Bonjour Invité,
Merci à nouveau pour la qualité de votre réflexion que nourrissent de solides connaissances qui permettent de pénétrer profondément dans des difficultés très répandues dont vous sondez plusieurs aspects.
Vous le faites sur des bases que l’on rencontre chez beaucoup de commentateurs et même souvent dans les présentations des bibles.
Pour lever les principales ambiguïtés à cet égard, il me semble important que je vous précise d’emblée les enseignements de l’Église auxquels je me réfère et, surtout, auxquels je crois comme base de ma réflexion, en adoptant un point de vue différent de celui que vous retenez.
Pour plus de détails, je vous renvoie à ce que j’ai détaillé plus longuement dans le livre que vous pouvez télécharger (format Word) dans le fil de la section «
Écriture Sainte » de ce forum sous l’intitulé «
Évolution, création, incarnation : un livre à télécharger » :
https://www.cite-catholique.org/viewtop ... 91&t=20369
Vous revenez longuement au récit d'Abraham au chêne de Mambre.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
la vérité est que ce récit est une construction littéraire tardive car la foi au Dieu unique (Yahweh Dieu) date de l'époque des prophètes.
Bien sûr que tout texte biblique est une construction littéraire et qu’il y a diverses traces de pensées «
tardives » qui rapprochent les récits anciens des convictions de l’écrivain qui écrit plus tard.
Mais, je ne crois pas que l’essentiel des récits des textes du Pentateuque soit une «
construction littéraire tardive » qui daterait «
de l'époque des prophètes », ni davantage que «
la foi au Dieu unique (Yahweh Dieu) » daterait de cette époque plus récente.
Je me doute que vous penserez ici que, de votre point de vue, c’est nier ce qui vous semble une évidence.
Je crois, au contraire, qu’il s’agit d’une opinion qui n’est pas conforme à la vérité historique et qui s’est répandue comme une mode, à la suite de découvertes pertinentes mais incomplètes, et qui, aujourd’hui, ne parvient pas à intégrer les nouvelles découvertes qui contredisent cette opinion d’une manière qui me semble décisive.
Ces nouvelles découvertes (spécialement les découvertes faites sur le site antique d’Ebla et l’extraordinaire développement des systèmes alphabétiques dans la région qui s’étend du Sinaï au Liban actuel) me semblent prouver aujourd’hui que les élites qui vivaient dans les villes du pays de Canaan, durant les siècles qui précèdent l’exil à Babylone et les prophètes, disposaient de l’écriture comme moyen de conservation et de transmission du savoir dans une mesure incompatible avec une transmission exclusivement orale de ses principales traditions.
L’idée d’une espèce de Moyen-âge sans écriture, entre l’Égypte et l’Assyrie, dans laquelle les ancêtres du peuple juif auraient vécu en Canaan en nomades illettrés (sans élite urbaine pratiquant et transmettant l’écriture) me semble contraire à la réalité actuellement connue.
L’affirmation qu’un récit des origines aurait été inventé durant le premier millénaire avant Jésus-Christ suppose de considérer qu’il n’y avait pas de tradition religieuse élaborée en Canaan à laquelle chacun aurait d’abord été tenu d’être fidèle, ce qui me semble exclure la possibilité d’une «
invention » tardive.
Je pense que, dès qu’il y a eu une société urbaine avec un usage de l’écriture, les élites religieuses ont certainement mis et conservé et transmis par écrit ce qu’il y a de plus sacré, et donc les récits religieux. Des centaines de milliers de tablettes retrouvées dans le pays de Sumer et datant du début du deuxième millénaire, voire du troisième millénaire avant Jésus-Christ, prouvent l’existence d’un récit religieux du même niveau que les récits bibliques dès cette époque.
Sans développer davantage ici cette question, je me limite à vous indiquer que je continue à croire que l’enseignement de l´Église qui attribue le Pentateuque à Moïse n’a rien perdu de sa valeur.
À l’exception de modifications et compléments secondaires (comme, par exemple, le récit de la mort de Moïse lui-même) lors des nombreuses traductions et copies, l’essentiel des récits de la Genèse existaient à l’époque de Moïse. De nombreux indices permettent de penser qu’il y avait déjà à cette époque des sources écrites qui permettaient de considérer que les racines du récit de la Genèse remontent même à la région sumérienne d’Abraham.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
la connaissance de Dieu dans le récit d'Abraham et des chapitres précédents est beaucoup plus aboutie que celle du livre de l'Exode par exemple où il n'est pas question de la foi en un Dieu unique mais de Yahweh, le Dieu d'Israël, qui coexiste avec les divinités des autres peuples (bien que leur étant supérieur).
Il me semble que votre approche met ici de la clarté d’un théologien d’aujourd’hui sur un langage d’une autre époque. Dans le contexte des religions de l’époque, il est bien compréhensible que le monothéisme qui nous est familier paraisse une «
monolâtrie ». Mais, tout l’Ancien Testament, lorsqu’il parle des idoles ou des dieux des autres peuples doit, nécessairement, leur donner une certaine consistance verbale pour pouvoir en parler. Pour dire qu’une idole est «
fausse », il faut bien parler d’une idole, alors même qu’en réalité elle n’existe pas.
Comment les gens de l’époque pouvaient comprendre la distinction entre les dieux de leurs rivaux et leur Dieu ? Je laisse aux historiens le soin d’y répondre.
Mais, de là à penser que des Hébreux ne pouvaient avoir déjà la conscience d’un Dieu unique et indivisible, cela me paraît une affirmation trop rapide et, à tout le moins, non démontrée.
Affirmer que «
la connaissance de Dieu dans le récit d'Abraham et des chapitres précédents est beaucoup plus aboutie que celle du livre de l'Exode » me semble trop rapide. L’objet des récits est différent et je n’ai pas du tout l’impression d’une différence aussi nette.
Vous aurez compris que je suis dès lors le raisonnement inverse du vôtre. La nécessaire reconnaissance de l’ancienneté de la tradition écrite des peuples de Canaan me semble impliquer que le Dieu unique des récits du Pentateuque était connu depuis bien avant le temps des prophètes.
Ici encore, ce serait trop long de le détailler, mais, oui, je suis convaincu que, quel que soit le polythéisme des masses, il y a toujours eu dans l’humanité, depuis la création des premiers humains capable de partager la vie de Dieu, des personnes ayant compris que Dieu est indivisible.
Les précisions plus tardives du monothéisme puis plus tard de la réalité trinitaire n’ont jamais empêché Dieu de révéler son unicité et même son irréductible réalité à davantage qu’un «
individu ».
La foi au Dieu unique n’a pas été créée par les prophètes ou à leur époque, mais elle s’est développée finement et progressivement à travers diverses expériences relues d’abord par la tradition juive puis ensuite par la tradition chrétienne.
Je ne vous en donnerai qu’un exemple pour montrer comment une vérité peut émerger à travers le temps. Abraham vivait à Ur puis s’est déplacé dans la cité-sœur de Harran qui, comme Ur, a développé principalement le culte de la déesse de la lune, Nanna.
La lune, c’est la lumière qui brille dans l’obscurité, un symbole qui a été repris par le prophète Isaïe et qui reste actuel aujourd’hui encore à Noël. Dans son milieu polythéiste, Abraham pouvait parfaitement (comme St Paul l’a compris pour une statue d’un dieu inconnu à Athènes) percevoir que la lune n’était qu’un lampadaire pour la terre mais qu’elle pouvait exprimer quelque chose de vrai de la divinité.
Déjà à son époque, Abraham pouvait percevoir la dimension symbolique de la lune sans lui attribuer une réalité divine. Il pouvait déjà percevoir la fausseté des diverses représentations du divin et son indivisibilité. Cela ne signifie pas qu’Abraham était capable de précisions théologiques monothéistes sur la pluralité dans le monde divin.
Il savait l’essentiel, comme tout «
hébreu » : Dieu est un et amour. Indivisiblement. Il était un vrai «
fils de Heber » dont la paternité remonte à Sem («
le père des fils d’Heber »), celui qui n’est connu que par un seul trait : sa compassion pour un humilié.
Dès les origines, des humains ont cru au Dieu un, créateur de tout, du Ciel et de la terre. Hénok, Sem, Noé, Abraham… À l’époque où les Israélites (fils de Jacob) n’existaient pas encore, Abraham était déjà un Hébreu.
Tout ce qui précède demanderait beaucoup de développements, mais retenons ici les deux points sur lesquels nous divergeons et qui vont expliquer les détails des autres divergences.
De mon point de vue, tant la foi au Dieu unique que le récit biblique de la Genèse sont plus anciens que les prophètes et les peuples du premier millénaire avant Jésus-Christ.
Il me semble que c’est votre a priori contraire qui vous fait lire le récit d’Abraham au chêne de Mambré.
Lorsque vous écrivez que «
Abraham se prosterne, puis s'adresse à l'un des trois hommes seulement. D'où l'usage de la deuxième forme du singulier » c’est votre interprétation qui vous guide. Pour moi, s’il s’adresse à la deuxième forme du singulier, c’est parce qu’il refuse, au contraire, de diviser son regard sur le divin. Ils sont trois, mais Abraham en adore un seul et lui dit «
tu ».
Rien dans le récit ne permet d’affirmer qu’il s’adresse à un seul des trois hommes. Vous observerez d’ailleurs qu’Abraham parle simultanément au singulier («
Seigneur, ne passe point loin de ton serviteur ») et au pluriel («
reposez-vous, etc. »). Et ce n’est pas un seul qui répond mais la pluralité («
Ils répondirent ») sans division.
Plus loin, dans le récit, c’est «
l’un d’entre eux » qui parle pour annoncer la descendance. Mais, rien ne précise lequel. Ensuite, c’est le Seigneur Dieu qui parle, mais rien non plus ne permet d'attribuer distinctement cette parole à un seul des trois.
Et quand les trois hommes repartent, rien ne les distingue dans le récit lui-même.
C’est quant tout est fini et qu’Abraham est rentré chez lui que le récit raconte que «
les deux anges » arrivèrent à Sodome. Vous faites un lien avec deux des trois hommes du chêne de Mambré.
Le texte hébreu ne me semble pas permettre d’être aussi affirmatif. Littéralement, il me semble qu’on peut comprendre en hébreu : «
et arrivèrent deux des anges à Sodome ». Le texte lui-même confirme par la petite particule «
et » (que beaucoup de traductions omettent) la «
pleine continuité » que vous évoquez (ce que confirme aussi le fait que tant les trois hommes par lesquels Dieu apparaît dans le chapitre 18 que les deux anges du chapitres 19 se dirigent vers Sodome).
Mais, en ce qui concerne les deux anges, le texte hébreu ne contient pas l’article défini «
les » qui vous fait penser comme une évidence que ces deux anges sont deux des trois hommes du récit précédent. Le mot «
ange » (en hébreu : mal-awk) n’est jamais utilisé dans le récit du chêne de Mambré. Le texte de la Vulgate en latin n’utilise d’ailleurs pas l’article défini («
les ») présent dans beaucoup de traductions. Les anges ou deux (parmi de nombreux autres) ? L’ambiguïté ne me semble pas pouvoir être écartée avec l’évidence que vous retenez.
Permettez-moi de reprendre ici vos mots : «
comme si c'était quelque peu confus ».
N’est-ce pas le propre de tous les textes bibliques de ne pas se laisser enfermer dans nos raisonnements car Dieu est toujours au-delà ?
Ceci étant, nos raisonnements ne peuvent épuiser les interprétations possibles de ce récit très mystérieux qui évoque la divinité. J’espère seulement que vous pourrez un peu comprendre pourquoi je pense qu’il est légitime d’y percevoir une révélation de la Trinité, même s’il est évident que ce concept ne pouvait avoir ni pour le rédacteur du récit, ni pour Abraham lui-même, toutes les précisions et nuances théologiques que nous pouvons lui attribuer aujourd’hui et encore, bien en deçà de la réalité de ce que le dogme de la Trinité est réellement au-delà ne notre compréhension limitée.
Vous abordez ensuite le récit des événements dans le jardin d'Eden
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
Votre raisonnement s'affranchit du texte et rentre en contradiction avec car ce dernier n'enseigne à aucun moment que "le fruit de la connaissance pouvait être partagé en communion". C'est même tout l'inverse
Ce sujet demande de longs développements. Si vous souhaitez des détails, plutôt que de répéter ici trop longuement ce que j’ai pu déjà écrire ailleurs, il me semble plus simple de vous renvoyer à mon livre dont j’indique le lien au début de ce message (et particulièrement, le chapitre 11 (dans la deuxième partie) : Le choix originel (p. 47 à 67).
Du début à la fin du récit du jardin d’Eden, le cœur de Ève bascule d’un interdit de «
manger » (mettre la connaissance à l’intérieur de soi-même) à un interdit de «
toucher » (rejoindre une connaissance à l’extérieur de soi-même) qui l’amène à ressentir comme un «
manque » (une privation négative, qui met en doute la plénitude et l’amour de Dieu) ce qui n’était que une «
limite » (un indispensable bienfait qui permet à un «
autre » et donc à l'amour d’exister).
De mon point de vue, cette nuance qui me semble essentielle peut être méditée sans aucune contradiction avec la synthèse que vous écrivez et qui me plaît beaucoup :
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
Les deux arbres dont les propriétés du fruit sont l'acquisition du discernement et la vie éternelle sont deux attributs divins par excellence. L'homme avait vocation à manger du fruit de l'arbre de vie s'il en avait le désir (d'où l'absence d'interdiction) mais pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. La raison en est simple et réside dans la signification symbolique de ces deux arbres :
L'arbre de vie représente la possibilité pour l'homme d' acquérir la vie éternelle dans la communion avec Dieu. En cueillir était un acte de foi et de libre adhésion au plan de Dieu, l'engagement inconditionnel de soi dans une communion éternelle avec le Créateur, voie qu'Adam et Eve n'ont pas choisi de suivre.
Au contraire, l'interdiction de manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal est le moyen par lequel l'homme peut exercer sa liberté. Il incarne la possibilité offerte à l'homme de choisir sa propre destinée : avec Dieu en s'abstenant d'en manger, en dehors de Dieu par la désobéissance. Au-delà d'être un instrument au service de la liberté de l'homme, l'arbre est éminent symbolique et l'interdiction autour de cet arbre n'est pas dénué de fondement : l'acquisition de la connaissance du bien et du mal représente la la volonté de l'homme de décider par lui-même, affranchi de son Créateur. Il est donc le symbole de la rupture avec Dieu.
Deux attributs divins étaient donc à la portée de la main de l'homme : la vie éternelle dans la communion avec Dieu, l'acquisition du discernement comme coupure avec Dieu. L'homme a fait le choix de conduire son existence en dehors de Dieu en s'octroyant la possibilité de décider entièrement par lui-même. Dieu n'est plus la boussole de sa vie, l'homme se suffit à lui-même par le discernement qu'il a acquis.
Mille mercis pour ces excellentes réflexions avec lesquelles nous sommes en parfait accord.
Des divergences réapparaissent dans la suite.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
il m'est évident que ce récit n'a aucune existence historique, il n'est rien d'autre qu'une réflexion d'un ou plusieurs rédacteurs sur nos origines et sur plusieurs spécificités de notre nature humaine
Vous savez que cette évidence ne me paraît pas comme telle.
Il s’agit bien évidemment d’une réflexion « d'un ou plusieurs rédacteurs sur nos origines et sur plusieurs spécificités de notre nature humaine », mais pour quoi ajouter «
rien d’autre » ?
Outre l’inspiration divine, il me semble tout aussi «
évident » que le récit explique le passé historique, même s’il le fait à la manière et avec les connaissances autant que la culture de l’époque du rédacteur (que je situe bien plus loin, comme détaillé plus avant).
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
le discernement de l'homme, l'existence de la mort, le travail, les souffrances de l'accouchement. Autant de spécificités humaines qui sont interprétées comme la conséquence d'une rupture avec Dieu. Idem dans le chapitre de la tour de Babel où l'existence des langues et des peuples est également interprétée comme une nouvelle opposition de l'humanité à Dieu. Vous en conviendrez, à la lumière de notre raison et de l'enseignement du Christ, Dieu est totalement étranger à tous ces éléments qui révèlent uniquement de notre nature et de notre histoire.
Je conviens avec vous que «
le discernement de l'homme, l'existence de la mort, le travail, les souffrances de l'accouchement » sont « Autant de spécificités humaines qui sont interprétées comme la conséquence d'une rupture avec Dieu. Idem dans le chapitre de la tour de Babel où l'existence des langues et des peuples est également interprétée comme une nouvelle opposition de l'humanité à Dieu ».
Mais, pourquoi en déduire que «
Dieu est totalement étranger à tous ces éléments qui révèlent (relèvent)
uniquement de notre nature et de notre histoire » ?
Bien au contraire, je pense que la particularité de l’historicité réelle des récits en cause c’est d’y intégrer la présence et l’action de Dieu. De mon point de vue, c’est précisément pour nous montrer que ce n’est pas «
uniquement » de notre nature et de notre histoire que nous pouvons comprendre ce que fut réellement le passé historique, mais dans un rapport à Dieu qui intervient dans l’histoire.
Nous revoici à la question clé de l’intervention directe de Dieu dans l’histoire au cœur de nos échanges précédents.
Sans intervention directe de Dieu dans l’histoire, il n’y ni immaculée conception, ni conception virginale, ni miracles, ni résurrection physique du Christ, ni apparitions corporelles du Christ.
Tout simplement, pas de réelle incarnation et une nature irrémédiablement mortelle.
C’est bien sûr la foi qui nous permet de passer l’obstacle. La même depuis Adam et Ève. Celle de Hénok que le récit ne définit que très simplement. Il marchait avec Dieu. Celle d’Abraham.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
J'avais initié un autre fil (verrouillé) sur la divinité de Jésus dans l'Évangile selon Saint-Luc et les Actes des Apôtres. Ma conclusion était que selon la christologie de l'évangéliste, Jésus n'existe pas comme Dieu par lui-même mais est divinisé par son Père qui est Dieu seul. En clair : l'évangéliste ne soutenait pas que Jésus était Dieu au même titre que son Père.
Vous savez que la foi de l’Église est autre, mais je trouve que, par votre négation, vous mettez remarquablement en évidence le lien de la foi entre l’incarnation de Dieu et la création historique d’Adam et Ève.
Il me semble aujourd’hui impossible de croire en l’incarnation de Dieu sans croire aussi à la création historique d’Adam et Ève. Et, il n’y a guère que deux alternatives (je n’en connais pas d’autre) : une création instantanée (tant physique que spirituelle) comme le considèrent ceux que l’on nomme généralement «
créationnistes » ou «
fondamentalistes » ou une création spirituelle dans le cours de l’histoire de manière semblable à ce que fut, historiquement, l’incarnation du Christ par laquelle Dieu s’est fait humain.
Dans un cas comme dans l’autre, il y a une intervention directe de Dieu dans l’histoire.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
Je considère donc que deux christologies contradictoires cohabitent dans les Évangiles, de même qu'elles le font dans les épîtres dites pauliniennes : Jésus est présenté tour à tour comme le messie de Dieu, dépourvu de toute essence divine, et inversement, comme pleinement Dieu, de toute éternité dans le sein de Dieu le Père. Ce sont finalement deux compréhensions de Dieu opposées qui coexistent, l'une trinitaire, l'autre unitaire.
Comme pour les récits de la Genèse, il me semble qu’il est tout à fait normal de retrouver dans les écrits du Nouveau Testament les imprécisions qui peuvent paraître contradictoires des pensées théologiques diverses dans le contexte de l’époque.
Il paraît assez évident que ni la divinité du Christ, ni la réalité de la Trinité, n’étaient compris par les apôtres avec les précisions théologiques développées ultérieurement. Ce qui était vrai pour Abraham par rapport à la Trinité était tout aussi vrai à cette autre époque mais de manière bien sûr différente selon chaque contexte historique.
Mais, ici encore, il me semble que votre résumé attribue à des personnes de l’époque du Christ des pensées tranchées qu’elles ne pouvaient avoir car elles ne résultent que de développements théologiques ultérieurs.
Dans la conscience théologique du premier siècle, ce n’est pas clairement soit «
dépourvu de toute essence divine », soit «
pleinement Dieu » ce qui sous-entend une clarté et des nuances qui ne se seront précisées que plus tard et progressivement par un cheminement dont les évangiles synoptiques d’abord, celui de St Jean, les lettres de St Paul, puis les enseignements de l’Église sur la Trinité sont autant d’étapes parmi beaucoup d’autres inconnues.
Aujourd’hui encore la compréhension unitaire et la compréhension trinitaire de Dieu coexistent avec des difficultés pour notre cerveau.
(NB. Désolé pour le verrouillage du fil de discussion que vous aviez ouvert. Ce verrouillage n’était dû qu’à la section particulière dans laquelle ce fil se trouvait et qui est réservée à des réponses simples. Le fil a été déplacé dans la même section que celui-ci et déverrouillé.)
Vous revenez inévitablement à la fin de votre message à la question de l’âme immortelle.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
Que signifie concrètement l'âme selon vous ? Quelles réalités concrètes couvre-t-elle ? Je vous adresse la question car il semble qu'elle soit, selon votre conception, notre être dans sa dimension corporelle et spirituelle. L'association du corps et de l'esprit en clair.
Il me semble que vous m’avez bien compris.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
Si tel est le cas, comment la concilier avec un corps mortel et corruptible ? Car à l'exception de Jésus qui s'est élevé au ciel après sa résurrection (récit de l'Ascension), aucun homme n'a connu pareil destinée (en ce sens, j'exclus l'enlèvement d'Élie de l'Ancien Testament auquel je ne crois pas).
Il y a aussi Hénok ou l’assomption de la Vierge Marie.
Personnellement, je les accepte comme des faits qui me semblent en cohérence avec tout le reste (Adam et Ève, le péché originel, l’incarnation, la résurrection), mais je comprends toute la difficulté par rapport à votre point de vue.
La question que vous posez me semble la même que celle qui peut être posée pour la création d’Adam et Ève ou pour l’incarnation du Christ.
Comment Dieu peut-il unir du créé précaire et de l’incréé ? Comment peut-il unir du « mortel et corruptible » avec de l’éternel immortel ?
Il me semble que vous avez compris que, de mon point de vue, c’est cela l’âme humaine immortelle.
Invité a écrit : ↑sam. 26 déc. 2020, 1:32
je crois que finalement, le cœur de notre réflexion, au-delà des différences d'interprétation scripturaires que nous avons, réside dans la notion d'âme. Savoir si elle est une réalité qui dépasse la seule intelligence à laquelle participe notre cerveau. S'interroger sur son origine dans la perspective qu'elle est une réalité. Réfléchir sur les implications et les réalités concrètes qu'elle recouvre. Bref, beaucoup de questions nouvelles pour moi mais qui sont nécessaires et, je pense, passionnantes.
Je ne pourrais mieux le dire. C’est bien ainsi que je le ressens.