par Olivier JC » jeu. 16 mars 2023, 12:51
Bonjour,
Sur cette question comme sur bien d'autres, il est toujours intéressant d'aller jusqu'aux racines pour bien comprendre les enjeux, et il est de ce point de vue plus que frappant de voir la parfaite conformité entre les règles de pureté légale applicables aux sacrificateurs et lévites dans l'Ancienne Alliance et les règles que l'Eglise a voulu respecter concernant ses clercs.
Il n'était à l'origine nullement question de célibat, mais de continence, laquelle continence était liée à la célébration du culte, ainsi qu'il en allait pour les sacrificateurs et les lévites de l'Ancienne Alliance, dont le clergé chrétien est le successeur. On peut ainsi lire dans nombre de premiers conciles régionaux des canons rappelant cette exigence de continence.
Les
canons du Concile in trullo sont des témoins intéressants à cet égard. Tout en rejetant la pratique adoptée par l'Eglise de Rome, sur laquelle je reviendrai, les règles rappelées sont très proches de celles applicables au clergé de l'Ancienne Alliance (continence en vue du culte, interdiction de se marier avec une veuve, etc.). Comme il est rappelé plus haut dans ce fil, la continence en vue du culte reste une discipline des églises orthodoxes.
Lévitique a écrit :"L'homme qui aura une éjaculation lavera tout son corps dans l'eau et sera impur jusqu'au soir." (Lv 15, 16), "Si une femme a couché avec un tel homme, ils se laveront tous les deux et seront impurs jusqu'au soir." (Lv 15, 18), et plus spécifiquement pour les prêtres, "Ils n'épouseront pas une femme prostituée ou déshonorée, ni une femme rejetée par son mari, car ils sont saints pour leur Dieu" (Lv 21, 7), "Il n'épousera ni une veuve, ni une femme rejetée par son mari, ni une femme déshonorée ou prostituée. Mais il épousera une femme vierge qui soit membre de son peuple" (Lv 21, 14)
Qu'en est-il de l'Eglise de Rome ? La pratique condamnée est la suivante :
"avant de recevoir l'ordination de diacre ou de prêtre les candidats promettent publiquement de ne plus avoir des rapports avec leurs épouses". Là encore, il y a un lien avec le culte puisque contrairement à ce qui est resté dans l'Eglise orthodoxe, le sacrifice a rapidement été offert quotidiennement dans l'Eglise de Rome. La continence en vue du culte ne pouvait donc qu'être quotidienne, c'est-à-dire en pratique perpétuelle. Le rappel par les pères de ce Concile de ce qu'avaient décidés ceux réunis antérieurement à Carthage démontre ce lien :
"que les sous-diacres, qui touchent aux saints mystères, les diacres et les prêtres aussi pour les mêmes raisons, s'abstiennent de leurs femmes".
Discipline, on le comprend, assez critiquable au regard des fins et de la réalité du mariage. Discipline d'ailleurs fort peu respectée, et c'est pour cette raison que l'Eglise de Rome va adopter une autre pratique, à savoir de n'appeler au sacerdoce que ceux qui sont au préalable appelés à la chasteté pour le Royaume. De là est né le célibat sacerdotal que nous connaissons aujourd'hui dans l'Eglise Latine, et non de la volonté d'éviter la dispersion des biens de l'Eglise comme on peut le lire parfois.
Cet historique permet de remettre la question du célibat sacerdotal en perspective et de calmer quelque peu les passions.
L'Eglise latine a adopté une pratique, dont la visée originelle a été décrite ci-dessus et dont les fruits sont allés bien au-delà de cette problématique de la continence en vue du culte héritée de l'Ancienne Alliance. Est-il opportun, en regard des circonstances présentes, de la remettre en question ? Il me semble pour ma part que la plupart des arguments avancés en ce sens ne sont nullement pertinents. Si l'on veut bien se souvenir que la raison d'être d'un prêtre est de célébrer le Saint Sacrifice de la Messe, et observer les statistiques de fréquentation de celui-ci, il n'y a nulle pénurie de prêtres. Si l'on veut bien ensuite se souvenir que ce n'est pas Dieu mais l'Eglise qui appelle au sacerdoce et qu'il lui est loisible, ainsi qu'a choisi de le faire l'Eglise latine, de n'appeler que ceux qui sont par ailleurs appelés à la chasteté pour le Royaume, bien des difficultés se résolvent également.
Cela permet également de comprendre que dans certaines circonstances particulières, la pratique puisse ne pas être suivie. Ainsi, par exemple, les prêtres de la Communion Anglicane rejoignant la communion avec l'Eglise de Rome sont-ils admis à demeurer prêtre, bien qu'ils soient mariés. Ainsi, les églises de rite oriental en communion avec l'Eglise de Rome. Le cas de l'Amazonie, cause de ce fil, peut également aller dans ce sens, à savoir l'hypothèse de communautés isolées géographiquement, qui pourrait justifier pour le bien des fidèles l'ordination d'un homme marié.
Reste cette question fort intéressante du lien entre la continence et le culte, qui n'a donc rien à voir avec la chasteté pour le Royaume mais tire son origine de la Loi mosaïque. Faut-il y voir quelque chose de substantiel, signe d'une véritable et radicale incompatibilité entre l'union sexuelle et le culte ? Il semble qu'au regard de l'approfondissement de la théologie du mariage et de la sexualité due notamment à S. Jean-Paul II, une telle position soit intenable.
Il me semble plutôt que le respect initial par l'Eglise des règles de pureté en lien avec la sexualité qui concernaient les sacrificateurs et lévites de l'Ancienne Alliance a permis, l'histoire faisant son chemin, de faire ressortir la particulière convenance entre le sacerdoce et la chasteté pour le Royaume, à l'image du Seigneur Lui-même. Cette convenance, me semble-t-il, ne doit pas être absolutisée au point de voir dans l'appel au sacerdoce d'hommes mariés
"l'abomination de la désolation". Il faut cependant, à mon sens, y voir un précieux trésor à conserver, sauf s'il devait en aller du bien des fidèles.
Il convient également de regarder la question telle que se pose habituellement par nombre de personnes peu au fait de ces problématiques, à savoir celle du
"mariage des prêtres". Une chose, en effet, est la question de l'ordination d'un homme marié, un autre celle du mariage d'un homme ordonné. Cette deuxième hypothèse n'a jamais été pratiquée par l'Eglise, pour une raison qui n'a, me semble-t-il rien à avoir avec les règles de pureté légale mosaïque, et rien à voir non plus avec le sacerdoce.
Lorsque l'Eglise appelle un homme au sacerdoce, elle imite son Seigneur :
"Venez avec moi. Aussitôt, ils laissèrent leur filet et le suivirent" (Mt 4, 19),
"Laisse les morts ensevelir leurs morts; et toi, va annoncer le royaume de Dieu." (Lc 9, 60). Rien ne permet de conclure à une incompatibilité substantielle entre le sacrement de l'Ordre et celui du Mariage, tout comme il est acquis qu'il n'y en a aucune entre le sacrement du Mariage et le sacrement de l'Ordre. Il faut y voir une relation de convenance, bien plus forte et plus profonde cependant que celle existant entre le célibat et le sacerdoce. Celui qui est appelé au sacerdoce par l'Eglise ne devient pas une sorte de fonctionnaire du culte, mais un ministre à plein temps du Royaume de Dieu. Est-il marié lors de l'appel, il sera ministre selon la modalité de l'homme marié. Est-il célibataire, il sera ministre selon la modalité du célibataire.
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Bonjour,
Sur cette question comme sur bien d'autres, il est toujours intéressant d'aller jusqu'aux racines pour bien comprendre les enjeux, et il est de ce point de vue plus que frappant de voir la parfaite conformité entre les règles de pureté légale applicables aux sacrificateurs et lévites dans l'Ancienne Alliance et les règles que l'Eglise a voulu respecter concernant ses clercs.
Il n'était à l'origine nullement question de célibat, mais de continence, laquelle continence était liée à la célébration du culte, ainsi qu'il en allait pour les sacrificateurs et les lévites de l'Ancienne Alliance, dont le clergé chrétien est le successeur. On peut ainsi lire dans nombre de premiers conciles régionaux des canons rappelant cette exigence de continence.
Les [url="http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit%20canon/canons6econcileintrullo.htm"]canons du Concile [i]in trullo[/i][/url] sont des témoins intéressants à cet égard. Tout en rejetant la pratique adoptée par l'Eglise de Rome, sur laquelle je reviendrai, les règles rappelées sont très proches de celles applicables au clergé de l'Ancienne Alliance (continence en vue du culte, interdiction de se marier avec une veuve, etc.). Comme il est rappelé plus haut dans ce fil, la continence en vue du culte reste une discipline des églises orthodoxes.
[quote="Lévitique"][i]"L'homme qui aura une éjaculation lavera tout son corps dans l'eau et sera impur jusqu'au soir."[/i] (Lv 15, 16), [i]"Si une femme a couché avec un tel homme, ils se laveront tous les deux et seront impurs jusqu'au soir."[/i] (Lv 15, 18), et plus spécifiquement pour les prêtres, [i]"Ils n'épouseront pas une femme prostituée ou déshonorée, ni une femme rejetée par son mari, car ils sont saints pour leur Dieu"[/i] (Lv 21, 7), [i]"Il n'épousera ni une veuve, ni une femme rejetée par son mari, ni une femme déshonorée ou prostituée. Mais il épousera une femme vierge qui soit membre de son peuple"[/i] (Lv 21, 14)[/quote]
Qu'en est-il de l'Eglise de Rome ? La pratique condamnée est la suivante : [i]"avant de recevoir l'ordination de diacre ou de prêtre les candidats promettent publiquement de ne plus avoir des rapports avec leurs épouses"[/i]. Là encore, il y a un lien avec le culte puisque contrairement à ce qui est resté dans l'Eglise orthodoxe, le sacrifice a rapidement été offert quotidiennement dans l'Eglise de Rome. La continence en vue du culte ne pouvait donc qu'être quotidienne, c'est-à-dire en pratique perpétuelle. Le rappel par les pères de ce Concile de ce qu'avaient décidés ceux réunis antérieurement à Carthage démontre ce lien : [i]"que les sous-diacres, qui touchent aux saints mystères, les diacres et les prêtres aussi pour les mêmes raisons, s'abstiennent de leurs femmes"[/i].
Discipline, on le comprend, assez critiquable au regard des fins et de la réalité du mariage. Discipline d'ailleurs fort peu respectée, et c'est pour cette raison que l'Eglise de Rome va adopter une autre pratique, à savoir de n'appeler au sacerdoce que ceux qui sont au préalable appelés à la chasteté pour le Royaume. De là est né le célibat sacerdotal que nous connaissons aujourd'hui dans l'Eglise Latine, et non de la volonté d'éviter la dispersion des biens de l'Eglise comme on peut le lire parfois.
Cet historique permet de remettre la question du célibat sacerdotal en perspective et de calmer quelque peu les passions.
L'Eglise latine a adopté une pratique, dont la visée originelle a été décrite ci-dessus et dont les fruits sont allés bien au-delà de cette problématique de la continence en vue du culte héritée de l'Ancienne Alliance. Est-il opportun, en regard des circonstances présentes, de la remettre en question ? Il me semble pour ma part que la plupart des arguments avancés en ce sens ne sont nullement pertinents. Si l'on veut bien se souvenir que la raison d'être d'un prêtre est de célébrer le Saint Sacrifice de la Messe, et observer les statistiques de fréquentation de celui-ci, il n'y a nulle pénurie de prêtres. Si l'on veut bien ensuite se souvenir que ce n'est pas Dieu mais l'Eglise qui appelle au sacerdoce et qu'il lui est loisible, ainsi qu'a choisi de le faire l'Eglise latine, de n'appeler que ceux qui sont par ailleurs appelés à la chasteté pour le Royaume, bien des difficultés se résolvent également.
Cela permet également de comprendre que dans certaines circonstances particulières, la pratique puisse ne pas être suivie. Ainsi, par exemple, les prêtres de la Communion Anglicane rejoignant la communion avec l'Eglise de Rome sont-ils admis à demeurer prêtre, bien qu'ils soient mariés. Ainsi, les églises de rite oriental en communion avec l'Eglise de Rome. Le cas de l'Amazonie, cause de ce fil, peut également aller dans ce sens, à savoir l'hypothèse de communautés isolées géographiquement, qui pourrait justifier pour le bien des fidèles l'ordination d'un homme marié.
Reste cette question fort intéressante du lien entre la continence et le culte, qui n'a donc rien à voir avec la chasteté pour le Royaume mais tire son origine de la Loi mosaïque. Faut-il y voir quelque chose de substantiel, signe d'une véritable et radicale incompatibilité entre l'union sexuelle et le culte ? Il semble qu'au regard de l'approfondissement de la théologie du mariage et de la sexualité due notamment à S. Jean-Paul II, une telle position soit intenable.
Il me semble plutôt que le respect initial par l'Eglise des règles de pureté en lien avec la sexualité qui concernaient les sacrificateurs et lévites de l'Ancienne Alliance a permis, l'histoire faisant son chemin, de faire ressortir la particulière convenance entre le sacerdoce et la chasteté pour le Royaume, à l'image du Seigneur Lui-même. Cette convenance, me semble-t-il, ne doit pas être absolutisée au point de voir dans l'appel au sacerdoce d'hommes mariés [i]"l'abomination de la désolation"[/i]. Il faut cependant, à mon sens, y voir un précieux trésor à conserver, sauf s'il devait en aller du bien des fidèles.
Il convient également de regarder la question telle que se pose habituellement par nombre de personnes peu au fait de ces problématiques, à savoir celle du [i]"mariage des prêtres"[/i]. Une chose, en effet, est la question de l'ordination d'un homme marié, un autre celle du mariage d'un homme ordonné. Cette deuxième hypothèse n'a jamais été pratiquée par l'Eglise, pour une raison qui n'a, me semble-t-il rien à avoir avec les règles de pureté légale mosaïque, et rien à voir non plus avec le sacerdoce.
Lorsque l'Eglise appelle un homme au sacerdoce, elle imite son Seigneur : [i]"Venez avec moi. Aussitôt, ils laissèrent leur filet et le suivirent"[/i] (Mt 4, 19), [i]"Laisse les morts ensevelir leurs morts; et toi, va annoncer le royaume de Dieu."[/i] (Lc 9, 60). Rien ne permet de conclure à une incompatibilité substantielle entre le sacrement de l'Ordre et celui du Mariage, tout comme il est acquis qu'il n'y en a aucune entre le sacrement du Mariage et le sacrement de l'Ordre. Il faut y voir une relation de convenance, bien plus forte et plus profonde cependant que celle existant entre le célibat et le sacerdoce. Celui qui est appelé au sacerdoce par l'Eglise ne devient pas une sorte de fonctionnaire du culte, mais un ministre à plein temps du Royaume de Dieu. Est-il marié lors de l'appel, il sera ministre selon la modalité de l'homme marié. Est-il célibataire, il sera ministre selon la modalité du célibataire.
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