par ademimo » mar. 18 mai 2021, 21:40
Cinci a écrit : ↑mar. 18 mai 2021, 19:54
Les lumières, la Révolution, le romantisme révolutionnaire des barricades, le socialisme utopique, le libéralisme, la franc-maçonnerie : autant de courants d'opposition à l'Église. Ce qui va se cristalliser comme mouvance féministe institutionnelle reconnaissable dans la dernière partie du XIXe siècle, mais c'est un regroupement de personnes qui souhaitent bien libérer la société civile et les femmes en l'occurence de l'emprise de l'Église, du clergé, des valeurs patriarcales défendues par les évêques.
Dans un second temps. Mais je parle d'un processus indirect et d'une évolution des mentalités.
D'abord, il ne me semble pas exact de dire que l'Eglise ait toujours, sur le plan doctrinal, théologique, voulu améliorer le sort des faibles. Je vais vous étonner, mais cette idée est contraire à la doctrine catholique. Le seul souci de l'Eglise, c'est le Salut des âmes. Et ce Salut passe par la Croix, et l'acceptation de ses souffrances dans cette vallée de larmes qu'est la vie terrestre. Donc il vaut mieux, du point de vue de l'Eglise, ne rien changer au sort des misérables, pourvu que leurs âmes soient sauvées. Et c'est exactement le sens de l'Evangile. Mais l'Evangile recommande aussi d'aimer son prochain, et de lui faire miséricorde. Car il ne sera pas fait miséricorde à celui qui ne fait pas miséricorde. Cette recommandation, et même ce commandement, prépare indirectement l'amélioration du sort de la vie terrestre.
Je vous parlais de l'esclavage. C'est un excellent exemple, car il est présent de façon bien vivante chez saint Paul. On y voit toute l’ambiguïté de la doctrine chrétienne : l'Eglise ne demande pas expressément que l'esclavage soit aboli ; mais si le maître de l'esclave veut obtenir son Salut, il doit faire miséricorde. Et quel meilleur moyen de faire miséricorde que d'affranchir son esclave ?
L'abandon de l'esclavage dans la société est un bel exemple d'évolution sociale préparée par l'Evangile. Et cela a pris 1000 ans, puisque le servage - qui est le prolongement médiéval de l'esclavage - est peu à peu abandonné autour de l'an 1000.
Je pense que ce processus de bouleversement lent a orienté peu à peu les mentalité, notamment des élites intellectuelles vers la recherche de la liberté et du progrès. A partir du moment où ce processus se met en route, il n'appartient plus à l'Eglise et commence à lui échapper. Il n'est donc pas étonnant qu'encore mille ans plus tard, il aboutisse au rejet de l'Eglise, et même de Dieu, au nom de la liberté.
Cinci a écrit : ↑mar. 18 mai 2021, 19:54
Au début du XXe siècle encore, l'épiscopat souhaite voir les femmes à la maison et à s'occuper des enfants qu'on espère assez nombreux. Le clergé n'a jamais voulu que les femmes aillent travailler à l'usine, ni qu'elles puissent exercer un contrôle sur les naissances. Les évêques n'ont jamais voulu de bon grée que les femmes puissent disposer du droit de vote, pas davantage qu'une femme puisse devenir médecin, juge en chef de la Cour, architecte, etc.
Je serais plus mesuré. Les femmes ont toujours travaillé, que ce soit à la campagne ou à la ville (dans les champs, dans les manufactures, dans les boutiques, etc.). Surtout les femmes des couches populaires. Le mythe de la "femme au foyer" appartient bien plus à la société moderne des Trente glorieuses qu'à la société d'Ancien régime. Pour s'occuper des enfants en bas âge, il y avait des nourrices (qui travaillaient, donc). Sitôt que les enfants pouvaient courir et se servir de leurs dix doigts, ils étaient mis à contribution. La "femme au foyer", dont la seule activité était de s'occuper de ses enfants et d'entretenir son foyer, n'a réellement existé que dans les classes bourgeoises ou nobles, et en général, c'était pour veiller à l'exécution de ces tâches par des domestiques (dont des femmes qui travaillaient). Et c'est justement ces femmes "désœuvrées" de la bourgeoisie qui ont inventé le féminisme, revendiquant d'accéder aux mêmes charges occupées par leurs maris (et non pour travailler comme blanchisseuse ou cigarière).
Quant à interdire d'exercer un contrôle sur les naissances, je dirais que cette volonté venait surtout du pouvoir royal, comme cet édit d'Henri II que l'on affichait aux portes des églises, et que l'on proclamait aussi souvent que possible, pour lutter contre l'infanticide. Car au-delà de l'Eglise, l'encouragement à la natalité intéressait surtout les pouvoirs publics (et c'est toujours le cas d'ailleurs), pour des raisons d'économie, de finances , et de maintien des troupes.
Mais l'Eglise n'aurait pas vu d'un mauvais oeil que les femmes puissent voter, du moins en France, dans les années 1870 à 1914, car elles étaient réputées plus favorables aux partis catholiques. Aussi, l'opposition au vote des femmes venait essentiellement des radicaux.
Ces observations ne sont qu'une parenthèse. Je suis quand même d'accord pour dire que l'Eglise a toujours souhaité conserver l'ordre établi, bien évidemment, et la structure traditionnelle de la famille. Mes remarques ne contestent pas votre propos dans les grandes lignes.
[quote=Cinci post_id=435067 time=1621360489 user_id=2512]
Les lumières, la Révolution, le romantisme révolutionnaire des barricades, le socialisme utopique, le libéralisme, la franc-maçonnerie : autant de courants d'opposition à l'Église. Ce qui va se cristalliser comme mouvance féministe institutionnelle reconnaissable dans la dernière partie du XIXe siècle, mais c'est un regroupement de personnes qui souhaitent bien libérer la société civile et les femmes en l'occurence de l'emprise de l'Église, du clergé, des valeurs patriarcales défendues par les évêques.
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Dans un second temps. Mais je parle d'un processus indirect et d'une évolution des mentalités.
D'abord, il ne me semble pas exact de dire que l'Eglise ait toujours, sur le plan doctrinal, théologique, voulu améliorer le sort des faibles. Je vais vous étonner, mais cette idée est contraire à la doctrine catholique. Le seul souci de l'Eglise, c'est le Salut des âmes. Et ce Salut passe par la Croix, et l'acceptation de ses souffrances dans cette vallée de larmes qu'est la vie terrestre. Donc il vaut mieux, du point de vue de l'Eglise, ne rien changer au sort des misérables, pourvu que leurs âmes soient sauvées. Et c'est exactement le sens de l'Evangile. Mais l'Evangile recommande aussi d'aimer son prochain, et de lui faire miséricorde. Car il ne sera pas fait miséricorde à celui qui ne fait pas miséricorde. Cette recommandation, et même ce commandement, prépare indirectement l'amélioration du sort de la vie terrestre.
Je vous parlais de l'esclavage. C'est un excellent exemple, car il est présent de façon bien vivante chez saint Paul. On y voit toute l’ambiguïté de la doctrine chrétienne : l'Eglise ne demande pas expressément que l'esclavage soit aboli ; mais si le maître de l'esclave veut obtenir son Salut, il doit faire miséricorde. Et quel meilleur moyen de faire miséricorde que d'affranchir son esclave ?
L'abandon de l'esclavage dans la société est un bel exemple d'évolution sociale préparée par l'Evangile. Et cela a pris 1000 ans, puisque le servage - qui est le prolongement médiéval de l'esclavage - est peu à peu abandonné autour de l'an 1000.
Je pense que ce processus de bouleversement lent a orienté peu à peu les mentalité, notamment des élites intellectuelles vers la recherche de la liberté et du progrès. A partir du moment où ce processus se met en route, il n'appartient plus à l'Eglise et commence à lui échapper. Il n'est donc pas étonnant qu'encore mille ans plus tard, il aboutisse au rejet de l'Eglise, et même de Dieu, au nom de la liberté.
[quote=Cinci post_id=435067 time=1621360489 user_id=2512]
Au début du XXe siècle encore, l'épiscopat souhaite voir les femmes à la maison et à s'occuper des enfants qu'on espère assez nombreux. Le clergé n'a jamais voulu que les femmes aillent travailler à l'usine, ni qu'elles puissent exercer un contrôle sur les naissances. Les évêques n'ont jamais voulu de bon grée que les femmes puissent disposer du droit de vote, pas davantage qu'une femme puisse devenir médecin, juge en chef de la Cour, architecte, etc.
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Je serais plus mesuré. Les femmes ont toujours travaillé, que ce soit à la campagne ou à la ville (dans les champs, dans les manufactures, dans les boutiques, etc.). Surtout les femmes des couches populaires. Le mythe de la "femme au foyer" appartient bien plus à la société moderne des Trente glorieuses qu'à la société d'Ancien régime. Pour s'occuper des enfants en bas âge, il y avait des nourrices (qui travaillaient, donc). Sitôt que les enfants pouvaient courir et se servir de leurs dix doigts, ils étaient mis à contribution. La "femme au foyer", dont la seule activité était de s'occuper de ses enfants et d'entretenir son foyer, n'a réellement existé que dans les classes bourgeoises ou nobles, et en général, c'était pour veiller à l'exécution de ces tâches par des domestiques (dont des femmes qui travaillaient). Et c'est justement ces femmes "désœuvrées" de la bourgeoisie qui ont inventé le féminisme, revendiquant d'accéder aux mêmes charges occupées par leurs maris (et non pour travailler comme blanchisseuse ou cigarière).
Quant à interdire d'exercer un contrôle sur les naissances, je dirais que cette volonté venait surtout du pouvoir royal, comme cet édit d'Henri II que l'on affichait aux portes des églises, et que l'on proclamait aussi souvent que possible, pour lutter contre l'infanticide. Car au-delà de l'Eglise, l'encouragement à la natalité intéressait surtout les pouvoirs publics (et c'est toujours le cas d'ailleurs), pour des raisons d'économie, de finances , et de maintien des troupes.
Mais l'Eglise n'aurait pas vu d'un mauvais oeil que les femmes puissent voter, du moins en France, dans les années 1870 à 1914, car elles étaient réputées plus favorables aux partis catholiques. Aussi, l'opposition au vote des femmes venait essentiellement des radicaux.
Ces observations ne sont qu'une parenthèse. Je suis quand même d'accord pour dire que l'Eglise a toujours souhaité conserver l'ordre établi, bien évidemment, et la structure traditionnelle de la famille. Mes remarques ne contestent pas votre propos dans les grandes lignes.