cathelyne a écrit :Y a-t-il des avis de personnes traditionalistes?
Bonjour,
je suis fidèle catholique romain dans une paroisse du rite extraordinaire, je pense donc être désigné par votre question.
Voici le fruit de ma réflexion concernant le don d'organe.
L'éthique du don d'organe gravite autour de deux éléments fondamentaux :
1) la fiabilité de la définition de la "mort" du donneur d'organes et donc des éléments nécessaires & suffisants permettant de la décréter légalement & qui marquent le moment à partir duquel on peut prélever les organes ;
2) toutes les considérations liées au respect du corps de tout homme, temple du Saint-Esprit.
Ces deux problématiques vont permettre de définir le cadre légitime du don d'organe.
1) la définition légale de la "mort"
Catéchisme de l'Eglise Catholique a écrit :canon # 1005 « Pour ressusciter avec le Christ, il faut mourir avec le Christ, il faut " quitter ce corps pour aller demeurer auprès du Seigneur " (2 Co 5, 8). Dans ce " départ " (Ph 1, 23) qu’est la mort, l’âme est séparée du corps. Elle sera réunie à son corps le jour de la résurrection des morts (cf. SPF 28). »
La mort est, par définition, le moment de la séparation de l'âme & du corps. C'est un processus définitif (jusqu'à la résurrection des corps qui aura lieu après le jugement général, à la fin des temps). Avant cet instant, par définition, le donneur est
vivant. On peut donc prélever n'importe quel organe du donneur après sa mort (si on s'en tient à cette définition théologique = séparation de l'âme & du corps).
Le problème est que l'homme n'est pas capable, par sa science & sa technique, de déterminer quel est ce moment de la séparation de l'âme & du corps. Le processus qui conduit à la mort semble être un processus complexe, continu, & qui semble fonctionner comme un enchaînement d'étapes irréversibles. Par exemple : arrêt du coeur pendant plus de X secondes, encéphalogramme plat, etc. pour autant, aucune de ces étapes ne peut être considérée de façon certaine comme étant celle de la mort (séparation de l'âme). C'est une donnée que seul Dieu connaît (en tout cas jusqu'à présent).
Nos sociétés contemporaines matérialistes, niant toute spiritualité ou toute réalité métaphysique n'ont évidemment pas adopté cette définition théologique, mais ont opté pour des définitions légales qui décrètent la mort suite à l'apparition d'un certains nombres de critères de détérioration du malade qui semblent irréversibles & qui conduisent à la mort à proprement parler.
En France par exemple, la définition de la mort adoptée dans le cas du don d'organe est l'état dit de mort encéphalique ; attestée soit par deux électro-encéphalogrammes à activité isoélectriques, établis à quatre heures d'intervalle, ou bien plus employé actuellement, un angioscanner (permettant simultanément une étude morphologique des organes).
Je répète ici que la mort encéphalique, bien qu'elle soit une étape qui conduit à la mort à proprement parler (séparation de l'âme et du corps), & bien qu'elle soit une étape irréversible, ne se confond pas avec la mort théologique. Il y a peut-être d'autres étapes intermédiaires entre ces 2 étapes irréversibles. Nous nous retrouvons donc face à un problème qui est que la mort théologique ne pouvant pas être connue techniquement, les législations nationales ont opté pour d'autres définitions techniquement vérifiables, mais qui malheureusement ne se confondent pas avec la mort théologique.
Cela signifie donc que
la personne sur laquelle sont prélevés les organes est peut-être encore vivante au moment où l'acte chirurgical de prélèvement d'organes est pratiqué.
Or, le 5ème commandement du décalogue proscrit le meurtre.
Il s'en suit plusieurs considérations :
- tout d'abord
l'équipe médical devra en tout point agir sur le donneur d'organes comme elle le ferait avec une personne vivante (interactions, respect, etc.) ;
- étant donné que la mort du donneur n'est pas certaine,
on ne pourra pas prélever d'organes vitaux (coeur, pancréas, reins complets, etc.) et on devra respecter certaines limites pour d'autres (reins dont on ne pourra prélever qu'une petite partie, poumons : il faudra en laisser un, etc.). Pas de problème pour les organes non-vitaux : membres tels que main, bras, oeil, etc.
- en particulier
l'opération devra se faire avec les mêmes précautions que si la personne était vivante. Cela signifie notamment : réaliser une
anesthésie adaptée, et terminer l'opération en recousant en cotérisant les plaies de telle sorte que la personne puisse théoriquement survivre à l'opération (donc on ne laisse pas les plaies béantes).
Ceci est la contrainte majeure. Elle écarte définitivement tout don d'organe vivant, ou toute opération qui se ferait sur le donneur comme s'il s'agissait d'un cadavre (en effet, opérer une personne sans anesthésie pour des opérations aussi lourdes & violentes reviendrait à le tuer du fait du pic de douleur trop important). Or, à ma connaissance, les opérations de prélèvement d'organes en France se font sans anesthésie. Mais cela pourrait peut-être appliqué à la demande (avant sa mort) du donneur ?
2) le respect du corps, temple du Saint-Esprit
Le respect du au corps de tout homme confirme les exigences en terme d'anesthésie, & de clôture de l'opération "propre" en soignant toutes les plaies induites par l'opération.
Il faut également se garder de considérer le donneur et ses organes comme de la marchandise.
Globalement cela revient à dire que le don d'organe sur une personne "morte" doit toujours se faire dans les mêmes conditions que si cette personne était vivante.
Je pense ne pas faire d'erreurs dans mon raisonnement, & je sais qu'il est beaucoup plus exigeant que la pensée généralement admise sur la question, mais ce raisonnement est basé sur des notions solides & peu discutables... cependant je suis à l'écoute de toute remarque éventuelle.