Royauté vous avez dit ?

« Par moi les rois règnent, et les souverains décrètent la justice ! » (Pr 8.15)
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Message non lu par VexillumRegis » ven. 20 mai 2005, 18:34

Charles a écrit :Il ne semble pas que la politique militaire de Louis XIV et celle de Napoléon qui alla se battre jusque sur la Moskowa aient quoi que ce soit de commun. Mais je me soumets à l'avis d'historiens, s'il y en a ici qui s'y connaissent.
[align=justify]Tu as parfaitement raison. L'objectif des guerres de Louis XIV était très clairement défensif, il s'agit de consolider les frontières, tout particulièrement celles encore très vulnérables du nord. C'est ce que l'on appelle la politique du "pré carré". Il ne faut pas oublier qu'en août 1636, les Espagnols s'emparent et occupent Corbie, à une centaine de kilomètres de Paris, où c'est la panique. Cette épisode a sans nul doute marqué les esprits. La politique de consolidation des frontières du nord était donc un impératif.

Il est évident que la politique extérieure de Louis XIV, en fin de compte, a été nettement plus bénéfique (car réaliste) à la France que la vaine tentative d'hégémonie européenne d'un Napoléon.[/align]

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Message non lu par Charles » ven. 20 mai 2005, 18:53

guelfo a écrit :
Charles a écrit : Et alors ? Ce n'est pas la question. Si Louis XIV avait été médiocre on lui aurait reproché d'avoir ignoré les génies de son temps.
Excuse-moi, mais je crois que là tu fais de la projection. Tu es visiblement un homme pour qui la culture est fondamentale, ce qui nous rapproche d'ailleurs, mais on ne juge pas un politique en fonction de ses goûts et ses bonnes manières.
Qui le juge selon ces critères ? On se plaint de l'abandon de la langue française qui se profile (si ce n'est déjà fait) dans les grandes institutions internationales... mais d'où cela est-il venu que les dirigeants, les aristocraties, les bourgeoisies, les artistes, les intellectuels... bref que les décideurs de toute l'Europe ont, pendant quelques siècles, tous parlé le français ? Le renvoi du Bernin et la synthèse magistrale du génie français à Versailles ont imposé la culture française à l'Europe, de la manière la plus merveilleuse qui soit, en plus : par le talent déployé et l'admiration provoquée.
Le renvoi du Bernin est caractéristique,
De fait, et ça tend à démonter ta thèse...
Je n'ai pas de thèse. Quand une culture s'affirme, elle le fait en prenant son indépendance vis-à-vis des cultures qui l'ont formée. Il y a un moment où on n'écrit plus dans la langue dominante mais dans sa propre langue.
La question fondamentale est de savoir si ce modèle - l'absolutisme royal - méritait d'être imité. L'Egypte des pharaons peut également se targuer de grandes réalisations artistiques, mais je n'ai jamais entendu personne en déduire qu'il faudrait imiter leur système politique.
Je rappelle que j'ai commencé par "Je ne suis pas historien, mais au sujet de Louis XIV, je trouve les critiques française souvent injustes. " qui donne la limite de ce que je veux dire ici. Je ne suis pas royaliste mais pas non plus prêt à admettre les simplifications abusives.

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Message non lu par Charles » sam. 21 mai 2005, 13:20

wanderer a écrit :La monarchie de droit divin me semble être un concept pour le moins sujet à caution et puis je ne pense pas qu'il ait eu beaucoup d'attention pour les plus démunis, mais je peux me tromper.

Je me demande bien ce que l'Eglise a dit au moment où le roi s'est dit de droit divin.
Le droit divin ne vient-il pas de là :

"Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l'avais reçu d'en haut" (Jn 19, 11) ?

Et je ne crois pas qu'il y ait eu de "moment où le roi s'est dit de droit divin" mais que les choses ont été plus progressives et il me semble sous l'influence de l'Eglise elle-même. Si le pouvoir, la souveraineté temporelle, n'appartient pas au roi par nature mais qu'il la reçoit de Dieu, il en est responsable devant Lui. La conséquence est énorme : la politique du roi n'est pas légitime dans tous les cas et quand elle est illégitime, le roi mérite d'être déposé. Immédiatement s'ouvre alors un débat chez les "monarchomaques", ceux qui tiennent cette thèse du droit divin et en assument les conséquences : jusqu'où aller dans l'opposition au roi dont la politique est injuste ? jusqu'à la désobéissance ? à l'insurrection armée ? à la mort du roi ?

La thèse du droit divin est très séduisante car elle donne au roi une responsabilité politique, il n'est pas conçu comme un tyran irresponsable exerçant un pouvoir privé qui lui serait échu comme par définition.

La chose la plus désagréable pour Pilate est justement ce "Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l'avais reçu d'en haut" car comme pour les paraboles des talent ou de la vigne, celui qui se voit confier quelque chose par Dieu doit toujours lui rendre des comptes...

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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 11:14

VexillumRegis a écrit :Il est vrai que la translation du coeur politique du pays de Paris à Versailles fut l'une des grandes erreurs du règne à mon avis, qui pesa lourd tout au long du XVIIIème siècle. Le roi apparut de plus en plus comme un être lointain, abstrait, confiné dans un monde irréel et à la merci de mauvais conseillers. La volonté du peuple de Paris, lors de la Révolution, de ramener la famille royale dans la capitale témoigne de cet écart qui s'est creusé.

Par contre il me semble excessif de repprocher à Louis XIV d'avoir domestiqué sa noblesse. Il ne faut quand même pas oublier le traumatisme que causa la Fronde dans l'esprit du jeune roi. Pour rétablir l'ordre, il était nécessaire de mieux contrôler les "grands".
[align=justify]Le problème, c'est qu'on a généralement une image faussée de l'absolutisme, que notre inconscient rapproche souvent instinctivement des régimes totalitaires plus récents. En réalité, l'Ancien Régime était "hérissé de libertés". Les corps intermédiaires (surtout les Parlements) et les autres solidarités opposaient une inertie (mortelle à terme) invincible face au pouvoir royal. Par ailleurs, l'éducation chrétienne des princes contribuait à leur donner une haute idée de leur charge et leur évitait de sombrer dans la mégalomonie.[/align]
Je m'étonne que tu ne t'aperçoives pas toi-même de la contradiction dans ce que tu as écrit. L'absolutisme ("l'état, c'est moi) avait précisément pour projet d'abolir les libertés héritées du moyen-âge, ce ce compris celles des "grands" et des parlements. Il est donc à tout le moins paradoxal d'invoquer ces libertés pour le justifier.

La preuve que l'absolutisme n'était pas la solution idoine est qu'il a abouti à la révolution et à tous ses excès, contrairement à ce qui s'est passé par exemple en Angleterre.
[align=justify]Il est vrai que les premières guerres du règne (guerre de Dévolution et guerre de Hollande) furent entreprises avec légèreté, dans le seul but de trouver cette gloire si cher au coeur du roi. Lui-même l'a reconnu sur son lit de mort.

Mais les dernières guerres du règne (guerre de la Ligue d'Augsbourg et guerre de Succession d'Espagne), les plus sanglantes, eurent surtout pour cause la jalousie des ennemis, surtout l'Angleterre.

Il ne faut pas oublier que les guerres de Louis XIV s'inscrivent dans la continuation des guerres précédentes. Car depuis Charles Quint, les Habsbourg règnent à Madrid et à Vienne. La France est encerclée. Et le grand mérite du roi, c'est d'avoir mis fin à cette situation. Car en acceptant la couronne d'Espagne pour son petit-fils (ce qui déclancha la guerre voulue par l'Angleterre), Louis XIV a permis de briser l'encerclement en installant un Bourbon à Madrid. La puissance des Habsbourg n'est plus désormais une menace (et sera même une alliée à partir de 1756), et c'est dorénavant l'Angleterre le principal danger.[/align]

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C'est surtout la France qui est une menace pour toute l'Europe pendant deux siècles si tu veux mon avis...
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Message non lu par VexillumRegis » mar. 24 mai 2005, 13:22

Bonjour Guelfo,
guelfo a écrit :Je m'étonne que tu ne t'aperçoives pas toi-même de la contradiction dans ce que tu as écrit. L'abolutisme ("l'Etat, c'est moi") avait précisément pour projet d'abolir les libertés héritées du moyen-âge, y compris celles des "grands" et des parlements, et il est donc à tout le moins paradoxal de les invoquer pour justifier l'absolutisme.

La preuve que l'absolutisme n'était pas la solution idoine est qu'il a abouti à la révolution et à tous ses excès, contrairement à ce qui s'est passé par exemple en Angleterre.
[align=justify]Ce fameux mot : "l'Etat, c'est moi" est apocryphe ; Louis XIV ne l'a jamais prononcé. Il a même dit tout le contraire à l'heure de son décès : "Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours" (F. Bluche, p. 891).

Ceci étant dit, il est faux de prétendre que l'absolutisme ait eu un "programme" bien défini visant à abolir les libertés héritées du Moyen-Age (quelles libertés au juste ?). C'est évidemment plus complexe. La seule période de l'Ancien Régime où l'on tenta réellement de remettre en cause certaines "libertés" héritées fut le court ministère "éclairé" de Turgot, qui supprima par exemple les corporations par un édit de mars 1776 (elles furent cependant rétablies dès sa chute).

En réalité, ce fut plutôt une de ces "libertés héritées" (les parlements) qui tenta d'abolir une partie de la prérogative royale. Tout le XVIIIème siècle est marqué par la lutte qui opposa les cours, qui rêvaient d'une monarchie parlementaire à l'anglaise, au pouvoir royal. C'est pour mettre fin à la rébellion incessante de l'aristocratie parlementaire que Louis XV, par l'intermédiaire de son chancelier Maupeou, réforma totalement la justice pour amoindrir la puissance des "grandes robes". Cette réforme salutaire fut cependant abandonné par Louis XVI à son accession au trône : décision qui fut en grande partie fatale à la monarchie (on oublie souvent de rappeler que le mouvement révolutionnaire prend naissance avec la révolte du parlement de Paris).

Mais il faut éviter les discours déterministes (car simplificateurs) du genre : "l'absolutisme est responsable de la Révolution". La comparaison avec l'Angleterre (qui a aussi connu une Révolution sanglante au XVIIème siècle, il faut quand même ne pas l'oublier...) est dangereuse, tant l'évolution et les moeurs politiques des deux nations sont différentes (et pas forcément au bénéfice de l'Angleterre, contrairement à ce que l'on croit souvent).
guelfo a écrit :C'est surtout la France qui est une menace pour toute l'Europe pendant deux siècles si tu veux mon avis...
Tu te trompes. Au XVIIIème siècle, la France a été une puissance qui recherchait un équilibre pacifique. Louis XV était un prince pacifique. Au siècle des Lumières, les nations belliqueuses sont les puissances émergentes : l'Angleterre, la Prusse et la Russie.[/align]

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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 13:40

VexillumRegis a écrit :[align=justify]Ce fameux mot : "l'Etat, c'est moi" est apocryphe ; Louis XIV ne l'a jamais prononcé. Il a même dit tout le contraire à l'heure de son décès : "Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours" (F. Bluche, p. 891).
C'est possible, mais son succès tient à ce qu'il décrit parfaitement la politique de Louis XIV.
Ceci étant dit, il est faux de prétendre que l'absolutisme ait eu un "programme" bien défini visant à abolir les libertés héritées du Moyen-Age (quelles libertés au juste ?). C'est évidemment plus complexe. La seule période de l'Ancien Régime où l'on tenta réellement de remettre en cause certaines "libertés" héritées fut le court ministère "éclairé" de Turgot, qui supprima par exemple les corporations par un édit de mars 1776 (elles furent cependant rétablies dès sa chute).
Nous ne devons pas avoir la même définition de "libertés"; Turgot avait parfaitement raison de vouloir supprimer les corporations qui cadenassaient totalement l'activité économique. Le programme de l'absolutisme est par ailleurs fort clair, c'est celui qu'a réalisé à sa suite la république: centralisation, étatisation de la vie économique, idéologie officielle, etc.
En réalité, ce fut plutôt une de ces "libertés héritées" (les parlements) qui tenta d'abolir une partie de la prérogative royale. Tout le XVIIIème siècle est marqué par la lutte qui opposa les cours, qui rêvaient d'une monarchie parlementaire à l'anglaise, au pouvoir royal. C'est pour mettre fin à la rébellion incessante de l'aristocratie parlementaire que Louis XV, par l'intermédiaire de son chancelier Maupeou, réforma totalement la justice pour amoindrir la puissance des "grandes robes". Cette réforme salutaire fut cependant abandonné par Louis XVI à son accession au trône : décision qui fut en grande partie fatale à la monarchie (on oublie souvent de rappeler que le mouvement révolutionnaire prend naissance avec la révolte du parlement de Paris).
Cette "réforme salutaire" comme tu dis est tout simplement une illustration de la tyrannie royale, et si les successeurs de Louis XIV étaient certes moins énergiques que lui, ils ont cependant tenté de maintenir ce système injuste et inefficace avec les conséquences que nous savons.

D'autre part, je te rappelle que si Louis XVI est obligé de convoquer les parlements que la monarchie avait tenté de marginaliser, c'est parce que ses prédecesseurs et lui avaient ruiné l'état et le pays et devaient passer par les parlements pour lever des impôts... Très justement, les parlements en ont profité pour remettre l'église au milieu du village et, faute de pouvoir virer le mauvais gestionnaire, limiter ses pouvoirs.

Si Louis XVI avait respecté la constitution qu'il avait juré de défendre plutôt que fuir à l'étranger pour rétablir l'absolutisme à la tête d'armées étrangères, se rendant coupable de haute trahison, peut-être auriez-vous encore aujourd'hui une sympathique monarchie constitutionnelle et auriez-vous évité la Terreur, le génocide vendéen, les carnages napoléoniens, etc.
Mais il faut éviter les discours déterministes (car simplificateurs) du genre : "l'absolutisme est responsable de la Révolution". La comparaison avec l'Angleterre (qui a aussi connu une Révolution sanglante au XVIIème siècle, il faut quand même ne pas l'oublier...) est dangereuse, tant l'évolution et les moeurs politiques des deux nations sont différentes (et pas forcément au bénéfice de l'Angleterre, contrairement à ce que l'on croit souvent).
C'est précisément parce que l'Angleterre a connu elle aussi une révolution sanglante que la comparaison est intéressante...
Tu te trompes. Au XVIIIème siècle, la France a été une puissance qui recherchait un équilibre pacifique. Louis XV était un prince pacifique. Au siècle des Lumières, les nations belliqueuses sont les puissances émergentes : l'Angleterre, la Prusse et la Russie.[/align]

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Ca, c'est ce qu'on enseigne en France. Hors de l'hexagone, tout le monde sait bien que la France reste expansionniste jusqu'au Congrès de Vienne.
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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 13:56

VexillumRegis a écrit :
Charles a écrit :Il ne semble pas que la politique militaire de Louis XIV et celle de Napoléon qui alla se battre jusque sur la Moskowa aient quoi que ce soit de commun. Mais je me soumets à l'avis d'historiens, s'il y en a ici qui s'y connaissent.
[align=justify]Tu as parfaitement raison. L'objectif des guerres de Louis XIV était très clairement défensif, il s'agit de consolider les frontières, tout particulièrement celles encore très vulnérables du nord.
Tous les impérialismes de l'histoire ont été justifiés par des visées soi-disant "défensives".
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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 15:47

http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_d ... .C3.A7aise

Notez que l'hostilité des populations concernées à l'encontre de la France était notoire à l'époque, on affirmait même que l'Artois était plus espagnole que la Castille...
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Message non lu par Charles » mar. 24 mai 2005, 16:06

guelfo a écrit :http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_d ... .C3.A7aise

Notez que l'hostilité des populations concernées à l'encontre de la France était notoire à l'époque, on affirmait même que l'Artois était plus espagnole que la Castille...
La carte que tu cites est très intéressante : on voit bien que les "conquêtes" de Louis XIV n'ont rien d'exotique et que les distance sont ridiculement petites...

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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 16:11

Non, il a juste conquis un tiers des Pays-Bas méridionaux, et notamment ce qui est aujourd'hui le département le plus peuplé de France.

Au passage, il a mis a sac le reste du pays, histoire de bien faire comprendre qu'il ne rigolait pas.

Une broutille quoi. :roll:
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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 16:21

http://en.wikipedia.org/wiki/Spanish_Netherlands

Remarquez que la page française est plus discrète.
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Message non lu par guelfo » mar. 24 mai 2005, 16:49

Charles a écrit :Tu donnes la forte impression de te contredire à force de vouloir prouver que de toute façon, il n'y avait rien de bon sous l'Ancien régime...
L'explication de cette "contradiction" est peut-être qu'elle n'existe que dans ton esprit, parce que as choisi d'interpréter ma critique de la monarchie comme une critique du moyen-âge en tant que tel... :roll:
Charles a écrit :Tu critiques l'absolutisme mais donnes raison à Turgot d'avoir tenté de supprimer les corporations !
Oui, parce qu'elles limitaient la liberté d'exercer le métier de son choix et freinaient l'économie, le tout aux frais du consommateur évidemment.
Le Moyen-Age était effectivement un foisonnement de libertés vis-à-vis du pouvoir royal. Et c'est pour ça qu'il est une référence pour les anarchistes et spécialement ceux qui ont une réflexion sur l'art. Pour eux, l'art du Moyen-Age était un art "en situation", "populaire" et la cathédrale l'expression d'une société "organique", une oeuvre où justement s'associent corporations, Eglise, municipalités, ouvriers, maîtres d'oeuvre, artistes, etc. dans une collaboration plus organique et décentralisée que hiérarchique. Si le Moyen-Age n'avait aucune de ces libertés, pourquoi ferait-il fantasmer les anarchistes ?
Voir ce que j'ai écrit ci-dessus; même si je pense qu'il est un peu court de représenter le moyen-âge comme un âge d'or, il y avait en effet pas mal de choses qui auraient mérité de survivre.
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Message non lu par Christian » mar. 24 mai 2005, 17:25

Tu critiques l'absolutisme mais donnes raison à Turgot d'avoir tenté de supprimer les corporations !
Turgot était un de ces grands esprits des Lumières ; il avait tout compris de l’économie de son temps et il eut sauvé la monarchie de la banqueroute si le roi l’avait soutenu.
Le Moyen-Age était effectivement un foisonnement de libertés vis-à-vis du pouvoir royal.
Eh oui, et ces libertés furent respectées par les rois, jusques et y compris par le plus admirable de tous, Henri IV. A sa mort, la France entre dans le grand tunnel de l'absolutisme, décoré par de grands artistes comme le métro de Moscou, mais c'est la ruine et la défaite au terminus.

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Message non lu par VexillumRegis » mar. 24 mai 2005, 18:29

guelfo a écrit :Nous ne devons pas avoir la même définition de "libertés"; Turgot avait parfaitement raison de vouloir supprimer les corporations qui cadenassaient totalement l'activité économique.
[align=justify]Les corporations, ainsi que tous les autres corps intermédiaires qui gravitaient autour, étaient revendiquées sous l'Ancien Régime comme des "libertés", ce qui ne paraît certes pas évident à nos mentalités d'aujourd'hui.

Sans doute le système corporatif répugne à un esprit libéral, ce qui est très normal. C'est que l'économie corporative est une économie de répartition, et non une économie capitaliste. Comme l'écrit Emile Coornaert (Les Corporations en France avant 1789, Paris, 1941 - vieilli mais non renouvelé) : "Le but essentiel n'est pas la production, ni la richesse. Ce sont les hommes. Cette économie veut avant tout être humaine". Et Jean de Viguerie, dans son Histoire et dictionnaire du temps des Lumières (1995, p. 876) : "Les corporations ont un rôle social. Elles servent à empêcher les accaparements et la concentration des moyens de production. Elles renforcent l'union entre les gens du métier. La charité corporative est très active. A Paris, dans tous les métiers, une quête hebdomadaire est faite pour les confrères nécessiteux". Une économie à visage humain : le principe est bon et noble - et bien oublié aujourd'hui.

Maintenant il ne faut pas idéaliser. Le système avait ses défauts et ses abus que Jean de Viguerie rappelle aussi : maîtrises réservés aux fils de maîtres, charges de jurés monopolisés par des familles influentes, état d'esprit hostile aux innovations. C'est le revers de la médailles. Aucun système (économique ou autre) n'est parfait.

La suppression des corporations par la Révolution eut des conséquences extrêment néfastes. Les ouvriers, désormais seuls, furent poings et pieds liés livrés à la cupidité sans bornes de leurs patrons. Il en résulta une exploitation honteuse des travailleurs au cours du XIXème siècle.
guelfo a écrit :Cette "réforme salutaire" comme tu dis est tout simplement une illustration de la tyrannie royale, et si les successeurs de Louis XIV étaient certes moins énergiques que lui, ils ont cependant tenté de maintenir ce système injuste et inefficace avec les conséquences que nous savons.

D'autre part, je te rappelle que si Louis XVI est obligé de convoquer les parlements que la monarchie avait tenté de marginaliser, c'est parce que ses prédecesseurs et lui avaient ruiné l'état et le pays et devaient passer par les parlements pour lever des impôts... Très justement, les parlements en ont profité pour remettre l'église au milieu du village et, faute de pouvoir virer le mauvais gestionnaire, limiter ses pouvoirs.

Si Louis XVI avait respecté la constitution qu'il avait juré de défendre plutôt que fuir à l'étranger pour rétablir l'absolutisme à la tête d'armées étrangères, se rendant coupable de haute trahison, peut-être auriez-vous encore aujourd'hui une sympathique monarchie constitutionnelle et auriez-vous évité la Terreur, le génocide vendéen, les carnages napoléoniens, etc.
Il faut bien comprendre que les parlementaires forment au XVIIIème siècle un parti de puissants aristocrates attachés à leurs privilèges de caste, dont ils ne souhaitent rien d'autre que la pérennisation. C'est le parti de la réaction, le parti de ceux qui prétendent descendre des conquérants francs et détenir de ce fait un droit de conquête sur la masse du peuple, assimilée aux descendants des gallo-romains, le parti de l'intolérance dénoncé par Voltaire (procès Callas et Serven).

La détresse des finances que tu dénonces ne vient nullement d'une mauvaise gestion de l'administration royale, mais d'un système fiscal inadapté. "Un Etat pauvre dans un pays riche" comme a justement écrit Gaxotte. Plusieurs fois l'administration royale tenta d'imposer de nouveaux impôts qui ne toucheraient pas seulement les plus pauvres, mais les riches. Mais les privilégiés (le clergé et la noblesse, avec à sa tête les parlements), crispés sur leurs intérêts, opposèrent toujours un front invincible à l'autorité royale. Ce sont eux qui ont paralysé la France et empêché toute évolution politique et sociale.
guelfo a écrit :Ca, c'est ce qu'on enseigne en France. Hors de l'hexagone, tout le monde sait bien que la France reste expansionniste jusqu'au Congrès de Vienne.
L'historigraphie a depuis longtemps dépassé ce clivage entre l'histoire nationale et l'histoire internationale.

Il suffit de s'intéresser (même modestement) à l'histoire des relations internationales au XVIIIème siècle pour se rendre compte que la France ne fut pas une puissance expansionniste durant cette période (sauf exception, telle l'aventure magnifique de Dupleix aux Indes, qui fut cependant désavoué). Lors de la guerre de succession d'Autriche (1740-1748), par exemple, les armées françaises de Maurice de Saxe se sont emparées sans difficultés de toute la Flandre. Louis XV, en position de force, aurait très bien pu annexer toute l'actuelle Belgique. Mais dans sa volonté de bien montrer que la France n'avait aucune visée expansionniste, Louis XV refusa toute acquisition territoriale. De même la guerre de Sept Ans (1756-1763) est clairement une initiative anglaise, qui entrepend le conflit pour le seul profit de ses manufacturiers, inquiets de la concurrence grandissante du commerce français.

Les boutefeux de la guerre sont autre part. C'est par exemple la Prusse de Frédéric II, qui s'empare sans déclaration de guerre de la Silésie autrichienne en 1740, puis dépèce plus tard la Pologne avec la Russie et l'Autriche (raison invoquée : la "perversité d'esprit des polonais" !). C'est aussi la Russie de Catherine II qui avance vers les détroits et grignote petit à petit l'Empire Ottoman. C'est encore Joseph II qui, après la mort de l'Electeur de Bavière, met la main sur le pays (1778). Ce sont donc les princes "éclairés" qui plusieurs fois mettent le feu à l'Europe, souvent au mépris de tout droit. Ainsi Frédéric II, après avoir fait main basse sur le Silésie (sans déclaration de guerre), fait fabriquer une fausse justification et félicité ainsi son ministre : "Bravo, cela est l'ouvrage d'un bon charlatan" (J. de Viguerie, p. 524). Comme le souligne cet auteur, jamais Louis XIV n'aurait agi ainsi. C'est le début de la politique des traîtés considérés comme des "chiffons de papier". On ne s'étonnera pas que la perte de toute moralité dans les relations internationales naisse ainsi au siècle des "Lumières", le siècle de l'incroyance, la "lie des siècles" selon l'archevêque de Paris Beaumont de Repaire.[/align]

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Christian a écrit :Turgot était un de ces grands esprits des Lumières ; il avait tout compris de l’économie de son temps et il eut sauvé la monarchie de la banqueroute si le roi l’avait soutenu.

[align=justify]Turgot était un homme de parti et de système. En supprimant brutalement toute réglementation sur le commerce des grains, il provoqua un certain dérèglement des approvisionnements et des émeutes. Turgot était un philosophe et n'avait pas l'étoffe d'un homme d'Etat. Il était incapable de s'imposer aux parlements, seul moyen véritable à long terme de sortir de l'impasse financière. D'autres ministres, tels que Machault, Maupeou ou Calonne, se montrèrent autrement plus efficaces et réalistes.
Christian a écrit :Eh oui, et ces libertés furent respectées par les rois, jusques et y compris par le plus admirable de tous, Henri IV. A sa mort, la France entre dans le grand tunnel de l'absolutisme, décoré par de grands artistes comme le métro de Moscou, mais c'est la ruine et la défaite au terminus.
Il fallait quand même oser comparer (virtuellement) la galerie des glaces avec le métro de Moscou...

On touche là au péché historique majeur : comparer l'incomparable, un système politique ancien avec un système politique moderne, l'absolutisme avec le totalitarisme.[/align]

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