Disgressions sur des sujets connexes au libéralisme...

Écoles et doctrines - Économie politique - Politique monétaire - Comptabilité nationale
Christian
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Re: Article de Louis Even

Message non lu par Christian » dim. 22 mai 2005, 18:00

Christophe a écrit:
je ne résiste pas à l'envie de vous citer le grand économiste libéral David Ricardo :
« Dans le cas de la création monétaire l’avantage serait toujours pour ceux qui émettraient la monnaie de crédit ; et comme le gouvernement représente la nation, la nation aurait épargné l’impôt, si elle, et non la banque, avait fait elle-même l’émission de cette monnaie... Le public aurait un intérêt direct à ce que ce fût l’Etat, et non une compagnie de marchands ou de banquiers, qui fit cette émission ». ( David Ricardo, Principes d’économie politique )


Libéral, Ricardo ? Faut le dire vite. Votre citation même le prouve : voit-on un libéral pur jus demander l’étatisation d’un service aussi important que la monnaie ? Ricardo a eu quelques bonnes intuitions, comme de comprendre que c’est la recherche par les entrepreneurs du profit maximum, et non pas simplement du profit, qui permet aux plus pauvres d’améliorer leur condition. Mais il a cru que seul le travail produit de la valeur, une fausseté qui vicie toute son analyse économique, et met carrément à bas celle de Marx, qui l’a suivi dans la même erreur.

Christian

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Re: Article de Louis Even

Message non lu par MB » jeu. 02 juin 2005, 17:45

Christian a écrit :
Libéral, Ricardo ? Faut le dire vite. Votre citation même le prouve : voit-on un libéral pur jus demander l’étatisation d’un service aussi important que la monnaie ? Ricardo a eu quelques bonnes intuitions, comme de comprendre que c’est la recherche par les entrepreneurs du profit maximum, et non pas simplement du profit, qui permet aux plus pauvres d’améliorer leur condition. Mais il a cru que seul le travail produit de la valeur, une fausseté qui vicie toute son analyse économique, et met carrément à bas celle de Marx, qui l’a suivi dans la même erreur.

Christian
Bonjour à tous !
Cette citation de Christian a le mérite de mettre le doigt sur un gros problème d'éducation à l'économie. Dans les manuels d'économie politique, dans le camp "libéral", on met Ricardo puis les néo-classiques (Walras, et aujourd'hui Friedman ou Allais etc.) ; ce n'est qu'une partie de la théorie économique libérale, et elle est grevée de défauts. Ces défauts, tels qu'ils sont présentés dans ces memes manuels, rendent dès lors souhaitable une analyse keynésienne.
En soi, pas de problème ; mais le souci apparait lorsque l'on dit que cette analyse est "libérale", tout court. Il y en a une autre, qu'on ne montre pas là-dedans, mais qui est bien meilleure (parce qu'elle évite le coté "froid et rationnel", l'homo oeconomicus, les courbes qui se croisent betement et mécaniquement, et parce qu'elle replace l'acteur économique dans son contexte social), c'est l'analyse "autrichienne". POur en savoir plus, lisez L. von Mises ou Hayek, ou mieux encore, leur lointain prédecesseur, Frédéric Bastiat, lumineux et très sympathique (et catholique très pieux, au passage).
Pour ceux que cela intéresse, j'ai chez moi un document qui compare les deux écoles, il est disponible sur le Net ; je vais essayer de le retrouver.

A bientot

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Message non lu par zefdebruz » jeu. 02 juin 2005, 23:14

C'est normal, pour un libertarien un libéral comme Ricardo c'est presque un socialiste !
Même si je ne partage pas les analyses de Christian, je respecte sa sincérité et sa grande culture, et le fait qu'il soit un authentique catholique confère à ses analyses une touche d'exotisme particulier pour un adepte de ce courant de pensée économique et politique .Mais je suis loin d'être convaincu que le marché soit la panacée à toutes les situations, on court le risque de remplacer une idole ( l'Etat ) par une autre idole ( le marché ), plus dangereuse car totalement incapable de discernement moral. Quant à la réalisation des grandes infrastructures et des grands équipements ,par exemple, ou à l'aménagement équilibré du territoire je doute fort que le marché fasse mieux en la matière que l'Etat, si tant est qu'il puisse faire quelque chose.
Je n'ai jamais vu de société fonctionner sans une autorité qui donne un sens et une orientation , et le marché aveugle serait pitoyable dans ce rôle.
Utopie quand tu nous tiens...
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Message non lu par guelfo » ven. 03 juin 2005, 12:04

Si tu comprenais que le marché est une image et non une réalité désincarnée, tu ne tiendrais pas ce genre d'analyse.

Le "marché", c'est une convention de langage pour désigner l'ensemble des décisions économiques des individus, ni plus, ni moins. Quant à l'autorité, c'est un faux problème. Le problème libéral est le pouvoir et sa monopolisation, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Et en effet, la théorie de la valeur de Ricardo (qui innovait par rapport aux théories précédentes, qui étaient exactes) a été reprise par Marx.
Deus lo volt

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Message non lu par zefdebruz » ven. 03 juin 2005, 21:58

guelfo a écrit :Si tu comprenais que le marché est une image et non une réalité désincarnée, tu ne tiendrais pas ce genre d'analyse.

Le "marché", c'est une convention de langage pour désigner l'ensemble des décisions économiques des individus, ni plus, ni moins. Quant à l'autorité, c'est un faux problème. Le problème libéral est le pouvoir et sa monopolisation, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Et en effet, la théorie de la valeur de Ricardo (qui innovait par rapport aux théories précédentes, qui étaient exactes) a été reprise par Marx.
Merci, je suis économiste de formation, je sais a peu près ce que signifie la notion de marché, mais si vous avez perdu le fil, je m'exprimais sur la doctrine libertarienne. Ce n'est pas le rôle, ni la vertu, ni la nécessité du marché que je remets en cause, c'est la prétention à penser qu'il est intrinsèquement et exclusivement suffisant.
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Message non lu par Christian » ven. 03 juin 2005, 22:47

Même si je ne partage pas les analyses de Christian, je respecte sa sincérité et sa grande culture, et le fait qu'il soit un authentique catholique confère à ses analyses une touche d'exotisme particulier pour un adepte de ce courant de pensée économique et politique .Mais je suis loin d'être convaincu que le marché soit la panacée à toutes les situations, on court le risque de remplacer une idole ( l'Etat ) par une autre idole ( le marché ), plus dangereuse car totalement incapable de discernement moral. Quant à la réalisation des grandes infrastructures et des grands équipements ,par exemple, ou à l'aménagement équilibré du territoire je doute fort que le marché fasse mieux en la matière que l'Etat, si tant est qu'il puisse faire quelque chose.
Bonsoir Zefdebruz

Et merci de cette appréciation élogieuse, mais loin de moi l’idée d’idolâtrer le marché, qui, comme le rappelle Guelfo, n’est rien d’autre que l’ensemble des actions humaines non soumises à la contrainte physique. C’est précisément parce que le marché est ‘incapable de discernement moral’ (wertfrei en jargon) qu’il est inoffensif. Il laisse à chacun, individuellement et en communauté, le soin de mener sa vie selon sa propre morale, transmise par sa famille et ses maîtres.

Quant à la capacité du marché de réaliser des infrastructures et des équipements, n’avons-nous pas hérité du 19ème siècle et du capitalisme triomphant, tous les réseaux de voies ferrées, de Shanghaï aux Andes, du PLM aux liaisons transcontinentales américaines ; le canal de Suez ; l’électrification ; les métros (les deux compagnies qui ont construit et exploité celui de Paris ne seront nationalisées qu’en 1949) ; les réseaux téléphoniques (sauf en France, où le monopole d’Etat explique l’immense retard de notre pays dans ce domaine, jusque dans les 1980), etc. etc. ?

La question à se poser est de savoir pourquoi au 19ème siècle, alors que l’Etat intervient au minimum dans la vie économique, les capitalistes n’hésitaient pas à investir dans des infrastructures lourdes aux quatre coins du monde, amortissables seulement sur des décennies, et qu’aujourd’hui, ils préfèrent le court terme.

Une proposition de réponse : le risque politique était faible au 19ème (ou perçu comme tel). Pas de manipulation monétaire, pas d’arbitraire fiscal, pas de risque de confiscation ou de changement législatif affectant l’économie. L’absence de visibilité dans ces domaines s’ajoute aujourd’hui au risque de l’investissement lui-même et rend le long terme bien aléatoire.

Cordialement
Christian

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Message non lu par zefdebruz » sam. 04 juin 2005, 14:09

Christian a écrit :Quant à la capacité du marché de réaliser des infrastructures et des équipements, n’avons-nous pas hérité du 19ème siècle et du capitalisme triomphant, tous les réseaux de voies ferrées, de Shanghaï aux Andes, du PLM aux liaisons transcontinentales américaines ; le canal de Suez ; l’électrification ; les métros (les deux compagnies qui ont construit et exploité celui de Paris ne seront nationalisées qu’en 1949) ; les réseaux téléphoniques (sauf en France, où le monopole d’Etat explique l’immense retard de notre pays dans ce domaine, jusque dans les 1980), etc. etc. ?
[align=justify]Bonjour Christian,


Je ne sais pas quelles sont vos sources sur l'histoire de ces grands travaux : en ce qui concerne le canal de Suez, il est osé de parler d'entreprise privée libéral ou de marché: sa réalisation n'a été possible qu'avec le soutien actif de l' Impératrice Eugénie, du Khedive d'Egypte, et de l'appel à l'épargne publique, Ferdinand de Lesseps ayant écarté les banquiers de son projet. L'interéssé était diplomate et représentait les intérêt de la France en Egypte. Les travaux ont été réalisés dans le cadre inespéré d'une concession de 99 ans et Nasser s'est bien entendu empressé de nationaliser le Canal à l'expiration de celle-ci.

Vous savez que De Lesseps a retenté l'expérience à Panama dix ans plus tard, avec des banques, et tout le monde connaît le fiasco politique et financier qui s'en est suivi.

En ce qui concerne le métro, je reste très surpris : les superviseurs du métro Parisien ont été Edmont Huet et Fulgence Bienvenüe, inspecteur Général des Ponts et Chaussées, et la Ville de Paris et l'Etat en ont été les maîtres d'ouvrage. La Compagnie Générale de Traction du baron Empain, associé avec l'Etablissement Schneider du Creusot ont été les premiers concessionnaires-exploitants, mais n'ont pas réalisé les grands ouvrages de génie civil. En parlant de nationalisation ultérieure, vous confondez investissement et mode d'exploitation.

En fait, il est exact que nombre d'intérêts nationaux ferroviaires ont été exclus dès l'origine de toute intrusion possible dans Paris mais il s'agissait d'un choix technique délibéré lié à la largeur des voies.
De là à penser que de tels ouvrages sont le fruit du marché ou de l'initiative privée, c'est méconnaître à la fois le rôle de L'Etat au XIXe siècle, et ses fonctions régaliennes nettement circonscrites , et le mécanisme des concessions publiques, qui est d'ailleurs toujours actuel, et en recherche de perfectionnement avec les fameux PPP.

Je pense que vous sous estimez les rapports entre L'Etat et les majors du BTP, la césure entre la sphère publique et privée n'est pas toujours très nette, et ce n'est pas un hasard si l'on retrouve à la tête de ces entreprises de purs produits des corps d'Etat les plus prestigieux, et si la pratique du pantoufflage demeure.

En ce qui concerne les exemples historiques anglo-saxons que vous citez, je les connais mal, mais je sais que même outre-atlantique les politiques actuelles de grands travaux sont fédérales. Les californiens reviennent de la dérégulation du marché de l'électricité, et ont brutalement pris conscience ces dernières années des carences du marché en la matière.

Bien fraternellement dans le Christ.[/align]
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Message non lu par zefdebruz » sam. 04 juin 2005, 14:28

guelfo a écrit :Si tu comprenais que le marché est une image et non une réalité désincarnée, tu ne tiendrais pas ce genre d'analyse.
Bonjour Guelfo,

je ne vois pas en quoi une image ne pourrait exprimer une réalité "désincarnée" .
Quand je dis que le marché est aveugle, rassurez vous, c'est également une image ! :)
Bien fraternellement.
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Message non lu par zefdebruz » sam. 04 juin 2005, 14:49

Christian a écrit : C’est précisément parce que le marché est ‘incapable de discernement moral’ (wertfrei en jargon) qu’il est inoffensif. Il laisse à chacun, individuellement et en communauté, le soin de mener sa vie selon sa propre morale, transmise par sa famille et ses maîtres.
[align=justify]Re-bonjour,

Le fait qu'un mécanisme non régulé soit incapable de discernement moral n'est en aucun cas une garantie d'inoffensivité. Je suis au contraire convaincu que le relativisme éthique et ses fruits de mort sont une conséquence directe du libéralisme.

Bien sûr, il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Dans votre conception de cette nouvelle laïcité, il faudrait rendre au marché ce qui est au marché, et à Dieu ce qui est à Dieu Mais Cesar reçoit son autorité d' "en haut" et sa politique n'est nullement autonome par rapport à la sphère morale.
Même dans sa faiblesse Cesar est " capax dei " , on ne peut en dire autant du marché qui est un temple fait de main d'homme ( à l'attention de Guelfo, c'est une image ;-) )

Bien à vous, dans le Christ[/align]
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Message non lu par Christian » sam. 04 juin 2005, 20:45

Je ne sais pas quelles sont vos sources sur l'histoire de ces grands travaux : en ce qui concerne le canal de Suez, il est osé de parler d'entreprise privée libéral ou de marché: sa réalisation n'a été possible qu'avec le soutien actif de l' Impératrice Eugénie, du Khedive d'Egypte, et de l'appel à l'épargne publique, Ferdinand de Lesseps ayant écarté les banquiers de son projet. L'interéssé était diplomate et représentait les intérêt de la France en Egypte. Les travaux ont été réalisés dans le cadre inespéré d'une concession de 99 ans et Nasser s'est bien entendu empressé de nationaliser le Canal à l'expiration de celle-ci.

En ce qui concerne le métro, je reste très surpris : les superviseurs du métro Parisien ont été Edmont Huet et Fulgence Bienvenüe, inspecteur Général des Ponts et Chaussées, et la Ville de Paris et l'Etat en ont été les maîtres d'ouvrage. La Compagnie Générale de Traction du baron Empain, associé avec l'Etablissement Schneider du Creusot ont été les premiers concessionnaires-exploitants, mais n'ont pas réalisé les grands ouvrages de génie civil. En parlant de nationalisation ultérieure, vous confondez investissement et mode d'exploitation.
Cher Zefdebruz,

Je ne sais ce que vous entendez par ‘le marché’. La moindre des politesses, me semble-t-il, est de ne pas creuser un canal ni ouvrir les tranchées de la construction d’un métro sans obtenir l’autorisation du propriétaire des terrains.

Or, il se trouve que le propriétaire (ou celui qui se considérait tel) de l’Egypte était le Khédive. Lesseps l’avait connu alors qu’il était en poste au Caire, mais c’est bien en tant que promoteur du projet de Canal, et non plus comme diplomate, qu’il reprend la relation 15 ans plus tard. Le financement du projet par émission d’actions dans le public plutôt que par participation d’investisseurs institutionnels est un procédé hautement capitaliste. Le propriétaire ayant accordé une concession qui convenait au promoteur du canal, ce contrat n’est pas moins capitaliste.

(Un point d’histoire, Nasser n’a pas attendu la fin de la concession pour nationaliser le Canal (il n’aurait pas eu besoin de le faire, le Canal serait alors revenu de plein droit à l’Etat égyptien). Il a nationalisé le Canal 15 ans avant la fin de la concession, en 1956, ce qui lui a valu aussitôt une expédition militaire de la France et de l’Angleterre, alliée à Israël, à laquelle mirent fin la pression des Etats-Unis, alors alliés des Arabes).

Quant à notre métro, le propriétaire des rues, la Ville de Paris, avait alloué une concession au Baron Empain, qui avait fait fortune en construisant et exploitant des tramways un peu partout en Europe (et au Caire, justement). C’est Empain qui choisit Fulgence Bienvenue pour diriger les travaux et Guimard pour décorer les entrées et les stations. La Ville a souhaité effectuer elle-même les travaux de percement, c’est son droit, mais elle l’a fait par un financement purement capitaliste, en émettant des emprunts en Bourse. Ils furent remboursés par les recettes d’exploitation. Le métro de Paris n’a pas coûté un sou au contribuable, ce qui montre que l’intégralité eut pu être réalisée par une entreprise privée.

D’ailleurs, la compagnie qui reçut la 2ème concession, celle du fameux ‘Nord-Sud’, dut effectuer elle-même tous ses travaux de percement. Sa rentabilité fut plus précaire, car le sens du trafic parisien est essentiellement Est-Ouest.

J’ai vérifié mes souvenirs en relisant un article du Monde, généralement bien informé, disponible sur le site http://www.lylytech.net/~cpierre/siteou ... /metro.htm

Cordialement

Christian

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Message non lu par Christian » sam. 04 juin 2005, 21:29

Re-bonsoir Zefdebruz, :)
Le fait qu'un mécanisme non régulé soit incapable de discernement moral n'est en aucun cas une garantie d'inoffensivité. Je suis au contraire convaincu que le relativisme éthique et ses fruits de mort sont une conséquence directe du libéralisme
Régulé ou pas, un mécanisme est par nature incapable de discernement moral. Seuls les êtres humains, individuellement, ont cette capacité. Si le libéralisme est wertfrei, il n’empêche nullement, au contraire, les êtres humains d’avoir dans convictions fortes.

Nous avons déjà eu cette discussion sous dix formes différentes sur ce forum :

Ou bien un régime politique impose des comportements à une population au nom d’une morale (religieuse, sexuelle, civique…). Tant que ces comportements ne constituent pas une agression physique d’un individu sur un autre, cette imposition est non seulement illégitime, mais immorale, paradoxalement. Car comme Kant l’a montré, après St Thomas d’Aquin, il n’y a de morale que dans la liberté.

Ou bien un régime politique s’interdit de légiférer en matière de morale, il se contente de prohiber et réprimer la violence physique. Son pouvoir acquiert alors une certaine légitimité, mais il est possible que des individus vont user de leur liberté pour se comporter immoralement : drogues, et toutes les pratiques imaginables entre adultes consentants que la morale réprouve. Mais c’est nous qui cesserions d’être moraux sans que ces ‘déviants’ le deviennent en les contraignant. A l’image du Seigneur lui-même, notre devoir pour faire cesser le scandale est d’exhorter, enseigner, montrer l’exemple du vrai bonheur.

Quels ‘fruits de mort’ et sépulcres blanchis, ceux qui comptent sur la contrainte de la loi et non sur la puissance de l’amour !

Christian

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Message non lu par zefdebruz » sam. 04 juin 2005, 23:45

Christian a écrit :
Quant à notre métro, le propriétaire des rues, la Ville de Paris, avait alloué une concession au Baron Empain, qui avait fait fortune en construisant et exploitant des tramways un peu partout en Europe (et au Caire, justement). C’est Empain qui choisit Fulgence Bienvenue pour diriger les travaux et Guimard pour décorer les entrées et les stations. La Ville a souhaité effectuer elle-même les travaux de percement, c’est son droit, mais elle l’a fait par un financement purement capitaliste, en émettant des emprunts en Bourse. Ils furent remboursés par les recettes d’exploitation. Le métro de Paris n’a pas coûté un sou au contribuable, ce qui montre que l’intégralité eut pu être réalisée par une entreprise privée.

D’ailleurs, la compagnie qui reçut la 2ème concession, celle du fameux ‘Nord-Sud’, dut effectuer elle-même tous ses travaux de percement. Sa rentabilité fut plus précaire, car le sens du trafic parisien est essentiellement Est-Ouest.

J’ai vérifié mes souvenirs en relisant un article du Monde, généralement bien informé, disponible sur le site http://www.lylytech.net/~cpierre/siteou ... /metro.htm

Cordialement

Christian
Bonsoir Christian,

j'ai vérifié l'histoire du métro, c'est bien une initiative publique au départ, mais qui a pris près d'un demi-siècle de retard en raison de mésententes entre la Ville et l'Etat sur la stratégie à adopter ( fin maillage reliant divers points de la capitale d'une part, liaisons entre les grandes gares d'autre part).
Par ailleurs, l'avant projet de la première ligne de métro a été réalisé par le directeur des travaux de la Ville de paris et non par une entreprise privée, dès 1895. Cet avant projet a été validé par l'assemblée municipale le 20 avril 1896 et le projet définitif en juilet 1897. Empain et sa compagnie ne sont rentrés en scène qu'ultérieurement comme candidat concessionnaire. Fulgence Bienvenue est considéré comme le " Père du métro", sa mission lui a été dévolue par la Ville de Paris et l'Etat, et non par Empain qui l'aurait choisi comme vous le laissez entendre.
Ce n'est donc pas une histoire de privés qui seraient allés demander au propriétaire l'autorisation de faire des trous dans son sous-sol, il s'agit d'une décision publique de réalisation de grandes infrastructures de transport dont l'exploitation a été confiée à une entreprise privée.

Cordialement
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Message non lu par guelfo » lun. 06 juin 2005, 11:28

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Christian sur "l'inoffensivité" du marché, qui est en effet "wertfrei"; un exemple de marché nocif est le marché politique. Je ne pense donc pas que le simple jeu du marché suffit à créer une société idyllique. Tout dépend de l'objet de la concurrence.

Ensuite, qu'on le veuille ou non, même dans une société communiste, il y a nécessairement un "marché" au sens habituel du mot. Simplement, son fonctionnement est sous-optimal et/ou illégal dans une mesure plus ou moins importante en raison de l'intervention des pouvoirs publics, et ce pour un motif très simple, c'est que la rationalité de leurs décisions n'est pas économique mais politique, c'est-à-dire qu'elle a pour seul but la concentration du pouvoir entre les mains des dirigeants.

Le marché, c'est un phénomène "naturel", en ce sens qu'il est lié à la nature humaine, à ce que l'être humain ne peut survivre qu'en coopérant avec ses semblables. Il est donc totalement illusoire de s'imaginer l'abolir.
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Message non lu par Christian » lun. 06 juin 2005, 19:19

Guelfo
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Christian sur "l'inoffensivité" du marché, qui est en effet "wertfrei"; un exemple de marché nocif est le marché politique. Je ne pense donc pas que le simple jeu du marché suffit à créer une société idyllique. Tout dépend de l'objet de la concurrence.

Ensuite, qu'on le veuille ou non, même dans une société communiste, il y a nécessairement un "marché" au sens habituel du mot. Simplement, son fonctionnement est sous-optimal et/ou illégal dans une mesure plus ou moins importante en raison de l'intervention des pouvoirs publics, et ce pour un motif très simple, c'est que la rationalité de leurs décisions n'est pas économique mais politique, c'est-à-dire qu'elle a pour seul but la concentration du pouvoir entre les mains des dirigeants.

Le marché, c'est un phénomène "naturel", en ce sens qu'il est lié à la nature humaine, à ce que l'être humain ne peut survivre qu'en coopérant avec ses semblables. Il est donc totalement illusoire de s'imaginer l'abolir.

Mon cher Guelfo,

Effectivement, nous ne sommes pas d’accord. Le sens des mots n’est pas défini de toute éternité, certes, mais il reste important de comprendre de quoi l’on parle.

Le marché est l’ensemble de toutes les décisions prises par les êtres humains sans coercition. Certains réduisent cette définition à l’ensemble des décisions marchandes ; j’y inclus pour ma part le don, qui s’analyse économiquement comme une transaction dont un des termes est au prix 0.

En aucun cas, le marché ne peut inclure des transactions effectuées sous la violence ou la menace de la violence — pas plus que la paix n’inclut la guerre. Le « marché politique » est donc une contradiction dans les termes, puisque le sens, l’objet, la finalité de la politique est de légitimer l’usage de la violence.

Et donc, s’il existe bien un marché dans les sociétés socialiste, fasciste, national-socialiste, il n’est pas celui que tu décris. Il n’est pas le fonctionnement sous-optimal des entreprises soumises à la planification. Le marché y devient ‘noir’. Le marché est réduit à toutes ces décisions volontaires que prennent les hommes et les femmes pour améliorer leurs rations d’Etat, en vendant des légumes du jardin à la sauvette, en donnant des cours contre un bout de saucisson, en réparant une plomberie contre un bon pour des cigarettes ou en couchant avec le chef du syndicat pour avoir une place dans un village de vacances.

Ce qui prouve effectivement — et là, je te rejoins tout à fait — que le marché est inhérent à tte société humaine. Nous échangeons : des idées, des produits, des petits et des grands services. Ce forum est un exemple de marché ; qui continuerait d’y intervenir s’il n’y avait pas de retour ? Nous ne sortons du marché qu’à notre mort. Attaquer le marché, c’est bien attaquer la vie elle-même.

Tibi
:)

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Message non lu par guelfo » mar. 07 juin 2005, 11:25

Christian a écrit :Mon cher Guelfo,

Effectivement, nous ne sommes pas d’accord. Le sens des mots n’est pas défini de toute éternité, certes, mais il reste important de comprendre de quoi l’on parle.

Le marché est l’ensemble de toutes les décisions prises par les êtres humains sans coercition. Certains réduisent cette définition à l’ensemble des décisions marchandes ; j’y inclus pour ma part le don, qui s’analyse économiquement comme une transaction dont un des termes est au prix 0.

En aucun cas, le marché ne peut inclure des transactions effectuées sous la violence ou la menace de la violence — pas plus que la paix n’inclut la guerre. Le « marché politique » est donc une contradiction dans les termes, puisque le sens, l’objet, la finalité de la politique est de légitimer l’usage de la violence.
Question de définition en effet.

Tout d'abord, un point de détail: le marché politique est également la concurrence entre hommes de l'état pour occuper tel ou tel poste, et il n'exercent pas nécessairement la violence entre eux.

Se pose par ailleurs le problème de savoir comment on va désigner "le marché politique" au sens large du terme ou "le marché de la prostitution infantile" ou encore "le marché des biens volés" si tu définis "marché" comme un lieu d'échanges volontaires. Or, il s'agit également d'activités économiques, même si elles sont d'un genre particulier, et sont donc analysables comme telles.

Le marché, la concurrence et la privatisation ne sont pas, comme se l'imaginent certains "libéraux" naïfs nécessairement bons: les camps de concentration n'auraient pas été plus recommandables si leur exploitation avait été confiée à des sociétés privées, ou, pour prendre un exemple moins spectaculaire, l'impôt n'était pas plus juste sous l'ancien régime parce que sa perception était confiée à des hommes d'affaires...
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