par Riou » sam. 14 mai 2022, 15:22
Bonjour Leonhard,
Bien sûr, je suis d'accord avec vous. Le mal et l'erreur, formellement, existent. Mais ils visent le néant (un non-être relatif, et non absolu), et d'ailleurs, on dit bien que le mal détruit, blesse la création. Tuer, pour prendre un exemple extrême, c'est détruire l'autre, supprimer son existence. Le meurtre existe, mais il vise bien une négation de ce qui est, il cherche à défaire la création, et c'est cette négation douloureuse de la bonté de ce qui est qui produit le spectacle attristant du mal.
Si l'erreur, formellement, existe, puisqu'ils nous arrivent tous de nous tromper, nous disons que l'erreur dit soit 1) quelque chose qui n'est pas en croyant qu'elle est, soit 2) prend une chose pour une autre, c'est-à-dire prend une chose pour ce qu'elle n'est pas (pour reprendre l'exemple de xavi, c'est ce qui arrive lorsque je décris l'arc de Triomphe alors que je prétends décrire la Tour Eiffel). Vous remarquerez qu'à chaque fois, nous sommes obligés de faire intervenir la négation pour décrire l'erreur, ce qui renvoie bien au fait que l'erreur vise quelque chose qui a à voir avec le non-être.
Bonjour xavi,
L'esprit de mon propos n'était pas d'objecter ou de pointer des contradictions, mais de clarifier la chose dont on parle. C'est pourquoi je me mettais dans la peau des sophistes grecs rencontrés par Socrate pour mettre en valeur le type d'entourloupe qui pouvait découler d'une identification entre réel et vérité. Sans doute, ces sophistes ne sont pas toujours disposés par une bonne volonté, mais ils alertent néanmoins sur certains points problématiques qui nous forcent à ajuster notre pensée.
L'homme existe, il est, et je suis d'accord avec vous. Mais son existence n'est pas absolue. S'il porte en lui un infini, il n'est pas l'infini. Voilà pourquoi, à mon sens, il peut être, à l'inverse de Dieu, compris comme un être en rapport avec le néant. Sinon, cette créature qu'est l'homme ne serait pas angoissée par la mort, par exemple.
Par conscience, j'entendais la puissance de se rapporter au monde, et que la conscience est à trouver dans ce rapport au monde et à soi.
Il est bien clair que j'entends par vérité et discours des réalités humaines dans ce contexte, puisqu'il est question du dialogue entre êtres humains, y compris sur des sujets peu excitants comme la politique ou des "projets" de vie, par exemple. Ainsi, j'entends ces termes en un sens plutôt philosophique, et ceci pour des raisons théologiques et anthropologiques qui justifient, selon moi, le fait de distinguer entre vérité et réalité.
Si l'homme est crée à l'image de Dieu, en tant qu'image, il n'est pas Dieu (on retrouve d'ailleurs la négation). Or, le Verbe de Dieu se distingue de la parole humaine en ceci que le Verbe divin ne se distingue pas de l'être, et que parler, pour lui, c'est poser la chose dont il est question dans l'existence. C'est un des sens profond de la Genèse : "Dieu dit... et la chose fut. A vrai dire, entre le Verbe et la chose qui advient à l'existence, il n'y a peut-être qu'une distinction nominale (je laisse les théologiens affutés trancher cette question), liée au caractère discursif de notre discours humain qui fait que nous sommes toujours un peu contraints de prendre des détours pour parler d'une réalité Absolue et Une.
A l'inverse, il n'échappe à personne que la parole humaine ne jouit pas vraiment d'un tel privilège. Si l'homme, dans la Genèse, se voit offrir par Dieu le don de parler (en quoi il est à l'image de Dieu), il nomme aussitôt le vivant mais ne le crée pas par sa parole. De là une distinction entre parole, vérité et réalité. Dès lors, l'homme nomme quelque chose de déjà là, et il peut lui arriver de se tromper et de manquer ce qui est vraiment. C'est d'ailleurs sur le langage et ses subtilités que le serpent va tromper son monde et faire advenir le mal, l'erreur et la mort dans le monde, en disant quelque chose qui n'est pas pour égarer Adam et Eve, bien que son propos ressemble à ce qui est ( => c'est le principe de l'illusion).
Je peux donc retourner au sujet :
Verbe divin et parole humaine sont donc très distincts. Si nous possédions tous le Verbe divin et que nous étions Dieu, aurions-nous besoin de dialoguer pour exister ensemble? Et surtout : le dialogue serait-il aussi difficile et déceptif? Je ne crois pas. La Trinité manifeste une pleine communion d'amour entre les trois Personnes, un accord si profond que parler de "dialogue" serait très équivoque dans pareille situation. C'est précisément parce que nous ne sommes pas en pleine communion d'amour et que nos consciences sont toujours, de prime abord, séparées, que nous avons besoin de dialoguer - et qu'il est si difficile de dialoguer. Quant au débat, n'en parlons même pas...
Si Dieu, la Réalité Absolue, le Verbe, ne doit être maniée qu'avec une extrême précaution dans le dialogue, c'est d'abord parce que notre concept de "vérité" et le statut de notre parole n'est pas à la hauteur. Ainsi la première demande du Notre Père exige-t-elle la sanctification de son nom, c'est-à-dire l'effort, aussi, pour ne pas rabaisser sa vérité à nos petites discussions politiques et dialogiques, à nos petits intérêts humains et pratiques.
Le dialogue est ambigu, et il n'existe que par nos failles. Si c'est une valeur, il ne l'est que pour des hommes qui y résistent sur bien des aspects. Je ne crois pas que ce soit une valeur pour un être en parfait repos avec lui-même, dans une communion totale et sans faille.
Bonjour Leonhard,
Bien sûr, je suis d'accord avec vous. Le mal et l'erreur, formellement, existent. Mais ils visent le néant (un non-être relatif, et non absolu), et d'ailleurs, on dit bien que le mal détruit, blesse la création. Tuer, pour prendre un exemple extrême, c'est détruire l'autre, supprimer son existence. Le meurtre existe, mais il vise bien une négation de ce qui est, il cherche à défaire la création, et c'est cette négation douloureuse de la bonté de ce qui est qui produit le spectacle attristant du mal.
Si l'erreur, formellement, existe, puisqu'ils nous arrivent tous de nous tromper, nous disons que l'erreur dit soit 1) quelque chose qui [b][u]n[/u]'est [u]pas[/u][/b] en croyant qu'elle est, soit 2) prend une chose pour une autre, c'est-à-dire prend une chose pour ce qu'elle[b] [u]n'[/u]est [u]pas[/u][/b] (pour reprendre l'exemple de xavi, c'est ce qui arrive lorsque je décris l'arc de Triomphe alors que je prétends décrire la Tour Eiffel). Vous remarquerez qu'à chaque fois, nous sommes obligés de faire intervenir la [b]négation[/b] pour décrire l'erreur, ce qui renvoie bien au fait que l'erreur vise quelque chose qui a à voir avec le non-être.
Bonjour xavi,
L'esprit de mon propos n'était pas d'objecter ou de pointer des contradictions, mais de clarifier la chose dont on parle. C'est pourquoi je me mettais dans la peau des sophistes grecs rencontrés par Socrate pour mettre en valeur le type d'entourloupe qui pouvait découler d'une identification entre réel et vérité. Sans doute, ces sophistes ne sont pas toujours disposés par une bonne volonté, mais ils alertent néanmoins sur certains points problématiques qui nous forcent à ajuster notre pensée.
L'homme existe, il est, et je suis d'accord avec vous. Mais son existence n'est pas absolue. S'il porte en lui un infini, il n'est pas l'infini. Voilà pourquoi, à mon sens, il peut être, à l'inverse de Dieu, compris comme un être en rapport avec le néant. Sinon, cette créature qu'est l'homme ne serait pas angoissée par la mort, par exemple.
Par conscience, j'entendais la puissance de se rapporter au monde, et que la conscience est à trouver dans ce rapport au monde et à soi.
Il est bien clair que j'entends par vérité et discours des réalités humaines dans ce contexte, puisqu'il est question du dialogue entre êtres humains, y compris sur des sujets peu excitants comme la politique ou des "projets" de vie, par exemple. Ainsi, j'entends ces termes en un sens plutôt philosophique, et ceci pour des raisons théologiques et anthropologiques qui justifient, selon moi, le fait de distinguer entre vérité et réalité.
Si l'homme est crée à l'image de Dieu, en tant qu'image, il n'est pas Dieu (on retrouve d'ailleurs la négation). Or, le Verbe de Dieu se distingue de la parole humaine en ceci que le Verbe divin ne se distingue pas de l'être, et que parler, pour lui, c'est poser la chose dont il est question dans l'existence. C'est un des sens profond de la Genèse : "Dieu dit... et la chose fut. A vrai dire, entre le Verbe et la chose qui advient à l'existence, il n'y a peut-être qu'une distinction nominale (je laisse les théologiens affutés trancher cette question), liée au caractère discursif de notre discours humain qui fait que nous sommes toujours un peu contraints de prendre des détours pour parler d'une réalité Absolue et Une.
A l'inverse, il n'échappe à personne que la parole humaine ne jouit pas vraiment d'un tel privilège. Si l'homme, dans la Genèse, se voit offrir par Dieu le don de parler (en quoi il est à l'image de Dieu), il nomme aussitôt le vivant mais ne le crée pas par sa parole. De là une distinction entre parole, vérité et réalité. Dès lors, l'homme nomme quelque chose de déjà là, et il peut lui arriver de se tromper et de manquer ce qui est vraiment. C'est d'ailleurs sur le langage et ses subtilités que le serpent va tromper son monde et faire advenir le mal, l'erreur et la mort dans le monde, en disant quelque chose qui n'est pas pour égarer Adam et Eve, bien que son propos ressemble à ce qui est ( => c'est le principe de l'illusion).
[b][u]Je peux donc retourner au sujet :[/u][/b]
Verbe divin et parole humaine sont donc très distincts. Si nous possédions tous le Verbe divin et que nous étions Dieu, aurions-nous besoin de dialoguer pour exister ensemble? Et surtout : le dialogue serait-il aussi difficile et déceptif? Je ne crois pas. La Trinité manifeste une pleine communion d'amour entre les trois Personnes, un accord si profond que parler de "dialogue" serait très équivoque dans pareille situation. C'est précisément parce que nous ne sommes pas en pleine communion d'amour et que nos consciences sont toujours, de prime abord, séparées, que nous avons besoin de dialoguer - et qu'il est si difficile de dialoguer. Quant au débat, n'en parlons même pas...
Si Dieu, la Réalité Absolue, le Verbe, ne doit être maniée qu'avec une extrême précaution dans le dialogue, c'est d'abord parce que notre concept de "vérité" et le statut de notre parole n'est pas à la hauteur. Ainsi la première demande du Notre Père exige-t-elle la sanctification de son nom, c'est-à-dire l'effort, aussi, pour ne pas rabaisser sa vérité à nos petites discussions politiques et dialogiques, à nos petits intérêts humains et pratiques.
Le dialogue est ambigu, et il n'existe que par nos failles. Si c'est une valeur, il ne l'est que pour des hommes qui y résistent sur bien des aspects. Je ne crois pas que ce soit une valeur pour un être en parfait repos avec lui-même, dans une communion totale et sans faille.