Bonjour, Quejana!
Quejana a écrit : ↑sam. 26 oct. 2019, 18:30
Faut-il combattre ses envies de pécher, ses pulsions ? Ne vaut-il pas mieux ne pas réagir face à ces tendances, les laisser passer (sans pour autant y consentir) pour ne pas les aiguillonner ? Prenons l'exemple d'un chien furieux. Plus on tirera sa laisse pour l'empêcher de se dégager et d'aller mordre quelqu'un, plus stimulé par cet aiguillon, il deviendra agressif et dangereux ; si on maintient fermement la laisse sans tirer dessus néanmoins davantage que si le chien était calme et serein, si l'on choisit donc de ne pas réagir et de ne pas changer notre attitude de celle que nous avons l'habitude d'avoir, n'obtient-on pas des résultats plus efficaces ? N'en est-il pas de même pour le péché ?
Les envies de pécher, les pulsions qu'on comprend généralement par le terme «tentations» doivent être combattues. C'est pourquoi le dicton «la vie est un combat» a un autre sens pour le chrétien que pour quelqu'un du monde. Ce combat spirituel a des règles, il y a un vrai art de la guerre là. Non, on n'aiguillonne pas le chien: une tactique est de lui opposer nos chiens de garde. Comment faire ? Tout d'abord, il faut identifier la bête. Il y a un bestiaire des péchés, avec sa taxonomie. La bête appartient à une espèce, et l'espèce appartient à un genre, le genre à une famille. On arrive à des catégories irréductibles une à l'autre: traditionnellement elles sont sept et elles s'appellent «les sept péchés capitaux». Ce sont les sept têtes du dragon/monstre/serpent dont nous avons appris pendant notre première enfance par le biais de ces vrais catéchismes de l'âge le pus tendre qui sont les comptes de fées et les légendes.
Prenons un exemple: l'ivrognerie et la dépendance de drogues. Se sont des péchés très proches: deux espèces de péché qui partagent le même genre. La catégorie commune, où il y a encore d'autre genres avec leurs espèces forme le péché capital de la gloutonnerie. Chaque chrétien doit savoir qu'elle est, parmi les sept, son péché capital dominant. Puis, chaque péché se combat avec les actes de piétés qui lui sont opposés. Par exemple, la gloutonnerie par le jeun. Quelqu'un est un pisse-vinaigre ? Alors il fera de gros progrès spirituels dans le combat invisible s'il exercera moins le jeun, que l'aumône. Un autre a l'orgueil comme péché dominant ? Ni le jeun, ni l'aumône ne l'aideront tant que les actes d'humilité.
Une autre tactique: on ne s'approche pas de ce chien. On passe loin de lui. Dans l'Acte de Contrition, nous promettons à Dieu pas seulement de ne plus faire des péchés (au moins, ces espèces de péché qu'on vient justement de confesser), mais aussi de ne pas se rapprocher des occasions de péché. N'oublions jamais le premier péché, car là, dans ces courts versets, il y a tout un manuel. Le premier péché ne commence pas par la tentation du chien (là, il prend la forme de serpent), mais par l'exposition à l'occasion de péché. Eve se met dans le seul endroit où elle ne devrait pas se mettre, c'est après, dans un deuxième temps, que la bête arrive.
Deuxième question : le fait de se dire "coupable" ne nous enlaidit-il pas moralement ? Une action faite avec culpabilité n'est-elle pas plus laide qu'une action faite sans culpabilité ? Ne vaut-il pas mieux se considérer comme "bon" pour l'être effectivement ? Prenons l'exemple de quelqu'un qui vole une pomme. Si sa conscience l'accuse pendant qu'il le fait, son vol sera considéré comme odieux ; si au contraire, il se sent justifié dans son for intérieur ("J'ai le droit de me nourrir comme tout le monde", "La nourriture devrait être gratuite pour tout le monde" se dit-il), fait-il vraiment le mal ?
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question. Il se peut que l'exemple soit mal choisi, car, s'il s'agit de quelqu'un en situation vraiment précaire, ce n'est pas un péché en vertu du principe de la destination universelle des biens. Mieux que moi parle à ce sujet Victor Hugo dans «Les Misérables».
Troisième question : y a-t-il des choses qui sont mauvaises dans l'absolu ?
Affirmatif. Ce sont ce qu'on appelle les choses intrinsèquement mauvaises.
Si je tue quelqu'un pour sauver la vie d'une personne qui se fait agresser par la première, est-ce mal ?
Cela dépend. Nous pouvons être, ou pas, dans une exception où on ne parle pas de tuer, mais de légitime défense. Le commandement «tu ne tuera pas» est un commandement pour la vie. Selon la vision catholique traditionnelle, la légitime défense (pourvu que légitime soit-elle!), tout comme l'exécution d'un criminel ou la défense (ou même l'attaque) dans le cadre d'une guerre juste ne sont pas des infractions contre le cinquième commandement. Justement parce que la société a le devoir de défendre la vie elle a le droit de punir ceux qui la néantisent et qui pourraient continuer de le faire.
Si j'avorte parce que je sais que j'ai une maladie horrible qui a 50% de chance d'être transmise à mon enfant, est-ce mal ?
Affirmatif. Même en cas de 100% de «chance». L'avortement est un exemple de chose intrinsèquement mauvaise.
Si j'apostasie pour sauver la vie d'autres personnes (comme dans le cas du film Silence), est-ce mal ?
Affirmatif. L'apostasie est une autre exemple.
quel est le danger du relativisme moral ? en quoi ce dernier est-il problématique ?
Relisez le premier péché. Le mal est présenté comme un bien. Eve se laisse fourvoyer.
Quatrième question : est-on vertueux si l'on commet un mal par obéissance à son père spirituel ?
L'obéissance est une vertu médiane. On peut pécher par trop d'obéissance et on peut pécher par trop peu d'obéissance. La limite de l'obéissance est le péché. On a pas seulement le droit, mais on a le devoir de désobéir si la personne ayant autorité nous demande de faire quelque chose d'immoral.
Cinquième question : a) l'amour exige-t-il vraiment le sacrifice ? Ne peut-on pas aimer l'autre tout en gardant l'amour de soi et son petit égoïsme ? Faut-il que le bien fait à autrui soit une privation faite à nous-même pour être réellement un bien ?
L'amour chrétien est un don de soi. C'est justement ce don qui est le plaisir secret du chrétien. « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir» (Actes 20:35). Pourtant, le bien fait à l'autrui n'est pas forcément une privation pour soi-même. L'amour de soi a bien sa place aussi, mais pour le chrétien «amour» ne veut pas dire «commodité». Un chrétien est quelqu'un qui veut bien plus que sa commodité dans la vie: il la veut dans la vie éternelle!
b) en quoi les pénitences sont-elles importantes et font-elles partie de l'amour chrétien ?
Les pénitences sont importantes parce qu'elles sont des exercices de tempérance, c'est à dire elle renforcent la volonté. Nous, les êtres humains, nous sommes à la charnière entre les bêtes et les anges, mais nous aimerions plutôt notre ressemblance aux anges. Puis, les pénitences sont un moyen de mettre nos petits sacrifices au pied de la Croix.
Sixième question : la certitude que les pauvres et les malades sont grandement soutenus par les anges et placés très hauts dans le Royaume des cieux
Je ne sais pas comment vous êtes arrivée à telle conclusion. Je n'ai jamais entendu que les malades soient placés plus haut que ceux qui ont eu une vie en bonne santé. Ce n'est pas la maladie le truc qui offre le salut. La pauvreté, non plus. C'est vrai qu'elles peuvent être des moyens, des occasions de progrès spirituel. Mais, sans les saisir et les donner une telle fonction, ce n'est pas gagné d'avance...
Septième question : Connaître une vérité absolue ne risque-t-il pas de nous rendre intolérant et moins ouvert d'esprit ?
J'ai l'impression que «tolérance» est un terme plutôt de langage politiquement correct qu'un terme chrétien. Je ne garde pas le souvenir de l'avoir trouvé, comme tel, dans la Bible. Dans la patristique non-plus.
Par contre, ouverture d'esprit, ça me parle. Le sens chrétien est d'ouverture vers l'Esprit Saint, vers les influences d'en haut. Pourtant, j'ai l'impression qu'on lui donne le plus souvent un sens différent, sinon contraire. Par exemple, quand vous trouvez que je suis ouvert d'esprit:
1) quand j'entrevois la beauté de la vertu et du don précieux de la chasteté
ou bien
2) quand j'arrive à la conclusion que la fornication est une chose normale, voire bonne pour l'organisme et pour l'épanouissement de la personnalité ?
Bien à vous,
A.
Petite note: il serait mieux d'adopter, sinon «un fil - un sujet», au moins «un message-un sujet» . Autrement, les réponses, comme celle-ci, deviennent un charabia illisible.