par cmoi » jeu. 06 mai 2021, 6:49
« Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ! »
Cette prière du cœur, dite hésychaste, prépondérante dans l’orthodoxie, serait un condensé de tout ce que nous pouvons dire dans une prière, et je le crois. Maints écrits l’exposent et l’expliquent, que j’apprécie.
Elle se décompose en deux parties. La première nomme notre interlocuteur, celui que nous interpellons, et lui donne ce faisant certains titres et attributions.
La seconde constitue la prière proprement dite, qui rappelle notre condition, laquelle traduit notre besoin. Elle résume tout car pour Dieu, avoir pitié, c’est sauver. Et pour nous, être sauvés, c’est recevoir le salut auquel nous espérons ; or avec celui-ci, plus rien ne nous manque.
Sa brièveté n’a rien qui la dévalue, au contraire : Jésus a vanté les prières courtes mais sincères, et vilipendé presque grossièrement les bavardages qui les remplacent (Mathieu, 6 : 7).
Pourtant, ne sait-Il pas qui Il est et est-il nécessaire de le Lui rappeler ? Ne sait-Il pas quand nous nous adressons à Lui ? Si c’est davantage pour nous que nous effectuons ce rappel, il convient d’éviter de s’en attribuer par ricochet l’honneur, voire de s’en sentir flatté, ou de s’en gargariser : nous sommes autorisés à Lui parler !
Il convient de faire simple et d’être plus simple, et en sorte à ce qu’il n’y ait aucune utilité à nous rappeler à nous-mêmes la réalité de ce que nous faisons et de qui Il est, car ce serait le signe que nous l’aurions oublié, et l’oublier serait avoir péché ou trahi, perdu la foi.
Il convient de cesser ces artifices qui peuvent sembler spirituels mais ne sont que superflus et qui manifestent une distance : le temps que nous passons à dire cette première partie est quasiment du temps de perdu...
La seconde partie de cette prière semble avoir aboli la distance, mais même temps elle la suppose : c’est parce qu’il est ce qu’Il est que cela a du sens de Lui formuler cette demande, et c’est pourquoi aussi sans doute nous avons rappelé d’abord très subtilement sa puissance – Seigneur – et de quelle provenance qui la rend souveraine et absolue – fils de Dieu. Nous avons aussi rappelé son onction – Christ – par laquelle il nous est la voie, le chemin, et notre médiateur universel. Nous lui avions enfin donné son nom et qui voulait déjà dire qu’il est notre sauveur.
Mais comment éviter que ce soit pour nous en convaincre ou le flatter, sinon en considérant qu’il était bon de le lui rappeler à Lui, qu’il avait cette fonction, cette mission qui est la sienne envers nous ? Comme s’il pouvait l’avoir oublié ou avoir d’autres priorités, comme si cette évocation pouvait lui « forcer la main », au risque de l’indisposer... !
En réalité, et c’est bien là le message qui nous a été donné d’apprendre et d’entendre lors de sa venue, il ne cesse d’avoir pitié de nous, de nous tendre et de nous ouvrir ses bras.
C’est donc nous qui n’y entrons pas et non lui qui nous empêche d’en bénéficier.
Cette prière, prise sous ce jour-là, en ce qu’elle en manifesterait la compréhension, ne serait alors qu’une reformulation obéissante d’âme débutante et qui n’a pas encore réfléchi, qui s’y adonne pour elle-même dans un mouvement qui est de repli sur soi et non d’extase, de joie et d’adhésion profonde. Elle donne l’indice défavorable d’un retard à l’allumage (Luc, 12 : 49), d’une affinité défectueuse. Car après réflexion, ce que nous avons à lui dire n’est plus d’avoir pitié, mais de l’en remercier, de lui demander pardon de ne pas l’avoir mieux compris ou plus tôt, d’exprimer notre joie et notre gratitude, de lui préciser nos intentions.
Et cette réflexion, quand elle est la meilleure, elle se doit d’être spontanée, instantanée, sans ce détour.
Cette prière était excellente de la part de ses contemporains (Timée notamment : (Marc, 10 :47)), pour qui son contenu était un acte de foi car ils ne Le connaissaient pas encore et en cela ils exprimaient une intuition juste qui leur valut d’être exhaussés, mais de notre part elle serait hypocrite ou offensante, elle traduirait un malaise profond, une incompréhension, la dureté d’un cœur récalcitrant ou moqueur, sceptique.
Elle n’est acceptable qu’après nous être détournés de lui et nous savoir indignes de ce qu’il nous offre.
Bien sûr, la théologie nous enseigne que c’est le cas, mais est-ce bien ce que nous ressentons et nous faut-il en rester à ce sentiment, est-ce ce vraiment ce qu’il attend de nous ?
Après tout ce qu’il a fait, ne préférerait-il pas recevoir une effusion d’amour, et non ce rappel d’un fait pour lequel il a tant souffert et qui pourrait ainsi occulté mais suggéré, témoigner d’un certain égoïsme malvenu ?
A moins que nous n’embrassions ses plaies et nous consacrions à les soigner... (De multiples dévotions publiques ou privées en rendent compte, mais ne sont-elles pas quelque peu décalées et retardataires, incongrues ?)
J’ai le tort de penser que c’est un geste de réparation inutile et artificiel, qu’il vaut mieux assumer nos fautes et ce qu’elles nous ont mérité, puis le faire profiter de nos qualités pour le divertir ou le réjouir, lui donner de vraies raisons de n’en rien regretter et qui tiendront à nous.
Que notre vie devienne la mise en œuvre permanente d’une oraison mentale en tout point inconvenante pour le monde. Car c’est à cette condition que nous pourrons acquérir assez d’autorité et de confiance en la grâce pour ne pas être « partagés » et pouvoir effectuer des miracles, et non en ne cessant de réclamer pitié...
Merci pour vos réactions, observations, remarques, objections, ou commentaires...
[u][i]« Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ! »[/i][/u]
Cette prière du cœur, dite hésychaste, prépondérante dans l’orthodoxie, serait un condensé de tout ce que nous pouvons dire dans une prière, et je le crois. Maints écrits l’exposent et l’expliquent, que j’apprécie.
Elle se décompose en deux parties. La première nomme notre interlocuteur, celui que nous interpellons, et lui donne ce faisant certains titres et attributions.
La seconde constitue la prière proprement dite, qui rappelle notre condition, laquelle traduit notre besoin. Elle résume tout car pour Dieu, avoir pitié, c’est sauver. Et pour nous, être sauvés, c’est recevoir le salut auquel nous espérons ; or avec celui-ci, plus rien ne nous manque.
Sa brièveté n’a rien qui la dévalue, au contraire : Jésus a vanté les prières courtes mais sincères, et vilipendé presque grossièrement les bavardages qui les remplacent (Mathieu, 6 : 7).
Pourtant, ne sait-Il pas qui Il est et est-il nécessaire de le Lui rappeler ? Ne sait-Il pas quand nous nous adressons à Lui ? Si c’est davantage pour nous que nous effectuons ce rappel, il convient d’éviter de s’en attribuer par ricochet l’honneur, voire de s’en sentir flatté, ou de s’en gargariser : nous sommes autorisés à Lui parler !
Il convient de faire simple et d’être plus simple, et en sorte à ce qu’il n’y ait aucune utilité à nous rappeler à nous-mêmes la réalité de ce que nous faisons et de qui Il est, car ce serait le signe que nous l’aurions oublié, et l’oublier serait avoir péché ou trahi, perdu la foi.
Il convient de cesser ces artifices qui peuvent sembler spirituels mais ne sont que superflus et qui manifestent une distance : le temps que nous passons à dire cette première partie est quasiment du temps de perdu...
La seconde partie de cette prière semble avoir aboli la distance, mais même temps elle la suppose : c’est parce qu’il est ce qu’Il est que cela a du sens de Lui formuler cette demande, et c’est pourquoi aussi sans doute nous avons rappelé d’abord très subtilement sa puissance – [i]Seigneur [/i]– et de quelle provenance qui la rend souveraine et absolue – [i]fils de Dieu[/i]. Nous avons aussi rappelé son onction – [i]Christ [/i]– par laquelle il nous est la voie, le chemin, et notre médiateur universel. Nous lui avions enfin donné son nom et qui voulait déjà dire qu’il est notre sauveur.
Mais comment éviter que ce soit pour nous en convaincre ou le flatter, sinon en considérant qu’il était bon de le lui rappeler à Lui, qu’il avait cette fonction, cette mission qui est la sienne envers nous ? Comme s’il pouvait l’avoir oublié ou avoir d’autres priorités, comme si cette évocation pouvait lui « forcer la main », au risque de l’indisposer... !
En réalité, et c’est bien là le message qui nous a été donné d’apprendre et d’entendre lors de sa venue, il ne cesse d’avoir pitié de nous, de nous tendre et de nous ouvrir ses bras.
C’est donc nous qui n’y entrons pas et non lui qui nous empêche d’en bénéficier.
Cette prière, prise sous ce jour-là, en ce qu’elle en manifesterait la compréhension, ne serait alors qu’une reformulation obéissante d’âme débutante et qui n’a pas encore réfléchi, qui s’y adonne pour elle-même dans un mouvement qui est de repli sur soi et non d’extase, de joie et d’adhésion profonde. Elle donne l’indice défavorable d’un retard à l’allumage (Luc, 12 : 49), d’une affinité défectueuse. Car après réflexion, ce que nous avons à lui dire n’est plus d’avoir pitié, mais de l’en remercier, de lui demander pardon de ne pas l’avoir mieux compris ou plus tôt, d’exprimer notre joie et notre gratitude, de lui préciser nos intentions.
Et cette réflexion, quand elle est la meilleure, elle se doit d’être spontanée, instantanée, sans ce détour.
Cette prière était excellente de la part de ses contemporains (Timée notamment : (Marc, 10 :47)), pour qui son contenu était un acte de foi car ils ne Le connaissaient pas encore et en cela ils exprimaient une intuition juste qui leur valut d’être exhaussés, mais de notre part elle serait hypocrite ou offensante, elle traduirait un malaise profond, une incompréhension, la dureté d’un cœur récalcitrant ou moqueur, sceptique.
Elle n’est acceptable qu’après nous être détournés de lui et nous savoir indignes de ce qu’il nous offre.
Bien sûr, la théologie nous enseigne que c’est le cas, mais est-ce bien ce que nous ressentons et nous faut-il en rester à ce sentiment, est-ce ce vraiment ce qu’il attend de nous ?
Après tout ce qu’il a fait, ne préférerait-il pas recevoir une effusion d’amour, et non ce rappel d’un fait pour lequel il a tant souffert et qui pourrait ainsi occulté mais suggéré, témoigner d’un certain égoïsme malvenu ?
A moins que nous n’embrassions ses plaies et nous consacrions à les soigner... (De multiples dévotions publiques ou privées en rendent compte, mais ne sont-elles pas quelque peu décalées et retardataires, incongrues ?)
J’ai le tort de penser que c’est un geste de réparation inutile et artificiel, qu’il vaut mieux assumer nos fautes et ce qu’elles nous ont mérité, puis le faire profiter de nos qualités pour le divertir ou le réjouir, lui donner de vraies raisons de n’en rien regretter et qui tiendront à nous.
Que notre vie devienne la mise en œuvre permanente d’une oraison mentale en tout point inconvenante pour le monde. Car c’est à cette condition que nous pourrons acquérir assez d’autorité et de confiance en la grâce pour ne pas être « partagés » et pouvoir effectuer des miracles, et non en ne cessant de réclamer pitié...
[b]Merci pour vos réactions, observations, remarques, objections, ou commentaires...[/b]