Bonjour Invité et Mplt,
@Invité
Invité a écrit : ↑sam. 18 janv. 2020, 15:27
Que la femme ait été tirée de la cote d'Adam provient du second récit de la création.
Le premier récit, quant à lui, nous précise que "Dieu et femme il les créa" sans préciser l'ordre de la création. Dans sa rédaction, le texte suggère plutôt une simultanéité.
Rien d'étonnant à cela, nous sommes face à deux récits qui étaient indépendants l'un de l'autre mais qui ont été assemblés.
C'est d'ailleurs pour cette raison que tout lecteur objectif remarquera une contradiction évidente :
Dans le premier récit, l'homme est appelé à peupler toute la terre et à la soumettre. Ici la terre a une connotation positive et est associée à la bénédiction de Dieu.
Dans le second récit, l'homme est appelé à vivre avec Dieu en un jardin qui, par définition, est un lieu clos, délimité. Et parce qu'il a commis une faute, l'homme est expulsé du jardin et condamné à vivre sur la terre. Ici la terre est associée à la souffrance, elle est un environnement hostile.
Deux conceptions opposées de la terre pour deux récits issus de traditions et d'époques distinctes.
Tout dépend du lecteur et de son interprétation.
Il me semble que vous considérez à tort le jardin spirituel d’Eden d’un point de vue exclusivement terrestre, comme un «
ailleurs » physique d’où l’humain aurait été expulsé sur la terre ou (vous n’êtes pas clair sur ce point) comme un endroit terrestre limité «
sur la terre » dont l’humain aurait été expulsé physiquement.
En réalité, pour celui qui accueille ce double récit comme la Parole de Dieu, il n’y a aucune contradiction possible et la contradiction ressentie par un lecteur ne peut être qu’une invitation à corriger l’interprétation qu’il retient.
Il s’agit ici de deux traditions qui regardent la même réalité historique de deux points de vue différents. Dans le premier récit, le lecteur découvre l’humain comme l’aboutissement de toute la création. Dans le second récit, le lecteur découvre que cette création de l’humain est au cœur de toute la création, dès le début de l’univers matériel, et nous détaille ce qu’est l’humain créé à l’image de Dieu et ce qu’il est devenu.
Il n’y a là aucune contradiction. Les deux récits sont parfaitement vrais et cohérents l’un avec l’autre. Ils se complètent.
Le premier récit nous montre la création des réalités physiques dans l’univers.
Dans le second récit, il est question d’amour, d’arbres de vie et de connaissance, d’un serpent qui parle, de conversations avec Dieu, de péché, d’anges. L’Église nous enseigne qu’il s’agit d’un récit imagé. L’Eden est un mot qui peut désigner la réalité spirituelle de Dieu. Le second récit nous parle de réalités spirituelles.
L’humain créé à l’image de Dieu est un être corporel et spirituel. C’est une âme immortelle, une personne qui subsiste au-delà de la mort physique de son corps par lequel et avec lequel chacun de nous a été conçu et est devenu un être vivant.
Le premier récit nous révèle l’action créatrice de Dieu par rapport à sa réalité corporelle.
Le second récit nous révèle l’action créatrice de Dieu par rapport à sa réalité spirituelle.
Les deux récits nous révèlent ainsi la réalité historique de deux points de vue différents, des faits qui ont existé concrètement et réellement dans le passé historique. Mais, ce n’est ni un reportage journalistique, ni un exposé scientifique, ni un compte rendu objectif d’un historien, c’est un double regard qui va bien au-delà des choses observables par la science pour nous révéler l’essentiel de l’action de Dieu et de notre création.
@Mplt
mplt a écrit : ↑sam. 13 mars 2021, 9:40
Moi, ce qui m'a toujours interrogée, c est le silence de Ève, le fait que le deuxième Adam - pas l'Adam générique, deux en un, la bible de Chouraqui traduit le Glébeux, - définit la femme par rapport à lui-même, à son désir, à son manque, et ne lui adresse pas la parole, ne la fait pas exister comme vis à vis, comme personne. Le premier dans le récit à s'adresser à elle comme personne c'est le serpent...
Vos observations expriment une souffrance qui peut souvent être ressentie par une femme à la lecture du second récit de la création. Et, vous pourriez prolonger votre réflexion en considérant le rôle de la femme dans le péché originel.
Je voudrais de suite rappeler que le récit est imagé, ce que l’Église enseigne et que vous savez certainement, mais vous me répondriez peut-être aussitôt qu’utiliser de cette manière l’image de la femme ne change pas la vision de la femme que présentent le récit de la côte d’Adam et celui du péché originel.
mplt a écrit : ↑sam. 13 mars 2021, 9:40
Ce qui m'interroge c'est que ce cri de Adam soit défini comme cri d amour. Cri d’admiration oui, de désir oui, d’amour narcissique oui, d’amour véritable non. Adam définit la femme en miroir de lui même, par rapport à lui, pas en vis a vis, pas en dialogue. Il va devoir apprendre à aimer, à se décentrer. L'Ancien testament ne suffira pas...
Votre observation est correcte, mais pourquoi survoler d’un coup tout l’Ancien Testament ?
La suite du récit de la Genèse est indispensable pour ne pas se méprendre sur ce que représente la «
femme » dans ce texte biblique.
L’essentiel, en effet, c’est de comprendre ce que l’humain (homme ou femme) est aujourd’hui et pourquoi tout l’Ancien Testament « n
e suffira pas », pourquoi la délivrance par le Christ nous est nécessaire pour pouvoir vivre un «
amour véritable ».
mplt a écrit : ↑sam. 13 mars 2021, 9:40
C'est Jésus qui viendra enseigner, témoigner, de ce qu'est aimer véritablement... en Marie, Dieu sanctifie la maternité, dans son rapport avec les femmes Jésus ne se comporte pas en Maître. Il les laisse suivre, s'approcher... Il se décentre toujours pour les faire exister, leur adresse la parole, les écoute, entre en dialogue... par Marie-Madeleine et les femmes présentes au pied de la Croix, les femmes sont introduites par Jésus dans le sanctuaire le plus sacré qu'est le Golgotha pour demeurer avec lui jusqu'au bout, et au matin de Pâques Jésus signifie aux disciples que la parole des femmes est crédible et à prendre en compte... et qu'Il s'adressera à eux, se révélera à eux, aussi par la parole des femmes...
Considérer les femmes comme des vis a vis à la parole crédible, voire prophétique, ne pas vouloir les exclure comme dans l'Ancien testament, du sacré et des lieux décisionnels ou / et sacrés, où se vit l’avenir, le salut...aujourd'hui encore, dans l’Église, ce n est pas gagné ! et dans la société... cela dépend où...
Merci Mplt pour ces observations tout à fait justes.
Alors, où est le problème ?
Il me semble que pour comprendre la création de l’humain et les événements qui se sont produits au commencement de l’histoire de l’humanité et qui ont été vécus par les premiers humains créés à l’image de Dieu, il est préférable de lire l’ensemble des deux récits de la création sans se focaliser séparément sur des détails isolés.
N’oublions pas que, dans la réalité matérielle ou biologique et selon le premier récit de la création, l’humain est créé masculin et féminin. La Genèse nous précise expressément que tant l’homme masculin que la femme sont nommés «
adam » (Gn 5, 2). Sur le plan biologique ou physique, la création de l’humain masculin et féminin est inséparable. Il n’y a jamais eu un mâle humain unisexe sans femelle dans la réalité physique. L’adam générique unisexe n’est pas une réalité historique ou biologique.
Dans la réalité physique, l’adam est une espèce dans laquelle les individus sont sexués, les uns étant masculin et les autres féminins. Le plus souvent, le récit biblique parle de «
l’adam » (avec un article) comme nous parlerions de «
l’humain », sans distinction de sexe, ce qui peut viser une espèce et pas nécessairement un individu.
La femme tirée d'une côte de l'adam nous est présentée dans un récit imagé qui va montrer une rupture avec Dieu qui va être mortelle, non sur le plan physique (car elle n’empêchera pas nos premiers parents de vivre normalement leur existence terrestre et d’engendrer une descendance dont nous provenons tous), mais sur le plan spirituel.
Certes, ce qui s’est produit a bien été vécu concrètement dans la réalité physique mais c’est principalement ce qui s’est passé dans la réalité spirituelle que le récit nous révèle avec des images. Peu importent l’endroit physique et le moment (ou sa date), ce qui compte ici c’est ce que nous sommes dans la réalité spirituelle et ce que nos premiers parents ont fait de leur vie spirituelle insufflée par Dieu et qu’ils nous ont transmise en bien mauvais état.
Il y a vraiment eu un premier couple, mais leur conception est aussi mystérieuse que l’incarnation du Christ. Le Christ, Dieu éternel, Fils du Père en communion avec l’Esprit Saint de toute éternité, s’est incarné, par une action de l’Esprit Saint, dans un corps provenant de l’évolution par la Vierge Marie. Les premières âmes immortelles dont la personne subsiste au-delà de la mort physique ont été créés dans l’histoire de manière tout aussi mystérieuse, par une autre action de l’Esprit Saint, un souffle de Dieu.
Bien qu’étant Dieu lui-même de toute éternité, le Christ fait homme nous a enseigné, par son baptême et sa tentation au désert, et comme il le rappellera à Nicodème, que l’humain doit encore, après sa naissance physique, vivre une autre naissance, spirituelle, et faire ensuite le choix libre d’aimer Dieu ou non.
N’est-ce pas le cœur du récit du jardin d’Eden ? Comment le comprendre ?
Si vous acceptez de considérer, par exemple, que l’arbre «
de la vie », l’arbre «
de la connaissance du bien et du mal », ou le «
serpent » qui parle sont des images, pourquoi penser que la «
femme » ne serait pas aussi une image d'une autre réalité ?
Posons-nous alors la question : est-ce que cette image méprise ou dévalorise la femme dans l’ensemble du contexte du récit ?
Première observation : l’homme masculin va être nommé le «
glébeux », celui qui vient «
du sol », le terrien ou le terrestre. Son nom n’évoque rien de divin, ni de spirituel. Seulement la réalité physique naturelle. Rien de plus qu’un animal. Il est pourtant devenu vivant par un souffle divin, mais son nom n’en dit rien. Il est seulement nommé «
adam ». Et encore, ce n’est même pas une qualité distincte par rapport à la femme puisqu’elle aussi est nommée «
adam ».
Privé de toute référence à la vie spirituelle dans son nom, l’homme masculin n’est pas une image qui puisse correspondre à une quelconque supériorité de genre par rapport aux femmes.
Seconde observation : la femme va être nommée «
la vivante », Ève. Elle va être nommée ainsi en lui attribuant une qualité exceptionnelle : elle se nomme Ève, parce qu’elle est la mère (on peut comprendre aussi la matrice, l’origine) de «
tous les vivants ». La voici bien au-delà du misérable «
terrien ».
Troisième observation : dans le récit du péché originel qui va blesser toute l’humanité, elle prend certes la première place, mais, contrairement au silence de la femme partout ailleurs dans le récit où seul l’homme masculin parle mais lorsque tout est harmonie, c’est l’homme masculin qui ne dit rien au moment du choix originel essentiel pour la vie de l’humanité. La femme y tient le rôle dominant alors que l’homme masculin y paraît d’une faiblesse totale.
C’est donc avec ces images très valorisantes pour la femme, qu’il ne faut pas oublier, qu’il devient possible de comprendre qu’au cœur même de ces valeurs positives se trouvent aussi d’autres réalités, un envers qui peut paraître négatif s’il est considéré isolément.
Parce que la femme est l’image de la vie insufflée par Dieu, elle est aussi l’image adéquate pour révéler ce qu’est cette vie et pour montrer ce qui peut la blesser.
Revenons dès lors au début du récit lorsqu’il évoque la côte de l'adam et le premier cri humain.
Dans la réalité physique, Adam et Ève se sont rencontrés et unis pour ne faire qu’une seule chair.
Dans la réalité spirituelle, le désir et l’affection intenses suscités par Dieu chez nos premiers parents ont suffit pour en faire une seule chair. La chair c’est le tout de l’humain, corporel et spirituel.
Ils ont été rendus capables d’aimer. Mais, comme vous l’observez finement, ce n’est pas encore l’amour véritable, celui d’une communion avec un autre.
Mais, le récit nous montre que c’est à ce moment là que l’humain (d’abord indifférencié parce que tant l’humain masculin que l’humain féminin ne sont d’abord présentés que comme des «
adams » dans leur réalité terrestre) va être nommé, pour la première fois, de manière différenciée : la femme est nommée « isha » parce qu’elle est tirée de l’ish. Le récit n’utilise pas ici le mot «
adam » et le mot «
ish » peut désigner de manière imprécise une personne, quelqu’un, un être.
On peut comprendre que la femme qui est «
la vie », façonnée par Dieu lui-même, introduit la vie spirituelle dans la réalité concrète. Elle en est l’image de sa source divine. L’humain est certes déjà pleinement créé, corporel et spirituel, par l’effet simultané d’un corps façonné et d’un souffle de Dieu.
Tout est déjà là dès leur conception. L’humain créé, tant Adam que Ève, sont des êtres dont la nature est corporelle et spirituelle dès leur conception. Ils sont des âmes. Des êtres absolument nouveaux produits par un souffle divin dans un corps physique façonné par Dieu.
Mais, comme des bébés, il y a un chemin de 9 mois pour amener à la naissance physique et il est suivi d’un chemin beaucoup plus long pour amener la conscience à un état adulte, apte à un amour libre et véritable. Un amour semblable à celui dont Dieu vit de toute éternité. Un amour qui peut être partagé avec un autre que soi-même.
Ce second chemin n’est pas que spirituel. Il se parcourt durant l’existence terrestre comme le montrera le Christ qui l’a parcouru pendant trente ans jusqu’au jour de son baptême lorsque l’Esprit Saint est descendu sur lui comme une colombe. L’être humain peut accéder à une nouvelle naissance, à un baptême d’en haut, dans toute son intégrité, tant corporelle que spirituelle.
Dans le récit de la côte de l’adam, l’amour conjugal façonné par Dieu (c’est Dieu qui unit, rappellera Jésus dans l’Évangile) est à la fois une image de l’amour divin et ce qui le rend concret comme un sacrement dans la vie des humains, comme un baptême.
Ce dont
la femme est ici l’image, c’est
de la conscience illuminée par l’amour, celle qui attire vers le Bien, vers l’Amour, vers la Vie. Conscience de soi, conscience de l’autre et conscience de la relation de soi à l’autre.
C’est la conscience qui ouvre la personne à une communion possible avec un autre que soi-même. Elle émerge par une plongée dans les eaux de l'amour.
C’est cette conscience et ce désir d’amour que la femme représente et que Dieu forme par elle dans la personne humaine. Adam et Ève se découvrent autres mais semblables et attirés dans une communion en laquelle ils forment une seule chair, en parfaite harmonie, «
nus et sans gêne », selon le récit.
Mais, pour que cette communion se réalise, il reste nécessaire, outre le don de Dieu et ce qu’il suscite, de le vouloir vraiment et personnellement par un choix libre, car, comme vous l’observez, dans sa première réaction, Adam «
définit la femme par rapport à lui-même, à son désir, … et ne lui adresse pas la parole ».
Cependant, il me semble que vous allez ici au-delà du récit lorsque vous pensez pouvoir aussi observer que, à ce moment, Adam définit la femme «
par rapport … à son manque » et qu’il «
ne la fait pas exister comme vis à vis, comme personne ».
Elle comble, bien sûr, l'absence de semblable parmi les animaux qui rendait la création de l'humain incomplète. Mais, Il me semble, par contre, que, dans le cri joyeux d’Adam, il n’y a plus aucun manque et que la femme y est bien reconnue comme un vis-à-vis, un semblable, une personne, même si le dialogue reste à commencer.
Cela me semble même au cœur de l’harmonie parfaite à laquelle Adam et Ève accèdent. Rappelez-vous comment l’humain, dans le jardin d’Eden, échoue d’abord à trouver un vis-à-vis semblable parmi les animaux. Voyez le bonheur total d’Adam et Ève vivant «
nus et sans gêne ».
Mais, en fait, vous anticipez le vrai défi que le récit biblique me semble aborder par la suite et que l’humain rencontre dès qu’il s’unit à un autre que lui-même, comme l’homme et la femme dans un élan amoureux profond qui saisit tout l’être et qui est ici l’image d’une réalité spirituelle.
Ce qui me semble essentiel d’observer ici c'est que, toujours et partout, l’autre n’existe comme autre, l’amour n’est possible avec un autre qu’en intégrant la limite que représente le fait même de l'existence d’un «
autre ».
À cet égard, contrairement à ce que beaucoup pensent trop vite, il ne faut pas confondre d’emblée limite et manque.
La limite est un bien parfait. C’est l’inévitable condition pour qu’un autre puisse être «
autre » et puisse être aimé comme «
autre » dans une communion d’amour où chacun des sujets est respecté tel qu’il est dans sa singularité. Tout le contraire d’une fusion absorbante où un sujet peut se trouver dégradé. Dieu, qui est le Bien, a lui-même accepté de créer l’humain comme un autre comprenant une limite pour Dieu Lui-même. Dieu nous a créés libres, y compris par rapport à Lui.
Mais, et nous nous approchons alors du choix fondamental du péché originel, la limite nécessaire et bienfaisante peut être «
interprétée » ou considérée comme un «
manque », c’est-à-dire un déficit à combler. Un manque est une imperfection.
Là est le vrai enjeu qui restait en cause lorsqu’Adam et Ève ont été baptisés dans l’amour que Dieu lui-même leur a inspiré. Tout était parfait, mais pas encore pleinement réalisé.
Dans la pensée humaine intérieure, pour que le désir d’amour se transforme en amour véritable, après avoir pleinement découvert la vie de l’amour comme Adam et Ève après leur rencontre ponctuée d’un cri puissant et joyeux, il reste un choix fondamental à faire : la limite de l’autre est-elle pour moi un bien divin indispensable à la communion, l’amour, la vie, ou cette limite de l’autre est-elle pour moi un manque à combler ?
Dans le jardin d’Eden, il y avait des «
arbres » pour nourrir les humains, des arbres fruitiers pour nourrir leur être corporel, mais aussi des arbres pour nourrir leur être spirituel, leur âme, leur personne : un arbre de vie et un arbre de la connaissance du bien et du mal (ou plus exactement du bon et du mauvais).
Ces deux arbres sont immatériels puisqu’il s’agit de vie et de connaissance, et même, comme l’indiquait un interdit de Dieu, de vie et de mort.
Adam et Ève ne vont pas se nourrir l’Arbre de vie. Ils pouvaient s’approcher librement de l’arbre de la connaissance, mais il leur était interdit d’en manger. Manger, c’est mettre en soi-même. C’est mettre à l’intérieur de l’individu ce qui est nécessaire pour décider en toutes choses de ce qui est bien ou mal, pour aller à gauche ou à droite en tout.
Ne pas manger, c’était laisser la connaissance du bien et du mal à l’extérieur de soi-même, là où l’autre se trouve.
Le choix était, soit de faire du «
moi » le maître souverain décidant de tout, soit de se nourrir de vie et de l’amour que Dieu avait suscité en formant «
la femme », en créant un vis-à-vis, un autre que soi à aimer, afin que toute connaissance ne soit pas déterminée en soi-même mais dans une communion d’amour avec un (ou des) autre(s).
En vérité, on ne connaît vraiment que par l’amour.
La vie c’est l’amour. Faire de soi-même la référence ultime de la connaissance, c’est la mort.
Dès lors que la femme est comprise comme une image de la conscience, le serpent peut alors être compris comme une image de la raison dans le cerveau terrestre. N’est-il pas défini dans le récit biblique comme la plus intelligente des créatures ? L’humain n’est-il pas cette créature la plus intelligente et, plus précisément, n’est-ce pas la capacité de réflexion de l’humain qui est cette créature ?
Le dialogue entre le serpent et la femme, dans la réalité spirituelle du jardin d’Eden, n’est-il pas l’image d’un débat spirituel intérieur dans la pensée humaine entre la raison et la conscience ?
Alors que le cœur et la conscience pouvaient demeurer dans l’amour et la confiance à l’égard de Dieu en considérant la limite comme un bien, la raison va entraîner le cœur et la conscience dans une attitude considérant cette limite bienfaisante comme un manque. Si c’est un manque, ce serait donc une privation à combler. Dieu n’aurait pas tout donné. Il ne serait donc pas le bien. Etc.
Le choix libre de nos premiers parents, choisissant de faire de leurs propres pensées (faites de raison et de conscience) la référence ultime pour déterminer le bon ou le mauvais en tout choix, est fondé dans une attitude de méfiance contraire à l’amour et tuant en eux cet amour qui est la vie même de Dieu qui leur était offerte.
Dans le récit, le choix de la femme (la conscience) après un débat intérieur avec le serpent (la raison, la sensibilité, l’intelligence) fut de manger par méfiance plutôt que d’aimer. Le fruit fut alors donné à l’ish (le mot hébreu qui signifie la personne) et mangé par lui.
La présence maléfique de Satan qu’on peut y voir, selon la Tradition, ne doit pas empêcher d’y percevoir aussi et simultanément tout le combat qui se passe en l’homme lui-même, en toute âme humaine.
Ce fut la mort. Pas physique, mais spirituelle.
Dieu n’a cependant pas abandonné les humains créés avec sa propre vie. Il les a recouverts d’un vêtement protecteur. Protégés pour pouvoir encore être sauvés. C’est déjà le Christ que ce vêtement annonçait et préfigurait.
En résumé, au-delà de la réalité concrète d’Adam et Ève, vécue au commencement de l’histoire de l’humanité, l’image de la femme tirée de l'adam pour y ouvrir sa conscience dans l'amour est aussi le coeur du choix fondamental de l'humain. Le second récit biblique de la création me semble nous montrer combien la vie et la mort sont ensemble au cœur de notre liberté et de l’amour auquel nous sommes conviés.
«
Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance » (Deut. 30, 17).