par Zingaro » ven. 19 sept. 2014, 9:25
Haha, donc les Évangiles sont dans la Bible... L'autre jour j'étais tout penaud à la recherche d'une table des matières ; j'imagine que j'aurais fait rire n'importe quel élève de catéchisme. Merci...
J'ai rêvé d'Adam et Eve ce matin, juste avant mon réveil. Dans ce rêve, la remarque suivante m'est venue : si Eve voit le fruit, elle a, d'une certaine façon, les yeux ouverts, mais ils s'ouvrent ensuite
sur sa condition propre et celle d'Adam - ils sont nus -. Ce qui est assez différent, et, aussi bien qu'une contradiction, ça pourrait être un indice.
Je reprends le passage avec le serpent :
Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits. Il dit à la femme : "Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?". La femme répondit au serpent : "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort". Le serpent répliqua à la femme : "Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal". La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus ; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes
Plusieurs choses sont étonnantes. J'essaie d'intégrer l'indice du rêve.
Le serpent dit : "Dieu sait que le jour ou vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal". Il me semble maintenant qu'il faut accentuer certains mots dans cette phrase : "vous serez
comme des dieux, qui connaissent le bien
et le mal".
Comme des dieux c'est-à-dire : pas tout à fait, comme si, à moitié, par imitation.
Qui connaissent le bien
et le mal : le texte prend ce sens nouveau : le mal, est-ce qu'ils ne le connaissent pas avant de manger du fruit ; jusque-là ils ne sont
que dans le bien. Un bien univoque, simple, total. Mais l'arbre de la connaissance du bien ET du mal les fait entrer dans ce monde duel, ou il n'y a plus de bien sans mal, qui est le nôtre.
Edit (je poursuis, ayant du temps aujourd'hui, et si ça n'embête pas la modération) :
Sur la nudité, il suit qu'Adam et Eve se cachent parmi les arbres du jardin lorsqu'ils entendent les pas de Yahvé. Et quand Dieu l'appelle, Adam répond : "J'ai entendu ton pas dans le jardin ; j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché". Pourtant, Eve comme Adam viennent de se couvrir de pagnes ! Peut-être cette nouvelle "contradiction" n'est-elle rien ; peut-être au contraire est-ce un nouvel indice : elle pourrait indiquer que la nudité qui accable le couple n'est pas corporelle, visuelle, mais spirituelle. Il s'agirait d'un dénuement plus profond, qu'un pagne ou un habit est justement inapte à combler. Et Adam prend peur à l'approche de Yahvé : parce qu'il a fauté ? Non, parce qu'il est nu. Nudité et donc peur. Parce qu'il n'est plus sous la protection de Dieu ? Une distance en tout cas se marque avec Dieu : il devient source d'effroi.
La nudité est ce changement d'état du couple après avoir mangé le fruit, quand s'ouvrent leurs yeux ; ce qui apparaît immédiatement, ce sur quoi le texte appuie. Mais plus tôt Dieu a prévenu, s'ils mangent du fruit, la conséquence sera qu'ils mourront. Et non pas qu'ils seront nus. Alors est-ce que cette nudité représente la mort ? Peut-être la mort à venir, en suspend ? Le serpent n'aurait pas menti : vous ne mourrez pas, et Dieu non plus n'a pas menti : vous mourrez. Le serpent n'a pas menti mais il a omis de préciser : vous ne mourrez pas
immédiatement. Plus tard, oui. C'est là toute son astuce, lui qui est "le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits".
Et ensuite : "Et qui t'a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l'arbre que je t'avais défendu de manger !" Mais alors, Adam était déjà nu ? Il ne le savait pas, ou du moins ça n'avait pas la même signification : "Or tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre", est-il précisé après que Yahvé a présenté la femme à l'homme. Ils n'avaient pas honte. Et donc ensuite ils auront honte ? Le texte ne dit pas : "mais ils n'avaient pas honte", comme s'il était naturel qu'ils aient honte, il dit bien "et ils n'avaient pas honte". Et ils n'avaient pas honte : ils n'avaient pas de raison d'avoir honte, rien dans cette nudité ne suggère qu'il manque quelque chose, un habit, ou que quelque chose soit de trop, qu'il faille cacher. Alors que la nudité suivante, celle où le mal est fait, nécessite qu'ils se cachent tout entiers ! Pas une partie, pas seulement le sexe mais bien entiers. La nudité a prise une nouvelle dimension. L'arbre de la connaissance du bien ET du mal...
Et encore, me vient cette remarque que c'est après s'être découverts nus que pour la première fois ils
travaillent. "Ils cousirent des feuilles de figuier". Jusque-là, rien ne manquait ; maintenant ils doivent faire autre chose de ce que le jardin offre : de feuilles, ils font des pagnes.
Encore autre chose, mais je sens ce sujet beaucoup plus délicat : il faut un agent pour amener à la chute. Ce ne sont pas Eve et Adam par eux-mêmes, seuls, qui saisissent le fruit. Le serpent donne cette impulsion. Ils sont donc à la fois libres de saisir le fruit, et à la fois contraints par le serpent. C'est ambigu. Et ce qui les décide, c'est, si j'en crois ma lecture, un demi mensonge du serpent. Pas un mensonge éhonté, non : il omet simplement de dire qu'ils ne mourront pas immédiatement, et fait miroiter qu'ils seront "comme des dieux". Et il dit vrai. Mais cette petite tromperie leur est fatale. Alors vient cette remarque : ils ne sont pas intrinsèquement mauvais, ou en tout cas contraires à Dieu, car d'eux-mêmes il ne saisissent pas le fruit ; mais ils sont exposés à la tromperie. Peut-être est-ce là leur nudité véritable, plus que la mortalité : ils sont nus face au mal, sans rien pour les en garder que les commandements divins, qu'ils sont libres de ne pas écouter. Ils réalisent cette nudité une fois qu'ils ont été trompés. "Leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus" : leurs yeux se lèvent sur la tromperie du serpent, ils comprennent qu'ils ont été trompés. Et aussitôt ils s'accusent les uns les autres. Le mensonge s'est insinué et les a séparés, séparés entre eux d'abord, puis irréversiblement éloignés de l'Eden.
*****************************************************
Sur les animaux maintenant, puis ce sera assez pour une journée.
Il revient à Adam de nommer les animaux. Jusqu'ici c'est Dieu qui nommait les choses, et comme ils les nomme elles se font. Mais les animaux, il les fait, et c'est Adam qui les nomme. Par ailleurs, on apprend par la suite que les sacrifices de Caïn sont refusés ; or il sacrifie des bêtes, tandis que son frère offre des végétaux, et ses offrandes sont reçues. Il me semble qu'il y a quelque chose à comprendre.
Et, ayant avancé dans la lecture, m'en voilà arrivé au Déluge. Or Dieu commande à Noé de sauver les animaux, au moins un couple de chaque espèce, mais non pas les végétaux qui, quant à eux, prospèrent d'eux-mêmes, puisque plus tard l'hirondelle envoyée par Noé, pour savoir si les eaux se sont retirées, revient avec un rameau d'olivier. Donc l'olivier a poussé et les végétaux n'ont pas disparu pendant le déluge. Mais les animaux devaient être sauvés, ils n'auraient pas survécu. Et c'est Noé, un homme, qui les sauve. Et c'est Adam, un homme, qui les a auparavant nommés.
Il semble y avoir une forte proximité entre l'homme et l'animal, une hiérarchie et une responsabilité. Nommer ce n'est pas rien. On nomme un enfant : voilà qui il est. On nomme un animal : idem. C'est un privilège que l'homme ne partage a priori avec aucune autre créature dans la création, hormis Dieu bien sûr, et qui va de pair avec une responsabilité : ce qu'on a nommé, on en est responsable - au moins responsable pour son nom. On y est lié.
Connaissez-vous d'autres passages bibliques susceptibles d'approfondir ces réflexions sur le lien homme/animal ? Qu'en pensez-vous ?
Haha, donc les Évangiles sont dans la Bible... L'autre jour j'étais tout penaud à la recherche d'une table des matières ; j'imagine que j'aurais fait rire n'importe quel élève de catéchisme. Merci...
J'ai rêvé d'Adam et Eve ce matin, juste avant mon réveil. Dans ce rêve, la remarque suivante m'est venue : si Eve voit le fruit, elle a, d'une certaine façon, les yeux ouverts, mais ils s'ouvrent ensuite [i]sur sa condition propre[/i] et celle d'Adam - ils sont nus -. Ce qui est assez différent, et, aussi bien qu'une contradiction, ça pourrait être un indice.
Je reprends le passage avec le serpent :
[quote]Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits. Il dit à la femme : "Alors, Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?". La femme répondit au serpent : "Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin. Mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez pas, sous peine de mort". Le serpent répliqua à la femme : "Pas du tout ! Vous ne mourrez pas ! Mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal". La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement. Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. Alors leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus ; ils cousirent des feuilles de figuier et se firent des pagnes[/quote]
Plusieurs choses sont étonnantes. J'essaie d'intégrer l'indice du rêve.
Le serpent dit : "Dieu sait que le jour ou vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal". Il me semble maintenant qu'il faut accentuer certains mots dans cette phrase : "vous serez [i]comme[/i] des dieux, qui connaissent le bien [i]et[/i] le mal".
[i]Comme[/i] des dieux c'est-à-dire : pas tout à fait, comme si, à moitié, par imitation.
Qui connaissent le bien [i]et[/i] le mal : le texte prend ce sens nouveau : le mal, est-ce qu'ils ne le connaissent pas avant de manger du fruit ; jusque-là ils ne sont [i]que[/i] dans le bien. Un bien univoque, simple, total. Mais l'arbre de la connaissance du bien ET du mal les fait entrer dans ce monde duel, ou il n'y a plus de bien sans mal, qui est le nôtre.
Edit (je poursuis, ayant du temps aujourd'hui, et si ça n'embête pas la modération) :
Sur la nudité, il suit qu'Adam et Eve se cachent parmi les arbres du jardin lorsqu'ils entendent les pas de Yahvé. Et quand Dieu l'appelle, Adam répond : "J'ai entendu ton pas dans le jardin ; j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché". Pourtant, Eve comme Adam viennent de se couvrir de pagnes ! Peut-être cette nouvelle "contradiction" n'est-elle rien ; peut-être au contraire est-ce un nouvel indice : elle pourrait indiquer que la nudité qui accable le couple n'est pas corporelle, visuelle, mais spirituelle. Il s'agirait d'un dénuement plus profond, qu'un pagne ou un habit est justement inapte à combler. Et Adam prend peur à l'approche de Yahvé : parce qu'il a fauté ? Non, parce qu'il est nu. Nudité et donc peur. Parce qu'il n'est plus sous la protection de Dieu ? Une distance en tout cas se marque avec Dieu : il devient source d'effroi.
La nudité est ce changement d'état du couple après avoir mangé le fruit, quand s'ouvrent leurs yeux ; ce qui apparaît immédiatement, ce sur quoi le texte appuie. Mais plus tôt Dieu a prévenu, s'ils mangent du fruit, la conséquence sera qu'ils mourront. Et non pas qu'ils seront nus. Alors est-ce que cette nudité représente la mort ? Peut-être la mort à venir, en suspend ? Le serpent n'aurait pas menti : vous ne mourrez pas, et Dieu non plus n'a pas menti : vous mourrez. Le serpent n'a pas menti mais il a omis de préciser : vous ne mourrez pas[i] immédiatement[/i]. Plus tard, oui. C'est là toute son astuce, lui qui est "le plus rusé de tous les animaux des champs que Yahvé Dieu avait faits".
Et ensuite : "Et qui t'a appris que tu étais nu ? Tu as donc mangé de l'arbre que je t'avais défendu de manger !" Mais alors, Adam était déjà nu ? Il ne le savait pas, ou du moins ça n'avait pas la même signification : "Or tous deux étaient nus, l'homme et sa femme, et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre", est-il précisé après que Yahvé a présenté la femme à l'homme. Ils n'avaient pas honte. Et donc ensuite ils auront honte ? Le texte ne dit pas : "mais ils n'avaient pas honte", comme s'il était naturel qu'ils aient honte, il dit bien "et ils n'avaient pas honte". Et ils n'avaient pas honte : ils n'avaient pas de raison d'avoir honte, rien dans cette nudité ne suggère qu'il manque quelque chose, un habit, ou que quelque chose soit de trop, qu'il faille cacher. Alors que la nudité suivante, celle où le mal est fait, nécessite qu'ils se cachent tout entiers ! Pas une partie, pas seulement le sexe mais bien entiers. La nudité a prise une nouvelle dimension. L'arbre de la connaissance du bien ET du mal...
Et encore, me vient cette remarque que c'est après s'être découverts nus que pour la première fois ils [i]travaillent[/i]. "Ils cousirent des feuilles de figuier". Jusque-là, rien ne manquait ; maintenant ils doivent faire autre chose de ce que le jardin offre : de feuilles, ils font des pagnes.
Encore autre chose, mais je sens ce sujet beaucoup plus délicat : il faut un agent pour amener à la chute. Ce ne sont pas Eve et Adam par eux-mêmes, seuls, qui saisissent le fruit. Le serpent donne cette impulsion. Ils sont donc à la fois libres de saisir le fruit, et à la fois contraints par le serpent. C'est ambigu. Et ce qui les décide, c'est, si j'en crois ma lecture, un demi mensonge du serpent. Pas un mensonge éhonté, non : il omet simplement de dire qu'ils ne mourront pas immédiatement, et fait miroiter qu'ils seront "comme des dieux". Et il dit vrai. Mais cette petite tromperie leur est fatale. Alors vient cette remarque : ils ne sont pas intrinsèquement mauvais, ou en tout cas contraires à Dieu, car d'eux-mêmes il ne saisissent pas le fruit ; mais ils sont exposés à la tromperie. Peut-être est-ce là leur nudité véritable, plus que la mortalité : ils sont nus face au mal, sans rien pour les en garder que les commandements divins, qu'ils sont libres de ne pas écouter. Ils réalisent cette nudité une fois qu'ils ont été trompés. "Leurs yeux à tous deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus" : leurs yeux se lèvent sur la tromperie du serpent, ils comprennent qu'ils ont été trompés. Et aussitôt ils s'accusent les uns les autres. Le mensonge s'est insinué et les a séparés, séparés entre eux d'abord, puis irréversiblement éloignés de l'Eden.
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Sur les animaux maintenant, puis ce sera assez pour une journée.
Il revient à Adam de nommer les animaux. Jusqu'ici c'est Dieu qui nommait les choses, et comme ils les nomme elles se font. Mais les animaux, il les fait, et c'est Adam qui les nomme. Par ailleurs, on apprend par la suite que les sacrifices de Caïn sont refusés ; or il sacrifie des bêtes, tandis que son frère offre des végétaux, et ses offrandes sont reçues. Il me semble qu'il y a quelque chose à comprendre.
Et, ayant avancé dans la lecture, m'en voilà arrivé au Déluge. Or Dieu commande à Noé de sauver les animaux, au moins un couple de chaque espèce, mais non pas les végétaux qui, quant à eux, prospèrent d'eux-mêmes, puisque plus tard l'hirondelle envoyée par Noé, pour savoir si les eaux se sont retirées, revient avec un rameau d'olivier. Donc l'olivier a poussé et les végétaux n'ont pas disparu pendant le déluge. Mais les animaux devaient être sauvés, ils n'auraient pas survécu. Et c'est Noé, un homme, qui les sauve. Et c'est Adam, un homme, qui les a auparavant nommés.
Il semble y avoir une forte proximité entre l'homme et l'animal, une hiérarchie et une responsabilité. Nommer ce n'est pas rien. On nomme un enfant : voilà qui il est. On nomme un animal : idem. C'est un privilège que l'homme ne partage a priori avec aucune autre créature dans la création, hormis Dieu bien sûr, et qui va de pair avec une responsabilité : ce qu'on a nommé, on en est responsable - au moins responsable pour son nom. On y est lié.
Connaissez-vous d'autres passages bibliques susceptibles d'approfondir ces réflexions sur le lien homme/animal ? Qu'en pensez-vous ?