par le pèlerin » dim. 11 nov. 2012, 13:18
Bonjour Hedley,
(réponse à votre message du 4 novembre)
Si vous voulez en savoir plus sur le rapport qu'entretient le protestantisme avec la tradition (qu'il ne rejette pas), je vous conseille de consulter les écrits d'André Gounelle (excellent pédagogue) consultables en ligne (il s'agit de cours), notamment la page consacrée au protestantisme:
http://andregounelle.fr/protestantisme/index.php
Je cite un extrait à propos de la tradition:
- Contrairement à ce que l'on a parfois dit, l'affirmation du sola scriptura ne veut pas disqualifier et écarter ce qu'apporte la tradition. La Réforme luthéro-réformée n’entend nullement ignorer des siècles de travail et de réflexion sur la Bible ni éliminer tout ce qu'ont édifié des générations de chrétiens. À la différence de la Réforme radicale, elle ne veut pas faire table rase du passé. Dans leurs explications de l'Écriture, les Réformateurs se servent abondamment de commentaires antérieurs (en particulier ceux d’Augustin). Ils estiment que la tradition a beaucoup à nous apprendre; il faut l'étudier avec soin et respect, et en tenir compte. Zwingli demande qu'on ne la méprise pas, mais qu'on l’utilise avec discernement. En 1530, aussi bien Mélanchthon dans l’Apologie de la Confession d’Augsbourg que Zwingli dans la Fidei Ratio citent aussi souvent les Pères que la Bible pour étayer leurs thèses, en particulier dans les pages qui concernent le sacrement (alors que le Concile de Trente se réfère plus, dans ce domaine, à la Bible qu'à la tradition). Plus tard, le luthérien Chemnitz (1522-1586) essayera de montrer dans un livre intitulé Examen du Concile de Trente (1566 et 1577) qu’en condamnant Luther, le concile de Trente a condamné du même coup la tradition catholique qui donne raison au Réformateur. De même, Calvin estime que les Pères, à qui il arrive, certes, de se tromper, sont plutôt du côté de la Réforme que de celui du catholicisme. La Confession helvétique postérieure déclare : nous ne "méprisons point les interprétations des saints pères tant grecs que latins, et ne rejetons pas... leurs traités".
Si la Réforme luthéro-réformée ne conteste pas l’intérêt ni la valeur de la tradition, par contre elle en nie catégoriquement la normativité. Elle refuse d'en faire le juge qui tranche. Il n’appartient pas aux écrits ecclésiastiques et théologiques de déterminer la bonne interprétation de la Bible, mais, au contraire, la lecture et l’étude de la Bible permettent d’évaluer la valeur de ces écrits. Zwingli écrit que "les Pères doivent être soumis à la Parole de Dieu, et non la Parole de Dieu aux Pères". La première Confession helvétique de 1536 déclare que lorsqu'ils suivent l'Écriture, les Pères et les anciens docteurs "sont des instruments d'élite par lesquels Dieu a parlé et opéré". Le synode de Westminster (1649) précise: "Tous les synodes ou conciles ... peuvent s'être trompés, et beaucoup se sont trompés. Par conséquent, ils ne peuvent être reçus comme règle de foi et de vie; mais pour la foi et la vie, ils doivent être utilisés comme des aides". Le principe du sola scriptura ne veut pas dire :”nous ne voulons connaître aucun autre livre que la Bible”, mais : “seule la Bible a pour nous une autorité décisive".
Source: http://andregounelle.fr/protestantisme/ ... -bible.php
Ailleurs, Gounelle présente l'argument catholique se rapportant au Canon fixé par l'Église:
- Ce constat historique [de la formation du Canon] montre que les frontières de la Bible posent problème et paraissent, dans plusieurs cas, incertaines. Aussi quand les protestants affirment l'autorité de la seule Écriture et l'opposent à celle de l'Église, les catholiques leur adressent l'objection suivante, qui apparaît très tôt : qui, sinon l'Église, a dressé et arrêté la liste des livres canoniques? C’est elle qui a décidé de ce qui est biblique et de ce qui ne l'est pas. Après avoir examiné l’ensemble de la littérature juive et chrétienne primitive, elle a authentifié certains écrits et en a écarté d’autres. Elle désigne les livres qui font autorité et où l’on trouve la parole de Dieu. Tout dépend de son jugement. On ne peut donc pas opposer la Bible et l'Église, puisque la Bible, selon une expression du théologien catholique Karl Rahner (1904-1984), est "un produit de l'Église", la "concrétisation littéraire de l'attestation vivante de l'Église". Elle l'est de deux manières : d'abord, parce que les communautés ecclésiales primitives ont rédigé les écrits qui la composent; ensuite, parce que les autorités ecclésiastiques ont tracé les limites et décidé du contenu de la Bible. Aux yeux des catholiques, la Réforme oublie que l'Église a fait la Bible, a suscité et choisi les livres qui en font partie, leur a conféré leur autorité. Selon eux, le protestantisme affirme l'autorité de l'Écriture, en rejetant ce qui fonde et légitime cette autorité. Il raisonne comme si la Bible était tombée toute faite du Ciel, alors qu'elle résulte d'une histoire longue et complexe. Sans doute, Karl Rahner pense-t-il aux protestants sans les nommer, quand il met en garde ses lecteurs contre "le danger "de "mythologiser" l'essence et la mission de ce Livre".
Cette critique ne manque pas de poids, et des théologiens réformés ont reconnus que cette question du canon constituait le talon d'Achille, le maillon le plus faible et le plus vulnérable de l'argumentation protestante classique. À cette objection embarrassante, le protestantisme a apporté quatre réponses différentes.
Lire la suite (à partir de "L'apostolicité, critère de la canonicité"):
http://andregounelle.fr/protestantisme/ ... -bible.php
[b]Bonjour Hedley,[/b]
(réponse à votre message du 4 novembre)
Si vous voulez en savoir plus sur le rapport qu'entretient le protestantisme avec la tradition (qu'il ne rejette pas), je vous conseille de consulter les écrits d'André Gounelle (excellent pédagogue) consultables en ligne (il s'agit de cours), notamment la page consacrée au protestantisme:
http://andregounelle.fr/protestantisme/index.php
Je cite un extrait à propos de la tradition:
[list]Contrairement à ce que l'on a parfois dit, l'affirmation du [i]sola scriptura[/i] ne veut pas disqualifier et écarter ce qu'apporte la tradition. La Réforme luthéro-réformée n’entend nullement ignorer des siècles de travail et de réflexion sur la Bible ni éliminer tout ce qu'ont édifié des générations de chrétiens. À la différence de la Réforme radicale, elle ne veut pas faire table rase du passé. Dans leurs explications de l'Écriture, les Réformateurs se servent abondamment de commentaires antérieurs (en particulier ceux d’Augustin). Ils estiment que la tradition a beaucoup à nous apprendre; il faut l'étudier avec soin et respect, et en tenir compte. Zwingli demande qu'on ne la méprise pas, mais qu'on l’utilise avec discernement. En 1530, aussi bien Mélanchthon dans l’[i]Apologie de la Confession d’Augsbourg[/i] que Zwingli dans la [i]Fidei Ratio[/i] citent aussi souvent les Pères que la Bible pour étayer leurs thèses, en particulier dans les pages qui concernent le sacrement (alors que le Concile de Trente se réfère plus, dans ce domaine, à la Bible qu'à la tradition). Plus tard, le luthérien Chemnitz (1522-1586) essayera de montrer dans un livre intitulé [i]Examen du Concile de Trente[/i] (1566 et 1577) qu’en condamnant Luther, le concile de Trente a condamné du même coup la tradition catholique qui donne raison au Réformateur. De même, Calvin estime que les Pères, à qui il arrive, certes, de se tromper, sont plutôt du côté de la Réforme que de celui du catholicisme. La [i]Confession helvétique postérieure[/i] déclare : nous ne "méprisons point les interprétations des saints pères tant grecs que latins, et ne rejetons pas... leurs traités".
Si la Réforme luthéro-réformée ne conteste pas l’intérêt ni la valeur de la tradition, par contre elle en nie catégoriquement la normativité. Elle refuse d'en faire le juge qui tranche. Il n’appartient pas aux écrits ecclésiastiques et théologiques de déterminer la bonne interprétation de la Bible, mais, au contraire, la lecture et l’étude de la Bible permettent d’évaluer la valeur de ces écrits. Zwingli écrit que "les Pères doivent être soumis à la Parole de Dieu, et non la Parole de Dieu aux Pères". La première [i]Confession helvétique[/i] de 1536 déclare que lorsqu'ils suivent l'Écriture, les Pères et les anciens docteurs "sont des instruments d'élite par lesquels Dieu a parlé et opéré". Le synode de Westminster (1649) précise: "Tous les synodes ou conciles ... peuvent s'être trompés, et beaucoup se sont trompés. Par conséquent, ils ne peuvent être reçus comme règle de foi et de vie; mais pour la foi et la vie, ils doivent être utilisés comme des aides". Le principe du [i]sola scriptura[/i] ne veut pas dire :”nous ne voulons connaître aucun autre livre que la Bible”, mais : “seule la Bible a pour nous une autorité décisive".
Source: http://andregounelle.fr/protestantisme/cours-1998-3-l-autorite-de-la-bible.php[/list]
Ailleurs, Gounelle présente l'argument catholique se rapportant au Canon fixé par l'Église:
[list]Ce constat historique [de la formation du Canon] montre que les frontières de la Bible posent problème et paraissent, dans plusieurs cas, incertaines. Aussi quand les protestants affirment l'autorité de la seule Écriture et l'opposent à celle de l'Église, les catholiques leur adressent l'objection suivante, qui apparaît très tôt : qui, sinon l'Église, a dressé et arrêté la liste des livres canoniques? C’est elle qui a décidé de ce qui est biblique et de ce qui ne l'est pas. Après avoir examiné l’ensemble de la littérature juive et chrétienne primitive, elle a authentifié certains écrits et en a écarté d’autres. Elle désigne les livres qui font autorité et où l’on trouve la parole de Dieu. Tout dépend de son jugement. On ne peut donc pas opposer la Bible et l'Église, puisque la Bible, selon une expression du théologien catholique Karl Rahner (1904-1984), est "un produit de l'Église", la "concrétisation littéraire de l'attestation vivante de l'Église". Elle l'est de deux manières : d'abord, parce que les communautés ecclésiales primitives ont rédigé les écrits qui la composent; ensuite, parce que les autorités ecclésiastiques ont tracé les limites et décidé du contenu de la Bible. Aux yeux des catholiques, la Réforme oublie que l'Église a fait la Bible, a suscité et choisi les livres qui en font partie, leur a conféré leur autorité. Selon eux, le protestantisme affirme l'autorité de l'Écriture, en rejetant ce qui fonde et légitime cette autorité. Il raisonne comme si la Bible était tombée toute faite du Ciel, alors qu'elle résulte d'une histoire longue et complexe. Sans doute, Karl Rahner pense-t-il aux protestants sans les nommer, quand il met en garde ses lecteurs contre "le danger "de "mythologiser" l'essence et la mission de ce Livre".
Cette critique ne manque pas de poids, et des théologiens réformés ont reconnus que cette question du canon constituait le talon d'Achille, le maillon le plus faible et le plus vulnérable de l'argumentation protestante classique. À cette objection embarrassante, le protestantisme a apporté quatre réponses différentes.[/list]
Lire la suite (à partir de "L'apostolicité, critère de la canonicité"):
http://andregounelle.fr/protestantisme/cours-1998-5-l-autorite-de-la-bible.php