L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

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Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Coco lapin » ven. 04 oct. 2024, 9:29

Bonjour Gaudens,

J'ai cité à nouveau Unam Sanctam parce que le pape répond en quelque sorte à la phrase "rendez à César..." par la théorie des deux glaives : en effet, il est bon que le pouvoir civil soit aux mains des rois et que les affaires religieuses soient gérées par le pape, mais en dernière instance c'est le pape qui a autorité sur le roi, ainsi que sur le simple paroissien de campagne.
Chacun doit donc obéir aux ordres du pape s'ils sont légitimes (pour qu'une loi ait force de loi, il faut qu'elle soit juste, cf Thomas d'Aquin). C'est ce qui a été dogmatisé de façon définitive par Boniface VIII.
Il y a donc une hiérarchie bien ordonnée. Que ce soit pape > roi ou mari > femme, je ne vois pas ce qu'il y a de révoltant.
Bien sûr les deux ne sont pas tout à fait comparables car le mari gère le quotidien et devra faire preuve d'autorité avec sa femme assez souvent, alors que le pape ne s'occupe pas des affaires des rois en temps normal, et il n'interviendra que rarement pour leur imposer un truc. Mais dans les deux cas, il y a devoir d'obéissance.

Quant à l'Eglise catholique, elle peut se tromper, et elle se trompe sur l'inerrance de la Sainte Écriture, mais elle reste néanmoins la seule véritable Eglise fondée par Jésus-Christ.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Gaudens » jeu. 03 oct. 2024, 20:09

Bonsoir Cocolapin,
Votre réponse d’hier soir me laisse devant bien des interrogations au sujet de votre manière de raisonner ( vous me répondez en re-citant la bulle Unam Sanctam de Boniface VIII(1303) alors que je vous oppose une phrase claire de l’Evangile, ce qui me semble relever chez vous de la réflexion purement circulaire…) mais surtout au sujet de vos motivations.

Dans bien des posts de ce fil ou d’autres , vous semblez appartenir à la catégorie la plus intégriste des catholiques ultramontains imaginables : deux vos affirmations sont à cet égard étonnantes :
« Le pape n'a pas vocation à régir ce qui relève de la politique, ni à devenir un méchant tyran, mais s'il décide d'envoyer une injonction particulière, vous êtes tenu d'obéir.
Il ne s'agit pas d'obéir aveuglément, mais d'accepter l'autorité suprême du pape, dont l'étendue est sans limite (c'est ce qui vous fait peur, semble-t-il, comme une femme qui a peur de devoir obéir à tous les caprices de son mari, alors qu'il n'y a pourtant pas de devoir d'obéissance quand les commandements sont clairement abusifs ou insensés*). »


Je vous redemande donc :reprenez-vous ces affirmations à votre compte, comme un catholique aussi soumis en toutes choses à son pape que femme à son mari (enfin,autrefois ! …) ? Ou au contraire,puisque vous pensez que l’Ecriture Sainte et l’Eglise se trompent (votre récente affirmation dans ce fil de discussion) et que l’Eglise catholique n’en est qu’une parmi d’autres (dont les Réformées), pointez-vous du doigt le caractère absurde et inacceptable de la foi catholique ?
J’ai pensé un moment vous poser cette question en MP mais je pense que tous les contributeurs et lecteurs de ce forum méritent d’avoir la réponse tout autant que moi.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Coco lapin » mer. 02 oct. 2024, 19:36

Bonjour Gaudens,
Gaudens a écrit :Le serment d’obéissance cité dans Unam Sanctam s’appliquait probablement au clergé (tout comme feu le serment anti-moderniste),je suppose.On n’a jamais demandé cela aux laïcs que nous sommes.
Le serment anti-moderniste est dogmatique. Il n'est plus récité systématiquement, mais il est toujours contraignant en matière de foi. Tous les catholiques sont obligés d'y adhérer s'ils veulent rester catholiques.
Gaudens a écrit :D’abord, Notre Seigneur ne nous a pas demandé de Lui obéir ou d’obéir à Son Vicaire dans les choses temporelles ("matérielles",comme vous dites)où il n’interférait pas (« qui m’a établi pour régler vos litiges et vos partages,etc…. ? » ; »Rendez à César ce qui est à César »….).
Boniface VIII précisait dans sa bulle : « Les paroles de l’Évangile nous l’enseignent : en elle et en son pouvoir il y a deux glaives, le spirituel et le temporel […]... Les deux sont donc au pouvoir de l’Eglise, le glaive spirituel et le glaive matériel. Cependant l’un doit être manié pour l’Eglise, l’autre par l’Eglise. L’autre par la main du prêtre, l’un par la main du roi et du soldat, mais au consentement et au gré du prêtre.
Or il convient que le glaive soit sous le glaive, et que l’autorité temporelle soit soumise au pouvoir spirituel…Que le pouvoir spirituel doive l’emporter en dignité et en noblesse sur toute espèce de pouvoir terrestre, il nous faut le reconnaître d’autant plus nettement que les réalités spirituelles ont le pas sur les temporelles… Comme la Vérité l’atteste : il appartient au pouvoir spirituel d’établir le pouvoir terrestre, et de le juger s’il n’a pas été bon...
»

Le pape n'a pas vocation à régir ce qui relève de la politique, ni à devenir un méchant tyran, mais s'il décide d'envoyer une injonction particulière, vous êtes tenu d'obéir.
Gaudens a écrit :Vous verriez vous ensuite obéir à n’importe quelle injonction,non seulement temporelle mais même spirituelle , dans le genre « j’ai établi de nouveaux péchés,obéissez ! » ?Nous sommes tenus d’obéir à ce qui respecte la Parole de Dieu et la Tradition immémoriale de l’Eglise, pas à ce qui relève de circonstances politiques.Dans ce domaine il nous est seulement demandé une attention bienveillante à ce que dit ledit Vicaire.
Le devoir d'obéissance n'existe pas lorsque le chef ordonne quelque chose d'absurde ou d'immoral. Mais du point de vue catholique, le pape est habilité à établir de nouveaux péchés ou de nouveaux dogmes.
Gaudens a écrit :L’encyclique de Pie XII que vous citez enfin élève heureusement le débat :il s’agit d’adhérer fidèlement au Vicaire du Christ sur la Terre », adhérer,pas obéir aveuglément.Adhérer c’est le reconnaitre, lui être fidèle, ne pas l’abandonner dans sa mission de conservation et de transmission de la foi et cela, vous comme moi, je pense y sommes prêts.Non ?
Le pape tient la place du Christ sur terre, donc s'il vous donne un commandement juste, vous devez obéir, quel que soit le domaine (à moins, bien sûr, que le commandement soit injuste, immoral, etc). Il ne s'agit pas d'obéir aveuglément, mais d'accepter l'autorité suprême du pape, dont l'étendue est sans limite (c'est ce qui vous fait peur, semble-t-il, comme une femme qui a peur de devoir obéir à tous les caprices de son mari, alors qu'il n'y a pourtant pas de devoir d'obéissance quand les commandements sont clairement abusifs ou insensés*).
* Ce qui ne vaut pas pour Dieu, bien entendu. Si le Seigneur vous donne un ordre qui a l'air complètement insensé (comme il aime à le faire parfois), un conseil : obéissez quand même ;-)

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Gaudens » mer. 02 oct. 2024, 16:29

Bonjour Cocolapin,
Vos réponses en appellent plusieurs de mon côté :
Le serment d’obéissance cité dans Unam Sanctam s’appliquait probablement au clergé (tout comme feu le serment anti-moderniste),je suppose.On n’a jamais demandé cela aux laïcs que nous sommes.
Vous faites de plus un vrai solécisme à partir de ce « serment » :
1.On doit obéissance au pape,
2.Unam Sanctam ne précise pas à quoi il faut obéir,
3.on doit donc obéir en tout, dans le spirituel comme dans le temporel. CQFD…
D’abord, Notre Seigneur ne nous a pas demandé de Lui obéir ou d’obéir à Son Vicaire dans les choses temporelles ("matérielles",comme vous dites)où il n’interférait pas (« qui m’a établi pour régler vos litiges et vos partages,etc…. ? » ; »Rendez à César ce qui est à César »….).
Vous verriez vous ensuite obéir à n’importe quelle injonction,non seulement temporelle mais même spirituelle , dans le genre « j’ai établi de nouveaux péchés,obéissez ! » ?Nous sommes tenus d’obéir à ce qui respecte la Parole de Dieu et la Tradition immémoriale de l’Eglise, pas à ce qui relève de circonstances politiques.Dans ce domaine il nous est seulement demandé une attention bienveillante à ce que dit ledit Vicaire.


L’encyclique de Pie XII que vous citez enfin élève heureusement le débat :il s’agit d’adhérer fidèlement au Vicaire du Christ sur la Terre », adhérer,pas obéir aveuglément.Adhérer c’est le reconnaitre, lui être fidèle, ne pas l’abandonner dans sa mission de conservation et de transmission de la foi et cela, vous comme moi, je pense y sommes prêts.Non ?

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Coco lapin » dim. 29 sept. 2024, 19:56

Bonsoir Gaudens,
Gaudens a écrit :quand vous dires que Dieu a permis qu'il y ait des erreurs dans les Saintes Ecritures (point que je ne vous contesterais pas à condition de définir ce que l'on entend par là), vous allez contre le dogme de l'inerrance des Ecritures et vous mettez (formellement) en dehors de la foi catholique:de même quand vous ajoutez que l'Eglise a tort de se croire infaillible! Formellement vous n'êtes déjà plus catholique en affirmant cela...
Oui, j'étais au courant, vous ne m'apprenez rien de nouveau.
Mais c'est pareil pour vous :

« Cette autorité cependant, bien que donnée à un homme et exercée par un homme, n’est pas un pouvoir humain, mais bien plutôt divin. Donné à Pierre de la bouche de Dieu, confirmé pour lui et ses successeurs dans le Christ lui-même qu’il a confessé, lui, le roc, lorsque le Seigneur dit à Pierre lui-même : « Tout ce que tu lieras », etc. Quiconque par conséquent résiste à ce pouvoir ordonné par Dieu, « résiste à ce que Dieu a ordonné », à moins qu’il n’imagine, comme Manès, deux principes, ce que nous jugeons faux et hérétique, car au témoignage de Moïse ce n’est pas dans les principes, mais « dans le principe (que) Dieu a créé le ciel et la terre »
(Boniface VIII, bulle Unam Sanctam, 1302)

« Je reconnais la sainte, catholique et apostolique Eglise romaine comme la Mère et la maîtresse de toutes les Eglises. Je promets et je jure vraie obéissance au pontife romain, successeur du bienheureux Pierre, chef des apôtres, et vicaire de Jésus Christ. »
(Pie IV, Profession de foi tridentine, bulle Injunctum Nobis, 1564)

Il n'y a pas écrit : "je jure obéissance seulement pour les choses spirituelles".
Ce devoir d'obéissance n'est plus respecté de nos jours, mais il n'a jamais été aboli.
Vous êtes donc bel et bien hérétique vous aussi. Vraiment navré.

« Car Pierre, par la vertu du primat, n’est que le Vicaire du Christ, et il n’y a par conséquent qu’une seule tête principale de ce corps, à savoir le Christ ; c’est lui qui sans cesser de gouverner mystérieusement l’Eglise par lui-même la dirige pourtant visiblement par celui qui tient sa place sur terre, car depuis sa glorieuse Ascension dans le ciel, elle ne repose plus seulement sur lui, mais aussi sur Pierre comme sur un fondement visible pour tous. Que le Christ et son Vicaire ne forment ensemble qu’une seule tête, Notre immortel prédécesseur Boniface VIII l’a officiellement enseigné dans sa lettre apostolique Unam sanctam et ses successeurs n’ont jamais cessé de le répéter après lui.
Ceux-là se trompent donc dangereusement qui croient pouvoir s’attacher au Christ tête de l’Eglise sans adhérer fidèlement à son Vicaire sur la terre. Car en supprimant ce Chef visible, et en brisant les liens lumineux de l’unité, ils obscurcissent et déforment le Corps mystique du Rédempteur au point qu’il ne puisse plus être reconnu ni trouvé par les hommes en quête du port du salut éternel.
»
(Pie XII, encyclique Mystici Corporis, 1943)

Diriez-vous au Seigneur Jésus que vous voulez bien lui obéir pour les choses spirituelles, mais que, en ce qui concerne les choses matérielles, Il n'a pas le droit de se mêler de vos affaires ?

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Gaudens » sam. 28 sept. 2024, 22:16

Bonsoir Cocolapin,
Il y a donc dogme et dogme. Les grands, christologiques et trinitaires (l'Immaculée Conception de Marie n'en est pas loin) , et les petits pas "de foi catholique" puisqu'il manque souvent telle ou telle formule dans leur proclamation. Dogme ou doctrine, déjà, est-ce la même chose? Il ne me semble pas.
En l'espèce celle d'Unam Sanctam est purement politique et circonstancielle, née dans le conflit entre le pape et les souverains européens ( situation qui était aussi celle du Vénérable Pie IX)et ne conditionne certainement pas la foi catholique de toujours ;sinon,jusqu'où irait-on? Devrions-nous traiter identiquement les péchés supposés contre les migrants et l'environnement, chers au pape actuel ?
Quant à la première bulle Benedictus Deux, elle est d'une autre nature,non politique et non circonstancielle mais tout de même assez secondaire par rapport aux grands dogmes.A sa manière,elle me rappelle le "dogme des Energies divines" inspiré par la spiritualité de Saint Grégoire Palamas et qui fut et est toujours mezzo voce propagé par l'Eglise de Constantinople alors que d'autres Eglises orthodoxes et notre Eglise catholique la rejettent plus ou moins totalement....En tout cas,là non plus,rien qui conditionne la foi orthodoxe et catholique.
Je ne cesse donc pas d'être catholique en renvoyant Unam Sanctam à l'histoire et en laissant Benedictus Deus à la sagesse de l'Eglise.
Par contre quand vous dires que Dieu a permis qu'il y ait des erreurs dans les Saintes Ecritures (point que je ne vous contesterais pas à condition de définir ce que l'on entend par là), vous allez contre le dogme de l'inerrance des Ecritures et vous mettez (formellement) en dehors de la foi catholique:de même quand vous ajoutez que l'Eglise a tort de se croire infaillible! Formellement vous n'êtes déjà plus catholique en affirmant cela...
Un peu de modestie dans ce genre d'exclusion d'autres opinions me semble donc d'imposer à nous tous, tant le maniement de certains concepts s'avère délicat.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Coco lapin » jeu. 26 sept. 2024, 17:02

Bonjour Gaudens,

Vous connaissez certainement la définition de l'infaillibilité dans Pastor Aeternus : le pape est infaillible lorsqu'il définit une doctrine, en matière de foi ou de moeurs, qui doit être tenue par toute l'Eglise. Or selon le principe des dogmes catholiques, le pape n'a pas gagné le privilège de l'infaillibilité à partir du concile Vatican I, les papes étaient déjà infaillibles aux mêmes conditions depuis Saint Pierre. Et il suffit de lire Unam Sanctam pour s'apercevoir que Boniface VIII entendait définir une doctrine de foi. Donc même si les termes employés ne sont pas aussi solennels que pour d'autres définitions, celle de Unam Sanctam est bien dogmatique. A propos, elle n'a pas été aussitôt oubliée puisque Pie IX en rappelait encore les principes dans son magistère. Ce n'est que plus tard que l'Eglise a changé de politique, en faisant mine d'oublier l'existence de cette bulle. Mais elle n'a jamais été abrogée (elle figure d'ailleurs dans le Denzinger), et aucune définition contraire n'est venue s'y opposer, à ce que je sache.

L'autre bulle est incontournable, c'est bizarre que vous ne l'ayez pas trouvée. La voici :
https://laportelatine.org/formation/mag ... -deus-1336
Vous pouvez constater qu'elle porte sur les fins dernières et qu'elle fait partie intégrante de la foi catholique.
Ineffabilis Deus n'est donc pas la première définition d'un dogme par un pape. Même si l'expression "dogme révélé de Dieu" ne figure pas dans les deux bulles du XIVeme siècle, ce sont quand même des définitions dogmatiques. Si vous les rejetez, vous rejetez la foi catholique.

L'assomption avait déjà été confirmée d'une certaine manière lorsque la Sainte Vierge a donné le Rosaire à Saint Dominique.

Dieu dans sa sagesse infinie, a fait en sorte qu'aucun Père de l'Eglise ne croie à l'immaculée conception. Certains s'obstinent à nier cet état de fait parce qu'ils pensent que l'Eglise ne peut formuler que des dogmes qui appartiennent à la Tradition. C'est vrai que l'Eglise s'est fixé comme principe de garder le dépôt révélé (et non d'ajouter des choses à la Révélation), et ainsi ce nouveau dogme nuit à sa crédibilité. Mais que voulez-vous, Dieu a aussi permis qu'il y ait des erreurs dans les Saintes Écritures (même si cela nuit à leur crédibilité) et que l'Eglise se prétende infaillible (même si cela nuit à sa crédibilité puisqu'elle ne l'est pas).
Je comprends donc les protestants qui nient que l'Eglise catholique (papale, diront-ils) est la seule église voulue par Jésus-Christ.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Gaudens » mer. 25 sept. 2024, 9:48

Bonjour Cocolapin,
Dire que le Pape de 1302 a engagé son infaillibilité (définie cinq siècles plus tard !) dans la bulle Unam Sanctam et que son contenu est donc un dogme comme un autre, bien qu'aussitôt et définitivement oublié,ne me parait pas sérieux.Imagine-t-on que l'Eglise oublie les définitions dogmatiques d'Ephèse et Chalcédoine ? Non, Unam Sanctam n'est pas dans le corpus dogmatique irréfragable de l'Eglise.Et j'attends toujours qu'on veuille bien nous donner le contenu de l'autre 'bulle dogmatique" , visiblement bien oubliée, que serait le Benedictus Deus du XIIIe siècle dont je peine à trouver la trace.
Tout ceci pour dire qu 'il est très vraisemblable,voire probable, que la définition pontificale de l'Immaculée Conception de 1854 ait bien été la première proclamation d'un dogme hors Concile Oecuménique, ce qui aurait été la règle, écrite ou non - à voir - , de l'Eglise depuis l'origine. Je crois plus que jamais que les apparitions de Lourdes auront été la rectification/confirmation de ce pas de clerc rendu possible par le climat ultramontain du XIXe siècle.Vous m'objecterez peut-être que le dogme de l'Assomption proclamé par Pie XII un siècle plus tard n'a fait l'objet d'aucune "confirmation" céleste et je n'aurais a priori rien à vous opposer dans l'état de mes connaissances mais bon ...
Et je suis surtout étonné (et heureux) que vous-même confessiez croire en l'Immaculée Conception alors que tout votre argumentaire amènerait à penser le contraire!

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Coco lapin » ven. 20 sept. 2024, 11:27

Gaudens a écrit :la première de ces bulles, Unam Sanctam, dans le contexte très politique de la lutte avec le roi de France Philippe le Bel (la fulmination de la bulle ayant apparemment provoqué le fameux "attentat d'Agnani") établissait la soumission absolue des princes et des nations au pape( la fameuse théorie des deux glaives):cet enseignement, évidemment très excessif, n'a-t-il pas ensuite disparu de l'enseignement de l'Eglise?
Le pape a engagé son infaillibilité dans Unam Sanctam, donc c'est un dogme comme un autre. L'Eglise a choisi d'oublier cette doctrine mais elle était bien dogmatique.
Gaudens a écrit :Quant à la seconde bulle,je ne la trouve pas:Benedictus Deus est de 1564 et confirme l'ensemble des déclarations du Concile de Trente,ni plus ni moins mais en tous cas ,elle n'est pas de 1336; y en aurait-il une autre ?
Il y a en effet deux Benedictus Deus, et je parlais de celle de 1336, écrite par Benoît XII.

Bibracte a écrit :Soit on contracte le péché originel, soit on ne le contracte pas. On ne dit pas de quelqu'un qui a été guéri d'une maladie qu'il ne l'a pas contractée ! Si Paschase dit que la Vierge n'a pas contracté le péché originel, quel que soit le moment auquel il croyait que les hommes le contractent, cela revient exactement à la doctrine de l'Immaculée Conception (= la Vierge fut entièrement et toujours préservée du péché originel)
Je préfère considérer, pour garder la cohérence du texte, que Paschase l'entendait dans un sens plus proche de l'étymologie du mot "contrahere" (con = avec, trahere = tirer vers soi, trainer). En gros, Paschase nous dit que Marie n'a pas trainé le péché originel avec elle à la naissance. Car il parle bien de sa naissance, et non de sa conception (et je pense qu'il était au courant que le péché originel se transmet dès la conception). Sinon il faudrait croire qu'il enseigne aussi l'immaculée conception de Jean-Baptiste.
Bibracte a écrit :Il dit ensuite qu'elle était exempte du péché originel ("constat eam ab omni originali peccato immunem fuisse"), sans utiliser de participe passé ; il ne dit donc pas qu'elle a été libérée, mais qu'elle était exempte (ou libre) du péché originel, après avoir dit qu'elle ne l'avait pas contracté.

Au contraire, lorsque St Thomas dit que la Vierge était exempte du péché originel, c'est pour préciser immédiatement que d'après lui elle l'avait contracté avant d'en être purifiée in utero. Il entend donc qu'elle en était exempte après sa naissance, alors que Paschase Radbert entend par là qu'elle en était exempte tout court.
Je ne dis pas que "exempt" est équivalent à "libéré" dans notre langue actuelle, je dis qu'à l'époque c'était peut-être aussi utilisé dans un sens un peu différent. Le fait que Paschase ne précise pas sa pensée immédiatement à l'instar de Saint Thomas ne signifie pas pour autant qu'il employait ce mot dans un sens absolu. D'ailleurs il précise que Marie a été sanctifiée dans le sein de sa mère, et qu'elle n'a pas contracté le péché originel à la naissance. Il n'aurait pas loupé une occasion pareille d'ajouter qu'elle était exempte du péché originel dès sa conception s'il le croyait vraiment. Au contraire, ce qu'il dit du cas de Marie ne peut pas être différencié du cas de Jean-Baptiste, et ce serait un peu absurde qu'il ait cru à sa conception immaculée à lui aussi.
Bibracte a écrit :Évidemment, au IXe siècle, la fête de l'Immaculée Conception n'était encore célébrée séparément de la Nativité de la Vierge qu'en certains lieux. Il est donc normal que Paschase n'utilise que cette dernière dans son argumentation.
Paschase dit : Fête de la Nativité = naissance sans péché originel, et vous, vous comprenez : Fête de la Nativité = conception sans péché originel. C'est pas cohérent.
Bibracte a écrit :Je ne vois pas en quoi mon interprétation est impossible. Vous pouvez remplacer "rendue pure" par "sanctifiée" ou "purifiée" dans ma phrase entre parenthèses, cela fonctionne toujours.
Non, car c'est ceux qui ne sont pas totalement purs qu'on purifie. Le mot est même "emundata", du verbe "emundare" = nettoyer, purifier. On ne nettoie que ceux qui sont sales. Bref, l'idée exprimée n'est pas que Dieu l'a créée déjà 100% pure, mais qu'il l'a purifiée après l'avoir créée, parce qu'elle n'était pas 100% pure au moment de sa création : il l'a nettoyée du péché originel.
Bibracte a écrit :L'expression "chair de péché" peut concerner simplement la matière organique "reçue" par Marie de ses parents (lesquels ont péché), ou encore le fait que Marie appartienne à l'humanité qui est en général marquée par le péché jusque dans sa nature, sans que cela n'implique que Marie ait personnellement contracté le péché originel.
"Chair de péché" ça veut dire "chair contaminée par le péché", et si Paschase précise que Marie elle-même était une chair de péché (et pas simplement qu'elle est née d'une chair de péché), c'est pas anodin. Si Marie n'a pas le péché originel ni aucune tache, elle ne peut pas avoir une chair "de péché".
Bibracte a écrit :Rien dans ce texte de St Hippolyte ne permet de penser qu'il fait ne fait référence qu'à la conception virginale du Christ. Hippolyte parle du bois, on pourrait dire en quelque sorte des "ingrédients" dont le Christ a été fait ; il ne parle aucunement de la manière dont la conception s'est opérée.
On peut le voir comme ça. Mais on peut aussi croire que la Vierge n'est pas sujette à la corruption depuis qu'elle a été purifiée. Bref, cette citation est insuffisante.
Bibracte a écrit :Le texte que vous avez trouvé ne disait pas "Immaculatam, immaculatissimam, novam maxime ac divinam largitionem, omnino immaculatam, Dei divinam sedem, Dominam semper benedictam, Evæ pretium redemptionis, fontem gratiæ, Sancti Spiritus fontem signatum, templum divinissimum, sedem Dei puram, quæ draconis nequissimi caput contrivit, quæ semper fuit tum corpore, tum anima integra et immaculata". D'ailleurs vous ne nous avez pas donné votre source, vous non plus. Je ne comprends pas pourquoi votre texte serait "le vrai".
En effet, l'autre texte n'est pas exactement pareil. Et le fait qu'il provienne d'un ouvrage consultable (j'ai donné la source avec un astérisque mais c'est passé inaperçu) le rend plus crédible. Mais il n'est pas forcément authentique.
Bibracte a écrit :Dans le texte cité, il y a une virgule : "vierge, intègre et immaculée", et non "vierge intègre et immaculée". Si je dis qu'un sportif fut "toujours fort, rapide et impressionnant", je ne dis pas qu'il était "fort rapide", mais qu'il fut toujours fort, toujours rapide et toujours impressionnant.
Pour enlever la virgule, il aurait fallu dire "une vierge intègre et immaculée". Voilà pourquoi il y a une virgule, et pourquoi il est possible de comprendre qu'il n'entend désigner ici que sa virginité de coeur et de corps. Il est aussi possible de considérer qu'Ephrem parlait d'une manière générale, et voulait seulement dire qu'elle n'avait jamais commis de fautes personnelles.
Bibracte a écrit :De plus, si votre interprétation était vraie, pourquoi préciser "tant du corps que de l'âme" ? Que veut dire "être vierge de l'âme" ? Si c'est une façon de dire que l'âme de Marie fut toujours préservée des atteintes du péché, cela revient à professer l'Immaculée Conception...
« vous qui avez été toujours vierge, intègre et immaculée tant en votre corps qu'en votre âme. »
Vous comprenez maintenant ?
Bibracte a écrit :St Bonaventure déjà cité, oui, et déjà réfuté plus haut dans ce fil... Pour le reste, toute notre discussion tourne autour de la question de l'existence ou non d'un consensus des Pères contre l'Immaculée Conception, et de l'existence ou non d'une tradition en sa faveur. Je ne vois pas l'intérêt de votre réponse ici, sauf à vouloir faire des raisonnements circulaires.
Je vous donne l'avis de théologiens (leur avis à propos du consensus des Pères) qui faisaient autorité à l'époque, et non l'avis biaisé des apologètes du XIXème siècle.
Bibracte a écrit :Je vois que vous reprenez la citation très caviardée donnée sur le site de l'auteur protestant Maxime Georgel. J'avoue que je lirais avec intérêt le texte intégral auquel je n'ai pas accès... Encore une fois, il n'est pas impossible qu'Ephrem ait été maculiste, mais ici cette citation prise dans le sens que lui donne Georgel semble contredire directement les précédentes
Il n'y a qu'une citation plutôt vague qui inciterait à croire que Saint Ephrem croyait à l'immaculée conception, tandis qu'il y en a plusieurs autres qui montrent sans ambiguité qu'il n'y croyait pas. La question est vite réglée.
Rien n'empêche d'ailleurs de demander la citation entière à Maxime Georgel qui, je le crois, est de bonne foi.
Bibracte a écrit :comme vous le reconnaissez vous-même, les Pères sont généralement au moins d'accord pour dire que la Vierge n'a pas péché après l’Annonciation
Détrompez-vous, plusieurs pères imputaient des péchés actuels à la Vierge Marie. C'est le cas d'Origène, de Tertullien, et de Jean Chrysostome.
Bibracte a écrit :J'ai l'impression que votre réponse ne tient pas compte de ce que je vous ai dit : le but de ces textes de St Ambroise n'est pas de transmettre une doctrine particulière concernant la Vierge. Rien n'empêche qu'il y ait une règle, posée ici, et une exception par intervention divine.
Saint Ambroise n'énonce pas une règle générale, il précise que Jésus-Christ est la seule exception (et c'est cette doctrine qu'il enseigne). Ce faisant, il enseigne implicitement que la Vierge Marie a été conçue avec le péché originel.
Bibracte a écrit :Comme Paschase Radbert (et contrairement à St Thomas), quand St Ambroise dit que la Vierge était exempte du péché originel, il n'ajoute pas qu'elle l'aurait contracté et puis qu'elle en aurait été purifiée dans un second temps.
La précision n'était pas forcément nécessaire. D'ailleurs la citation fournie par Guéranger m'a l'air un peu truquée. Voici celle issue de la Patrologia Latina :

« Veni ergo, et quaere ovem tuam jam non per servulos , non per mercenarios , sed per temetipsum. Suscipe me in carne, quae in Adam lapsa est. Suscipe me non ex Sarra, sed ex Maria ; ut incorruputa sit virgo, sed virgo per gratiam ab omni integra labe peccati. Porta me in cruce, quae salutaris errantibus est, in qua sola est requies fatigatis, in qua sola vivent quicumque moriuntur. »

Vous remarquerez qu'il n'y a pas de majuscule à "virgo", contrairement à ce qu'écrit Guéranger, donc j'ai l'impression que ce que dit Saint Ambroise est plus proche de : "recevez-moi dans la chair (...) afin qu'incorrompue, elle [ma chair, ou mon âme] soit vierge, mais vierge, par grâce, intacte de toute tache de péché". Bref, il commence à parler de lui, et en fait il parle pour lui : il veut être complètement lavé de tout péché.
Bibracte a écrit :Il est clair que St Ambroise ne formule pas la doctrine intégrale de l’Immaculée Conception telle que définie solennellement par Pie IX (St Ambroise ne mentionne pas explicitement le "premier instant de la conception"), mais sa doctrine mariale ne s'y oppose pas et en contient les prémices.
La doctrine christologique de Saint Ambroise s'oppose à l'immaculée conception de la Vierge. Il dit bien, comme Saint Augustin, que le Christ est LE SEUL à n'avoir pas eu le péché originel.
Moi qui croit malgré tout à l'immaculée conception de Marie, cela ne me viendrait jamais à l'idée d'affirmer avec force que Jésus est le seul à avoir été conçu sans péché. Donc je pense que c'est bien dans un sens exclusif que l'entendait Saint Ambroise. Pour lui il n'y a pas d'autre exception que Jésus-Christ.
Bibracte a écrit :A votre place je ne ferais pas une confiance aveugle à Maxime Georgel, auteur protestant évangélique, surtout en matière de mariologie...
Maxime Georgel n'est pas évangélique, mais calviniste (ils se nomment entre eux "catholiques réformés"). Néanmoins il est beaucoup plus fiable que Dom Guéranger le manipulateur.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Bibracte » jeu. 19 sept. 2024, 0:40

Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :à sa naissance, elle n'a été soumise à aucune transgression et n'a pas non plus contracté le péché originel dans le sein sanctifié."
« neque contraxit in utero sanctificata originale peccatum »
C'est vrai que le mot "contraxit" incite à croire qu'elle n'avait jamais contracté le péché originel. Mais le mot "sanctificata" ne peut pas se rapporter à "utero", qui est un nom masculin. Je pense donc plutôt que Paschase voulait dire qu'au moment de sa naissance elle ne contracta pas le péché originel, ayant été sanctifiée in utero.
Bibracte a écrit :Et plus loin encore, dans le même paragraphe : "Nunc autem..." "Mais maintenant, parce qu'elle est vénérée par l'autorité de toute l'Église, il est évident qu'elle était exempte de tout péché originel, elle par qui non seulement la malédiction de la mère Ève a été supprimée ...".
Dans le langage de l'époque, "être exempt" ou "être libre de" peut s'utiliser pour signifier "libéré de", "délivré de". C'est ainsi que l'entendait par exemple Saint Thomas d'Aquin lorsqu'il disait que la Vierge Marie était « exempte de tout péché actuel mais aussi originel, purifiée par un privilège spécial. »
Soit on contracte le péché originel, soit on ne le contracte pas. On ne dit pas de quelqu'un qui a été guéri d'une maladie qu'il ne l'a pas contractée ! Si Paschase dit que la Vierge n'a pas contracté le péché originel, quel que soit le moment auquel il croyait que les hommes le contractent, cela revient exactement à la doctrine de l'Immaculée Conception (= la Vierge fut entièrement et toujours préservée du péché originel)

Il dit ensuite qu'elle était exempte du péché originel ("constat eam ab omni originali peccato immunem fuisse"), sans utiliser de participe passé ; il ne dit donc pas qu'elle a été libérée, mais qu'elle était exempte (ou libre) du péché originel, après avoir dit qu'elle ne l'avait pas contracté.

Au contraire, lorsque St Thomas dit que la Vierge était exempte du péché originel, c'est pour préciser immédiatement que d'après lui elle l'avait contracté avant d'en être purifiée in utero. Il entend donc qu'elle en était exempte après sa naissance, alors que Paschase Radbert entend par là qu'elle en était exempte tout court.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19 Vous pouvez aussi constater que Paschase ne parle pas de la fête de la Conception mais de la fête de la Nativité de la Vierge, la mettant sur le même plan que celle de Jean-Baptiste (également sanctifié dans le sein de sa mère, mais dont la conception n'est pas réputée immaculée... "du moins jusqu'au prochain dogme de l'Eglise catholique, on n'est à l'abri de rien", ricanent les protestants).
Évidemment, au IXe siècle, la fête de l'Immaculée Conception n'était encore célébrée séparément de la Nativité de la Vierge qu'en certains lieux. Il est donc normal que Paschase n'utilise que cette dernière dans son argumentation.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :On peut très bien comprendre ce "rendre", qui suggère d'une façon ou d'une autre un changement, comme relatif à l'état dans lequel la Vierge aurait dû se trouver si elle n'avait pas été exempte du péché originel. En fait, ici, cette interprétation ( = La Vierge aurait dû être marquée par le péché originel comme tous les hommes, mais Dieu l'a rendue pure dès sa conception, elle en a donc été préservée) est la seule qui permette de conserver la cohérence interne du texte de Paschase Radbert, cohérence interne qui ne saurait être mise en doute s'agissant d'un des théologiens les plus fameux de son temps.
En réalité il n'y a pas de "rendre", la bonne traduction c'est : "sanctifiée et purifiée". Donc votre interprétation est impossible, justement pour garder la cohérence interne du texte de Paschase, qui nous dit que Marie était une chair de péché et qu'elle a été purifiée. En fait, il est probable que Paschase, comme la plupart des théologiens de son époque, croyait à une double purification : une première dans le sein maternel (comme un baptême intra utérin venant éliminer le péché originel), et une deuxième au moment de l'Annonciation (allant jusqu'à supprimer le "foyer de péché" et toute trace de péché, ainsi la purification est totale).
Je ne vois pas en quoi mon interprétation est impossible. Vous pouvez remplacer "rendue pure" par "sanctifiée" ou "purifiée" dans ma phrase entre parenthèses, cela fonctionne toujours.

L'expression "chair de péché" peut concerner simplement la matière organique "reçue" par Marie de ses parents (lesquels ont péché), ou encore le fait que Marie appartienne à l'humanité qui est en général marquée par le péché jusque dans sa nature, sans que cela n'implique que Marie ait personnellement contracté le péché originel. Quelle que soit la façon dont Paschase Radbert se représentait la conception, l'animation et la croissance in utero d'un humain et de Marie en particulier, nous avons vu qu'il disait qu'elle n'avait pas contracté le péché originel.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :Pour St Hippolyte au moins, votre position ici est extrêmement dure à défendre : l'image du bois non sujet à la corruption humaine paraît clairement concerner Marie dans son être même. Surtout, la citation d'Hippolyte se présente ainsi :

"Le Seigneur était exempt du péché, étant formé de bois non sujet à la corruption humaine ; savoir, de la Vierge et de l’Esprit Saint".

Si donc c'est l'Esprit Saint qui avait purifié Marie au moment de la conception du Christ, comment expliquer que St Hippolyte commence par mentionner la Vierge, séparément de l’Esprit Saint ? Il paraît clair que pour lui, la Vierge, d’une part, et l’Esprit Saint, d’autre part, étaient plus que purs : "non sujets à la corruption humaine". Un chose est d'être pur à un moment, une autre de ne pas être sujet à la corruption.
Cette citation fait surtout allusion à la conception virginale. Le Christ ne pouvait pas être corrompu, parce qu'il n'est pas né de l'accouplement d'un homme et d'une femme. Ensuite on peut voir la Vierge comme "non sujette à la corruption humaine" en un certain sens, à partir du moment où elle a été totalement purifiée. D'ailleurs elle n'a été coupable d'aucune faute humaine et son corps n'a en effet pas été livré à la corruption mais est allé directement au Ciel.
Rien dans ce texte de St Hippolyte ne permet de penser qu'il fait ne fait référence qu'à la conception virginale du Christ. Hippolyte parle du bois, on pourrait dire en quelque sorte des "ingrédients" dont le Christ a été fait ; il ne parle aucunement de la manière dont la conception s'est opérée.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :Non, mais j’aurais dû donner la référence : Oratio ad S. Dei Genitricem. Opp. t. III, p. 945.
La source est introuvable, donc vu que le texte que j'ai trouvé est très similaire, je pense que c'est celui-là le vrai, et non celui fourni par Dom Guéranger.
Le texte que vous avez trouvé ne disait pas "Immaculatam, immaculatissimam, novam maxime ac divinam largitionem, omnino immaculatam, Dei divinam sedem, Dominam semper benedictam, Evæ pretium redemptionis, fontem gratiæ, Sancti Spiritus fontem signatum, templum divinissimum, sedem Dei puram, quæ draconis nequissimi caput contrivit, quæ semper fuit tum corpore, tum anima integra et immaculata". D'ailleurs vous ne nous avez pas donné votre source, vous non plus. Je ne comprends pas pourquoi votre texte serait "le vrai".
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :Votre première citation semble montrer que St Ephrem n'était pas maculiste, surtout parce qu'il dit "vous qui avez été toujours...", ce qui s'oppose à la théorie dune purification intervenue au cours de la vie de Marie.
C'est le mot "vierge" qui suit premièrement le mot "toujours". En général, quand les Pères parlent de Marie comme d'une "vierge immaculée", ils entendent désigner sa virginité restée intacte (aussi bien en pensée qu'en acte), mais sans pour autant croire à une conception immaculée.
Dans le texte cité, il y a une virgule : "vierge, intègre et immaculée", et non "vierge intègre et immaculée". Si je dis qu'un sportif fut "toujours fort, rapide et impressionnant", je ne dis pas qu'il était "fort rapide", mais qu'il fut toujours fort, toujours rapide et toujours impressionnant.

De plus, si votre interprétation était vraie, pourquoi préciser "tant du corps que de l'âme" ? Que veut dire "être vierge de l'âme" ? Si c'est une façon de dire que l'âme de Marie fut toujours préservée des atteintes du péché, cela revient à professer l'Immaculée Conception... Mais comme pour la citation de St Hippolyte, vous semblez avoir tendance à tout ramener à la virginité de Marie, même lorsqu'il est évident que les auteurs ne parlent pas de cela, ou pas seulement.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :Peut-être donc que St Ephrem était maculiste : ce n'est pas un problème tant que la tradition contraire a pu se transmettre, et tant qu'il n'y a pas eu consensus des Pères contre l'Immaculée Conception.
La tradition contraire n'existe pas, et les premiers défenseurs de l'immaculée conception de Marie avaient conscience qu'aucun Père de l'Eglise n'avait jamais soutenu leur opinion. Bien au contraire, il y a un consensus des Pères, comme l'affirment Saint Bonaventure (déjà cité) et Pierre Lombard (qui parle de "témoignage concordant des Saints"), en faveur de la maculée conception de la Vierge.
St Bonaventure déjà cité, oui, et déjà réfuté plus haut dans ce fil... Pour le reste, toute notre discussion tourne autour de la question de l'existence ou non d'un consensus des Pères contre l'Immaculée Conception, et de l'existence ou non d'une tradition en sa faveur. Je ne vois pas l'intérêt de votre réponse ici, sauf à vouloir faire des raisonnements circulaires.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :La troisième citation ne dit pas du tout que Marie a commis un péché. On comprend très bien qu'elle ait pu vouloir, sans commettre de faute, que son Fils, le Sauveur, soit glorifié et honoré par les foules, cela n'avait rien de vain. De fait, dans la vie courante, deux personnes peuvent être en désaccord sur une conduite à tenir sans nécessairement que ce désaccord soit lié à un péché de l'un des deux.
« Qu’avait-elle dit de mal ? […] elle avait douté de sa parole, en disant : ils n’ont plus de vin. […] Marie s’empressa de remplacer les apôtres pour exécuter les ordres du Seigneur. Cependant, elle n’avait pas pour rôle de donner des conseils, de commander, ou de prévenir la parole de Jésus ; aussi la réprimanda-t-il, parce qu’elle avait agi avec précipitation. »
Vu le texte, il est clair que Saint Ephrem attribue à Marie une faute, voire plusieurs.
Je vois que vous reprenez la citation très caviardée donnée sur le site de l'auteur protestant Maxime Georgel. J'avoue que je lirais avec intérêt le texte intégral auquel je n'ai pas accès... Encore une fois, il n'est pas impossible qu'Ephrem ait été maculiste, mais ici cette citation prise dans le sens que lui donne Georgel semble contredire directement les précédentes (et au passage toute la Tradition : comme vous le reconnaissez vous-même, les Pères sont généralement au moins d'accord pour dire que la Vierge n'a pas péché après l’Annonciation.)
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19
Bibracte a écrit :Rien de cela ne parle explicitement de la Vierge, ni ne dit qu'elle a été purifiée après sa conception.
Le fait que de nombreux Pères aient parlé ainsi du Christ comme seul n'ayant pas péché par opposition au reste de l'humanité n'est pas un très bon argument. Il est évident que le but de ces textes est de mettre en valeur l'impeccabilité du Christ et non de transmettre une doctrine particulière concernant la Vierge. Rien n'oblige donc à interpréter ces textes de façon maximaliste, surtout lorsque leur auteur a lui-même dit que Marie était exempte de toute tache de péché.
Si Saint Ambroise croyait à l'immaculée conception de la Vierge, il n'aurait pas autant insisté sur le fait que seul le Christ a été conçu sans péché car seul issu d'une conception virginale, et que quiconque nait de l'union d'un homme et d'une femme hérite du péché originel. Doctrine qui a été reprise par Saint Augustin, qui a déclaré : « [Ambroise] dit que, sous l’influence de l’union des deux sexes, personne ne peut être exempt de péché ; et que, si Jésus-Christ en est exempt, c’est que sa conception a été miraculeuse et divine. » (Augustin, Contre Julien I, livre I, 32)
J'ai l'impression que votre réponse ne tient pas compte de ce que je vous ai dit : le but de ces textes de St Ambroise n'est pas de transmettre une doctrine particulière concernant la Vierge. Rien n'empêche qu'il y ait une règle, posée ici, et une exception par intervention divine. Comme Paschase Radbert (et contrairement à St Thomas), quand St Ambroise dit que la Vierge était exempte du péché originel, il n'ajoute pas qu'elle l'aurait contracté et puis qu'elle en aurait été purifiée dans un second temps.
Coco lapin a écrit : mer. 18 sept. 2024, 17:19 D'après Maxime Georgel, « le prêtre dominicain Boniface Ramsey, professeur au Séminaire de l’Immaculée Conception de l’université Seton Hall et biographe de saint Ambroise, conclut ainsi son examen de la mariologie d’Ambroise : Nous ne trouvons pas encore les doctrines de l’Immaculée Conception de Marie et de son Assomption chez Ambroise. »
Il est clair que St Ambroise ne formule pas la doctrine intégrale de l’Immaculée Conception telle que définie solennellement par Pie IX (St Ambroise ne mentionne pas explicitement le "premier instant de la conception"), mais sa doctrine mariale ne s'y oppose pas et en contient les prémices. A votre place je ne ferais pas une confiance aveugle à Maxime Georgel, auteur protestant évangélique, surtout en matière de mariologie...

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Bibracte » mer. 18 sept. 2024, 22:03

Gaudens a écrit : mer. 18 sept. 2024, 19:00
Pour Bibracte: Sainte Bernadette n'était pas "démunie et pas très au fait des actualités théologiques": c'était une enfant de 14 ans,totalement misérable et qui n'avait même pas encore pu commencer son catéchisme,d'ailleurs enseigné dans une langue,le français, qu'elle ne parlait ni ne comprenait. La Sainte Vierge avait donc bien choisi sa messagère pour éviter tout risque de voir le message comme une consigne transmise à la voyante par un parti théologique quelconque.
Je suis bien d'accord, je faisais un euphémisme.
Gaudens a écrit : mer. 18 sept. 2024, 19:00 Et certes,les révélations privées ne sont pas de foi mais passé le degré de confirmation donné par les plus hautes autorités religieuses,fondées sur un examen sérieux et minutieux,le doute est-il vraiment permis?
Les fidèles sont libres de ne pas y adhérer. Il reste que l'étude de évènement conduit à mon avis une raison droite à la conclusion que ces apparitions ont bien eu lieu, mais c'est une question distincte de celle de la confirmation par l'autorité.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Gaudens » mer. 18 sept. 2024, 19:00

Coco lapin a écrit : mar. 17 sept. 2024, 19:25 Bonjour Gaudens
Gaudens a écrit :ce dogme est le premier à n'avoir pas été adopté en Concile Oecuménique, ce qui me semble avoir été la règle depuis l'origine de l'Eglise.
Non, vous avez aussi, par exemple, les définitions issues des bulles Unam Sanctam (1302) et Benedictus Deus (1336).
Je remercie Bibracte et Cocolapin mais ne suis pas totalement convaincu de la réponse de celui-ci :la première de ces bulles, Unam Sanctam, dans le contexte très politique de la lutte avec le roi de France Philippe le Bel (la fulmination de la bulle ayant apparemment provoqué le fameux "attentat d'Agnani") établissait la soumission absolue des princes et des nations au pape( la fameuse théorie des deux glaives):cet enseignement, évidemment très excessif, n'a-t-il pas ensuite disparu de l'enseignement de l'Eglise? On aurait bien de la peine à le retrouver dans le CEC,,par exemple ! Ce ne peut donc être considéré comme un dogme tels ceux des sept premiers Concile, voire même de Trente(la Transsubstantation : explicitation ou dogme nouveau ?). Quant à la seconde bulle,je ne la trouve pas:Benedictus Deus est de 1564 et confirme l'ensemble des déclarations du Concile de Trente,ni plus ni moins mais en tous cas ,elle n'est pas de 1336; y en aurait-il une autre ?

Pour Bibracte: Sainte Bernadette n'était pas "démunie et pas très au fait des actualités théologiques": c'était une enfant de 14 ans,totalement misérable et qui n'avait même pas encore pu commencer son catéchisme,d'ailleurs enseigné dans une langue,le français, qu'elle ne parlait ni ne comprenait. La Sainte Vierge avait donc bien choisi sa messagère pour éviter tout risque de voir le message comme une consigne transmise à la voyante par un parti théologique quelconque. Et certes,les révélations privées ne sont pas de foi mais passé le degré de confirmation donné par les plus hautes autorités religieuses,fondées sur un examen sérieux et minutieux,le doute est-il vraiment permis?[/quote]

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Coco lapin » mer. 18 sept. 2024, 17:19

Bibracte a écrit :à sa naissance, elle n'a été soumise à aucune transgression et n'a pas non plus contracté le péché originel dans le sein sanctifié."
« neque contraxit in utero sanctificata originale peccatum »
C'est vrai que le mot "contraxit" incite à croire qu'elle n'avait jamais contracté le péché originel. Mais le mot "sanctificata" ne peut pas se rapporter à "utero", qui est un nom masculin. Je pense donc plutôt que Paschase voulait dire qu'au moment de sa naissance elle ne contracta pas le péché originel, ayant été sanctifiée in utero.
Vous pouvez aussi constater que Paschase ne parle pas de la fête de la Conception mais de la fête de la Nativité de la Vierge, la mettant sur le même plan que celle de Jean-Baptiste (également sanctifié dans le sein de sa mère, mais dont la conception n'est pas réputée immaculée... "du moins jusqu'au prochain dogme de l'Eglise catholique, on n'est à l'abri de rien", ricanent les protestants).
Bibracte a écrit :Et plus loin encore, dans le même paragraphe : "Nunc autem..." "Mais maintenant, parce qu'elle est vénérée par l'autorité de toute l'Église, il est évident qu'elle était exempte de tout péché originel, elle par qui non seulement la malédiction de la mère Ève a été supprimée ...".
Dans le langage de l'époque, "être exempt" ou "être libre de" peut s'utiliser pour signifier "libéré de", "délivré de". C'est ainsi que l'entendait par exemple Saint Thomas d'Aquin lorsqu'il disait que la Vierge Marie était « exempte de tout péché actuel mais aussi originel, purifiée par un privilège spécial. »
Je vous invite d'ailleurs à lire tout le passage sur Saint Thomas d'Aquin dans l'article de Maxime Georgel, c'est très instructif.
Bibracte a écrit :On peut très bien comprendre ce "rendre", qui suggère d'une façon ou d'une autre un changement, comme relatif à l'état dans lequel la Vierge aurait dû se trouver si elle n'avait pas été exempte du péché originel. En fait, ici, cette interprétation ( = La Vierge aurait dû être marquée par le péché originel comme tous les hommes, mais Dieu l'a rendue pure dès sa conception, elle en a donc été préservée) est la seule qui permette de conserver la cohérence interne du texte de Paschase Radbert, cohérence interne qui ne saurait être mise en doute s'agissant d'un des théologiens les plus fameux de son temps.
En réalité il n'y a pas de "rendre", la bonne traduction c'est : "sanctifiée et purifiée". Donc votre interprétation est impossible, justement pour garder la cohérence interne du texte de Paschase, qui nous dit que Marie était une chair de péché et qu'elle a été purifiée. En fait, il est probable que Paschase, comme la plupart des théologiens de son époque, croyait à une double purification : une première dans le sein maternel (comme un baptême intra utérin venant éliminer le péché originel), et une deuxième au moment de l'Annonciation (allant jusqu'à supprimer le "foyer de péché" et toute trace de péché, ainsi la purification est totale).
Bibracte a écrit :Pour St Hippolyte au moins, votre position ici est extrêmement dure à défendre : l'image du bois non sujet à la corruption humaine paraît clairement concerner Marie dans son être même. Surtout, la citation d'Hippolyte se présente ainsi :

"Le Seigneur était exempt du péché, étant formé de bois non sujet à la corruption humaine ; savoir, de la Vierge et de l’Esprit Saint".

Si donc c'est l'Esprit Saint qui avait purifié Marie au moment de la conception du Christ, comment expliquer que St Hippolyte commence par mentionner la Vierge, séparément de l’Esprit Saint ? Il paraît clair que pour lui, la Vierge, d’une part, et l’Esprit Saint, d’autre part, étaient plus que purs : "non sujets à la corruption humaine". Un chose est d'être pur à un moment, une autre de ne pas être sujet à la corruption.
Cette citation fait surtout allusion à la conception virginale. Le Christ ne pouvait pas être corrompu, parce qu'il n'est pas né de l'accouplement d'un homme et d'une femme. Ensuite on peut voir la Vierge comme "non sujette à la corruption humaine" en un certain sens, à partir du moment où elle a été totalement purifiée. D'ailleurs elle n'a été coupable d'aucune faute humaine et son corps n'a en effet pas été livré à la corruption mais est allé directement au Ciel.
Bibracte a écrit :Non, mais j’aurais dû donner la référence : Oratio ad S. Dei Genitricem. Opp. t. III, p. 945.
La source est introuvable, donc vu que le texte que j'ai trouvé est très similaire, je pense que c'est celui-là le vrai, et non celui fourni par Dom Guéranger.

Bibracte a écrit :Votre première citation semble montrer que St Ephrem n'était pas maculiste, surtout parce qu'il dit "vous qui avez été toujours...", ce qui s'oppose à la théorie dune purification intervenue au cours de la vie de Marie.
C'est le mot "vierge" qui suit premièrement le mot "toujours". En général, quand les Pères parlent de Marie comme d'une "vierge immaculée", ils entendent désigner sa virginité restée intacte (aussi bien en pensée qu'en acte), mais sans pour autant croire à une conception immaculée. De plus, Saint Ephrem croyait que la Vierge avait péché à Cana, donc pour une âme toujours intègre et immaculée on repassera.
Bibracte a écrit :Peut-être donc que St Ephrem était maculiste : ce n'est pas un problème tant que la tradition contraire a pu se transmettre, et tant qu'il n'y a pas eu consensus des Pères contre l'Immaculée Conception.
La tradition contraire n'existe pas, et les premiers défenseurs de l'immaculée conception de Marie avaient conscience qu'aucun Père de l'Eglise n'avait jamais soutenu leur opinion. Bien au contraire, il y a un consensus des Pères, comme l'affirment Saint Bonaventure (déjà cité) et Pierre Lombard (qui parle de "témoignage concordant des Saints"), en faveur de la maculée conception de la Vierge.
Bibracte a écrit :La troisième citation ne dit pas du tout que Marie a commis un péché. On comprend très bien qu'elle ait pu vouloir, sans commettre de faute, que son Fils, le Sauveur, soit glorifié et honoré par les foules, cela n'avait rien de vain. De fait, dans la vie courante, deux personnes peuvent être en désaccord sur une conduite à tenir sans nécessairement que ce désaccord soit lié à un péché de l'un des deux.
« Qu’avait-elle dit de mal ? […] elle avait douté de sa parole, en disant : ils n’ont plus de vin. […] Marie s’empressa de remplacer les apôtres pour exécuter les ordres du Seigneur. Cependant, elle n’avait pas pour rôle de donner des conseils, de commander, ou de prévenir la parole de Jésus ; aussi la réprimanda-t-il, parce qu’elle avait agi avec précipitation. »
Vu le texte, il est clair que Saint Ephrem attribue à Marie une faute, voire plusieurs.
Bibracte a écrit :Rien de cela ne parle explicitement de la Vierge, ni ne dit qu'elle a été purifiée après sa conception.
Le fait que de nombreux Pères aient parlé ainsi du Christ comme seul n'ayant pas péché par opposition au reste de l'humanité n'est pas un très bon argument. Il est évident que le but de ces textes est de mettre en valeur l'impeccabilité du Christ et non de transmettre une doctrine particulière concernant la Vierge. Rien n'oblige donc à interpréter ces textes de façon maximaliste, surtout lorsque leur auteur a lui-même dit que Marie était exempte de toute tache de péché.
Si Saint Ambroise croyait à l'immaculée conception de la Vierge, il n'aurait pas autant insisté sur le fait que seul le Christ a été conçu sans péché car seul issu d'une conception virginale, et que quiconque nait de l'union d'un homme et d'une femme hérite du péché originel. Doctrine qui a été reprise par Saint Augustin, qui a déclaré : « [Ambroise] dit que, sous l’influence de l’union des deux sexes, personne ne peut être exempt de péché ; et que, si Jésus-Christ en est exempt, c’est que sa conception a été miraculeuse et divine. » (Augustin, Contre Julien I, livre I, 32)
D'après Maxime Georgel, « le prêtre dominicain Boniface Ramsey, professeur au Séminaire de l’Immaculée Conception de l’université Seton Hall et biographe de saint Ambroise, conclut ainsi son examen de la mariologie d’Ambroise : Nous ne trouvons pas encore les doctrines de l’Immaculée Conception de Marie et de son Assomption chez Ambroise. »

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Bibracte » mar. 17 sept. 2024, 21:40

Gaudens a écrit : lun. 16 sept. 2024, 20:06 Vos échanges,CocoLapin et Bibracte, sont de haut niveau et on ne peut que les saluer.Je n'ai pas vos compétences pour y interférer.
Une chose m'a toujours frappé (à raison,je pense sauf si vous me prouvez l'un ou l'autre le contraire): ce dogme est le premier à n'avoir pas été adopté en Concile Oecuménique, ce qui me semble avoir été la règle depuis l'origine de l'Eglise.L'opinion exprimée par la majorité de 600 évêques consultés en amont (consultation non publique,en plus) ne me parait pas être de même nature. Le climat ultramontain qui régnait dans le monde catholique depuis la fin des équipées révolutionnaires et impériales (disons après 1815) me parait avoir transformé les esprits de telle sorte qu'une proclamation d'un dogme par le seul Pontife romain ne choquait quasiment plus personne.
Reste que le milieu divin pourrait bien avoir suppléé à ce défaut de naissance quelques années après:en 1858 la Sainte Vierge ,apparaissant à Bernadette et s'identifiant comme l'Immaculée Conception, a bien tranché la question, quelles qu'ait pu être l'opinion parfois très réservée d'une minorité de Pères de l'Eglise. Qu'en pensez-vous ?
Je ne suis malheureusement pas assez connaisseur de la nomenclature exacte, en matière de vérités de foi, pour vous dire si l'Immaculée Conception était le premier dogme proclamé directement par un Pape ou non.

Au sujet des apparitions mariales, le fait que la Vierge ait elle-même confirmé cette doctrine en s'adressant à une jeune fille démunie et pas très au fait de l'actualité théologique est remarquable. Toutefois, il faut se souvenir que les apparitions de Lourdes, même reconnues par l'Eglise, sont des révélations privées qui n'appartiennent donc pas au dépôt de la foi. Les fidèles sont donc libres d'y croire ou non, alors que tous les dogmes sont reconnus par tous les catholiques.

Re: L'immaculée conception, un dogme contraire à la foi des Pères ?

par Bibracte » mar. 17 sept. 2024, 21:19

Coco lapin a écrit : lun. 16 sept. 2024, 12:13
[+] Texte masqué
Bibracte a écrit :Sauf votre respect, je vous trouve de mauvaise foi ici (ou alors il s'agit simplement d'un problème de compréhension du texte). Relisez bien : votre interprétation impliquerait que Paschase n'aurait pas cru que "le Christ, Verbe fait chair, a été sans péché", et il est évident que Paschase croyait bien en l'impeccabilité du Christ.
Je crois qu'en français, quand le mot "si" est suivi d'un verbe au présent alors qu'il s'agit d'une action passée, le "si" équivaut à "puisque". Mais c'est peut-être un défaut de la traduction.
Bibracte a écrit :Il ne s'agit pas ici de la chair de Marie, mais de celle de Ste Anne, chair dans laquelle Marie fut conçue. Le latin nous dit de carne peccati sit nata et procreata.
En fait les deux citations proviennent du même paragraphe. Je résume : Radbert exprime l'idée que le Christ est né sans péché parce que la Vierge a été purifiée lors de la visite de l'ange. J'ai de grosses difficultés à traduire le latin mais j'ai l'impression que Radbert déclare (approximativement) : « Bien que la bienheureuse Marie fut née et fut conçue d'une chair de péché, et bien qu'elle ait été elle-même une chair de péché, elle ne l'était plus dès l'instant où la grâce du Saint-Esprit annoncée par l'ange l'a amenée à être bénie plus que toutes les femmes. » Et il cite Luc 1,35 à l'appui. Vient ensuite l'autre passage : « Si elle n'avait pas été sanctifiée et purifiée par le Saint-Esprit, comment ne serait-elle pas une chair de péché ? Et si sa chair provient de la masse de la première prévarication, comment le Verbe a-t-il été fait chair sans péché, lui qui a revêtu une chair à partir d'une chair de péché, sinon en la couvrant de son ombre, par laquelle le Saint-Esprit est arrivé et la vertu du Très-Haut l'a entièrement possédée ? »
Vous pouvez consulter le texte latin ici : https://la.wikisource.org/wiki/De_partu ... Radbertus)
Merci beaucoup d'avoir donné votre source du texte latin. Je vous prie de m'excuser, ma lecture de ces passages était effectivement trop rapide. Paschase semble ici parler d'une purification de la Vierge, même s'il ne dit pas explicitement qu'elle a eu lieu au moment de l’Annonciation. Cela peut donner l'impression que Dom Guéranger a fait exprès de caviarder la citation...

Mais cette impression disparaît à la lecture de la suite du texte que vous nous avez fourni. En effet, Paschase continue, dans le même paragraphe, en nous disant ceci, avec ma traduction approximative : "Alias autem..." "Mais comment, étant remplie du Saint-Esprit, n'était-elle pas sans péché originel, elle dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse et bénie dans toute l'Église du Christ ; en effet, si elle n'était pas bénie et glorieuse, cette fête ne serait en aucun cas célébrée partout par tous. Mais parce qu'elle est vénérée si solennellement, il ressort clairement de l'autorité de l'Église qu'à sa naissance, elle n'a été soumise à aucune transgression et n'a pas non plus contracté le péché originel dans le sein sanctifié."

Et plus loin encore, dans le même paragraphe : "Nunc autem..." "Mais maintenant, parce qu'elle est vénérée par l'autorité de toute l'Église, il est évident qu'elle était exempte de tout péché originel, elle par qui non seulement la malédiction de la mère Ève a été supprimée ...".

Donc, Dom Guéranger est loin d'avoir sélectionné, dans ce texte, les meilleurs passages à l'appui de sa thèse ! Il en ressort pourtant que Paschase Radbert, éminent théologien du IXe siècle, croyait à l'Immaculée Conception de la Vierge. Et il y croyait à cause de ce que l'Église a prévu dans sa liturgie, ce qui nous rappelle que la liturgie est à considérer comme l’un des vecteurs de la Tradition (St Thomas d’Aquin aussi l’utilisait parfois comme argument d'autorité pour régler une question théologique).

Cet exemple est très intéressant parce qu'il nous montre qu'un auteur peut dire que la Vierge a été purifiée, "rendue sainte et pure" tout en tenant la doctrine de l’Immaculée Conception. Ce qui permet de répondre a votre objection :
Coco lapin a écrit : lun. 16 sept. 2024, 12:13
Bibracte a écrit :"Rendue sainte et pure" peut simplement désigner une causalité, sans changement d'état. On peut dire que l’Esprit Saint l’a rendue sainte et pure des sa conception.
Non, dans ce cas il faudrait dire : "il l'a créée sainte et pure". "Rendre" suggère un changement, l'idée de "redonner", en quelque sorte. A la limite ce serait acceptable s'il y avait la précision "dès sa conception". Mais vu qu'elle n'y est pas, impossible d'interpréter le texte dans ce sens.
On peut très bien comprendre ce "rendre", qui suggère d'une façon ou d'une autre un changement, comme relatif à l'état dans lequel la Vierge aurait dû se trouver si elle n'avait pas été exempte du péché originel. En fait, ici, cette interprétation ( = La Vierge aurait dû être marquée par le péché originel comme tous les hommes, mais Dieu l'a rendue pure dès sa conception, elle en a donc été préservée) est la seule qui permette de conserver la cohérence interne du texte de Paschase Radbert, cohérence interne qui ne saurait être mise en doute s'agissant d'un des théologiens les plus fameux de son temps.


Pour les Pères que je citais en fin de message précédent, mon idée était surtout de montrer la contradiction avec l’opinion de St Bonaventure, qui pensait que la Vierge avait commis des péchés actuels. Mais certains d’entre eux disaient aussi clairement que la Vierge avait été préservée du péché originel :
Coco lapin a écrit : lun. 16 sept. 2024, 12:13
Bibracte a écrit :- St André, dont les propos sont rapportés par la lettre des prêtres de Patras en Achaïe au Ier siècle et qui parle de Vierge immaculée;
- St Hippolyte, IIIe s., qui parle de Marie comme d'un bois non sujet à la corruption humaine ;
Ce genre de qualificatif n'exclut pas une purification au cours de sa vie. La plupart des Pères pensaient qu'elle avait été rendue immaculée parce qu'elle avait été totalement purifiée au moment de l'Annonciation.
Pour St Hippolyte au moins, votre position ici est extrêmement dure à défendre : l'image du bois non sujet à la corruption humaine paraît clairement concerner Marie dans son être même. Surtout, la citation d'Hippolyte se présente ainsi :

"Le Seigneur était exempt du péché, étant formé de bois non sujet à la corruption humaine ; savoir, de la Vierge et de l’Esprit Saint".

Si donc c'est l'Esprit Saint qui avait purifié Marie au moment de la conception du Christ, comment expliquer que St Hippolyte commence par mentionner la Vierge, séparément de l’Esprit Saint ? Il paraît clair que pour lui, la Vierge, d’une part, et l’Esprit Saint, d’autre part, étaient plus que purs : "non sujets à la corruption humaine". Un chose est d'être pur à un moment, une autre de ne pas être sujet à la corruption.
Coco lapin a écrit : lun. 16 sept. 2024, 12:13
Bibracte a écrit :- St Ephrem le syriaque, IVe s., pour qui Marie est "Immaculée, très immaculée, nouveau don de Dieu, sans aucune tache, (...) toujours elle a été intègre et immaculée, tant du corps que de l’âme"
Cette citation semble provenir d'un ouvrage d'apologétique catholique qui compile des éléments au discours indirect.
Non, mais j’aurais dû donner la référence : Oratio ad S. Dei Genitricem. Opp. t. III, p. 945.
Coco lapin a écrit : lun. 16 sept. 2024, 12:13 Moi j'ai trouvé ceci :
« Mère souveraine, Mère de Dieu, qui avez enfanté le Verbe selon la chair, je sais sans en douter qu'il n'est point convenable ni digne que moi qui suis corrompu, j'ose regarder votre image, vous qui êtes pure, vous qui avez été toujours vierge, intègre et immaculée tant en votre corps qu'en votre âme.» *
Et il faut croire que "intègre et immaculée" se rapporte seulement à la chasteté de Marie, car en fait Saint Ephrem était maculiste :
« Les perles proviennent d'animaux impurs ; et le Christ est né d'une nature soumise à l'impureté et ayant besoin d'être purifiée par la visite de Dieu. [...] Il a purifié la Vierge, après l'avoir préparée par l'Esprit Saint ; puis le sein, devenu pur, l'a conçu. »
(Ephrem, Hymnes contre les hérésies, 40)
Saint Ephrem attribue aussi à Marie un péché de vaine gloire lors des noces de Cana :
« L’empressement de Marie avait été excessif ; c’est pourquoi il lui fit la leçon. […] Marie avait pensé qu’un miracle de son Fils lui vaudrait gloire et honneur auprès des foules ; c’est pourquoi il dit : mon temps n’est pas survenu. [...] Marie s’empressa de remplacer les apôtres pour exécuter les ordres du Seigneur. Cependant, elle n’avait pas pour rôle de donner des conseils, de commander, ou de prévenir la parole de Jésus ; aussi la réprimanda-t-il, parce qu’elle avait agi avec précipitation.»
(Éphrem de Nisibe, commmentaire sur l’Évangile concordant ou Diatessaron, V, 1-5)
Votre première citation semble montrer que St Ephrem n'était pas maculiste, surtout parce qu'il dit "vous qui avez été toujours...", ce qui s'oppose à la théorie dune purification intervenue au cours de la vie de Marie.

La deuxième parle au contraire d'une purification, mais ne dit pas quand elle est intervenue. Il est très improbable que la première citation parle seulement de chasteté, alors que la virginité de Marie est citée séparément des qualificatifs d' "intègre" et d' "immaculée".
Trois solutions, puisque ces deux citations ne sont pas du même texte: soit St Ephrem a été maculiste à un moment et immaculiste à un autre, soit, si on considère qu'il na pas varié, il pensait que Marie avait été purifiée du péché originel avant de pouvoir commettre des péchés actuels, par exemple in utero. Peut-être donc que St Ephrem était maculiste : ce n'est pas un problème tant que la tradition contraire a pu se transmettre, et tant qu'il n'y a pas eu consensus des Pères contre l'Immaculée Conception. Et cette position, si elle était celle d'une purification in utero, n'est vraiment pas très éloignée de la doctrine de l'Immaculée Conception, surtout dans ses conséquences pratiques et perceptibles.
La troisième solution est que St Ephrem n'a jamais été maculiste du tout et qu'il faut comprendre par "purification" la grâce spéciale accordée au moment de la conception. Mais je vous accorde que c'est vraiment beaucoup moins probable, à la lecture de ces extraits, que pour Paschase Radbert.

La troisième citation ne dit pas du tout que Marie a commis un péché. On comprend très bien qu'elle ait pu vouloir, sans commettre de faute, que son Fils, le Sauveur, soit glorifié et honoré par les foules, cela n'avait rien de vain. De fait, dans la vie courante, deux personnes peuvent être en désaccord sur une conduite à tenir sans nécessairement que ce désaccord soit lié à un péché de l'un des deux.
Coco lapin a écrit : lun. 16 sept. 2024, 12:13
Bibracte a écrit :- St Ambroise, IVe s., qui dit que Marie est "exempte, par grâce, de toute tache de péché".
Il est vrai que Saint Ambroise dit que Marie, par grâce, est libre de toute trace de péché. Mais apparemment il croyait à une purification puisqu'il dit par ailleurs que seul le Christ est conçu sans péché :
« Le seul, en effet, des enfants de la femme qui soit parfaitement saint, c’est le Seigneur Jésus, à qui toute atteinte de la corruption terrestre a été épargnée par la nouveauté de son enfantement sans tache, écartée par sa majesté céleste.»
(Ambroise, Commentaire de l’Évangile selon Luc, II, 56)
« quiconque est né du commerce de l’homme et de la femme a connu le péché dès sa naissance. Celui-ci seul est né sans péché qui est né en dehors de ce genre de conception. [...] Seul entre tous ceux qui sont nés de la femme, Jésus-Christ n’a point goûté la corruption d’une origine souillée, seul il en a repoussé la honte par la nouveauté de son enfantement immaculé et par la majesté de sa nature divine.»
(Saint Ambroise cité par Saint Augustin dans "De la grâce du Christ et du péché originel", II, 47)
Rien de cela ne parle explicitement de la Vierge, ni ne dit qu'elle a été purifiée après sa conception.
Le fait que de nombreux Pères aient parlé ainsi du Christ comme seul n'ayant pas péché par opposition au reste de l'humanité n'est pas un très bon argument. Il est évident que le but de ces textes est de mettre en valeur l'impeccabilité du Christ et non de transmettre une doctrine particulière concernant la Vierge. Rien n'oblige donc à interpréter ces textes de façon maximaliste, surtout lorsque leur auteur a lui-même dit que Marie était exempte de toute tache de péché.

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