Si nous possédions tous le Verbe divin et que nous étions Dieu, aurions-nous besoin de dialoguer pour exister ensemble? Et surtout : le dialogue serait-il aussi difficile et déceptif? Je ne crois pas. La Trinité manifeste une pleine communion d'amour entre les trois Personnes, un accord si profond que parler de "dialogue" serait très équivoque dans pareille situation. C'est précisément parce que nous ne sommes pas en pleine communion d'amour et que nos consciences sont toujours, de prime abord, séparées, que nous avons besoin de dialoguer - et qu'il est si difficile de dialoguer. Quant au débat, n'en parlons même pas...
Si Dieu, la Réalité Absolue, le Verbe, ne doit être maniée qu'avec une extrême précaution dans le dialogue, c'est d'abord parce que notre concept de "vérité" et le statut de notre parole n'est pas à la hauteur. Ainsi la première demande du Notre Père exige-t-elle la sanctification de son nom, c'est-à-dire l'effort, aussi, pour ne pas rabaisser sa vérité à nos petites discussions politiques et dialogiques, à nos petits intérêts humains et pratiques.
Le dialogue est ambigu, et il n'existe que par nos failles. Si c'est une valeur, il ne l'est que pour des hommes qui y résistent sur bien des aspects. Je ne crois pas que ce soit une valeur pour un être en parfait repos avec lui-même, dans une communion totale et sans faille.

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