par Nebularis » sam. 21 mars 2020, 15:55
Je crains que nous ne nous écartions du sujet, Kerygme, mais je veux quand même vous répondre.
Kerygme a écrit : ↑sam. 21 mars 2020, 14:18
Je crois que votre vision est là très partisane et erronée car les Talibans ne sont pas majoritairement Afghans
Si vous le permettez, je vous demanderais de bien vouloir étayer vos affirmations. Je m’étonne de vous voir clamer que les Talibans ne sont pas majoritairement afghans. Cela m’étonnerait beaucoup. Certains, il est vrai, viennent du Pakistan voisin, mais si vous avez un minimum de connaissance de la région, vous devez savoir que les frontières étatiques ne correspondent en rien aux frontières ethniques. Les Talibans, qu’ils soient pakistanais ou afghans, sont des Pachtounes parlant une langue iranienne, le pachto. Massoud, quant à lui, était tadjik, une ethnie minoritaire en Afghanistan.
Quelles sont vos sources ?
Il est curieux également de vous voir employer un vocabulaire romantique pour désigner les « moudjahidines » défendant « la terre afghane contre l’oppresseur » (soviétique en l’occurrence). Ignorez-vous que l’un de ces moudjahidines fut un certain Oussama bin Laden (soutenu par les États-Unis, faut-il le rappeler) ?
En ce qui me concerne, ce lexique ne me gêne pas, car je reconnais volontiers le bien-fondé du combat afghan contre l’Union soviétique.
Mais pourquoi ce deux poids, deux mesures, cher Kerygme ? Les moudjahidines (pas tous certes, mais la plupart d’entre-eux) étaient tout aussi islamistes que les Talibans.
Vous avez une vision « gentils/ méchants » qui me gêne car la réalité est évidemment plus complexe.
Si je résume très très rapidement (...)
Voici ce que je lis sur
Encyclopædia universalis, à l’article
Afghanistan :
« En août 1994, un nouvel acteur apparaît soudainement, les talibans. Ceux-ci s'emparent de la ville de Kandahar en novembre et rétablissent l'ordre dans tout le Sud afghan, ouvrant les routes, éliminant les petits chefs de guerre devenus bandits de grand chemin et imposant partout la charia. Leur image de moines guerriers, intègres et intégristes, est faite. Les talibans exigent la reddition et le désarmement immédiat de tous les groupes armés, qu'ils obtiennent en général sans combat. Leur progression ne rencontre aucune opposition dans toutes les zones pachtounes. En septembre 1995, ils prennent tout l'Ouest afghan, avec la ville de Herat, et, le 25 septembre 1996, ils entrent dans Kaboul, évacué par les troupes de Massoud, qui se replie dans son fief de la haute vallée du Panjshir. Le 24 mai 1997, ils s'emparent brièvement de la dernière grande ville qui échappait à leur contrôle, Mazar-i-Charif, dans le Nord afghan : le général Dostom est trahi par son adjoint, Abdul Malik, qui leur livre la ville. C'est l'apogée du pouvoir des talibans. Mais ceux-ci commettent l'erreur de vouloir désarmer leur nouvel allié et s'attaquent en même temps à la mosquée chiite de la ville. Les chiites, qui n'ont rien à attendre des talibans, contre-attaquent, aussitôt rejoints par Malik. Les talibans subissent une sévère défaite la semaine suivante et se replient sur la ville de Kunduz, tandis que Massoud contre-attaque en juillet sur Kaboul. En septembre, les talibans lancent une seconde offensive sur Mazar-i-Charif (ils prendront finalement la ville lors de leur troisième tentative, en août 1998). À la guerre civile statique, centrée jusqu'en 1995 autour de Kaboul, fait suite une guerre mobile faite d'avancées et de replis brutaux, de retournements, de trahisons et de ralliements motivés tantôt par l'argent, tantôt par la solidarité ethnique.
Les opposants aux talibans – Tadjiks du Nord-Est avec Massoud, Ouzbeks du Nord sous la direction du général Dostom, Hazaras chiites du centre du pays – s'unissent dans une coalition qui est, en théorie, dirigée par le président Rabbani, garant d'une continuité étatique, mais dont le pouvoir est quasi nul. Le véritable homme fort de la coalition est le commandant Massoud, bien que chaque groupe conserve sa totale autonomie. L'Iran, la Russie, l'Ouzbékistan et l'Inde, inquiets de la montée d'un fondamentalisme sunnite à leurs frontières, soutiennent, sans trop s'investir, la coalition du Nord, tandis que le Pakistan et l'Arabie Saoudite se rangent ouvertement derrière les talibans, discrètement approuvés en cela par les Américains.
(...)
La deuxième raison du succès des talibans est qu'ils incarnent la revanche de l'ethnie pachtoune, à laquelle ils appartiennent tous. Les Pachtoun, majoritaires dans le pays, dominent traditionnellement la vie politique afghane, à l'exception d'un bref épisode en 1928. Or la guerre contre les Soviétiques, menée surtout dans le Nord, a entraîné une baisse de leur influence et leur dispersion dans de multiples partis politiques, alors que chacune des trois autres grandes ethnies se regroupait derrière un parti relativement homogène. Kaboul a été pris, en avril 1992, par une coalition de Tadjiks et d'Ouzbeks, sous le commandement de Massoud. Face à l'éclatement du monde pachtoun en une multitude de petits fronts locaux, les talibans peuvent faire l'unité, car ils se situent au-dessus des clivages tribaux propres à leur ethnie. Leurs madrasas recrutent sans considération d'affiliations tribales et en dehors des grandes familles aristocratiques. Elles fournissent donc un encadrement qui permet, en période de crise, d'unifier les tribus, selon une vieille tradition pachtoune. La double légitimité des talibans, religieuse et ethnique, leur a donc permis d'être l'instrument de la revanche des Pachtoun, et d'occuper rapidement la ceinture pachtoune. »
Nous voilà bien loin de votre exposé simpliste.
La dissuasion nucléaire n'a une efficacité que contre une autre menace nucléaire, c'est à dire stratégique et non tactique. Si elle avait le rôle que vous lui attribuez alors avoir une armée serait totalement inutile.
En effet. D’un point de vue défensif, elle est inutile.
L’armée française est utile dans le sens où elle sert de force d’appui à Washington dans leurs aventures militaires et qu’elle sert, accessoirement, à maintenir l’influence française en Afrique de l’Ouest. On sait d’ailleurs à quel prix : l’année dernière encore, l’armée française éliminait diligemment des opposants (certes peu recommandables) au dictateur tchadien Idriss Déby. Je me fais décidément une autre idée de l’honneur.
Vous pouvez ne pas avoir le même avis, mais j'ai tendance à croire les spécialistes.
N’ayant aucune compétence en théorie militaire, je m’appuie également sur l’avis de spécialistes. À ma connaissance, personne parmi eux ne prédit dans un avenir proche une attaque de la Russie ou de la Chine sur notre sol, de quelque façon que ce soit.
La raison, encore une fois, est fort simple : même si le pays agresseur n’avait pas à craindre une riposte immédiate de l’Otan (beaucoup plus puissante que la Chine et la Russie réunies), le seul arsenal nucléaire français (environ 300 ogives) suffirait à infliger des dégâts énormes, irréparables à n’importe quel agresseur.
Alors je vous redemande, qui serait assez stupide pour prendre ce risque ?
Je crains que nous ne nous écartions du sujet, Kerygme, mais je veux quand même vous répondre.
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Je crois que votre vision est là très partisane et erronée car les Talibans ne sont pas majoritairement Afghans
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Si vous le permettez, je vous demanderais de bien vouloir étayer vos affirmations. Je m’étonne de vous voir clamer que les Talibans ne sont pas majoritairement afghans. Cela m’étonnerait beaucoup. Certains, il est vrai, viennent du Pakistan voisin, mais si vous avez un minimum de connaissance de la région, vous devez savoir que les frontières étatiques ne correspondent en rien aux frontières ethniques. Les Talibans, qu’ils soient pakistanais ou afghans, sont des Pachtounes parlant une langue iranienne, le pachto. Massoud, quant à lui, était tadjik, une ethnie minoritaire en Afghanistan.
Quelles sont vos sources ?
Il est curieux également de vous voir employer un vocabulaire romantique pour désigner les « moudjahidines » défendant « la terre afghane contre l’oppresseur » (soviétique en l’occurrence). Ignorez-vous que l’un de ces moudjahidines fut un certain Oussama bin Laden (soutenu par les États-Unis, faut-il le rappeler) ?
En ce qui me concerne, ce lexique ne me gêne pas, car je reconnais volontiers le bien-fondé du combat afghan contre l’Union soviétique.
Mais pourquoi ce deux poids, deux mesures, cher Kerygme ? Les moudjahidines (pas tous certes, mais la plupart d’entre-eux) étaient tout aussi islamistes que les Talibans.
Vous avez une vision « gentils/ méchants » qui me gêne car la réalité est évidemment plus complexe.
[quote]Si je résume très très rapidement (...)[/quote]
Voici ce que je lis sur [i]Encyclopædia universalis[/i], à l’article [i]Afghanistan[/i] :
[i]« En août 1994, un nouvel acteur apparaît soudainement, les talibans. Ceux-ci s'emparent de la ville de Kandahar en novembre et rétablissent l'ordre dans tout le Sud afghan, ouvrant les routes, éliminant les petits chefs de guerre devenus bandits de grand chemin et imposant partout la charia. Leur image de moines guerriers, intègres et intégristes, est faite. Les talibans exigent la reddition et le désarmement immédiat de tous les groupes armés, qu'ils obtiennent en général sans combat. Leur progression ne rencontre aucune opposition dans toutes les zones pachtounes. En septembre 1995, ils prennent tout l'Ouest afghan, avec la ville de Herat, et, le 25 septembre 1996, ils entrent dans Kaboul, évacué par les troupes de Massoud, qui se replie dans son fief de la haute vallée du Panjshir. Le 24 mai 1997, ils s'emparent brièvement de la dernière grande ville qui échappait à leur contrôle, Mazar-i-Charif, dans le Nord afghan : le général Dostom est trahi par son adjoint, Abdul Malik, qui leur livre la ville. C'est l'apogée du pouvoir des talibans. Mais ceux-ci commettent l'erreur de vouloir désarmer leur nouvel allié et s'attaquent en même temps à la mosquée chiite de la ville. Les chiites, qui n'ont rien à attendre des talibans, contre-attaquent, aussitôt rejoints par Malik. Les talibans subissent une sévère défaite la semaine suivante et se replient sur la ville de Kunduz, tandis que Massoud contre-attaque en juillet sur Kaboul. En septembre, les talibans lancent une seconde offensive sur Mazar-i-Charif (ils prendront finalement la ville lors de leur troisième tentative, en août 1998). À la guerre civile statique, centrée jusqu'en 1995 autour de Kaboul, fait suite une guerre mobile faite d'avancées et de replis brutaux, de retournements, de trahisons et de ralliements motivés tantôt par l'argent, tantôt par la solidarité ethnique.
Les opposants aux talibans – Tadjiks du Nord-Est avec Massoud, Ouzbeks du Nord sous la direction du général Dostom, Hazaras chiites du centre du pays – s'unissent dans une coalition qui est, en théorie, dirigée par le président Rabbani, garant d'une continuité étatique, mais dont le pouvoir est quasi nul. Le véritable homme fort de la coalition est le commandant Massoud, bien que chaque groupe conserve sa totale autonomie. L'Iran, la Russie, l'Ouzbékistan et l'Inde, inquiets de la montée d'un fondamentalisme sunnite à leurs frontières, soutiennent, sans trop s'investir, la coalition du Nord, tandis que le Pakistan et l'Arabie Saoudite se rangent ouvertement derrière les talibans, discrètement approuvés en cela par les Américains.
(...)
La deuxième raison du succès des talibans est qu'ils incarnent la revanche de l'ethnie pachtoune, à laquelle ils appartiennent tous. Les Pachtoun, majoritaires dans le pays, dominent traditionnellement la vie politique afghane, à l'exception d'un bref épisode en 1928. Or la guerre contre les Soviétiques, menée surtout dans le Nord, a entraîné une baisse de leur influence et leur dispersion dans de multiples partis politiques, alors que chacune des trois autres grandes ethnies se regroupait derrière un parti relativement homogène. Kaboul a été pris, en avril 1992, par une coalition de Tadjiks et d'Ouzbeks, sous le commandement de Massoud. Face à l'éclatement du monde pachtoun en une multitude de petits fronts locaux, les talibans peuvent faire l'unité, car ils se situent au-dessus des clivages tribaux propres à leur ethnie. Leurs madrasas recrutent sans considération d'affiliations tribales et en dehors des grandes familles aristocratiques. Elles fournissent donc un encadrement qui permet, en période de crise, d'unifier les tribus, selon une vieille tradition pachtoune. La double légitimité des talibans, religieuse et ethnique, leur a donc permis d'être l'instrument de la revanche des Pachtoun, et d'occuper rapidement la ceinture pachtoune. »[/i]
Nous voilà bien loin de votre exposé simpliste.
[quote] La dissuasion nucléaire n'a une efficacité que contre une autre menace nucléaire, c'est à dire stratégique et non tactique. Si elle avait le rôle que vous lui attribuez alors avoir une armée serait totalement inutile.
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En effet. D’un point de vue défensif, elle est inutile.
L’armée française est utile dans le sens où elle sert de force d’appui à Washington dans leurs aventures militaires et qu’elle sert, accessoirement, à maintenir l’influence française en Afrique de l’Ouest. On sait d’ailleurs à quel prix : l’année dernière encore, l’armée française éliminait diligemment des opposants (certes peu recommandables) au dictateur tchadien Idriss Déby. Je me fais décidément une autre idée de l’honneur.
[quote]Vous pouvez ne pas avoir le même avis, mais j'ai tendance à croire les spécialistes.
[/quote]
N’ayant aucune compétence en théorie militaire, je m’appuie également sur l’avis de spécialistes. À ma connaissance, personne parmi eux ne prédit dans un avenir proche une attaque de la Russie ou de la Chine sur notre sol, de quelque façon que ce soit.
La raison, encore une fois, est fort simple : même si le pays agresseur n’avait pas à craindre une riposte immédiate de l’Otan (beaucoup plus puissante que la Chine et la Russie réunies), le seul arsenal nucléaire français (environ 300 ogives) suffirait à infliger des dégâts énormes, irréparables à n’importe quel agresseur.
Alors je vous redemande, qui serait assez stupide pour prendre ce risque ?