par ademimo » ven. 31 juil. 2020, 18:46
prodigal a écrit : ↑ven. 31 juil. 2020, 18:08
Vous faites un lien à mon sens totalement justifié entre la révolution galiléenne et l'évolutionnisme scientifique. Il n'est pas exclu que les juges de Galilée, moins stupides qu'on ne le croit, aient pressenti ce lien.
Sans entrer dans le détail, que je ne maîtrise pas suffisamment, on peut au moins trouver deux raisons de condamner Galilée du point de vue de l'Eglise.
1) l'idée selon laquelle la science l'emporte sur l'autorité en matière de vérité, et n'a donc pas de comptes à rendre à la foi.
2) la représentation du monde comme constitué d'une matière dont l'expression exacte ne peut être que mathématique (le grand Livre du Monde, disait Galilée, est écrit dans la langue des mathématiciens) ce qui tend à la négation du surnaturel et même du symbolisme religieux. Celui-ci deviendrait alors assimilable soit à la magie, soit à l'imaginaire, ce qui en pervertit totalement le sens.
En allant sans doute un peu vite, on peut établir un lien entre cette nouvelle représentation du monde et la négation de l'enfer. L'enfer serait un lieu, certains vous l'ont dit ici même. Mais quel lieu dans un référentiel galiléen? Quel endroit de l'espace infini? Prenez la direction du Soleil, et arrivé à Vénus, vous tournez à la première à droite et vous y êtes? Absurde, n'est-ce pas?
Il me semble que dans le cadre de la cosmologie médiévale, il n'est en revanche pas absurde de penser un lieu hors de l'espace.
Je regrette de ne pas disposer suffisamment de connaissances. Je sais que traditionnellement, on se représentait l'Enfer dans les entrailles de la terre, le Purgatoire sur une haute montagne aux antipodes du monde habité ("en-dessous" de la terre ) et le Paradis dans l'espace ("au-dessus" du Purgatoire) (voir la Divine Comédie de Dante : ce qui est intéressant, c'est que Dante envisage tout à fait un basculement de la gravité sitôt que l'on a franchi le "centre de la Terre" occupé par le Diable en personne : il s'avère alors que c'est en réalité le monde habité qui est "en-dessous", le Purgatoire "au-dessus", et le Paradis dans le Ciel couronnant l'antipode, à l'opposé du monde habité), mais ce n'est qu'une vue littéraire et artistique.
Qu'en disait l'Eglise exactement, je ne sais pas. Il faudrait consulter la Somme théologique, ou peut-être le Cité de Dieu de saint Augustin (ouvrage que j'aimerais bien lire un jour, pour l'instant je n'ai lu que les Confessions). Possible que l'Eglise, en fait, ne se prononce pas sur ces détails. Ce qui est sûr, c'est qu'elle enseigne que l'âme se sépare du corps à la mort, et subit immédiatement un premier jugement (le jugement particulier, je crois). Et aussitôt, elle rejoint le "lieu" qui lui est destiné (le Purgatoire étant réservé à une majorité de futurs élus). Mais ce lieu a toutes les chances d'être immatériel, puisque l'âme est elle-même immatériel. Hors du temps et de l'espace, alors ? Pourtant le temps s'écoule, puisqu'on peut gagner des indulgences qui se chiffrent en années. Ensuite, vient le Jugement Dernier, et la Résurrection. Rappelons quand même comment l'évènement est décrit dans l'Apocalypse : le Ciel sera retiré comme un livre qu'on enroule, l'ancienne terre sera détruite, une nouvelle terre descendra des Cieux, et cette nouvelle terre sera occupée par une Cité (etc.), dépourvue de Soleil, car le Christ régnera parmi les élus et sera leur nouveau Soleil. Autant dire que le monde, tel que nous le connaissons, disparaîtra. Alors, sera-t-on toujours dans l'espace et le temps ? En tout cas, c'est sûr, tel que c'est annoncé, nous serons dans un nouvel espace complètement autre, où les lois de la physique actuelles n'auront plus cours (puisqu'il n'y aura plus de soleil, par exemple). Alors, les corps seront ressuscités, les âmes quitteront leur séjour immatériel actuel pour rejoindre leurs corps, qui subiront le Jugement Dernier, et iront rejoindre leur lieu définitif, corps et âmes, sauf le Purgatoire qui n'existera plus. Il y aura donc un Enfer, où souffriront les damnés, corps et âmes (donc un lieu matériel), et une Cité céleste où jouiront les élus, corps et âmes (dans un lieu matériel aussi). Mais on peut raisonnablement penser que ces deux lieux n'existent pas encore. Ou s'ils existent, ce n'est pas dans ce monde-ci. Donc, inutile de rechercher un paradis, un purgatoire et un enfer dans le monde actuel. Le "monde terrestre" représente, bien évidemment, l'ensemble de l'Univers (donc y compris les astres et les autres galaxies). Le monde céleste (l'univers invisible du Crédo) représente un monde spirituel (où sont les anges, Dieu, les saints, les démons, le Diable, l'enfer, le purgatoire et le paradis actuel, sans oublier les limbes).
Voilà la doctrine de l'Eglise. Est-ce que cela relève du Dogme, ou du magistère ?
Donc Galilée ne porte aucune entaille à ces vues. C'est un vieux débat et je n'ai pas tellement l'intention de le réouvrir ici. Il n'y a rien de choquant, pour la foi religieuse, à ce que la connaissance des lois de la physique relèvent de la compétence des scientifiques, et que le champ théologique ne s'occupe que du champ spirituel, ou du moins se contente d'inclure les lois de la physique telles que décrites et découvertes par la science dans le plan de Dieu. Simplement, la vieille symbolique s'en trouve nécessairement remaniée. Comment faire autrement ? On ne va quand même pas fermer les yeux, et faire semblant de croire (encore aujourd'hui ?) que la Terre est un astre fixe et unique autour duquel gravite le Soleil ? Si c'est la condition pour être catholique, alors je vous le dis tout de suite que ce sera sans moi. Heureusement, le clergé n'est pas dans cette idée. Seuls quelques illuminés totalement déjantés s'accrochent de toutes leurs forces à ces chimères, que je leur abandonne très volontiers (comme les Crop Circles, la radiesthésie, les fantômes, les extraterrestres de Roswell, la terre plate, la négation du voyage sur la Lune, le tarot et l'horoscope, et toutes ces stupidités sans nom).
Pour moi, le gros problème, c'est quand même les traces d'évolution de l'homme. S'ajoutant à la découverte de l'héliocentrisme, je pense que le dogme s'en trouve gravement écorné, et nécessite une révision, qui pourtant tarde à venir. Et pourquoi tarde-t-elle à venir ? Parce que si on remet en question l'histoire du Péché originel, c'est tout l'édifice qui nécessite une rénovation complète.
Est-ce que vous comprenez le problème qui se pose à moi, en tant que croyant (et je reste croyant, toujours attaché à l'Eglise catholique, malgré toutes les libertés que je prends depuis quelques mois sur le plan doctrinal).
[quote=prodigal post_id=424561 time=1596211711 user_id=7568]
Vous faites un lien à mon sens totalement justifié entre la révolution galiléenne et l'évolutionnisme scientifique. Il n'est pas exclu que les juges de Galilée, moins stupides qu'on ne le croit, aient pressenti ce lien.
Sans entrer dans le détail, que je ne maîtrise pas suffisamment, on peut au moins trouver deux raisons de condamner Galilée du point de vue de l'Eglise.
1) l'idée selon laquelle la science l'emporte sur l'autorité en matière de vérité, et n'a donc pas de comptes à rendre à la foi.
2) la représentation du monde comme constitué d'une matière dont l'expression exacte ne peut être que mathématique (le grand Livre du Monde, disait Galilée, est écrit dans la langue des mathématiciens) ce qui tend à la négation du surnaturel et même du symbolisme religieux. Celui-ci deviendrait alors assimilable soit à la magie, soit à l'imaginaire, ce qui en pervertit totalement le sens.
En allant sans doute un peu vite, on peut établir un lien entre cette nouvelle représentation du monde et la négation de l'enfer. L'enfer serait un lieu, certains vous l'ont dit ici même. Mais quel lieu dans un référentiel galiléen? Quel endroit de l'espace infini? Prenez la direction du Soleil, et arrivé à Vénus, vous tournez à la première à droite et vous y êtes? Absurde, n'est-ce pas?
Il me semble que dans le cadre de la cosmologie médiévale, il n'est en revanche pas absurde de penser un lieu hors de l'espace.
[/quote]
Je regrette de ne pas disposer suffisamment de connaissances. Je sais que traditionnellement, on se représentait l'Enfer dans les entrailles de la terre, le Purgatoire sur une haute montagne aux antipodes du monde habité ("en-dessous" de la terre ) et le Paradis dans l'espace ("au-dessus" du Purgatoire) (voir la Divine Comédie de Dante : ce qui est intéressant, c'est que Dante envisage tout à fait un basculement de la gravité sitôt que l'on a franchi le "centre de la Terre" occupé par le Diable en personne : il s'avère alors que c'est en réalité le monde habité qui est "en-dessous", le Purgatoire "au-dessus", et le Paradis dans le Ciel couronnant l'antipode, à l'opposé du monde habité), mais ce n'est qu'une vue littéraire et artistique.
Qu'en disait l'Eglise exactement, je ne sais pas. Il faudrait consulter la Somme théologique, ou peut-être le Cité de Dieu de saint Augustin (ouvrage que j'aimerais bien lire un jour, pour l'instant je n'ai lu que les Confessions). Possible que l'Eglise, en fait, ne se prononce pas sur ces détails. Ce qui est sûr, c'est qu'elle enseigne que l'âme se sépare du corps à la mort, et subit immédiatement un premier jugement (le jugement particulier, je crois). Et aussitôt, elle rejoint le "lieu" qui lui est destiné (le Purgatoire étant réservé à une majorité de futurs élus). Mais ce lieu a toutes les chances d'être immatériel, puisque l'âme est elle-même immatériel. Hors du temps et de l'espace, alors ? Pourtant le temps s'écoule, puisqu'on peut gagner des indulgences qui se chiffrent en années. Ensuite, vient le Jugement Dernier, et la Résurrection. Rappelons quand même comment l'évènement est décrit dans l'Apocalypse : le Ciel sera retiré comme un livre qu'on enroule, l'ancienne terre sera détruite, une nouvelle terre descendra des Cieux, et cette nouvelle terre sera occupée par une Cité (etc.), dépourvue de Soleil, car le Christ régnera parmi les élus et sera leur nouveau Soleil. Autant dire que le monde, tel que nous le connaissons, disparaîtra. Alors, sera-t-on toujours dans l'espace et le temps ? En tout cas, c'est sûr, tel que c'est annoncé, nous serons dans un nouvel espace complètement autre, où les lois de la physique actuelles n'auront plus cours (puisqu'il n'y aura plus de soleil, par exemple). Alors, les corps seront ressuscités, les âmes quitteront leur séjour immatériel actuel pour rejoindre leurs corps, qui subiront le Jugement Dernier, et iront rejoindre leur lieu définitif, corps et âmes, sauf le Purgatoire qui n'existera plus. Il y aura donc un Enfer, où souffriront les damnés, corps et âmes (donc un lieu matériel), et une Cité céleste où jouiront les élus, corps et âmes (dans un lieu matériel aussi). Mais on peut raisonnablement penser que ces deux lieux n'existent pas encore. Ou s'ils existent, ce n'est pas dans ce monde-ci. Donc, inutile de rechercher un paradis, un purgatoire et un enfer dans le monde actuel. Le "monde terrestre" représente, bien évidemment, l'ensemble de l'Univers (donc y compris les astres et les autres galaxies). Le monde céleste (l'univers invisible du Crédo) représente un monde spirituel (où sont les anges, Dieu, les saints, les démons, le Diable, l'enfer, le purgatoire et le paradis actuel, sans oublier les limbes).
Voilà la doctrine de l'Eglise. Est-ce que cela relève du Dogme, ou du magistère ?
Donc Galilée ne porte aucune entaille à ces vues. C'est un vieux débat et je n'ai pas tellement l'intention de le réouvrir ici. Il n'y a rien de choquant, pour la foi religieuse, à ce que la connaissance des lois de la physique relèvent de la compétence des scientifiques, et que le champ théologique ne s'occupe que du champ spirituel, ou du moins se contente d'inclure les lois de la physique telles que décrites et découvertes par la science dans le plan de Dieu. Simplement, la vieille symbolique s'en trouve nécessairement remaniée. Comment faire autrement ? On ne va quand même pas fermer les yeux, et faire semblant de croire (encore aujourd'hui ?) que la Terre est un astre fixe et unique autour duquel gravite le Soleil ? Si c'est la condition pour être catholique, alors je vous le dis tout de suite que ce sera sans moi. Heureusement, le clergé n'est pas dans cette idée. Seuls quelques illuminés totalement déjantés s'accrochent de toutes leurs forces à ces chimères, que je leur abandonne très volontiers (comme les Crop Circles, la radiesthésie, les fantômes, les extraterrestres de Roswell, la terre plate, la négation du voyage sur la Lune, le tarot et l'horoscope, et toutes ces stupidités sans nom).
Pour moi, le gros problème, c'est quand même les traces d'évolution de l'homme. S'ajoutant à la découverte de l'héliocentrisme, je pense que le dogme s'en trouve gravement écorné, et nécessite une révision, qui pourtant tarde à venir. Et pourquoi tarde-t-elle à venir ? Parce que si on remet en question l'histoire du Péché originel, c'est tout l'édifice qui nécessite une rénovation complète.
Est-ce que vous comprenez le problème qui se pose à moi, en tant que croyant (et je reste croyant, toujours attaché à l'Eglise catholique, malgré toutes les libertés que je prends depuis quelques mois sur le plan doctrinal).