par Riou » lun. 22 juin 2020, 10:38
Altior a écrit : ↑lun. 22 juin 2020, 0:54
Bonjour, Riou,
Riou a écrit : ↑dim. 21 juin 2020, 13:40
Parce c'est une hypothèse superflue, et qu'il n'y a pas besoin de postuler que notre espace public est un théâtre de marionnettes agitées par des hommes de l'ombre pour comprendre ce qui se passe.
À ce que je vois, c'est vous qui postulez. Vous avez postulé qu'il n'y a aucun complot. Preuve est qu'à ma question «sur quelle base», vous répondez «parce que c'est une hypothèse superflue». Nous sommes dans l'argumentation circulaire, il s'agit bien d'un postulat.
Bonjour,
Pour être plus précis, c'est un principe de méthode plus qu'un postulat : un principe d'économie, qui consiste dans le fait que je ne vois pas l'intérêt de mobiliser des hypothèses lourdes en demandes de preuves quand un phénomène se présente et qu'il peut recevoir un sens à partir de lui-même, sans faire de longs détours par l'hypothèse d'un "complot" organisé, intentionnel, planétaire, etc.
Que tout ne soit pas transparent dans l'espace public ne veut pas dire qu'il existe une officine particulière qui agence la réalité selon ses désirs et crée des évènements selon son bon plaisir. C'est pourquoi je pense qu'il faut distinguer entre mensonge et complot, entre mauvaise foi et causalité occulte.
De la panique créé artificiellement par le biais des médias:
Tout est dans le mot "artificiel". C'est là qu'on passe de la simple description d'un phénomène à l’hypothèse du complot. Pourquoi voir de "l'artificiel" dans cette panique? Moi je ne vois que la panique, en effet : les médias se sont comportés d'une manière irresponsable, comme souvent, et ils étaient peut-être eux-mêmes en panique. On peut d'ailleurs expliquer cette panique dans le fait qu'elle a touché un point crucial de notre société moderne : l'oubli de la mort, l'illusion de tout maîtriser par la technique, la sensation que l'homme est devenu comme un dieu (ça rappelle quelque chose dans la Genèse), et qu'il ne supporte plus la moindre incertitude, la moindre limitation à son action, le moindre élément de vulnérabilité dans sa vie. Il plonge dans une crise de nerfs sitôt qu'un événement imprévu advient. Ce virus encore peu connu à l'époque a déclenché tout un imaginaire terrifiant. Le pouvoir a pris peur quand il a compris que beaucoup d'hôpitaux se retrouveraient peut-être en saturation. Les images d'Italie, avec des hommes et des femmes qui meurent par terre dans les couloirs sans pouvoir être soignés, ont tétanisés les pouvoirs : tout pouvoir politique sent bien la bombe politique immense que de telles images peuvent créées. Alors on confine sans discernement et avec la méthode dure, on déploie toute son énergie pour contrôler au maximum la situation (c'est une illusion de contrôle, car ils vont vite voir que les conséquences sociales et économiques de ce confinement seront sans doute rapidement incontrôlables), on réagit à la panique par la panique. On le fait de manière autoritaire, sans aucune consultation, sans aucun souci de l'opinion publique, sans même poser une discussion collective durant les deux premières semaines de confinement. Quand on agit comme ça, sans aucune considération pour ce que pense le peuple qui aura à subir les conséquences très lourdes de ce confinement, on entre dans une logique autoritaire, de fait. Alors le pouvoir fait sentir qu'il pourra mordre sitôt qu'un individu refusera de se plier aux règles. On infantilise (papier d'attestation de sortie), on frappe les imaginaires, on joue sur la peur pour se faire obéir. S'ils avaient acceptés la discussion rationnelle, ils n'auraient pas eu besoin de montrer les muscles et d'injecter des gouttes de peur dans la population pour bien lui faire sentir qu'elle doit rester chez elle et se plier sans broncher à tout ce que dit le gouvernement et son agence de communication. Ils le font avec d'autant plus de légitimité qu'ils s'appuient sur les blouses blanches, qui ont un fort capital symbolique aux yeux de beaucoup, le médecin étant très respecté dans la population, pour de bonnes raisons d'ailleurs (je crois que pour beaucoup, après une telle période, ce capital symbolique s'est un peu effrité tout de même).
Les journaux se sont fait le simple relais du pouvoir politique, son agence de communication officielle.
Pourquoi voir un complot?
Les absurdités que vous dénoncez sont de simples conséquences : tous les pouvoirs se sont mouillés dans ce confinement et les décisions prises dernièrement. Leur seul objectif est aujourd'hui de ne pas remettre en cause la légitimité de ces décisions, de faire comme si elles étaient naturelles, de faire en sorte que la question ne se pose même pas. Ils se sont tellement embarqués dans la rhétorique de la peur et de l'autoritarisme qu'ils ne peuvent plus reculer aujourd'hui. Ils sont contraints par eux-mêmes, et toute leur démarche est une démarche de justification visant à dire que leurs décisions étaient les bonnes. Trop tard, le mal est fait.
Maintenant, il y a des intérêts à défendre. Que des industries pharmaceutiques peu scrupuleuses veuillent profiter de cette situation de panique générale, c'est bien possible. Mais ça ne prouve pas un complot, loin de là. Ça prouve simplement qu'il y a des charognards qui se délectent des malheurs du monde pour en tirer le maximum de profit. Ça ne prouve pas que ces industries (ou autres) ont crée le virus et la panique pour arriver à leurs fins. Ils font ce qu'ils savent si bien faire : simplement profiter d'une situation.
Le flux des nouvelles de msn, lu au petit matin, disait «la piste d'un acte terroriste est écartée». Pourtant, en lisant, j'avais noté que toutes les signes plaidaient bien pour un acte terroriste. L'attaque visait des gens de façon aléatoire. Leurs gorges, plus précisément. Le malfrat avait prononcé, avant l'attaque, quelque «mots inintelligibles». Effectivement, dans l'après-midi j'apprend qu'il s'agitait bien d'un musulman. Le soir je lis les mots «incident terroriste». Bon, alors sur quelle base la piste d'un acte terroriste fut écartée si «évidemment» dans la matinée ?
Les communicants saturent l'espace public, et leur bêtise est sans borne. Pour éviter toute réaction incontrôlable, toute rumeur, pour contrôler les effets des déclarations politiques, ils ont tendance à faire ce genre de déclaration. De plus, la justice britannique pensait sans doute comme vous : ça ressemble bien à un acte terroriste. C'est d'ailleurs dans cette direction qu'ils ont cherché, et ils ont rapidement trouvé. Mais la différence entre l'institution judiciaire et l'opinion d'un citoyen, c'est que le juge ne peut pas affirmer sans preuves matérielles, sur une simple association d'idées, une chose qui nécessite des traces suffisantes de preuves. Tant qu'ils n'ont pas ces éléments, leur communication se veut prudente, non affirmative, jusqu'à nier ce qui pourtant semble assez clair. Ils cherchent les preuves pendant ce temps. S'ils trouvent, il communiquent ce que tout le monde pensait. Ils l'ont fait.
Dire "on dirait quand même un acte terroriste" n'est pas la même chose que : "nous avons les preuves que c'est un acte terroriste avec des motivations religieuses". Dire "la piste terroriste est écartée" était une erreur de communication. Il suffisait de dire "c'est une piste possible, mais pas prouvée".
Gaudens
Merci Riou.
Je n'avais jamais lu sous quelque plume que ce soit une définition aussi claire de ce qui est complot ou ne l'est pas et aussi la bonne manière d'aborder ce genre de question !
Bonne soirée dominicale.
Je vous remercie Gaudens. Bon lundi à vous.
[quote=Altior post_id=423085 time=1592780085 user_id=1720]
Bonjour, Riou,
[quote=Riou post_id=423055 time=1592739654]
Parce c'est une hypothèse superflue, et qu'il n'y a pas besoin de postuler que notre espace public est un théâtre de marionnettes agitées par des hommes de l'ombre pour comprendre ce qui se passe. [/quote]
À ce que je vois, c'est vous qui postulez. Vous avez postulé qu'il n'y a aucun complot. Preuve est qu'à ma question «sur quelle base», vous répondez «parce que c'est une hypothèse superflue». Nous sommes dans l'argumentation circulaire, il s'agit bien d'un postulat.
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Bonjour,
Pour être plus précis, c'est un principe de méthode plus qu'un postulat : un principe d'économie, qui consiste dans le fait que je ne vois pas l'intérêt de mobiliser des hypothèses lourdes en demandes de preuves quand un phénomène se présente et qu'il peut recevoir un sens à partir de lui-même, sans faire de longs détours par l'hypothèse d'un "complot" organisé, intentionnel, planétaire, etc.
Que tout ne soit pas transparent dans l'espace public ne veut pas dire qu'il existe une officine particulière qui agence la réalité selon ses désirs et crée des évènements selon son bon plaisir. C'est pourquoi je pense qu'il faut distinguer entre mensonge et complot, entre mauvaise foi et causalité occulte.
[quote]De la panique créé artificiellement par le biais des médias:[/quote]
Tout est dans le mot "artificiel". C'est là qu'on passe de la simple description d'un phénomène à l’hypothèse du complot. Pourquoi voir de "l'artificiel" dans cette panique? Moi je ne vois que la panique, en effet : les médias se sont comportés d'une manière irresponsable, comme souvent, et ils étaient peut-être eux-mêmes en panique. On peut d'ailleurs expliquer cette panique dans le fait qu'elle a touché un point crucial de notre société moderne : l'oubli de la mort, l'illusion de tout maîtriser par la technique, la sensation que l'homme est devenu comme un dieu (ça rappelle quelque chose dans la Genèse), et qu'il ne supporte plus la moindre incertitude, la moindre limitation à son action, le moindre élément de vulnérabilité dans sa vie. Il plonge dans une crise de nerfs sitôt qu'un événement imprévu advient. Ce virus encore peu connu à l'époque a déclenché tout un imaginaire terrifiant. Le pouvoir a pris peur quand il a compris que beaucoup d'hôpitaux se retrouveraient peut-être en saturation. Les images d'Italie, avec des hommes et des femmes qui meurent par terre dans les couloirs sans pouvoir être soignés, ont tétanisés les pouvoirs : tout pouvoir politique sent bien la bombe politique immense que de telles images peuvent créées. Alors on confine sans discernement et avec la méthode dure, on déploie toute son énergie pour contrôler au maximum la situation (c'est une illusion de contrôle, car ils vont vite voir que les conséquences sociales et économiques de ce confinement seront sans doute rapidement incontrôlables), on réagit à la panique par la panique. On le fait de manière autoritaire, sans aucune consultation, sans aucun souci de l'opinion publique, sans même poser une discussion collective durant les deux premières semaines de confinement. Quand on agit comme ça, sans aucune considération pour ce que pense le peuple qui aura à subir les conséquences très lourdes de ce confinement, on entre dans une logique autoritaire, de fait. Alors le pouvoir fait sentir qu'il pourra mordre sitôt qu'un individu refusera de se plier aux règles. On infantilise (papier d'attestation de sortie), on frappe les imaginaires, on joue sur la peur pour se faire obéir. S'ils avaient acceptés la discussion rationnelle, ils n'auraient pas eu besoin de montrer les muscles et d'injecter des gouttes de peur dans la population pour bien lui faire sentir qu'elle doit rester chez elle et se plier sans broncher à tout ce que dit le gouvernement et son agence de communication. Ils le font avec d'autant plus de légitimité qu'ils s'appuient sur les blouses blanches, qui ont un fort capital symbolique aux yeux de beaucoup, le médecin étant très respecté dans la population, pour de bonnes raisons d'ailleurs (je crois que pour beaucoup, après une telle période, ce capital symbolique s'est un peu effrité tout de même).
Les journaux se sont fait le simple relais du pouvoir politique, son agence de communication officielle.
Pourquoi voir un complot?
Les absurdités que vous dénoncez sont de simples conséquences : tous les pouvoirs se sont mouillés dans ce confinement et les décisions prises dernièrement. Leur seul objectif est aujourd'hui de ne pas remettre en cause la légitimité de ces décisions, de faire comme si elles étaient naturelles, de faire en sorte que la question ne se pose même pas. Ils se sont tellement embarqués dans la rhétorique de la peur et de l'autoritarisme qu'ils ne peuvent plus reculer aujourd'hui. Ils sont contraints par eux-mêmes, et toute leur démarche est une démarche de justification visant à dire que leurs décisions étaient les bonnes. Trop tard, le mal est fait.
Maintenant, il y a des intérêts à défendre. Que des industries pharmaceutiques peu scrupuleuses veuillent profiter de cette situation de panique générale, c'est bien possible. Mais ça ne prouve pas un complot, loin de là. Ça prouve simplement qu'il y a des charognards qui se délectent des malheurs du monde pour en tirer le maximum de profit. Ça ne prouve pas que ces industries (ou autres) ont crée le virus et la panique pour arriver à leurs fins. Ils font ce qu'ils savent si bien faire : simplement profiter d'une situation.
[quote]Le flux des nouvelles de msn, lu au petit matin, disait «la piste d'un acte terroriste est écartée». Pourtant, en lisant, j'avais noté que toutes les signes plaidaient bien pour un acte terroriste. L'attaque visait des gens de façon aléatoire. Leurs gorges, plus précisément. Le malfrat avait prononcé, avant l'attaque, quelque «mots inintelligibles». Effectivement, dans l'après-midi j'apprend qu'il s'agitait bien d'un musulman. Le soir je lis les mots «incident terroriste». Bon, alors sur quelle base la piste d'un acte terroriste fut écartée si «évidemment» dans la matinée ?[/quote]
Les communicants saturent l'espace public, et leur bêtise est sans borne. Pour éviter toute réaction incontrôlable, toute rumeur, pour contrôler les effets des déclarations politiques, ils ont tendance à faire ce genre de déclaration. De plus, la justice britannique pensait sans doute comme vous : ça ressemble bien à un acte terroriste. C'est d'ailleurs dans cette direction qu'ils ont cherché, et ils ont rapidement trouvé. Mais la différence entre l'institution judiciaire et l'opinion d'un citoyen, c'est que le juge ne peut pas affirmer sans preuves matérielles, sur une simple association d'idées, une chose qui nécessite des traces suffisantes de preuves. Tant qu'ils n'ont pas ces éléments, leur communication se veut prudente, non affirmative, jusqu'à nier ce qui pourtant semble assez clair. Ils cherchent les preuves pendant ce temps. S'ils trouvent, il communiquent ce que tout le monde pensait. Ils l'ont fait.
Dire "on dirait quand même un acte terroriste" n'est pas la même chose que : "nous avons les preuves que c'est un acte terroriste avec des motivations religieuses". Dire "la piste terroriste est écartée" était une erreur de communication. Il suffisait de dire "c'est une piste possible, mais pas prouvée".
[quote]Gaudens
Merci Riou.
Je n'avais jamais lu sous quelque plume que ce soit une définition aussi claire de ce qui est complot ou ne l'est pas et aussi la bonne manière d'aborder ce genre de question !
Bonne soirée dominicale.[/quote]
Je vous remercie Gaudens. Bon lundi à vous.