par Charles » ven. 06 mai 2005, 22:45
Bonjour MB,
je lis peut-être un peu brutalement, mais si la foi est une vertu surnaturelle, que se passe-t-il lors du doute ? est-ce moi qui commence à abandonner Dieu, ou le contraire ?
C'est vrai, la foi est une vertu surnaturelle, elle est une grâce : ce qu'il faut comprendre est le rapport de la grâce et de la liberté. Car la question que tu poses va jusque là : si la foi est un don de Dieu, que reste-t-il de ma liberté ?
La réponse catholique, pour ma part que j'ai connue par saint Augustin, est que c'est la grâce qui libère. Dans l'âme, la grâce rétablit la volonté dans son plein pouvoir de se muer en charité. La grâce ne viole pas la liberté, mais elle la restaure au contraire. Car l'âme pécheresse n'est pas pleinement libre. De l'innocence à la chute, on perd quelque chose d'essentiel en route, et sans quoi on ne peut retrouver de soi-même l'innocence première. La chute n'est pas un phénomène réversible. Et ce que l'on perd est notre liberté, la "liberté des enfants de Dieu" qui fait dire à saint-Augustin "aime et fais ce que tu veux". Dans l'esclavage du péché, l'homme ne peut ni aimer, ni faire ce qu'il veut, quand c'est aimer et faire le bien... voir saint-Paul : "ce que je veux, je ne le fais pas, ce que je ne veux pas, je le fais"... La grâce nous rend notre liberté et nous permet de faire ce que nous voulons : aimer, faire le bien.
En état de grâce, l'âme est plus libre et a la pleine capacité d'aimer et d'agir selon l'amour. Mais si la grâce restaure en elle cette liberté et cette capacité, c'est l'âme elle-même qui est libre et qui agit. C'est une union mystérieuse et féconde dans laquelle l'homme retrouve pleinement sa liberté et où sa volonté se déploie aux dimensions de l'amour.
Et comme c'est l'âme qui demeure inviolée et non déterminée, la grâce lui ouvrant des portes et ne la forçant pas, elle peut toujours se retenir et se rétracter. C'est pourquoi on prie pour la persévérance finale.
- Autre chose. On fait comme si le doute était l'ennemi ou le contraire de la foi. Je ne pense pas ; le doute n'est pas l'absence de foi ; l'athée ne doute pas, il me semble. Donc le doute me semble être plutôt une passerelle entre foi et absence de foi (ou autre chose, si qqn est plus précis que moi, qu'il le signale), qui peut aller dans un sens comme dans l'autre.
C'est quand même Jésus qui dit "homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?" Quand le doute est ce moment de la conversion où l'on abandonne ses convictions passées pour se convertir au Christ, alors là, oui... mais si c'est le contraire : il ne s'agit plus que de perdition, de chute, de défaillance, de noyade... comme pour Pierre.
Le doute est une lutte : quelque chose en nous nous fait dire "non", et quelque chose d'autre nous fait dire, "mais si". Dans ce genre de circonstances, nous luttons pour croire, et c'est cette lutte qui compte. Donc (sans en faire une vertu cardinale, évidemment) il y a en puissance un élément positif dans le doute.
On peut encore dire que le doute peut être assimilé à un moment de tentation ; or le fait, en lui-même, de subir une tentation n'est pas un péché.
Effectivement, la tentation n'est pas un péché. Mais le doute est déjà défiance de la parole du Christ et accusation portée contre lui. Quand on dit "je crois, j'espère, j'aime"... on ne dit pas "je crois mais enfin, quand même, plus tout à fait... ce que dit Jésus". Cela dit, la vie spirituelle est souvent un combat, c'est indéniable, mais je ne vois aucune positivité dans les moments de défaillance où l'on est près d'être submergé et de tout abandonner. La vie chrétienne n'est-elle qu'un combat contre ses propres doutes ou bien alors sommes-nous appelés à les dépasser résolument et à engager d'autres combats, contre la lèpre, la guerre, le péché, la misère, la maladie, la haine, etc. ? Ce n'est pas du tout la même chose.
Mais peut-être doit-on prendre aussi en considération le champ de bataille... et l'enjeu final. S'il ne s'agit que d'une vie bien tranquille, bien tiède, alors le doute peut rajouter du piment... mais si tu es pris dans un combat où c'est d'un côté le Christ et la vie et de l'autre le désespoir, le ravage et le suicide... s'il s'agit de finir de mourir et de commencer à vivre, tu comprends que le doute, que tu connais à fond d'ailleurs, n'est qu'un obstacle de plus glissé sous ton pied pour te faire encore une fois chuter...
Amicalement
Bonjour MB,
[quote]je lis peut-être un peu brutalement, mais si la foi est une vertu surnaturelle, que se passe-t-il lors du doute ? est-ce moi qui commence à abandonner Dieu, ou le contraire ?[/quote]
C'est vrai, la foi est une vertu surnaturelle, elle est une grâce : ce qu'il faut comprendre est le rapport de la grâce et de la liberté. Car la question que tu poses va jusque là : si la foi est un don de Dieu, que reste-t-il de ma liberté ?
La réponse catholique, pour ma part que j'ai connue par saint Augustin, est que c'est la grâce qui libère. Dans l'âme, la grâce rétablit la volonté dans son plein pouvoir de se muer en charité. La grâce ne viole pas la liberté, mais elle la restaure au contraire. Car l'âme pécheresse n'est pas pleinement libre. De l'innocence à la chute, on perd quelque chose d'essentiel en route, et sans quoi on ne peut retrouver de soi-même l'innocence première. La chute n'est pas un phénomène réversible. Et ce que l'on perd est notre liberté, la "liberté des enfants de Dieu" qui fait dire à saint-Augustin "aime et fais ce que tu veux". Dans l'esclavage du péché, l'homme ne peut ni aimer, ni faire ce qu'il veut, quand c'est aimer et faire le bien... voir saint-Paul : "ce que je veux, je ne le fais pas, ce que je ne veux pas, je le fais"... La grâce nous rend notre liberté et nous permet de faire ce que nous voulons : aimer, faire le bien.
En état de grâce, l'âme est plus libre et a la pleine capacité d'aimer et d'agir selon l'amour. Mais si la grâce restaure en elle cette liberté et cette capacité, c'est l'âme elle-même qui est libre et qui agit. C'est une union mystérieuse et féconde dans laquelle l'homme retrouve pleinement sa liberté et où sa volonté se déploie aux dimensions de l'amour.
Et comme c'est l'âme qui demeure inviolée et non déterminée, la grâce lui ouvrant des portes et ne la forçant pas, elle peut toujours se retenir et se rétracter. C'est pourquoi on prie pour la persévérance finale.
[quote]- Autre chose. On fait comme si le doute était l'ennemi ou le contraire de la foi. Je ne pense pas ; le doute n'est pas l'absence de foi ; l'athée ne doute pas, il me semble. Donc le doute me semble être plutôt une passerelle entre foi et absence de foi (ou autre chose, si qqn est plus précis que moi, qu'il le signale), qui peut aller dans un sens comme dans l'autre. [/quote]
C'est quand même Jésus qui dit "homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?" Quand le doute est ce moment de la conversion où l'on abandonne ses convictions passées pour se convertir au Christ, alors là, oui... mais si c'est le contraire : il ne s'agit plus que de perdition, de chute, de défaillance, de noyade... comme pour Pierre.
[quote]Le doute est une lutte : quelque chose en nous nous fait dire "non", et quelque chose d'autre nous fait dire, "mais si". Dans ce genre de circonstances, nous luttons pour croire, et c'est cette lutte qui compte. Donc (sans en faire une vertu cardinale, évidemment) il y a en puissance un élément positif dans le doute.
On peut encore dire que le doute peut être assimilé à un moment de tentation ; or le fait, en lui-même, de subir une tentation n'est pas un péché.[/quote]
Effectivement, la tentation n'est pas un péché. Mais le doute est déjà défiance de la parole du Christ et accusation portée contre lui. Quand on dit "je crois, j'espère, j'aime"... on ne dit pas "je crois mais enfin, quand même, plus tout à fait... ce que dit Jésus". Cela dit, la vie spirituelle est souvent un combat, c'est indéniable, mais je ne vois aucune positivité dans les moments de défaillance où l'on est près d'être submergé et de tout abandonner. La vie chrétienne n'est-elle qu'un combat contre ses propres doutes ou bien alors sommes-nous appelés à les dépasser résolument et à engager d'autres combats, contre la lèpre, la guerre, le péché, la misère, la maladie, la haine, etc. ? Ce n'est pas du tout la même chose.
Mais peut-être doit-on prendre aussi en considération le champ de bataille... et l'enjeu final. S'il ne s'agit que d'une vie bien tranquille, bien tiède, alors le doute peut rajouter du piment... mais si tu es pris dans un combat où c'est d'un côté le Christ et la vie et de l'autre le désespoir, le ravage et le suicide... s'il s'agit de finir de mourir et de commencer à vivre, tu comprends que le doute, que tu connais à fond d'ailleurs, n'est qu'un obstacle de plus glissé sous ton pied pour te faire encore une fois chuter...
Amicalement