Clercs et laïcs progressistes au service de l'Adversaire

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par jean_droit » mer. 06 sept. 2006, 15:47

Oh ! Oui ! Nicole !
Je suis confiant et rempli de joie !
Parceque nous avons tant et tant à faire !
Parce que nous savons que l'Esprit viendra nous aider si nous faisons "la volonté du Père" !
Mais retrouchons nos manches et, dans l'enthousiasme, travaillons pour l'Eglise et pour le "règne de Dieu".
Gardons nous du passéisme et du modernisme !
Soyons, seulement, dans la Tradition de l'Eglise, Tradition qui est vivante puisqu'elle se construit chaque jour.

par nicole » mer. 06 sept. 2006, 15:37

Les portes de l'enfer ne prévaudront pas, Notre Seigneur nous a prévenu. Soyons donc confiants et pleins d'Espérance. Et prions.

par Boris » mar. 05 sept. 2006, 18:37

Mgr de Saint Denis vote ouvertement communiste. Commente ce fait-il qu'il soit encore Evêque et même Catholique ?

Dans les années 60 à 90, nombreux ont été les Evêques tellement gauchos qu'ils ne connaissaient plus les vrais valeurs de la Foi.
A quoi cela est-il du ?

A la formation dans les séminaires :
- un prêtre au séminaire de Parau le Monial qui a fini de dire tous les offices de la journée à 10h du matin
- l'interdiction de suivre se que fait ou dit Rome (cela en a dégouté plus d'un, qui auraient pu être prêtres)
- recrutement dans les milieux "bobo" / gauchos modernistes et dégoutage des jeunes gens trop classique

A la formation dans les instituts Catholique :
- la Catho de Paris enseigne que Dieu n'a pas créé le monde (je vous conseil de relire votre credo)
- le même enseigne que St Wandrille et solesmes sont de intégristes. Pour mémoire Solesmes est le premier lieu où le nouvel ordo a été utilisé.

Tout cela passe ensuite auprès des plus jeunes dans le caté.

Voilà comment le Card de Lubac a pu dire que la crise que nous traversons a tous les symptômes de la crise spirituelle : en premier lieu vient la révolution puis une foi installée, les révolutionnaires mettent tout en place pour conserver leur révolution.


A Rome, on rit jaune : le Pape (JPII ou BXVI) joue aux chaises musicales avec les diocèses de France. N'ayant pas suffisament de personnes compétentes pour occuper ces charges, lorsqu'un siège devient vacant il peut s'écouler 1 an avant qu'un Evêque soit muté. Libérant à son tour siège ...... pendant 1 an et caetera.

Enfin tout espoir n'est pas perdu : la communauté St Martin commence à être reconnue, elle a déjà 1 évêque (Mgr Levert à Meaux) dans ses rangs et au moins 1 vicaire général (Diocèse de Toulon). Sans compter ses prêtres qui servent à Rome.

Unam, Sanctam et Apostolicam ?

par jean_droit » mar. 05 sept. 2006, 9:27

Je lis dans la Croix de ce matin des réactions au sujet d'un interview de monseigneur Défois qui "relativise quelque peu la place que doit tenir la messe".
Remarquez les mots "relativise" et "quelque peu" ....
Au moment où notre Pape insiste lors des JMJ sur la messe dominicale.
Où monseigneur Vingt Trois fait de même lors du pélerinage de Lourdes.
Où hier, à Notre Dame, le prêtre insiste encore sur la présence à la msse et à la messe dominicale.
Vive le Relativisme !

par Renaud » mer. 17 mai 2006, 13:13

Bonjour à tous,

Un grand merci à tous les "débatteurs" de ce fil - Clerc et laïcs au service de l'adversaire -. En particulier Miles-Christi, Marchenoir et MB.

Vous traitez là d'importants éléments de la doctrine catholique. Dans le cadre d'un débat, c'est encore plus riche, car diverses questions d'importance passent au crible de plusieurs sensibilités, et pour quelqu'un comme moi sensibilisé particulièrement sur ces questions (en ce qui me concerne, il s'agit plutôt de "ranger un fouilli", ne doutant pas de la doctrine catholique) je ne peux pas tout lire, ni tout connaître de front, et qu'il me manque de longues années d'études "concentrées". Donc les propos de uns et des autres exprimés ici, et à ce niveau essentiel, sont méthodologiques, documentaires et même didactiques. Que les initiateurs de ce forum soient aussi congratulés, car ils font ainsi drainer ici une belle matière à réfléchir et à instruire (dans mon cas surtout mettre en ordre et ranger!)
Deus in adjutorium
Renaud

par MB » lun. 01 mai 2006, 19:12

Bonjour

Il va être difficile de répondre à deux contributeurs aussi pointus que MC et Popeye, mais il faut s'y mettre. Déjà, je note qu'elles me rendent un service, puisqu'elles me révèlent mes limites, me faisant constater que j'ai encore beaucoup de choses à lire. D'ailleurs, je m'aperçois qu'il y a bien des choses qui ne vont pas dans plusieurs de mes paragraphes. Cela dit :

- ce que vous dites sur les "cercles" que forment la raison et la foi ne me paraît pas satisfaisant. Je ne rejette pas la raison lorsque je vous exprime mon scepticisme sur les preuves de l'immortalité de l'âme et de l'existence de Dieu. Ces preuves sont logiquement valables ; mais un raisonnement peut être logiquement valable et néanmoins ne pas s'appliquer. Je ne les rejette pas d'office, ces preuves - très franchement, j'aurais même plutôt intérêt à les suivre, la vie serait plus facile avec vos certitudes. Si j'étais de mauvaise foi, je dirais que vous avancez la raison ou la foi suivant que cela vous arrange ou non - mais loin de moi cette tentation...
Il est difficile de préciser le fond de sa pensée lorsqu'on n'est pas philosophe de formation : mais pour essayer de le dire le moins maladroitement possible : 1° la raison, même si elle est "donnée" à l'homme, n'est pas forcément découverte tout entière à un instant donné, et je ne vois pas pourquoi on en fixerait l'horizon ultime au 13ème siècle. 2° le monde (au sens le plus large du terme) est incroyablement compliqué, fin, fait de milliards et de milliards de réactions, d'enchâinements, de liens, de choses tout à fait imprévisibles, et l'idée de résumer tout cela en quelques livres me paraît avoir quelque chose de ridicule. On a beau faire le raisonnement le plus juste possible, on passe bien souvent à côté de quelque chose. Ce fut d'ailleurs - je prends un exemple que je connais - le gros problème des économistes socialistes, qui étaient incapables d'imaginer que le monde réel de l'économie fût fait de millions de petits éléments interagissant qu'ils ne pouvaient prévoir et mettre dans un système.
Reconnaître les limites de la raison prise comme absolu, ce n'est pas la nier ; c'est savoir rester modeste.

- Je ne me sens donc pas "divisé", comme vous le dites, par ma position. Votre remarque à mon propos repose sur un bon paquet de présupposés : par exemple, que l'homme d'avant le temps "moderne" n'était pas déchiré, affirmation tout à fait gratuite. Et plutôt, si vous pointez en moi des contradictions, je n'y vois pas de problème, c'est constitutif de chacun de nous. D'ailleurs, à titre personnel, plus j'apprends de choses, et plus je me rapproche d'une certaine ataraxie : les choses sont si complexes, dans ce monde bizarre, qu'en fin de compte, je sais que nous reste un Dieu plein d'amour et de miséricorde, qui sait mettre la sécheresse scolastique à sa place.

- En ce qui concerne l'emploi du terme de "matière", j'ai naturellement été conscient des distinguos à faire entre le sens des Anciens et celui de Modernes ; permettez-moi simplement d'employer des exemples...

- Je vous reprends maintenant au sujet du Syllabus et des jugements d'autorité.
1° D'abord, vous dites ceci : "les jugements d'autorité irréformables, infaillibles ayant une portée absolue et dont la raison n'a pas à discuter la validité, il s'agit bien sûr des jugements d'autorité de l'Eglise frappés du sceau de l'infaillibilité, c'est à dire lorsque l'Eglise exerce son magistère extraordinaire participant à l'infaillibilité du Christ lui-même. Si l'Eglise ne prononcait pas de tels jugements, les hommes s'en remettraient à l'autorité de leur propre raison ou de leurs propres croyances pour discuter à n'en plus finir de l'enseignement du Christ, de la façon de le comprendre et de l'appliquer, et le catholicisme serait rabaissé au niveau du protestantisme ou de l'Islam où chacun raconte ce qui lui plaît".
L'argument développé est en substance le suivant : "s'il faut suivre aveuglément les jugements d'autorité de l'Eglise, c'est parce que c'est utile". Je n'admets pas ce genre de raisonnements.

2° Les condamnations valent pour les siècles des siècles, sauf que les objets auxquels elles s'appliquent n'existent en tant que tels qu'à une époque donnée.
Par exemple, le liberalisme a plein de définitions possibles, et l'on s'applique trop souvent à prendre celle qui nous arrange (je vous renvoie, pour citer l'exemple canonique, à la différence du sens entre liberal à l'américaine et "libéral" à la française). Si l'on définit le libéralisme comme une doctrine affirmant que tout se vaut, naturellement il faut la condamner ; sauf que ça, ce n'est pas le libéralisme.

3° L'autre chose, c'est qu'à supposer qu'on y arrive, on ne peut pas définir les choses isolément, de manière absolutiste et essentialiste. Il n'y a pas le même sens à parler de libéralisme en 1864, à une époque où le contraire (le totalitarisme) n'existe pas, et à le faire en 2006. Le contexte n'étant pas le même, les implications ne sont pas les mêmes. D'ailleurs l'exemple du libéralisme (et accessoirement des droits de l'homme) est éclairant vis-à-vis des limites de la raison dont je vous parlais : bien des clercs ont épuisé leur raison à en dire le plus de mal possible, et visiblement ils ont convaincu bien du monde (vous par exemple). Sauf que ceux du 19ème siècle n'ont pas pu s'apercevoir que, en pratique, les régimes politiques antilibéraux et oublieux des droits de l'homme ont aussi tendance à persécuter l'Eglise.

4° Vous avez également un problème de lecture du texte. Dès la parution du Syllabus, le bon père Dupanloup a bien précisé : dire non à une chose, ce n'est pas dire oui à son contraire (il fut d'ailleurs approuvé par le pape). Exemple : condamner l'affirmation suivante,

"Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et composer avec le progrès, avec le libéralisme et avec la civilisation moderne"

ne veut pas dire

"Le Pontife Romain ne peut pas et ne doit pas se réconcilier et composer avec le progrès, avec le libéralisme et avec la civilisation moderne"

mais plutôt, que ce qu'il y a de bon dans une situation donnée, il faut le prendre, et ce qu'il y a de mauvais, il faut le rejeter (ce qui est d'ailleurs l'attitude la plus charitable qui soit). Vous savez, il y a beaucoup de choses que je n'aime pas dans le monde d'aujourd'hui, mais ne c'est pas pour cela que je rejetterai le "moderne" en tant que tel. Soit dit en passant, parler de "monde moderne" comme un bloc est assez faible ; je vous renvoie à ce qu'en a dit le père Valadier (L'Eglise en procès, livre que probablement vous n'aimez pas). Cela me fait penser à Clemenceau, dans sa phrase peut-être la moins inspirée ("la Révolution est un bloc"), et finalement vous révélez ici la même façon de penser que le Tigre.

5° Une remarque générale sur l'utilisation que vous faites du Syllabus, comme d'ailleurs des textes doctrinaires d'avant Vatican II. Vous les figez dans un sens unique, celui que vous croyez être de 1864, et vous n'y recherchez plus rien de nouveau. Or, il me semble, dans l'Ecriture, on peut toujours trouver du nouveau, on peut modifier certaines lectures, on peut en trouver de nouvelles - en restant orthodoxe - tout au long des époques et des changements dans les modes de pensée. Et vous, vous accordez une valeur plus stable et plus fixe à ce qui est plus récent que l'Ecriture ?

- Enfin, sur le mode de pensée idéologique, je vois que nous tournons en rond. Vous me dites que le vôtre n'est pas idéologique car il est appliqué aux réalités d'en haut. Façon de dire, d'une autre manière, "je ne suis pas idéologique car j'ai raison". On n'en sort pas.

Je m'esquive sur beaucoup d'autre thèmes, n'ayant pas beaucoup de temps, et j'espère que nous serons plus nombreux à discuter autour de tout cela qui est quand même très intéressant.

Bien à vous
MB

par Miles Christi » ven. 28 avr. 2006, 17:04

MB a écrit :Bonjour Miles


- Ce que vous dites sur le "rationalisme objet de foi irrationnelle" me paraît très fécond. Il me semble que nous avons là une conséquence collatérale du christianisme : à partir du moment où la foi surgit dans le monde et s'y impose comme un référent culturel majeur, la seule manière possible d'y réagir - positivement ou négativement - passe précisément par un comportement de foi. Il faudrait que nous creusions un peu cela.




L'aptitude à croire est chez l'homme une aptitude naturelle et même ne croire en rien c'est continuer à croire, cela n'équivaut pas à ne rien croire. La problématique n'est donc pas celle de l'aptitude à croire mais de l'objet sur lequel s'exerce cette aptitude. Il se trouve que l'aptitude à croire jouit d'un nombre infini de degrés de liberté quant au choix de son objet: en fait, un homme peut croire en tout et n'importe quoi et même en rien. Mais l'homme étant pourvu également d'une autre aptitude, à savoir la raison, il va être amené à régler ses croyances suivant les critères de la raison, mais encore faut-il croire en la raison et aux critères qu'elle avance ! D'emblée nous avons un processus circulaire: la raison se fait juge de la valeur de la foi et la foi se fait juge de la valeur de la raison. Comme chacun sait un cercle peut être vicieux ou vertueux: le cercle est vertueux lorsque la raison reconnaît pleinement la valeur de la foi et réciproquement la foi reconnaît pleinement la valeur de la raison, il est vicieux lorsque la raison repousse la foi et la foi repousse la raison jusqu'à conduire à un déchirement de l'unité spirituelle de l'homme. Dans votre cas par exemple, et vous n'êtes pas le seul, votre foi vous amène à rejeter d'office les preuves ayant trait à l'immortalité de l'âme et à l'existence de Dieu, votre foi se fait donc sur ce point en particulier juge suprême de la raison et lui refuse toute légitimité pour être juge en ce domaine, inversement sur la question de la présence de Satan dans l'histoire des hommes, cette fois-ci c'est votre raison qui se fait juge suprême de la foi. Cela illustre bien une des caractéristiques fondamentales de l'homme dit "moderne": le déchirement intérieur. Entre parenthèses je ferais remarquer que "diable", du grec "diabolos" signifie "diviseur".


MB a écrit :

Cela me fait penser à un exemple : il paraît qu'en physique fondamentale, il y a une théorie selon laquelle, en fin de compte, la matière n'existe pas (puisque les particules de matière sont indéfiniment sécables en de nouvelles particules, qui à leur tour, etc.) ; et que ce qu'on appelle matière, en fait, serait du vide animé d'un peu d'énergie. Ce qui est - soit dit en passant - théologiquement très intéressant. L'un des auteurs du portail sur St Thomas, qui figure parmi les liens de la "Cité", fait allusion à cette théorie et la conteste en la qualifiant en substance d'illogique ; comment, dit-il, l'énergie pourrait-elle exister sans matière ? Cela paraît bizarre en effet ; mais pourquoi pas ? Si ça se trouve, la théorie est juste, et dans ce cas, qu'est-ce que la "matière" peut avoir à faire de la logique argumentative ? Il en va de même avec les théories quantiques, les neutrinos, la lumière qui serait à la fois corpusculaire et ondulatoire - cette dernière idée est totalement illogique vue d'ici, et alors ?
Bien sûr, je ressasse ici quelque chose que je ne connais pas très bien, les débats sur la validité de la métaphysique par rapport à la connaissance positive, qui ne sont pas tout à fait nouveaux. Mais enfin, on ne peut pas tout faire dire au langage, semble-t-il.

Cela ne remet pas en cause l'intelligibilité du monde en tant que telle (le Logos ordonnateur du cosmos) mais cela montre que le paradigme élaboré par l'homme pour expliquer une classe de phénomènes n'est pas toujours satisfaisant et qu'une expérience peut le contredire, amenant à l'élaboration d'un autre paradigme et ainsi de suite. Par exemple l'avance du périhélie de Mercure est inexplicable dans le cadre newtonien, mais explicable dans le cadre de la relativité générale. Il faut aussi faire attention à une chose c'est que la physique théorique use de plus en plus d'artifices mathématiques, par exemple en théorique quantique des champs en résolvant les équations on aboutit à une valeur infinie de l'énergie alors qu'il n'y a aucune particule présente dans le vide, mais il ne faut pas en déduire automatiquement que ce résultat a une signification physique, cela peut être une aberration de la théorie, d'ailleurs on procède ensuite à une renormalisation de la théorie c'est à dire que l'on ramène par convention cette valeur à zéro. Au sujet de "l'équivalence entre matière et énergie" j'ai comme l'impression qu'il y a une extrapolation hâtive à partir du principe établi par Einstein, et validé expérimentalement, de l'équivalence entre masse et énergie, la masse n'étant pas la matière mais une grandeur attribuée à la matière. Quoi qu'il en soit les Anciens n'entendaient pas le mot matière au sens physique comme les Modernes mais au sens métaphysique: la matière se définit comme ce à partir de quoi une forme s'actualise, il faut donc comprendre cela de manière très générale comme une virtualité susceptible sous l'action et conditions de certains principes de se réaliser, de devenir quelque chose, on peut même appliquer ce terme dans le cadre de l'intellection. Il n'est pas toujours pertinent d'opposer les Anciens et les Modernes lorsque les termes qu'ils emploient ne se réfèrent pas aux mêmes notions. Puisque nous avons abordé le thème des jugements de raison en science physique et constaté qu'ils étaient susceptibles d'évolution soit dans le sens d'une confirmation, soit dans le sens d'une infirmation sans aucune garantie qu'un jour ils puissent être fixés définitivement, je voudrais évoquer un autre type de jugement: les jugements d'autorité irréformables, infaillibles ayant une portée absolue et dont la raison n'a pas à discuter la validité, il s'agit bien sûr des jugements d'autorité de l'Eglise frappés du sceau de l'infaillibilité, c'est à dire lorsque l'Eglise exerce son magistère extraordinaire participant à l'infaillibilité du Christ lui-même. Si l'Eglise ne prononcait pas de tels jugements, les hommes s'en remettraient à l'autorité de leur propre raison ou de leurs propres croyances pour discuter à n'en plus finir de l'enseignement du Christ, de la façon de le comprendre et de l'appliquer, et le catholicisme serait rabaissé au niveau du protestantisme ou de l'Islam où chacun raconte ce qui lui plaît, alors que le Christ nous a montré l'exemple de l'obéissance en faisant "non Sa volonté mais celle du Père" et a choisi Saint Pierre comme le prince des apôtres à la tête d'une Eglise Une et investie de Son autorité. Cela me permet de faire la transition avec votre remarque suivante sur l'emploi idéologique d'une doctrine: un tel emploi sert toujours des intérêts temporels, par exemple on peut faire l'hypothèse que Georges Bush a fait un emploi idéologique du christianisme évangélique pour renforcer sa décision de faire la guerre en Irak. Et d'ailleurs l'argument idéologique se retourne contre les modernistes eux-mêmes, le modernisme n'est-il pas lui-même une idéologie ad hoc ? une idéologie visant à renverser le rapport traditionnel de subordination du temporel au spirituel ?


Nul besoin d'idéologiser les proclamations ex cathedra de l'Eglise, donc infaillibles, irréformables, valables absolument pour les siècles des siècles, pour dire que les modernistes, qu'ils soient catholiques ou non, sont dans l'erreur, il suffit de savoir lire:


L'Encyclique Quanta Cura

du 8 décembre 1864

Pape Pie IX

...
14 - Au milieu donc d'une telle perversité d'opinions corrompues, Nous souvenant de Notre charge Apostolique, dans notre plus vive sollicitude pour notre très sainte religion, pour la saine doctrine, et pour le salut des âmes à Nous confiées par Dieu, et pour le bien de la société humaine elle-même, Nous avons jugé bon d'élever à nouveau Notre Voix Apostolique. En conséquence, toutes et chacune des opinions déréglées et des doctrines rappelées en détail dans ces Lettres, Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons de Notre Autorité Apostolique ; et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de l'Eglise catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites et condamnées [condamnations ex cathedra ou prononcées infailliblement et par conséquent irréformables].
...


Syllabus

8 décembre 1864

Recueil renfermant les principales erreurs de notre temps

qui sont condamnées dans les allocutions consistoriales, encycliques et

autres lettres apostoliques de N. T. S. P. le pape Pie IX.



Erreurs qui se rapportent au libéralisme contemporain.

77. - A notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'Etat, à l'exclusion de tous les autres cultes.

- Allocution Nemo vestrum, 26 juillet 1855.

78. - Aussi, c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui viennent s'y établir, y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers.

- Allocution Jamdudum cernimus, 18 mars 1861.

79. - En effet, il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir attribué à tous de manifester ouvertement et publiquement n'importe quelles opinions et n'importe quelles pensées, conduisent plus facilement les peuples à la corruption des mœurs et des esprits, et propagent la peste de l'indifférentisme.

- Allocution Numquam fore, 15 décembre 1856.

80. - Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et composer avec le progrès, avec le libéralisme et avec la civilisation moderne.

- Allocution Jamdudum cernimus, 18 mars 1861.

...

Sur l'infaillibilité, caractère exprimant que tous les jugements de l'Eglise ne sont pas à géométrie variable comme le souhaiteraient les "catholiques" libéraux:



Henri Hello, Docteur en Théologie, Le Syllabus au XXe siècle, Victor Retaux, Librairie-Editeur, 1906, pp. 11-12, 13-14, 15-17, 18-19, 22-23, 35, 41-42, 45, 51 et 52 :


" [...] Répondons maintenant à cette grave question : le Syllabus est-il un document ex cathedra obligeant la conscience catholique, en vertu de l'infaillibilité pontificale, à rejeter au moins comme des erreurs toutes et chacune des propositions qu'il condamne ?

" Le cardinal Mazzella, dans son cours au Collège romain, l'affirme et réfute les objections contraires (De religione et Ecclesia, pp. 822-824).

" Nous le suivons dans notre réponse.

" Le Syllabus, dit-il, réunit toutes les conditions acquises pour un document ex cathedra, soit infaillible.

" Ces conditions sont les suivantes :

a) Que le Pape parle comme Docteur et Pasteur suprême de l'Eglise.

b) Qu'il parle pour enseigner des doctrines qui sont l'objet direct ou indirect de l'infaillibilité, ou pour condamner des doctrines contraires directement ou indirectement à la foi catholique.

c) Qu'il porte une sentence définitive, avec l'intention d'obliger en conscience : aucune formule solennelle n'est déterminée.

d) Qu'il oblige l'Eglise entière, même s'il s'adresse à une seule personne, par exemple à un évêque (c'est le cas pour la lettre à l'archevêque de Munich ou de Frisingue).

" Ces conditions, dit le cardinal Mazzella, sont réunies en ce qui concerne le Syllabus. " Simplex applicatio conditionum quæ juxta concilium Vaticanuum ad hujusmodi actum requiruntur, evidenter ostendit infaillibilitatis characterem ei denegari nullatenus passe."

" Peu importe, dit-il, que le Syllabus soit dépourvu de certaines formules solennelles qui se trouvent dans d'autres actes. Ces formules ne sont pas de droit divin. Le droit ecclésiastique ou la pratique de l'Eglise, d'où elles dérivent, ne les impose pas absolument. Il suffit que l'intention d'obliger l'Eglise universelle soit manifeste, avec ou sans ces formules.

" Or, dans le Syllabus, le Pape parle comme Docteur suprême, en des matières qui toutes concernent la foi et les mœurs, ou s'y rattachent, et sont par conséquent l'objet direct ou indirect de l'infaillibilité ; l'intérêt de l'Eglise universelle y est engagé, et le Pape commande avec l'intention manifeste d'être obéi.

" L'autorité du Syllabus est prouvée par l'Encyclique Quanta Cura, à la suite de laquelle il a été promulgué.

" Lorsque, dans l'Encyclique, Pie IX, déclare qu'il a déjà condamné, en vertu de son autorité apostolique les principales erreurs de notre époque, il montre évidemment : 1° Qu'il parle des propositions condamnées dans ses actes précédents ; maintenant réunies dans le Syllabus, dont il annonce le titre par ces paroles : les principales erreurs de notre temps 2° Qu'il ne condamne pas moins en vertu de la plénitude de son autorité infaillible ces propositions réunies dans le Syllabus, que les autres erreurs dérivées de celles-là, et qu'il condamne solennellement dans le corps de l'Encyclique Quanta Cura.

" [...] Ainsi les erreurs condamnées par l'Encyclique Quanta Cura le sont ex cathedra. Et Pie IX déclare qu'il ne fait que continuer ce qu'il a commencé en condamnant d'autres erreurs qui sont la source de celles-ci. Donc, dans la pensée de Pie IX, il n'y a pas de différence entre la condamnation portée dans l'Encyclique Quanta Cura et les condamnations précédentes qui sont toutes réunies dans le Syllabus : - elles sont toutes ex cathedra. [...]


Maintenant les modernistes peuvent toujours essayer de faire croire que l'Eglise doit s'ouvrir à la modernité pour que son message passe mieux, quand il n'y aura plus de présence chrétienne en Europe peut-être comprendront-ils enfin. Mais rappelons nous que le Pape Pie IX a figé son ordre dans l'éternité et son ordre c'est de tenir les positions coûte que coûte face aux modernistes, c'est une mission de sacrifice.

par marchenoir » jeu. 27 avr. 2006, 21:59

Bonsoir Miles Christi
Miles Christi a écrit :
marchenoir a écrit : Deux choses sont radicalement différentes : d'une part, constater, arguments solides à l'appui, que saint Jean n'est pas le rédacteur de la totalité du quatrième évangile - ce qui n'est pas un dogme de Foi - d'autre part s'en servir comme levier pour nier l'authenticité du message du Christ !
C'est pourtant ce que font bon nombre de théologiens pour nier la valeur historique de pans entiers de l'Évangile, vous pouvez trouver aujourd'hui des manuels catholiques de théologie fondamentale dans lesquels la part belle est faite à la théologie protestante et plus particulièrement à l'entreprise de "démythologisation" de Bultmann qui en vient à rejeter le récit post pascal.

(...)

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, savoir jusqu'où la noirceur d'âme de cet hérétique l'a conduit, allant jusqu'à réduire la résurrection à un simple évènement existentiel entièrement contenu dans la mort du Christ, il leur suffit d'ouvrir un manuel de théologie catholique moderne: ces ouvrages sont infestés d'idées protestantes. Les protestants sont les champions de la modernité, ils ont déjà protestantisé le siècle, il ne leur reste plus qu'à protestantiser l'Eglise et pour cela ce ne sont pas les complicités de l'intérieur qui leur feront défaut. Lionel Jospin déclarait il y a quelques années de cela dans une interview "être un protestant athée", au train où vont les choses nous entendrons sous peu un catholique dire "je suis un catholique athée".
Entièrement d'accord avec vous sur ce que vous dites de Bultmann, et c'est grande pitié de lire les sornettes de ses épigones.

Je relève juste que là où vous parlez de « manuel de théologie catholique » vous devriez peut-être écrire « manuel de théologie prétendument catholique ».
Le document produit par la Commission Biblique Pontificale en 1993 est sans équivoque à ce sujet : « Il faut reconnaître, en effet, que certaines théories herméneutiques sont inadéquates pour interpréter l'Écriture. Par exemple, l'interprétation existentiale de Bultmann conduit à enfermer le message chrétien dans le carcan d'une philosophie particulière. De plus, en vertu des présupposés qui commandent cette herméneutique, le message religieux de la Bible est vidé en grande partie de sa réalité objective (par suite d'une excessive " démythologisation ") et tend à se subordonner à un message anthropologique. La philosophie devient norme d'interprétation plutôt qu'instrument de compréhension de ce qui est l'objet central de toute interprétation : la personne de Jésus-Christ et les événements de salut accomplis dans notre histoire. » (paragraphe 33)

Le problème est bien de savoir localiser ces erreurs par lesquelles le venin du Modernisme diffuse dans l’Église, et y apporter l’antidote catholique. Cependant, pour reprendre l’excellente image de Mgr Rifan s’adressant à une assemblée de traditionalistes (parmi lesquels bon nombre étaient de la Fraternité Saint Pie X), la différence entre la médicine et le poison, c’est la dose !
Et si le Modernisme, sous la forme de l’exégèse historico-critique telle qu’elle a pu être pratiquée, est le venin, une saine critique des méthodes et plus encore des présupposés philosophiques de cette exégèse est en effet la médicine. Cependant une critique qui, se déréglant, étendrait ses condamnations non seulement à ces méthodes mais encore à tout résultat de l’herméneutique contemporaine, deviendrait elle-même un poison !
Et en réalité, il n’est pas faux de dire que l’Église a eu, et a encore, à pâtir de ces deux poisons-là.

Le document de la Commission Biblique Pontificale déjà cité est là encore explicite :

- Sur le danger d’une certaine exégèse :
« De ce fait, l'exégèse historico-critique pouvait apparaître comme dissolvante et destructrice, d'autant plus que certains exégètes, sous l'influence de l'histoire comparée des religions, telle qu'elle se pratiquait alors, ou en partant de conceptions philosophiques, émettaient contre la Bible des jugements négatifs. » (&11)

- Sur la valeur de la méthode historico-critique (qu’elle décrit ensuite) :
« Quelle valeur accorder à la méthode historico-critique, en particulier au stade actuel de son évolution ?
C'est une méthode qui, utilisée de façon objective, n'implique de soi aucun a priori. Si son usage s'accompagne de tels a priori, cela n'est pas dû à la méthode elle-même, mais à des options herméneutiques qui orientent l'interprétation et peuvent être tendancieuses.
»(&14)
Et plus loin :
« Que dire de ces théories contemporaines de l'interprétation des textes ? La Bible est Parole de Dieu pour toutes les époques qui se succèdent. En conséquence, on ne saurait se dispenser d'une théorie herméneutique qui permette d'incorporer les méthodes de critique littéraire et historique dans un modèle d'interprétation plus large. Il s'agit de franchir la distance entre le temps des auteurs et premiers destinataires des textes bibliques et notre époque contemporaine, de façon à actualiser correctement le message des textes pour nourrir la vie de foi des chrétiens. Toute exégèse des textes est appelée à être complétée par une " herméneutique ", au sens récent du terme. (…)
L'herméneutique contemporaine est une saine réaction au positivisme historique et à la tentation d'appliquer à l'étude de la Bible les critères d'objectivité utilisés dans les sciences naturelles.
» (&33)

La description de cette méthode :
« La critique textuelle, pratiquée depuis longtemps, ouvre la série des opérations scientifiques. Se basant sur le témoignage des manuscrits les plus anciens et les meilleurs, ainsi que sur ceux des papyrus, des traductions anciennes et de la patristique, elle cherche, selon des règles déterminées, à établir un texte biblique qui soit aussi proche que possible du texte original.
Le texte est ensuite soumis à une analyse linguistique (morphologie et syntaxe) et sémantique, qui utilise les connaissances obtenues grâce aux études de philologie historique. La critique littéraire s'efforce alors de discerner le début et la fin des unités textuelles, grandes et petites, et de vérifier la cohérence interne des textes.
L'existence de doublets, de divergences inconciliables et d'autres indices manifeste le caractère composite de certains textes, qu'on divise alors en petites unités, dont on étudie l'appartenance possible à diverses sources. La critique des genres cherche à déterminer les genres littéraires, leur milieu d'origine, leurs traits spécifiques et leur évolution. La critique des traditions situe les textes dans les courants de tradition, dont elle cherche à préciser l'évolution au cours de l'histoire. Enfin, la critique de la rédaction étudie les modifications que les textes ont subies avant d'être fixés dans leur état final ; elle analyse cet état final, en s'efforçant de discerner les orientations qui lui sont propres. Alors que les étapes précédentes ont cherché à expliquer le texte par sa genèse, dans une perspective diachronique, cette dernière étape se termine par une étude synchronique : on y explique le texte en lui-même, grâce aux relations mutuelles de ses divers éléments et en le considérant sous son aspect de message communiqué par l'auteur à ses contemporains. La fonction pragmatique du texte peut alors être prise en considération.
Lorsque les textes étudiés appartiennent à un genre littéraire historique ou sont en rapport avec des événements de l'histoire, la critique historique complète la critique littéraire, pour préciser leur portée historique, au sens moderne de l'expression.
C'est de cette façon que sont mises en lumière les différentes étapes du déroulement concret de la révélation biblique.
» (&13)

- Sur les dangers de négliger cette méthode :
« Mais une carence sur ce point expose l'Eglise à de graves inconvénients, car pasteurs et fidèles risquent alors de tomber à la merci d'une science exégétique étrangère à l'Eglise et privée de rapports avec la vie de la foi. En déclarant que " l'étude de la Sainte Ecriture " doit être " comme l'âme de la Théologie " ( Dei Verbum 24 ), le II e Concile du Vatican a montré toute l'importance de la recherche exégétique. Du même coup, il a aussi rappelé implicitement aux exégètes catholiques que leurs recherches ont avec la théologie un rapport essentiel, dont ils doivent se montrer conscients. »(&49)
Et dans la même veine, lors du discours à l’Académie Pontificale des Sciences, le 31 octobre 1992, Jean-Paul II affirmait : « Au siècle passé et au début du nôtre, le progrès des sciences historiques a permis d'acquérir de nouvelles connaissances sur la Bible et le milieu biblique. Le contexte rationaliste dans lequel, le plus souvent, les acquis étaient présentés, a pu sembler les rendre ruineux pour la foi chrétienne. Certains, dans le souci de défendre la foi, ont pensé qu'il fallait rejeter des conclusions historiques sérieusement établies. Ce fut là une décision précipitée et malheureuse. L'œuvre d'un pionnier comme le Père Lagrange aura été de savoir opérer les discernements nécessaires sur la base de critères sûrs.
Il faut répéter ici ce que j'ai dit plus haut. C'est un devoir pour les théologiens de se tenir régulièrement informés des acquisitions scientifiques pour examiner, le cas échéant, s'il y a lieu ou non de les prendre en compte dans leur réflexion ou d'opérer des révisions dans leur enseignement.
»


Récemment je relisais la réponse du Père Pierre Grelot au livre cent fois méprisable de Claude Allègre, Dieu face à la science. Cette réponse, La science face à la foi – Lettre ouverte à Monsieur Allègre, est en tout point bien vue, mais le pauvre Père dut avouer qu’au temps de ses études, ne disposant pas de commentaires historico-critique de la Genèse (celui du Père Lagrange ayant été interdit, bien que parfaitement orthodoxe), il fut obligé de recourir à des commentaires venus de l’anglicanisme car bien informés et moins marqués par le modernisme que ceux des théologiens protestants d’outre-Rhin. Misère !!!
Miles Christi a écrit : Le propos du Père Brune est bien plutôt de montrer, et il est facile de le montrer à travers l'histoire de l'exégèse et théologie protestante, comment un simple doute, qui parfois n'a même pas lieu d'être (comme il le soutient à propos de la rédaction du 4ème Evangile, lui et des exégètes de renom) peut de fil en aiguille et par un effet cumulatif entraîner le croyant dans un engrenage infernal jusqu'à ruiner totalement sa foi.
Je comprends bien le drame de l’enchaînement qui conduit du doute à la perte de la foi. À bien y réfléchir, c’est un problème de pastorale. Doit-on faire primer la recherche de la vérité sur le risque dont on vient de parler ? Là est, en réalité, le centre du débat.
En fonction de votre réponse à cette question, vous serez certainement classé dans l’une ou l’autre des catégories – en France, c’est comme ça, on classe – vous acceptez le risque et vous êtes taxé de progressiste, vous ne l’acceptez pas, et pof ! vous voilà intégriste.

Cependant, si avoir son sentiment sur la question est certes légitime, pour ce qui est de la pastorale, je ne reconnais qu’une seule et unique maîtresse : Notre Mère l’Église. On peut alors regretter ceci ou cela, penser qu’elle se montre trop comme ceci ou trop comme cela, mais estimer avoir raison contre elle, voilà ce que j’appelle avoir l’esprit moderne.

Dans le discours précédemment cité, Jean-Paul II rappelait la voie dans laquelle devait s’engager l’Église, vous me permettrez de m’aligner sur ses propos : « La crise que je viens d'évoquer n'est pas le seul facteur à avoir eu des répercussions sur l'interprétation de la Bible. Nous touchons ici au deuxième aspect du problème, l'aspect pastoral.
En vertu de sa mission propre, l'Église a le devoir d'être attentive aux incidences pastorales de sa parole. Qu'il soit clair, avant tout, que cette parole doit correspondre à la vérité. Mais il s'agit de savoir comment prendre en considération une donnée scientifique nouvelle quand elle semble contredire des vérités de foi (...) Disons, d'une manière générale, que le pasteur doit se montrer prêt à une authentique audace, évitant le double écueil de l'attitude timorée et du jugement précipité, qui l'un et l'autre peuvent faire beaucoup de mal.
».

Ici comme ailleurs, la vertu à demander et à cultiver est celle de l'authentique Prudence.

Ad Majorem Dei Gloriam.

Marchenoir.

par MB » jeu. 27 avr. 2006, 19:29

Bonjour Miles

- Je vous reprends, pour commencer, par un détail :

"Sur ce point les universités américaines sont beaucoup plus libres, en tout cas elles ne sont pas soumises à ce Diktat idéologique républicain, ce qui peut aussi expliquer pourquoi de brillants universitaires français s'exilent là-bas, et également pourquoi dans un classement récent des 100 premières universités mondiales la première université française n'arrive qu'en 41 ème position".

Il est vrai que l'on respire un peu plus d'air quand on sort de ce pays, mais aux Etats-Unis la situation n'est pas forcément celle que vous croyez ; le milieu universitaire nord-américain est au contraire le plus gauchiste qui soit ; c'est là que l'on retrouve le plus de staliniens orthodoxes (je n'ironise pas), là que la French theory a planté ses racines le plus profondément. J'ai lu récemment, dans la Chronicle of Higher Education, que d'après une étude 90 % des universitaires américains se disaient de "left" ou "liberal" (dans le sens local du terme). Ca n'est pas mal non plus... Dieu merci, ce système est tellement énorme et surdimensionné que l'on retrouve toujours de très nombreuses exceptions. Cela dit, si les Français y partent, c'est avant tout pour des meilleures conditions de travail et pour de meilleurs salaires.

- Pour vos histoires avec le Panthéon, etc., qui sont d'ailleurs hors sujet, honnêtement, je hausse les épaules. On n'y fait pas de sacrifices, on n'y brûle pas d'encens, et parler de la République comme d'une "idole" me paraît un abus de langage. Si ma dépouille se retrouve là, qu'est-ce que ça peut me faire puisqu'elle sera insensible et que mon âme sera ailleurs ? Pasteur y est, pourquoi pas moi ?

- Vous ne mentionnez pas toutes les références de Kant et de Marx que vous citez ; cela me serait utile, certaines valent la peine d'être relues (Kant qui ne croit pas en Dieu, cela m'étonne de lui, il est un joli fruit du piétisme protestant... mais puisque vous le dites...).

- Ce que vous dites sur le "rationalisme objet de foi irrationnelle" me paraît très fécond. Il me semble que nous avons là une conséquence collatérale du christianisme : à partir du moment où la foi surgit dans le monde et s'y impose comme un référent culturel majeur, la seule manière possible d'y réagir - positivement ou négativement - passe précisément par un comportement de foi. Il faudrait que nous creusions un peu cela.

- Après avoir lu votre argumentation sur les preuves de l'existence de Dieu, sur les vérités éternelles saisissables par la pensée, etc., je vous avoue n'arriver pas à changer d'avis. J'ai foi dans le langage - la preuve, je m'en sers pour discuter de ces choses-là - mais honnêtement, il est difficile d'imaginer que le langage puisse prouver par lui-même des réalités si intemporelles.
Cela me fait penser à un exemple : il paraît qu'en physique fondamentale, il y a une théorie selon laquelle, en fin de compte, la matière n'existe pas (puisque les particules de matière sont indéfiniment sécables en de nouvelles particules, qui à leur tour, etc.) ; et que ce qu'on appelle matière, en fait, serait du vide animé d'un peu d'énergie. Ce qui est - soit dit en passant - théologiquement très intéressant. L'un des auteurs du portail sur St Thomas, qui figure parmi les liens de la "Cité", fait allusion à cette théorie et la conteste en la qualifiant en substance d'illogique ; comment, dit-il, l'énergie pourrait-elle exister sans matière ? Cela paraît bizarre en effet ; mais pourquoi pas ? Si ça se trouve, la théorie est juste, et dans ce cas, qu'est-ce que la "matière" peut avoir à faire de la logique argumentative ? Il en va de même avec les théories quantiques, les neutrinos, la lumière qui serait à la fois corpusculaire et ondulatoire - cette dernière idée est totalement illogique vue d'ici, et alors ?
Bien sûr, je ressasse ici quelque chose que je ne connais pas très bien, les débats sur la validité de la métaphysique par rapport à la connaissance positive, qui ne sont pas tout à fait nouveaux. Mais enfin, on ne peut pas tout faire dire au langage, semble-t-il.

- Votre réponse vis-à-vis de l'idéologie n'est absolument pas satisfaisante, pour deux raisons :
1° Une idéologie n'est pas tout ; il y a aussi le mode de pensée idéologique. On peut utiliser une idéologie de manière non idéologique ; on peut aussi utiliser une doctrine non idéologique de manière idéologique (j'espère que je ne m'embrouille pas...). En l'occurrence, ce dernier cas est le vôtre ; quoiqu'on vous dise, vous réinterprétez tout argument pour confirmer votre manière de voir, et au pire, si quelqu'un parle contre vous, c'est qu'il est manipulé par le démon. Inutilisable, nul et non avenu. J'ai déjà feuilleté, par accident, des opuscules de Vladimir Illitch, et j'ai parfois l'impression qu'il suffirait de changer quelques mots à votre discours pour le faire devenir léniniste.
2° Vous ressortez encore, en substance, la justification "oui, mais nous nous avons raison, la preuve c'est que Dieu l'a dit, et donc ce que je dis n'est pas une idéologie". L'argument n'est pas valable, et la réponse a déjà été développée par Locke : c'est bien beau de se donner de l'importance et de se dire exceptionnel en affirmant qu'on a raison, mais à quoi bon le faire si toutes les parties en présence agissent de même ?

Bien à vous
MB

par Miles Christi » jeu. 27 avr. 2006, 15:53

MB a écrit :
Bonjour Miles Christi


Pour commencer, des détails :

- les "intellectuels hexagonaux" auxquels je pense ne sont peut-être pas ceux auxquels vous croyez. Je pensais à pas mal de mes connaissances universitaires (profs, chercheurs), qui travaillent des domaines un peu techniques (histoire, sciences humaines), et qui, pour beaucoup, refusent par principe de lire des travaux de théologiens ou d'historiens ayant l'air de faire de l'histoire à visée apologétique. Ils partent du principe - c'est leur problème - que les savants chrétiens ne sont pas libres de faire du travail dans des conditions intellectuelles honnêtes. Je connais un prof qui traite les savants chrétiens avec aussi peu de sérieux que les savants marxistes. Vous me direz : tant pis pour lui, et je vous approuverai volontiers. Le souci est que les intellectuels dont je vous parle sont nombreux et tiennent, du moins dans leur domaine, le haut du pavé ; leur opinion, même non fondée, a donc de l'importance et il faut en tenir compte. Il me paraît clair que la répression du modernisme n'a fait que conforter dans leurs préjugés les gens qui les ont formés...

Je vous accorde qu'en France il y a un réel problème avec la main mise sur l'Education nationale d'"intellectuels" viscéralement anticatholiques: gauchistes, libéraux, ou entre les deux tendances (comme les bobos) ils ont en commun d'être républicains, donc d'adorer une idole païenne qui n'a rien trouvé de mieux à faire que d'ériger un temple païen pour honorer la mémoire de ses morts: le Panthéon. Lorsque l'on songe que la nécropole des rois ayant fait la France était la basilique Saint-Denis, cette résurgence païenne fait froid dans le dos. Tout catholique qui se respecte devrait mettre comme dernière volonté dans son testament: "Au cas où la République désirerait m'honorer post mortem en transférant ma dépouille au Panthéon, je fais savoir que je refuse catégoriquement que mon corps repose en terre païenne". Sur ce point les universités américaines sont beaucoup plus libres, en tout cas elles ne sont pas soumises à ce Diktat idéologique républicain, ce qui peut aussi expliquer pourquoi de brillants universitaires français s'exilent là-bas, et également pourquoi dans un classement récent des 100 premières universités mondiales la première université française n'arrive qu'en 41 ème position. Là où je ne vous suis pas c'est lorsque vous semblez dire qu'il faudrait ménager la susceptibilité à fleur de peau de ces endoctrinés: il me semble que cette "opération séduction" (nonobstant le fait que la séduction est propre au Malin) ne servirait à rien puisque le système éducatif, voire même peut-être tout le régime républicain est sur le point de s'effondrer, donc plutôt que de risquer de se compromettre avec les intellectuels républicains en chute libre, les catholiques feraient mieux de rester en retrait et d'élaborer leurs propres solutions éducatives.

MB a écrit :
- ce que vous dites sur le savant en sciences cognitives est très intéressant. D'ailleurs il vous fait pointer le doigt sur un problème réel, savoir que la modernité (telle que vous l'entendez) comporte des éléments irrationnels. Or, dans un autre fil, vous en parlez comme de quelque chose de rationaliste ; il faut être plus précis.

Attention il ne faut pas confondre "être rationel" et "être rationaliste", je dirais même que le rationaliste est irrationel. Celui qui est rationel est celui qui sait faire usage de sa raison alors que le rationaliste en fait un fort mauvais usage à tel point qu'il en vient à souscrire à cette idéologie, car c'est une idéologie, du "rationalisme", on pourrait disserter des pages sur cette erreur moderne qui a imprégné le courant scientiste du XIXème, le positivisme etc, jusqu'à nos jours. Disons pour résumer que le rationaliste croit la raison humaine toute puissante, ce qui ne veut nullement dire que la sienne propre l'est effectivement (ce qui a fait dire à Louis Pasteur: "Peu de science éloigne de Dieu et beaucoup de science en rapproche"). Un rationaliste peut fort bien être un ignare en théorie de la démonstration, ne connaissant strictement rien des théorèmes d'incomplétudes de Gödel, voire même incapable d'effectuer la démonstration la plus élémentaire, et vous asséner avec aplomb que toute vérité est démontrable.



MB a écrit :

L'exemple des preuves rationnelles de l'existence de Dieu est percutant et me concerne directement : quel que soit le respect que je voue à l'architecture rhétorique et philosophique de ces démonstrations, elles ne parviennent pas à me convaincre ; pardonnez-moi, ce n'est pas que je leur en veuille, mais je n'arrive pas à croire à la portée réelle de la discussion métaphysique (autant se demander, comme le faisaient les présocratiques, si l'âme est une ou multiple, du feu, de l'eau, de la terre, etc. avec des arguments solides à l'appui...). Un jour viendra, qui sait...



L'immortalité de l'âme, ou immortalité naturelle de l'homme en langage théologique, est démontrable sans problème, Saint Thomas d'Aquin l'a fait dans un style aristotélicien, Plotin dans un style platonicien mais leurs arguments sont toujours valables, ils s'appuient sur le constat évident que le corps est fini, que toutes ses opérations sont finies mais qu'en revanche la pensée a une portée infinie dans le concept, absolument irréductible à son extension sensible, qui elle n'est jamais qu'une collection finie d'objets. La pensée n'est par conséquent pas une opération matérielle, mais une opération d'un autre ordre. Qui plus est, elle est capable de saisir des "vérités éternelles", c'est descartes qui a employé ce terme constatant que si un objet physique varie constamment au cours du temps, en revanche un objet purement conceptuel reste invariant: Les cercles qu'Archimède a tracé sur le sol juste avant d'être tué par les Romains ne sont plus là mais le concept du cercle est toujours rigoureusement le même. D'une opération immatérielle ayant pour objet des vérités éternelles on en infère une res gogitans incorruptibilis et immortalis". Pour ce qui est de la validité des preuves de l'existence de Dieu, cosmologiques (comme les quinque viae de Saint Thomas d'Aquin) ou ontologiques (comme chez Saint Anselme, Descartes et Gödel) c'est plus complexe du fait du caractère suréminent et surnaturel de l'objet que nous ne pouvons approcher que de manière équivoque, par exemple dans le cas de la preuve ontologique anselmienne qui définit Dieu comme "un être tel que l'on ne puisse en concevoir de plus grand" on pourrait par exemple alléguer qu'un être dont l'existence n'est pas prouvable est plus grand qu'un être dont l'existence est prouvable parce que justement son existence dépasse toute raison, on en serait ainsi ramené à prouver ce qui n'est pas prouvable, d'où une contradiction. Pour ce qui est des preuves cosmologiques de Saint-Thomas d'Aquin, contrairement aux préjugés des modernistes qui en ont fait des fossiles de l'âge scolastique, la critique de leur validité est loin d'être triviale, ainsi en est-il de celle qui utilise les arguments de la non régression à l'infini, de la non réflexivité de la cause et de la distinction logique entre causes secondes ou moyens et cause première ou cause motrice par elle-même.

MB a écrit :
De manière générale, il y a un biais, dans votre démarche, qui rend impossible toute sérénité intellectuelle. Laisser la moindre place à l'examen humain, ne serait-ce que pour un infime détail, c'est selon vous la porte ouverte à toutes les erreurs modernes. Dans un sens, c'est vrai, puisque la liberté permet de dire des bêtises. Mais vous en faites comme une conséquence nécessaire, et surtout une conséquence nécessaire s'imposant à tous, y compris l'Eglise (ce qui, je le répète, est faux). On voit votre peu de confiance, il est vrai.

Forcément, quand vous partez d'un principe négatif et que vous cherchez à y accorder tout ce que vous voyez, on en arrive à vos conclusions. En substance, "modernité = pas bien" (en ayant une définition tendancieuse de la modernité, comme je l'ai dit ailleurs, et surtout en en faisant un bloc, ce qui est inadéquat), "modernité = diable", et "initiative correspondant à ce que j'apelle modernité = travail du démon". Tout ce qu'on pourra vous dire, vous l'interpréterez comme une preuve supplémentaire du travail du démon dans notre monde.

C'est exactement ce qui s'appelle une interprétation idéologique des choses ; c'est suivre une idéologie circulaire, qui non seulement prétend avoir réponse à tout, mais qui en plus interprète toute contestation comme preuve supplémentaire de sa validité. Exactement comme les marxistes ("si vous êtes contre ma théorie, c'est que vous êtes trompé par l'idéologie bourgeoise"), la psychanalyse ("si vous êtes contre, c'est votre névrose qui parle à travers vous"), les théories bourdieusiennes ("si vous êtes contre, c'est que vous êtes travaillé par votre habitus culturel"), le fanatisme musulman ("si vous êtes contre, c'est que vos ancêtres ont trafiqué la Bible"), etc. Permettez-moi donc de considérer votre manière de voir comme intellectuellement inutilisable.

Fraternellement

MB
Vous n'y êtes pas du tout: l'idéologie n'est qu'une classe d'idées organisées systématiquement par un ou plusieurs hommes et affranchie de toute autorité divine. Le marxisme, tout comme le libéralisme sont des idéologies et elles ont été fermement condamnées par l'Eglise. L'Eglise se distingue de toutes les autres institutions et organisations temporelles en ceci: elle ne procède pas de la libre décision d'individus de se constituer en association mais elle a pour fondement la volonté souveraine du Christ lui-même:

"Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis et je vous ai établis ," (Jean XV, 16).


Tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux.
Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église , et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle.

(Matt,16 17-18)


L'Eglise est donc une institution divine tenant son autorité de Dieu lui-même. Autorité, jugement d'autorité, le mot qui fait hérisser le poil des modernistes est lâché. Cela permet de comprendre pourquoi la position de l'Eglise qui est celle du Ressuscité obéissant jusqu'à la mort est irréconciliable avec la position du Révolté désobéissant jusqu'à la chute. D'un côté une hétéronimie faite de jugements de raison et de jugements d'autorité, de vérités de raison et de vérités de foi, de l'autre une autonomie de la raison se reconnaissant comme seul juge de ce qui est vrai et de ce qui est faux. C'est d'ailleurs Kant, un protestant (comme par hasard), pénétré de l'esprit de l'Aufklärung, qui au nom de l'autonomie de la raison a artificiellement opposé les jugements d'autorité écclésiaux et les jugements de raison, pour aboutir à ça:



Ne croyant pas à la Révélation, ni en l'Incarnation de Dieu en Jésus, (lequel perdrait sa valeur d'exemple) il est cependant persuadé de l'utilité de la religion pour l'ordre et la paix sociale. Kant défend l'idée d'une religion morale dans laquelle Dieu, dont l'existence ne peut être démontrée, est l'initiateur de la conscience morale.


"La religion, sans la conscience morale n'est qu'un culte superstitieux. On croit servir Dieu lorsque, par exemple, on le loue ou célèbre sa puissance, sa sagesse, sans penser à la manière d'obéir aux lois divines, sans même connaître et étudier cette sagesse et cette puissance. Pour certaines gens, les cantiques sont un opium pour la conscience et un oreiller sur lequel on peut tranquillement dormir."
(Emmanuel Kant / 1724-1804 / Réflexions sur l'éducation)


"Dieu n'est pas une substance extérieure mais une relation morale en nous."

(Emmanuel Kant / 1724-1804 / Opus postumum)

"On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter."
(Emmanuel Kant / 1724-1804)

"Moi, je n'y crois pas [en Dieu], les élites ne doivent pas croire en Dieu, mais les pauvres doivent y croire parce que c'est un facteur de paix sociale."
(Emmanuel Kant / 1724-1804)





Mais il y a bien pire, et nous y venons. Puisque vous parlez d'idéologie circulaire, il faut dire que dans le cadre du catholicisme une telle circularité n'existe pas parce que justement une autorité externe fondée en Christ vient rompre tout cercle imprédicatif et de plus l'Eglise n'est pas à son service (comme c'est par exemple le cas pour un groupement d'intérêts) mais au service de Dieu, des peuples et des hommes, par contre vous avez raison dans le cas du marxisme qui repose sur la philosophie de Hegel (encore un protestant) qui allant encore plus loin que Kant n'a pas simplement voulu que la raison soit autonome mais qu'elle soit aussi absolue, pour devenir la Raison, se fondant elle-même et se contredisant, à la fois sujet divin en et pour lui-même, moteur de l'histoire, des idées, etc ...



Hegel décrit bien ainsi l’organisation du tout de la science spéculative ou de ce que – reprenant sa définition par Kant comme totalité rationnelle – il appelle l’« Idée » de la philosophie : « Chacune des parties de la philosophie est un Tout philosophique, un cercle se fermant en lui-même , mais l’Idée philosophique y est dans une déterminité ou un élément particuliers... Le Tout se présente par suite comme un cercle de cercles, dont chacun est un élément nécessaire , de telle sorte que le système de leurs éléments propres constitue l’Idée tout entière, qui apparaît aussi bien en chaque élément singulier »( Enc, I, § 15, B, p. 181).

Hegel, au contraire, fait de la pensée de l’être, alors absolument manifesté comme être, la pensée de soi de l’être lui-même. Le hégélianisme, c’est d’abord, cette inouïe confiance en soi de la pensée : «L’essence fermée de l’univers n’a en elle aucune force qui pourrait résister au courage du connaître, elle doit nécessairement s’ouvrir devant lui et mettre sous ses yeux ainsi qu’offrir à sa jouissance sa richesse et ses profondeurs» (Allocution universitaire de 1818 à Berlin, Enc, I, B, p. 149) .


Pour ce qui est du combat contre Satan, combat livré par le Christ dans l'Evangile, l'Eglise peut non seulement faire valoir deux-milles ans d'expérience mais aussi affirmer que c'est un de ses charismes et ministères. Par conséquents entre les opinions de jeunes blanc-becs anticléricaux prétendument intellectuels et sortis de leur "minorité" (c'est à dire affranchi de toute autorité pour reprendre le terme péjoratif kantien) et un jugement d'autorité de l'Eglise il n'y a pas à hésiter, c'est la parole de l'Eglise qui doit avoir la primauté. Lorsque l'Eglise a condamné le communisme, cela a fait rire beaucoup d'intellectuels, mais au final qui s'est fourvoyé, qui n'a pas vu venir les famines, les camps, les dizaines de millions de morts, qui n'a pas voulu dénoncer ces crimes abominables ? Et qui encore aujourd'hui veut faire croire que ce n'est rien de plus qu'une aventure humaine qui aurait mal tourné, que le communisme n'est pas l'oeuvre de Satan mais le salut du genre humain ? Pour le libéralisme c'est la même chose, l'Eglise l'a condamné, les intellectuels ne tiennent aucun compte de cette mise en garde, ils n'en font qu'à leur tête et ce n'est qu'une fois que le désatre aura atteint son ampleur paroxystique qu'ils réaliseront, et encore ...

Pourtant l'Eglise ne fait pas de procès d'intention comme les philosophes et théologiens du soupçon, elle juge sur pièce avec la saine raison éclairée par les lumières de la Foi, comme dans le cas de K. Marx. Même le pasteur protestant Wurmbrand fait preuve de lucidité sur ce coup, voilà le résultat de ses recherches ("Was Karl Marx a satanist ?)





A la fin de ses études secondaires, son livret scolaire indique, sous la rubrique "Instruction religieuse": "Sa connaissance de la foi et de la morale chrétienne est lucide et bien fondée". L'oeuvre la plus ancienne qui nous soit parvenue de Karl Marx est intitulée "Union du fidèle au Christ". On y trouve par exemple des phrases comme celle-ci: "Par l'amour dont nous aimons le Christ, nous orientons en même temps nos coeurs vers nos frères qui nous sont intimement liés et pour lesquels Il s'est donné Lui-même en sacrifice... L'union au Christ est capable de procurer l'exaltation intérieure, le réconfort dans la douleur, une confiance paisible et un coeur susceptible d'aimer humainement tout ce qui est noble et grand, non par désir d'ambition ou de gloire, mais à cause du Christ". Dans un autre ouvrage, intitulé "Considérations d'un jeune homme sur le choix d'une carrière", il développait encore les mêmes idées, profondément chrétiennes.
Mais peu de temps après ses études secondaires, quelque chose s'est produit certainement dans sa vie qui l'a changé complètement. Il est devenu violemment antireligieux, non pas athée, comme on le croit souvent, mais antireligieux, ce qui est très différent. Il ne remet pas en cause l'existence de Dieu; il s'oppose à lui. Ceci apparaît nettement dans toute une série de poèmes et même dans une pièce de théâtre qui ne sera jamais jouée. La révolte qu'il y exprime sous le masque d'un "désespéré", d'un "ménestrel" ou d'"Oulanem" (anagramme presque parfait d'Emmanuel"), correspond certainement au drame qu'il vit lui-même à cette époque-là, seule explication possible du retour continuel de ce même et unique thème: "Je veux me venger de Celui qui règne au-dessus de nous". Ou encore, dans son poème intitulé "Invocation d'un désespéré", les vers suivants:

"Ainsi un dieu m'a arraché "mon tout"
Dans les malédictions et dans les coups du sort.
Tous ses mondes se sont évanouis
Sans espoir de retour,
Et il ne me reste plus désormais que la vengeance"

Nous avons là probablement une allusion à la cause de ce changement profond. K. Marx a l'impression que c'est Dieu lui-même qui lui a "arraché" quelque chose qu'il considérait comme son "tout". Il semble que d'autres textes fassent même allusion à un véritable pacte conclu avec Satan. Ainsi dans "Le ménestrel" où derrière la fiction se cache probablement K. Marx:

"Les vapeurs infernales me montent au cerveau
Et le remplissent jusqu'à ce que je devienne fou
ET que mon coeur soit complètement changé.
Regarde cette épée:
Le Prince des ténéèbres me l'a vendue".


Mais sa haine de Dieu se retourne bientôt contre l'humanité entière :

"Dédaigneusement, je jetterai mon gant
A la face du monde
Et verrai s'effondrer ce géant pygmée
Dont la chute n'éteindra pas mon ardeur.
Puis comme un dieu vainqueur j'irai au hasard
Parmi les ruines du monde
Et, donnant à mes paroles puissance d'action,
Je me sentirai l'égal du Créateur"

De même dans le "Oulanem":

"Perdu. Perdu. Mon heure est venue.
L'horloge du temps s'est arrêtée,
La maison pygmée s'est effondrée.
Bientôt j'embrasserai sur mon sein l'éternité.
Bientôt je proférerai sur l'humanité
D'horribles malédictions".


Et vers la fin du drame ces paroles qui sont tout un programme:

"S'il y a quelque chose capable de détruire,
Je m'y jetterai à corps perdu,
Quitte à mener le monde à la ruine.
Oui, ce monde qui fait écran entre moi et l'abîme,
Je le fracasserai en mille morceaux

A force de malédiction;
J'étreindrais dans mes bras sa réalité brutale,
Dans mes embrassements il mourra sans un mot
Et s'effondrera dans un néant total,
Liquidé, sans existence:
Oui, la vie ce sera vraiment cela!"

Et voici, encore plus clair dans le poème intitulé "Vierge pâle":


"Ainsi j'ai perdu le ciel,
Je le sais très bien.
Mon âme naguère fidèle à Dieu
A été marquée pour l'enfer".


Ses contemporains ne s'y sont pas trompés. Ils ont compris que Karl Marx ne s'intéressait absolument pas à la libération du peuple et au sort des travailleurs. Les premiers à l'avoir compris sont tout naturellement ses amis: "Marx va sûrement chasser Dieu de son ciel et il fera lui-même son procès.Il prétend que la religion chrétienne est l'une des plus immorales" (Georges Jung). Et le marxiste Franz Mehring, dans son étude intitulée "Karl Marx", note que le père de celui-ci semblait "avoir décelé avec son secrète appréhension la présence du démon en son fils préféré".
Il ne semble pas que Marx soit allé jusqu'à l'appartenance à une secte satanique organisée, bien que sa femme s'adresse à lui en l'appelant "grand prêtre et evêque des âmes" et évoque sa dernière "lettre pastorale", vocabulaire éminemment religieux, dont le Dieu ne peut être, à cette époque de l'évolution de Marx, que Satan lui-même. Cependant ses amis et maîtres à penser appartenaient tous à la même mouvance. Ainsi Bakounine, confondateur avec K. Marx de la Première Internationale: "Dans cette révolution, il nous faudra réveiller le diable chez le peuple et exciter en lui les passions les plus viles" . De même Proudhon: "Dieu est stupidité et lâcheté, Dieu est hypocrisie et fausseté, Dieu est tyrannie et pauvreté, Dieu et mauvais..."Le drame est encore plus évident avec Engels, dont l'engagement chrétien semble avoir été plus profond que chez K. Marx. C'est en pleurant qu'il cherchait à lutter contre l'évolution qu'il sentait se produire en lui après avoir lu l'ouvrage d'un théologien protestant "libéral" qui lui semblait ruiner les fondements mêmes de la foi chrétienne. Après avoir dénoncé alors K. Marx comme "possédé de mille démons", il finit par écrire avec lui le "Manifeste communiste" où ils tentent d'éradiquer définitivement tout sentiment religieux.
Il est vrai qu'il n'y a pas là de phénomènes prodigieux spectaculaires. Le prodige est plus diffus. Il n'en est pas moins terrifiant au contraire! Le prodige, c'est que des peuples généralement civilisés, de vieille culture et souvent imprégnés d'idéaux religieux, puissent en arriver à un aveuglement généralisé, à une soumission totale à ces forces du mal . Evidemment, l'influence de Karl Marx n'aurait pas fait tant de mal si elle n'avait été relayée par Staline, Mao, Pol Pot et bien d'autres. Mais il est important de discerner cette action du mal dès sa première infiltration.

par MB » mer. 26 avr. 2006, 19:39

Bonjour Miles Christi


Pour commencer, des détails :

- les "intellectuels hexagonaux" auxquels je pense ne sont peut-être pas ceux auxquels vous croyez. Je pensais à pas mal de mes connaissances universitaires (profs, chercheurs), qui travaillent des domaines un peu techniques (histoire, sciences humaines), et qui, pour beaucoup, refusent par principe de lire des travaux de théologiens ou d'historiens ayant l'air de faire de l'histoire à visée apologétique. Ils partent du principe - c'est leur problème - que les savants chrétiens ne sont pas libres de faire du travail dans des conditions intellectuelles honnêtes. Je connais un prof qui traite les savants chrétiens avec aussi peu de sérieux que les savants marxistes. Vous me direz : tant pis pour lui, et je vous approuverai volontiers. Le souci est que les intellectuels dont je vous parle sont nombreux et tiennent, du moins dans leur domaine, le haut du pavé ; leur opinion, même non fondée, a donc de l'importance et il faut en tenir compte. Il me paraît clair que la répression du modernisme n'a fait que conforter dans leurs préjugés les gens qui les ont formés...

- ce que vous dites sur le savant en sciences cognitives est très intéressant. D'ailleurs il vous fait pointer le doigt sur un problème réel, savoir que la modernité (telle que vous l'entendez) comporte des éléments irrationnels. Or, dans un autre fil, vous en parlez comme de quelque chose de rationaliste ; il faut être plus précis.
L'exemple des preuves rationnelles de l'existence de Dieu est percutant et me concerne directement : quel que soit le respect que je voue à l'architecture rhétorique et philosophique de ces démonstrations, elles ne parviennent pas à me convaincre ; pardonnez-moi, ce n'est pas que je leur en veuille, mais je n'arrive pas à croire à la portée réelle de la discussion métaphysique (autant se demander, comme le faisaient les présocratiques, si l'âme est une ou multiple, du feu, de l'eau, de la terre, etc. avec des arguments solides à l'appui...). Un jour viendra, qui sait...


De manière générale, il y a un biais, dans votre démarche, qui rend impossible toute sérénité intellectuelle. Laisser la moindre place à l'examen humain, ne serait-ce que pour un infime détail, c'est selon vous la porte ouverte à toutes les erreurs modernes. Dans un sens, c'est vrai, puisque la liberté permet de dire des bêtises. Mais vous en faites comme une conséquence nécessaire, et surtout une conséquence nécessaire s'imposant à tous, y compris l'Eglise (ce qui, je le répète, est faux). On voit votre peu de confiance, il est vrai.

Forcément, quand vous partez d'un principe négatif et que vous cherchez à y accorder tout ce que vous voyez, on en arrive à vos conclusions. En substance, "modernité = pas bien" (en ayant une définition tendancieuse de la modernité, comme je l'ai dit ailleurs, et surtout en en faisant un bloc, ce qui est inadéquat), "modernité = diable", et "initiative correspondant à ce que j'apelle modernité = travail du démon". Tout ce qu'on pourra vous dire, vous l'interpréterez comme une preuve supplémentaire du travail du démon dans notre monde.

C'est exactement ce qui s'appelle une interprétation idéologique des choses ; c'est suivre une idéologie circulaire, qui non seulement prétend avoir réponse à tout, mais qui en plus interprète toute contestation comme preuve supplémentaire de sa validité. Exactement comme les marxistes ("si vous êtes contre ma théorie, c'est que vous êtes trompé par l'idéologie bourgeoise"), la psychanalyse ("si vous êtes contre, c'est votre névrose qui parle à travers vous"), les théories bourdieusiennes ("si vous êtes contre, c'est que vous êtes travaillé par votre habitus culturel"), le fanatisme musulman ("si vous êtes contre, c'est que vos ancêtres ont trafiqué la Bible"), etc. Permettez-moi donc de considérer votre manière de voir comme intellectuellement inutilisable.

Fraternellement
MB

par Miles Christi » mer. 26 avr. 2006, 16:27

marchenoir a écrit :


Deux choses sont radicalement différentes : d'une part, constater, arguments solides à l'appui, que saint Jean n'est pas le rédacteur de la totalité du quatrième évangile - ce qui n'est pas un dogme de Foi - d'autre part s'en servir comme levier pour nier l'authenticité du message du Christ !





C'est pourtant ce que font bon nombre de théologiens pour nier la valeur historique de pans entiers de l'Evangile, vous pouvez trouver aujourd'hui des manuels catholiques de théologie fondamentale dans lesquels la part belle est faite à la théologie protestante et plus particulièrement à l'entreprise de "démythologisation" de Bultmann qui en vient à rejeter le récit post pascal, pour ceux qui ne le connaissent pas un avant-goût:



« La scène de la confession de Pierre n'est pas une preuve a contrario, au contraire ! Car c'est un récit pascal interpolé tardivement dans la vie de Jésus. » (NDLR : le pasteur allemand Rudolf Bultmann, l'un des plus grands exégètes du XXe siècle, a marqué la pensée chrétienne en tentant d'établir la foi au-delà des mythes - la « démythologisation ».)

Bultmann soutient que toutes les prédictions par Jésus de sa passion et de sa résurrection sont des constructions ultérieures puisque « l'idée d'un Messie ou d'un fils de l'Homme souffrant, mourant et ressuscitant était inconnue du judaïsme ».

Pour ceux qui voudraient en savoir plus, savoir jusqu'où la noirceur d'âme de cet hérétique l'a conduit, allant jusqu'à réduire la résurrection à un simple évènement existentiel entièrement contenu dans la mort du Christ, il leur suffit d'ouvrir un manuel de théologie catholique moderne: ces ouvrages sont infestés d'idées protestantes. Les protestants sont les champions de la modernité, ils ont déjà protestantisé le siècle, il ne leur reste plus qu'à protestantiser l'Eglise et pour cela ce ne sont pas les complicités de l'intérieur qui leur feront défaut. Lionel Jospin déclarait il y a quelques années de cela dans une interview "être un protestant athée", au train où vont les choses nous entendrons sous peu un catholique dire "je suis un catholique athée".

Que les choses soient claires, je ne suis pas pour que ces idées hérétiques soient évacuées des manuels de théologie catholique, au contraire il faut identifier l'Ennemi avec un maximum de précision, tout connaître de l'Ennemi, depuis son surgissement jusqu'à son triomphe en passant par ses différents modes d'action. Mais il ne faut pas se contenter de réagir à ses offensives de façon molle dans une ambiance bon enfant en produisant une repartie "oecuméniquement correcte", il faut au contraire lancer contre-offensive sur contre-offensive jusqu'à la emporter la décision par rupture stratégique:



Définition de la rupture

Il y a rupture stratégique, dans le langage opérationnel, lorsque l’ennemi est dissocié à un point tel qu’il perd toute capacité de réaction, au point de ne plus avoir la maîtrise stratégique des forces qui restent à sa disposition.




Marchez donc au combat, en pleine sécurité, et chargez les ennemis de la croix de Jésus-Christ avec courage et intrépidité, puisque vous savez bien que ni la mort, ni la vie ne pourront vous séparer de l'amour de Dieu qui est fondé sur les complaisances qu'il prend en Jésus-Christ, et rappelez-vous ces paroles de l'Apôtre, au milieu des périls : Soit que nous vivions ou que nous mourions, nous appartenons au Seigneur (Rom. XIV, 8).»


Livre de Saint-Bernard aux chevaliers du Temple, Louange de leur nouvelle milice



Il faut rappeler aux esprits modernistes, soucieux d'entretenir le confusionnisme ambiant pour mieux faire avaler leurs couleuvres, que la charité chrétienne n'est pas de la mièvrerie, c'est une charité pleine d'énergie, faisant autorité. Prenez par exemple l'expulsion manu militari des marchands juifs du Temple, préfiguration de nos boutiquiers libéraux modernes:


Evangile de Jésus-Christ selon saint Jean (2,13 - 22)

"COMME LA PÂQUE des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installé dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes: «Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.» Ses disciples se rappelèrent cette parole de 1'Ecriture: L'amour de ta maison fera mon tourment.


Vous avez raison de souligner qu'en droit constat objectif et extrapolation interprétative sont deux choses bien distinctes mais en fait elles ont une fâcheuse tendance à se confondre parce que le constat n'est jamais totalement objectif, surtout en matière exégétique et l'extrapolation se veut bien sûr la plus objective possible. Le propos du Père Brune est bien plutôt de montrer, et il est facile de le montrer à travers l'histoire de l'exégèse et théologie protestante, comment un simple doute, qui parfois n'a même pas lieu d'être (comme il le soutient à propos de la rédaction du 4ème Evangile, lui et des exégètes de renom) peut de fil en aiguille et par un effet cumulatif entraîner le croyant dans un engrenage infernal jusqu'à ruiner totalement sa foi. C'est le principe de l'évolution chaotique: le battement d'aile d'un papillon au Mexique peut provoquer un cyclone en Floride, plus fondamentalement la variation infinitésimale d'une grandeur dans un système très instable peut provoquer le passage de l'équilibre au chaos, le modernisme est sans doute le lieu où présence satanique (présence réelle et non symbolique il faut le rappeler) et déficience ontologique de l'homme se rencontrent dans toute leur misère: une simple tentation du Prince de ce monde, même pas perceptible et voilà que la raison de l'homme moderne coupée de la foi se met à divaguer perdue dans un océan de doutes. En voilà d'ailleurs un bon exemple, où comment un cardinal admet qu'il préfère la déraison dans le dialogue plutôt qu'un jugement rationnel qui ne céderait en rien au mensonge du monde:




Le cardinal Carlo Maria Martini s'écarte des positions du Vatican

Une photo à la une et une longue dissertation sur des sujets bioéthiques hautement controversés à l'intérieur. C'est ainsi qu'apparaît dans le dernier numéro de L'Espresso, une intervention du cardinal Carlo Maria Martini.



Dans une conversation avec le savant scientifique Ignazio Marino, après un long silence, il aborde des sujets épineux pour les hommes de science et les hommes de foi.



Des embryons à l'avortement, de la contraception à l'euthanasie, de l'aide médicale à la procréation à l'adoption des enfants par des célibataires, la pensée du cardinal est claire: «Sur certaines zones grises de la bioéthique, on ne doit pas adopter des jugements apodictiques mais rechercher le dialogue».




L'évolution vers le chaos peut être fulgurante et c'est à juste titre que le Pape actuel, qui lui ne s'en est pas laissé compter sur l'origine du mal moderniste évoquait dans son ouvrage "La foi chrétienne hier et aujourd'hui", la possibilité d'un "raz-de-marée spirituel" consécutivement à un déclin de l'Eglise. Un seul doigt dans l'engrenage moderniste et c'est tout le bras qui y passe. Comme dit le dicton populaire: "il faut une longue cuillère pour dîner avec le diable".



marchenoir a écrit :



En vérité, nous n'avons pas encore trouvé la solution de ce très grave problème de la confrontation avec la modernité.


La raison en est qu'il n'y en a pas, tous ceux qui cherchent une solution de conciliation entre le catholicisme et le modernisme sont comme ces géomètres qui ont cherché pendant plus de deux milles ans la quadrature du cercle, c'est à dire construire le nombre pi à la règle et au compas jusqu'à ce qu'enfin au XIXème on montre que pi était un nombre transcendant donc inconstructible avec ces instruments. La démonstration de l'incompatibilité du modernisme avec le catholicisme elle a été faite par le Pape Pie IX avec le Syllabus, d'ailleurs je ne connais pas de réfutation rationnelle du Syllabus, simplement des mouvements d'humeurs irrationnels à son encontre. Cela me fait penser à ce spécialiste en sciences cognitives qui expliquait fort bien qu'un argument peut être complètement faux et extrêmement persuasif et inversement un argument vrai mais pas du tout persuasif, et à la fin de son traité, abordant les preuves de l'existence de Dieu, pour bien appuyer sa thèse il déclarait: "Ces preuves sont peut-être vraies mais je n'ai pas envie de les consulter parce que même si elles étaient vraies je ne croirais toujours pas en Dieu !" Il y a bel et bien une forme d'obscurantisme moderne privilégiant l'autosatisfaction subjective envers et contre la raison. Contrairement à ce que beaucoup imaginent, modernité et raison ne font pas bon ménage.







MB a écrit :Bonsoir Marchenoir

Votre démonstration est tout à fait ce qu'il faut dire, et il y a longtemps qu'on aurait dû le faire. Il faudrait bien parler plutôt, dans un sens, des conséquences de la "répression du modernisme", et non du modernisme en lui-même. Il semble que l'Eglise, surtout en France, en ait beaucoup souffert, et ce n'est pas pour rien, apparemment, que beaucoup d'intellectuels hexagonaux refusent par principe de lire ce qui est écrit par des clercs. On dirait que le souvenir de la répression bête et méchante du modernisme se loge quelque part dans leur esprit...

Bien à vous
MB

Si nos "brillants intellectuels hexagonaux" réagissent de façon aussi épidermique et émotionnelle c'est qu'ils ne sont pas capables de conduire un raisonnement de manière objective, et dans ce cas, ma foi, leurs opinions importent peu.



Une anecdote véridique illustrant bien l'incompréhension moderne dans sa tentative d'élucidation de la Foi:


Abbé Ascanio a raconté: «Nous attendions que Padre Pio se présentât pour confesser. La sacristie était bondée et tous les regards étaient tournés vers la porte. Or, sans que la porte s’ouvrît, j’aperçus Padre Pio qui, marchant au-dessus des fidèles, se rendit au confessionnal, s’y assit et commença d’entendre les confessions. Croyant avoir rêvé, je ne soufflai mot de ce que j’avais vu. Cependant, plus tard, je demandai à Padre Pio: «Padre Pio, comment fait-on pour marcher dans les airs?» Non sans humour, il me répondit: «Je t’assure, mon fils, de la même façon qu’on marche sur le sol.»

par MB » mar. 25 avr. 2006, 22:54

Bonsoir Marchenoir

Votre démonstration est tout à fait ce qu'il faut dire, et il y a longtemps qu'on aurait dû le faire. Il faudrait bien parler plutôt, dans un sens, des conséquences de la "répression du modernisme", et non du modernisme en lui-même. Il semble que l'Eglise, surtout en France, en ait beaucoup souffert, et ce n'est pas pour rien, apparemment, que beaucoup d'intellectuels hexagonaux refusent par principe de lire ce qui est écrit par des clercs. On dirait que le souvenir de la répression bête et méchante du modernisme se loge quelque part dans leur esprit...

Bien à vous
MB

par marchenoir » mar. 25 avr. 2006, 21:48

Bonjour Miles Christi.

Je lis avec grand intérêt vos messages et me trouve souvent en accord avec ce que vous exprimez, je pense notamment à celui sur les formes de dialogues propres à communiquer la Vérité.
Cependant, l'opinion du Père Brune que vous nous avez exposée mérite, il me semble, d'être quelque peu nuancée.

La crise moderniste est intéressante au plus haut point, et cela entre autre pour les raisons suivantes :

1- L'Eglise n'a en réalité jamais jugulé cette crise, et ce qu'on appelle injurieusement l'esprit "Vatican II" ou plus proprement le progressisme, n'est autre qu'un avatar de cette crise dont l'Eglise continue de pâtir.

2- Le Modernisme lui-même n'est qu'une forme particulière de contestation qui trouve sa source dans une forme de pensée pervertie dés - au moins - la Renaissance et qu'on appelle parfois l'esprit moderne, esprit venimeux du monde que l'Eglise a pourtant la mission d'évangéliser.

Si bien que, comme l'a souvent souligné Emile Poulat, l'Eglise Catholique ne pourra pas faire l'économie d'une très sérieuse réflexion sur la crise moderniste et sur ses origines.


Le Père Brune nous dit :
Tout le travail d'exégèse est faussé dès le départ s'il se fait à partir du préjugé que, pratiquement rien n'est historique. Avec de tels présupposés on ne peut pas mettre en valeur le message du Christ. On ne peut que passer à côté, en mettant en valeur à la place ses propres constructions intellectuelles.
Derrière la question de l'attribution d'auteurs c'est bien l'authenticité des textes mêmes du Nouveau Testament qui est gravement mise en doute.
Je vois très bien ce que le Père Brune veut dire et il faut en effet condamner cette prétention d'utiliser la critique historique pour disséquer les Ecritures avec l'objectif à peine dissimulé de, en y décelant des contradictions ou en remettant en cause des opinions longtemps tenues, les discréditer. Soit.

Cependant, il ne faut pas confondre les résultats de la critique historique et leur utilisation par les ennemis de l'Eglise.
Qui a peur de la vérité ? Pas un catholique. "Toute vérité établie dans n'importe quel ordre, est un hommage rendu à la foi" nous dit saint Pie X dans l'encyclique Pascendi, "Toute vérité est orthodoxe" nous disait le Cardinal Spalding.

Ce n'est pas parce qu'une opinion - je dis bien une opinion - longtemps tenue dans l'Eglise se trouve infirmée par des travaux historiques correctement effectués, qu'on doit les combattre de manière absolue.
Il y a une façon de lier certaines opinions (du style l'attribution d'auteurs des textes de l'Ancien ou du Nouveau Testament) au corpus de la Foi qui est bien téméraire. A persister à maintenir de telles opinions solidaires du contenu de la Foi, on risque alors en effet de discréditer les Ecritures et par là-même l'Eglise, chose gravissime.
C'est même le contraire qui se passe : on donne ainsi du crédit aux progressistes de tout poil, à qui il sera trop facile de railler leurs adversaires.

Combien de fois, dans l'histoire de l'Eglise, ne nous sommes-nous pas trouvés dans cette lamentable situation où le refus d'une saine critique (refus que Maritain appelait "un pieux outrage à l'intelligence") a donné une victoire facile aux progressistes ? Personnellement j'enrage en y pensant ! Cela faisait également pester l'abbé Frémont, lui qui disait au plus fort de la crise moderniste : "Il y a longtemps que j'avais prévu tout ce qui se passe et que la faiblesse de l'enseignement dans les seminaires m'avait péniblement impressionné. Dieu nous punit en permettant que ceux qui, les premiers, comme l'abbé Loisy, fréquentent les sentiers de la libre pensée contemporaine, le fasse en casse-cou au lieu de la faire avec profit pour notre cause divine".

La trajectoire du Père Lagrange est tout à fait représentative des difficultés du personnel de l'Eglise avec cette crise. Pour contrer le Modernisme, il étudia l'Ancien Testament sous l'angle historique. Son seul but était de présenter ce qui était tenable et ce qui ne l'était pas, afin de savoir où les conclusions du loisysme pouvaient être réfutées efficacement. Parti en Terre Sainte, il fonda l'Ecole biblique de Jérusalem et travailla d'arrache-pied à la mise en place d'une saine critique historique. Déchu de ses fonctions, il fut éxilé à Rome, ses ouvrages furent interdits dans les séminaires, son grand et admirable commentaire sur la Genèse ne fut pas autorisé à paraître. Merci la Sapinière !... Un véritable gâchis.
Mais le brave Père obéit et se soumit à tout ce qui lui fut imposé. Sa cause de béatification est en cours.

Bien entendu, certains comprendront qu'il faut alors avaliser tout résultat de la critique, même lorsqu'elle s'exerce contre l'enseignement de l'Eglise. On entre là dans une autre dimension : aux confins de la bêtise et de la mauvaise foi (c'est bien le cas de le dire !).

Passons...
Voici à titre d'exemple, le petit chef-d'oeuvre que constitue l'Introduction à l'Evangile de Saint Jean dans la Traduction OEcuménique de la Bible:

Dans un premier temps, on reconnaît que la tradition est très ferme pour attribuer le quatrième évangile à l'apôtre Jean. Puis on fait remarquer que Papias, évêque vers 140 "laisse la place à une hésitation". Suit une citation de cet évêque où il mentionne tous ceux auprès desquels il s'est informé directement ou indirectement. Papias nomme ainsi André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques, "ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ou ce que disent Aristion et Jean l'ancien, disciples du Seigneur". Papias connaissait donc un autre Jean, que l'on appelait "Jean l'ancien", mais à aucun moment il ne suggère qu'il ait pu être l'auteur de l'Evangile selon Saint Jean. Il l'appelle bien "disciple du Seigneur", mais avec un certain Aristion et en distinguant ces deux noms de la première liste de "disciples" qui correspond, en fait, aux seuls apôtres.A aucun moment et en aucune façon Papias ne s'oppose à la tradition qui voit dans l'apôtre Jean l'auteur du quatrième évangile. Tout au plus pourrait-on avancer l'hypothèse, faite par Eusèbe de Césarée, selon laquelle l'Apocalypse pourrait être l'oeuvre de ce Jean l'Ancien. Mais même Eusèbe n'évoque pas ce Jean comme l'auteur du quatrième Evangile. Je ne vois donc pas du tout en quoi Papias "laisse la place à une hésitation". Mais le doute est déjà introduit dans l'esprit du lecteur. Il n'en sera que plus facile de faire accepter la suite. La suite, la voici:
"Il n'est pas possible d'exclure absolument l'hypothèse d'une rédaction par l'apôtre Jean lui-même, mais la majorité des critiques ne retient pas cette éventualité. Les uns renoncent à nommer l'auteur qu'ils décrivent comme un chrétien écrivant en grec, vers la fin du Ier siècle, dans une Eglise d'Asie où les divers courants de pensée du monde juif et de l'Orient hellénisé s'affrontaient; certains rappellent le Jean l'ancien dont parlais Papias. D'autres croient pouvoir ajouter que l'auteur se rattachait à une tradition liée à l'apôtre Jean".
Certains exégètes se représentent donc l'auteur du 4ème évangile simplement (reprenons bien les mots exacts), "comme un chrétien écrivant en grec, vers la fin du Ier siècle, dans une Eglise D'Asie, où les divers courants de pensée du monde juif et de l'Orient hellénisé s'affrontaient". Autrement dit, il s'agirait pour eux d'une sorte d'intellectuel, se trouvant dans une zone de double culture et composant dans son cabinet une oeuvre assez extraordinaire, sans doute, mais sans grand rapport avec ce qui a pu se passer là-bas, en Palestine.
D'autres rappellent Jean l'Ancien, et on ne voit guère pour quelle raison, puisqu'aucun auteur ancien, semble-t-il, pas même Papias ni Eusèbe, n'y a vu l'auteur de cet évangile.
Enfin pour d'autres exégètes, apparemment les plus conservateurs, l'auteur "se rattachait à une tradition liée à l'apôtre Jean" ! Il ne faisait pas partie de cette tradition, non ! Il ne faisait que s'y "rattacher". Il ne se rattachait pas à l'apôtre lui-même, non! Il se rattachait (lien plus ou moins vague) à une tradition "liée" (plus ou moins vaguement à l'apôtre Jean).
Tout le travail d'exégèse est faussé dès le départ s'il se fait à partir du préjugé que, pratiquement rien n'est historique. Avec de tels présupposés on ne peut pas mettre en valeur le message du Christ. On ne peut que passer à côté, en mettant en valeur à la place ses propres constructions intellectuelles.
Derrière la question de l'attribution d'auteurs c'est bien l'authenticité des textes mêmes du Nouveau Testament qui est gravement mise en doute.
Deux choses sont radicalement différentes : d'une part, constater, arguments solides à l'appui, que saint Jean n'est pas le rédacteur de la totalité du quatrième évangile - ce qui n'est pas un dogme de Foi - d'autre part s'en servir comme levier pour nier l'authenticité du message du Christ !

En soi, que l'apôtre saint Jean ne soit pas le rédacteur du quatrième évangile n'invalide pas la canonicité de cet écrit, et la vérité des conclusions auxquelles l'historien arrive est indépendante des a priori qui l'accompagnent dans ses travaux.

Je ne lis nulle part dans l'Introduction à l'Evangile de Saint Jean incriminé qu'il faille révoquer en doute l'authenticité des textes du Nouveau Testament. C'est le Père Brune qui semble plutôt lier la véracité des conclusions des exégètes à cette authenticité. Voilà ce qui est, je pense, contestable. Qu'il se trouve que ces historiens aient raison, et voilà le bon Père dans une bien fâcheuse posture !

En vérité, nous n'avons pas encore trouvé la solution de ce très grave problème de la confrontation avec la modernité.

Très cordialement.

Marchenoir.

par Miles Christi » lun. 24 avr. 2006, 16:19

Voici le témoignage du Père Brune sur les ravages de la contamination moderniste, affectant aussi bien le profane que le sacré, plus que jamais, ainsi que le disait Saint Paul il nous faut revêtir l'armure de Dieu, nous coiffer du casque du Salut, ceindre la ceinture de Vérité et nous protéger des traits du démon par le bouclier de la Foi.



Extrait de "Les miracles et autres prodiges" du Père Brune.


Le combat continue


Il est temps maintenant d'examiner l'aveuglement de tant de nos théologiens devant tous ces signes de la présence de Dieu et de son Amour, comme devant les signes de l'action de Satan à travers le monde. C'est vraiment sonder un mystère étonnant!
Nous contemplerons d'abord les conséquences de cet aveuglement. En découvrant vers quelle catastrophe pour la Foi il nous entraîne, nous ne pourrons qu'y reconnaître le triomphe des forces du Mal. Il n'est évidemment pas question, en disant cela, de prendre pour autant nos confrères pour des "suppôts de Satan"! Non, il s'agit beaucoup plus d'une lente infiltration à travers la mentalité de nos contemporains, d'abord de tous ceux qui sont déjà depuis longtemps hors de l'Eglise et gagnés par un rationalisme étroit, devenus hermétiques à tout surnaturel, puis peu à peu, de ceux qui essaient sincèrement de défendre l'essentiel de leur foi, mais en reculant pas à pas devant ce rationalisme jusqu'à perdre l'essentiel qu'ils voulaient sauver.
Cela nous conduira à essayer de remonter peu à peu jusqu'aux causes profondes de cet aveuglement. Pour renverser la tendance, il faut d'abord analyser les causes profondes du mal.

L'effondrement de la foi

Tout intellectuel qui se respecte doit aujourd'hui déclarer bien haut: "moi, je croirais plutôt malgré les miracles que grâce à eux". Oh, que c'est beau! que c'est noble, cette attitude-là. Le seul problème, c'est que "l'intellectuel" (ou celui qui se considère comme tel), en fait, ne croit déjà plus à grand-chose. Il essaie bien de trouver le chemin qui pourrait le conduire vers Dieu, mais en refusant systématiquement de voir tous les signes que Dieu a semés le long de la route qui conduit à lui. Les miracles, concède l'intellectuel, peuvent peut-être aider, effectivement, "les gens simples". Mais il est, lui, tellement au-dessus de tout ça! L'intellectuel surtout s'il est chargé d'enseigner quelque chose n'a pas besoin de l'aide de Dieu pour le trouver, à supposer qu'il existe vraiment. Il doit (éventuellement) le trouver tout seul, comme un grand, à coup de Heidegger, d'Althusser, de Lacan, de psychosociologie ou de structuralisme (tiens! où est-il passé celui-là ? On n'en parle plus). De toute façon quels que soient les maîtres que l'on se choisit, la recherche doit se faire au niveau des idées; jamais au niveau des faits. Ce qui met d'emblée le Dieu que l'on cherche au niveau du Bouddhisme ou du dieu des philosophes; loin de l'idée d'un Dieu qui s'incarne dans notre monde et notre histoire. Et si on finit par trouver une possibilité de Dieu, c'est bien: mais si on ne trouve rien c'est mieux. Cela prouve que l'on a atteint un niveau de réflexion supérieur. Mieux vaut tâtonner dans l'obscurité, rester empêtré dans ses propres ténèbres qu'accepter les petites lumières que Dieu peut nous envoyer. Accepter l'aide de Dieu, surtout sous la forme de miracles, serait même un peu vulgaire. Accepter de saisir les perches que Dieu nous tend lorsque nous nous noyons dans le désespoir ? Fi donc! Il est tellement plus beau de se noyer complètement, ça au moins c'est grand, c'est noble, pour tout dire en un mot, c'est intellectuel!
C'est bien malheureusement ce que fait aujourd'hui l'ensemble de notre société. Et la France peut, en ce domaine, lancer encore son cocorico. Elle est vraiment encore en tête du peloton des nations: pour l'athéisme. Entre 15 et 25 ans, la première ou la deuxième cause de décès, selon les années, est le suicide! avant les accidents, avant les maladies, avant la drogue même, qui est pourtant déjà une autre forme de suicide. Derrière cette déconsidération du miracle, il y a toute l'oeuvre du Malin. Car si le merveilleux chrétien n'existe pas, alors le merveilleux diabolique non plus.
Et quelle condescendance, quel mépris de nos "intellectuels", "théologiens" ou "scientifiques", "enseignants" de tous syndicats, envers les "simples", comme ils disent! Mais ayant eu personnellement la chance de pouvoir étudier pendant bien des années, je sais moi combien de bêtises et d'énormités ont pu dire les intellectuels de tous poils au cours des âges, théologiens, scientifiques et philosophes. Alors, leur condescendance envers les "simples"...Pour ma part, vous l'avez déjà deviné, je me range résolument parmi ces simples, car ce sont eux que le Christ, le Fils de Dieu, est venu sauver.
Mépriser les miracles est bien plus grave que les récuser. Essayer de prouver que les miracles n'existent pas, c'est encore accepter le risque d'en trouver un jour un vrai et d'être obligé de le reconnaître. Mépriser les miracles, c'est se mettre, à l'avance, hors d'atteinte du signe que Dieu pourrait éventuellement nous donner. Que Dieu, s'il existe, fasse ce qu'il voudra, nous n'irons même pas voir!
Depuis déjà bien des lustres la théologie occidentale s'est laissé envahir par le rationalisme. Il ne s'agit pas du tout de refuser l'usage de notre raison pour essayer de mieux comprendre comment fonctionne notre monde, ou pour essayer de deviner ce qui s'est vraiment passé dans la vie du Christ ou encore pour distinguer le vrai du faux dans tous les phénomènes paranormaux que l'on rencontre à chaque pas dans la vie des saints.
Non! quand je parle de "rationalisme" je veux dire ce refus systématique, à priori, d'admettre la réalité de tout ce que nous ne pouvons pas expliquer.
J'ai parlé de cette évolution avec des prêtres de différents pays. Ils m'ont tous dit que la situation dans leurs séminaires et leurs facultés de théologie était bien la même. Récemment encore, on me rapportait qu'un des professeurs de la Faculté de Théologie de l'Institut Catholique à Paris, déclarait à ses étudiants qu'aujourd'hui l'unanimité était à peu près faite entre théologiens et exégètes pour reconnaître qu'il n'y avait jamais eu de miracles. Donc pas de résurrection de Lazare, pas de marche sur les eaux, pas de multiplication des pains, pas de guérison de l'aveugle né, etc...Notez bien qu'il ne s'agit pas de l'opinion personnelle et quasi confidentielle d'un prêtre aux idées un peu "avancées" mais qu'on laisse quand même en poste parce que, par ailleurs, il fait beaucoup de bien. Non! Il s'agit d'un professeur revêtu de toute l'autorité que lui confère la confiance de ses supérieurs et qui, d'ailleurs, est bien certain qu'on ne peut guère lui chercher noise, puisque précisément, il ne fait qu'exprimer là l'opinion largement dominante parmi tous ses confrères.
Or cette attitude a d'énormes conséquences.

La foi toute pure doit désormais ne plus reposer sur rien

D'abord, Dieu dans ces conditions apparaît de plus en plus comme un Dieu à la retraite, sans plus aucune efficacité dans ce monde. Les théologiens lui gardent un rôle, à la création, avant le Big Bang, parce que là, les scientifiques ne peuvent y mettre leur nez et donc le croyant, lui, peut enfin raconter tranquillement ce qu'il veut; et de nouveau à la fin des temps, après le Big Boum, parce que là, les scientifiques ne peuvent plus rien dire non plus. Mais entre les deux, Dieu n'intervient pas. La vision du monde de ces théologiens est pratiquement, pour la durée de notre vie terrestre, la même que celle des athées. On ne maintient l'action de Dieu que dans des zones où le discours théologique ne risque pas d'entrer en conflit avec celui des scientifiques. Mais on est en fait ainsi totalement en dehors du christianisme traditionnel.
Plus particulièrement, ce sont les fondements mêmes du christianisme qui sont ruinés. Voyons de plus près comment. Cela se passe en plusieurs étapes:

Première étape: dans ces conditions, il devient nécessaire, bien évidemment de réinterpréter tous ces récits évangéliques de miracles. S'ils n'ont pas eu vraiment lieu, s'ils ont été inventés, pourquoi et par qui ? On ne voit plus que leur valeur d'enseignement. Ce sont des métaphores, des paraboles, nous dit-on. On insiste même vigoureusement sur le génie de tous ceux qui ont inventé peu à peu ce langage, l'admiration professée n'étant qu'un moyen de mieux nous faire avaler la perte efroyable de sens. On admire, par exemple, le récit de la multiplication des pains, moyen admirable, par sa simplicité, sa poésie concrète, etc. En déplaçant ainsi l'accent, on espère que les fidèles ne s'apercevront pas trop que l'on sape la foi en l'eucharistie dont ce miracle était pourtant la préfiguration.
Deuxième étape: une telle élaboration catéchitique n'a pu se faire du jour au lendemain. Ce ne peut être que le résultat d'une longue expérience de transmission de la foi, par toute une communauté et à travers plusieurs générations. Ce fut sans doute pendant longtemps seulement une transmission orale . De conteur en conteur, les récits prenaient de l'ampleur, les miracles devenaient de plus en plus éclatants. De nouveaux épisodes venaient mettre en relief telle ou telle parole attribuée par la tradition au Christ. Il est donc tout à fait certain, nous affirme-t-on, que les Evangiles n'ont pas été écrits directement par les témoins oculaires du Christ, par les apôtres ou les disciples. Ce sont des compositions tardives.
Troisième étape: une fois cette démonstration faite, il faut en tirer à nouveau les conséquences. Si ce sont des écrits tardifs, il devient évident que même pour toutes les parties des Evangiles qui ne rapportent pas de miracles mais seulement des faits et gestes, des paroles du Christ, on ne saurait y chercher le reflet de ce que le Christ a vraiment dit ou vraiment fait.
C'est donc ainsi toute la valeur historique des Evangiles qui se trouve sapée et les fondements du christianisme qui sont par-là même, complètement ruinés.

Les subtilités de la Traduction OEcuménique de la Bible

Voici à titre d'exemple, le petit chef-d'oeuvre que constitue l'Introduction à l'Evangile de Saint Jean dans la Traduction OEcuménique de la Bible:

Dans un premier temps, on reconnaît que la tradition est très ferme pour attribuer le quatrième évangile à l'apôtre Jean. Puis on fait remarquer que Papias, évêque vers 140 "laisse la place à une hésitation". Suit une citation de cet évêque où il mentionne tous ceux auprès desquels il s'est informé directement ou indirectement. Papias nomme ainsi André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques, "ou Jean, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ou ce que disent Aristion et Jean l'ancien, disciples du Seigneur". Papias connaissait donc un autre Jean, que l'on appelait "Jean l'ancien", mais à aucun moment il ne suggère qu'il ait pu être l'auteur de l'Evangile selon Saint Jean. Il l'appelle bien "disciple du Seigneur", mais avec un certain Aristion et en distinguant ces deux noms de la première liste de "disciples" qui correspond, en fait, aux seuls apôtres.A aucun moment et en aucune façon Papias ne s'oppose à la tradition qui voit dans l'apôtre Jean l'auteur du quatrième évangile. Tout au plus pourrait-on avancer l'hypothèse, faite par Eusèbe de Césarée, selon laquelle l'Apocalypse pourrait être l'oeuvre de ce Jean l'Ancien. Mais même Eusèbe n'évoque pas ce Jean comme l'auteur du quatrième Evangile. Je ne vois donc pas du tout en quoi Papias "laisse la place à une hésitation". Mais le doute est déjà introduit dans l'esprit du lecteur. Il n'en sera que plus facile de faire accepter la suite. La suite, la voici:
"Il n'est pas possible d'exclure absolument l'hypothèse d'une rédaction par l'apôtre Jean lui-même, mais la majorité des critiques ne retient pas cette éventualité. Les uns renoncent à nommer l'auteur qu'ils décrivent comme un chrétien écrivant en grec, vers la fin du Ier siècle, dans une Eglise d'Asie où les divers courants de pensée du monde juif et de l'Orient hellénisé s'affrontaient; certains rappellent le Jean l'ancien dont parlais Papias. D'autres croient pouvoir ajouter que l'auteur se rattachait à une tradition liée à l'apôtre Jean".
Certains exégètes se représentent donc l'auteur du 4ème évangile simplement (reprenons bien les mots exacts), "comme un chrétien écrivant en grec, vers la fin du Ier siècle, dans une Eglise D'Asie, où les divers courants de pensée du monde juif et de l'Orient hellénisé s'affrontaient". Autrement dit, il s'agirait pour eux d'une sorte d'intellectuel, se trouvant dans une zone de double culture et composant dans son cabinet une oeuvre assez extraordinaire, sans doute, mais sans grand rapport avec ce qui a pu se passer là-bas, en Palestine.
D'autres rappellent Jean l'Ancien, et on ne voit guère pour quelle raison, puisqu'aucun auteur ancien, semble-t-il, pas même Papias ni Eusèbe, n'y a vu l'auteur de cet évangile.
Enfin pour d'autres exégètes, apparemment les plus conservateurs, l'auteur "se rattachait à une tradition liée à l'apôtre Jean" ! Il ne faisait pas partie de cette tradition, non ! Il ne faisait que s'y "rattacher". Il ne se rattachait pas à l'apôtre lui-même, non! Il se rattachait (lien plus ou moins vague) à une tradition "liée" (plus ou moins vaguement à l'apôtre Jean).
Tout le travail d'exégèse est faussé dès le départ s'il se fait à partir du préjugé que, pratiquement rien n'est historique. Avec de tels présupposés on ne peut pas mettre en valeur le message du Christ. On ne peut que passer à côté, en mettant en valeur à la place ses propres constructions intellectuelles.
Derrière la question de l'attribution d'auteurs c'est bien l'authenticité des textes mêmes du Nouveau Testament qui est gravement mise en doute.

Pourtant cet abandon ne s'imposait pas. Qaund on se donne la peine de faire une étude rigoureuse, non plus à partir d'a prioris philosophiques mais en restituant les Evangiles dans leur contexte, on doit bien reconnaître que toutes ces constructions intellectuelles ne tiennent pas. Signalons et saluons les études de B. Gerhardsson sur les méthodes et la rigueur de transmission orale dans le Judaïsme rabinique et le christianisme primitif; de R.L Lindsey, de Robinson, de D. FLusser, de C. Tresmontant et du Père Jean Carmignac. Tous ces travaux remettent la rédaction des Evangiles dans leur contexte juif. C'est ce que fait également, de façon tout à fait convaincante, Jacqueline Genot-Bismuth qui étudie particulièrement l'Evangile de Saint Jean à la lumière de sa propre tradition israélite. Grâce à sa connaissance exceptionnelle du judaïsme ancien et de la littérature rabbinique, elle peut mettre en parallèle, dans le détail, le texte de Saint Jean et les lois et usages de l'époque. Elle montre bien ainsi que l'Evangile de Jean fut certainement composé, à partir de notes prises directement en hébreu, au moment même des fais, au fur et à mesure que se déroulait la vie du Christ. "Il faut, dit-elle, avoir des préjugés théologiques ou exégétiques singulièrement enracinés pour refuser de l'admettre, comme l'on fait certains, avec une hargne, une violence, une passion qui trahissent bien l'existence de motivations d'un autre ordre qu'intellectuel ou scientifique"

Plus récemment encore, l'étude de François le Quéré, rejoignant celle de Jean Colson, montre bien que l'Evangile de Jean a dû être écrit très tôt, vers l'an 50, ce qu'admettait déjà Robinson et Oscar Culmann, finalement se rattachait lui aussi à cette opinion. Un de nos meilleurs exégètes va même encore plus loin. André Paul nous explique que les Romains venaient d'inventer le système de petits carnets, à l'origine de nos livres, et beaucoup plus maniables que les volumes qu'il fallait sans cesse dérouler d'un côté et enrouler de l'autre. Or cette invention fort simple était déjà connu en Palestine du temps du Christ. Dès lors, il devient évident que les apôtres, qui savaient certainement tous écrire, ont pris au jour le jour en note les paroles et les faits et gestes les plus frappants du Christ, comme le pensait Jacqueline Genot-Bismuth. A. Paul pense même que des carnets traduits en grec devaient déjà circuler dans les régions où l'araméen n'était plus parlé.

Que le lecteur me pardonne cette longue énumération d'auteurs, mais je devais lui montrer que je ne suis pas quelque chercheur isolé et un peu fantaisiste. C'est tout un bouleversement qui est en train de se produire et qui rencontrera certainement encore bien des résistances, car si les Evangilessont vraiment l'oeuvre de témoins directs, il n'est plus possible de réduire les récits de miracles à un procédé pédagogique élaboré lentement au cours des générations. C'est tout le "merveilleux" des Evangiles qu'il faut à nouveau prendre au sérieux. Mais c'est aussi, avec lui, le message même du Christ et de sa vie qui s'imposent à nous à nouveau.
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C'est qu'en effet ceux que le Père Daniel Ange appelle les "théologiens de la suspicion" par allusion aux "philosophes du soupçon", ces théologiens là ont déjà largement triomphé. Mais nombreux sont nos prêtres et nos théologiens qui vont bien au-delà du "soupçon", jusqu'à la négation pure et simple. Je me rappelle avoir assisté à Juan les Pins, en octobre 2003, à une table ronde où figuraient quatre intervenants. PArmi ceux-ci se trouvaient un prêtre, supérieur de l'Institut Supérieur de Théologie de Nice/Sophia-Antipolis. Etant donné le nombre de scientifiques travaillant à Sophia-Antipolis on peut considérer qu'il s'agit d'un poste assez important. Or je l'ai entendu affirmer, avec une superbe assurance, que le christianisme était venu dans "l'Histoire du monde", "pour nous arracher au sacré", que le "surnaturel" n'existait pas. Je garantis le mot à mot et je vous assure que, même replacées dans leur contexte, ces affirmations ne se trouvent pas relativisées. Je me rappelle aussi qu'en entendant de telles énormités le professeur Basarab Nicolescu le regardait l'air complètement ahuri. Il est vrai que ce spécialiste de la physique des particules élémentaires n'est pas prêtre, et il est vrai aussi qu'il est de religion orthodoxe !

Même blocage chez nombre de scientifiques

Tout ceci ne concerne d'ailleurs pas seulement les hommes d'Eglise. Les hommes de sciences peuvent fort bien réagir aussi mal. Je me rappelle un colloque à l'UNESCO,il y a quelques années, où un illustre professeur et chercheur criait avec rage que les ouvrages de John Eccles (Prix Nobel) n'étaient même pas dignes de ses toilettes. On sait que John Eccles en est arrivé, dans ses recherches, à croire en l'existence de l'esprit, même indépendamment du corps, indépendamment de ce que nous appelons la matière. Là encore, ce qui m'intéresse ici, ce ne sont pas les raisons scientifiques pour lesquelles ce professeur refusait les positions de son collègue. Elles sont peut-être parfaitement valable. Je n'ai pas compétence pour en juger. Mais la hargne avec laquelle il réagissait montre à l'évidence qu'à côté de ses raisons scientifiques il y avait des éléments affectifs très forts qui interféraient.


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