Pardon d'avoir été si long à répondre, c'est malpoli. J'ai enchainé un déménagement avec la rentrée scolaire...
François-Xavier a écrit :
En réalité, cela fait longtemps que je considère cet aspect comme important. Que j'essaie à mon niveau de faire en sorte qu'il n'y ait pas de polarisation entre les mises en oeuvre de l'ordo de 1962 et de 2002. Nous n'avons pas attendu 2007 avec la Schola pour nous lancer dans le chant grégorien ; nous n'avons pas attendu 2007 non plus pour faire célébrer des messes ad orientem, entièrement en latin (entendez bien : y compris les lectures, chantées) avec tout le propre et l'ordinaire grégorien et tout ce qui va avec....
Tout ce que vous invoquez comme un enrichissement de la FERM, vous auriez pu le trouver (difficilement certes) dans une célébration de la FORM. A Fontgombault par exemple. Je pense que la FERM peut apporter encore plus que cela.
François-Xavier a écrit :
En fait, il est tout à fait clair que "portier" et "exorciste", cela n'avait plus trop de sens. la question de cette réforme n'a pas été très débattue. On n'ouvre pas beaucoup de portes pendant la liturgie, sauf des cas très précis et rares (années saintes) et ce n'est jamais "l'exorciste" qui fait les exorcismes, mais toujours le prêtre. La question du sous diacre n'est évidemment pas à placer sur le même plan. Mais, là oui, il faut ouvrir un nouveau fil.
Je me suis mal fait comprendre. Pour moi, à la lecture de la PGMR, il n'est pas du tout clair que faire lire Mme Michu n'est pas prévu. Qu'est-ce que c'est qu'un "lecteur capable". Autrefois, c'était quelqu'un qui avait reçu le lectorat, mais aujourd'hui?
François-Xavier a écrit :
1ère salve : l'offertoire. Allons y franco dans le dur. C'est vrai qu'il y a beaucoup à dire pour les deux formes.
Je cite mes sources : le livre de Dom Oury, La messe, de st Pie V à Paul VI, et le bulletin de l'association "Pro Liturgia".
Je n'oblige pas ceux qui ne s'intéressent pas à cette question ou qui désirent absolument "tordre le cou à tous les débats" à me lire.
Voici donc une comparaison systématique de l'ancien rite et du nouveau rite de l'offertoire. Dans la vieille liturgie, l'offertoire commençait avec une invitation à la prière faite par le prêtre: Oremus. Mais il n'y avait aucune oraison... Cet oremus invitait les fidèles plus à s'asseoir qu'à faire oraison. L'ordo actuel a restauré ici les "prières universelles" qui existaient autrefois dans de nombreux rites et que le rite romain n'avait conservées que dans la liturgie du Vendredi-saint. Le Concile est donc revenu à une tradition fort ancienne. Il y avait un choix à faire: soit supprimer l'oremus, qui n'avait plus de raison d'être, soit rétablir une prière venant logiquement après l'oremus. C'est la deuxième solution qui a été retenue, parce que plus conforme à la tradition liturgique,
- L'offrande du pain et la prière "Suscipe".
Suscipe, sancte Pater, omnipotens aeterne Deus, hanc immaculatam bostiam, quam ego, indignus famulus tuus, offero tibi Deo meo vivo et vero, pro innumerabilibus peccatis, et offensionibus, et negligentiis meis, et pro omnubus circumstantibus, sed et pro omnibus fidelibus christianis, vivis atque defunctis, ut mihi et illis proficiat ad salutem in vitam aetemam. Amen.
Recevez, Père saint, Dieu éternel et tout-puissant, cette offrande sans tache que moi, votre indigne serviteur, je vous présente à vous, mon Dieu vivant et vrai, pour mes péchés, offenses et négligences sans nombre, pour tous ceux qui m'entourent, ainsi que pour tous les fidèles vivants et morts: qu'elle serve à mon salut et au leur pour la vie éternelle. Amen. Cette prière ne fait pas partie de la liturgie romaine: on peut dire qu'elle n'est pas "traditionnelle". On peut faire plusieurs remarques à son sujet: elle utilise la première personne du singulier, ce qui est contraire aux habitudes du rite romain qui, lui, utilise habituellement la première personne du pluriel. Cette utilisation de la première personne du singulier s'explique parfaitement il s'agit d'une prière privée qu'on retrouve au IXème siècle non pas dans un missel "romain", mais dans le Liber Precationum (c'est-à-dire le "livre de prières") de Charles-le-Chauve (875-877).
Cette prière contient des germes d'erreurs théologiques. En effet, elle conduit à attribuer à un simple morceau de pain -désigné ici sous les termes d' "hostie sans tache"- une vertu incroyable, puisqu'on lui attribue le pouvoir d'agir pour le salut des vivants et des morts. Vatican II l’a donc supprimé ce qui pouvait être cause d'erreur et a opté pour une formule plus simple, plus proche de la Tradition romaine comme on le verra plus loin :
Benedictus es. Domine, Deus universi, quia de tua largitate accepimus panem, quem tibi offerimus, fructum terrae et operis manuum hominum, ex quo nobis fiet panis vitae.
Tu es béni, Dieu de l'univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes; nous te le présentons: il deviendra le pain de la vie.Cette formule reprise également dans l'offrande du vin, est inspirée des bénédictions juives. On peut donc penser que le Christ les a prononcées le jour de l'institution de l'Eucharistie, puis à nouveau devant les disciples d'Emmaüs, etc... C'est donc effectivement parfaitement traditionnel !
- la prière dite pendant que le célébrant verse l'eau dans le calice.
Deus qui humanae subtantiae dignitatem mirabiliter condisti, et mirabilius reformasttida nobis, per huius aquae et vini mysterium eius divinitatis esse consortes, qui humanitatis nostrae fieri dignatus est particeps, Iesus christus, filius tuus, Dominus noster : qui tecum vivit et regnat in unitate spiritus Sanct, Deus, per omnia saecula saeculorum. Amen.
Dieu qui, d'une manière admirable, avez créé la nature humaine dans sa noblesse, et l'avez restaurée d'une manière plus admirable encore, accordez-nous, selon le mystère de cette eau et de ce vin, de prendre part à la divinité de celui qui a daigné partager notre humanité, Jésus-Christ votre Fils, notre Seigneur qui, étant Dieu, vit et règne avec vous et l'unité du Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Amen.
Voici une magnifique prière qui accompagne l'un des plus anciens rites liturgiques: le mélange de l'eau et du vin. Cette prière est véritablement "romaine"... Mais ici, elle n'est pas à sa place : il s'agit d'une ancienne oraison que trois sacramentaires romains (les ancêtres de notre actuel missel) proposaient pour la fête de Noël. C'est ici tout le sens du mystère de l'Incarnation qui ci évoqué; cette oraison a simplement été "complétée" par les mots "per huius aquae et vini mysterium", afin qu'elle puisse mieux "coller" avec le rite d'offertoire. Le missel romain dans son édition de 1969 a abrégé cette prière pour ne conserver que les paroles qui éclairent le rite : Per huius aquae et vini mysterium eius divinitatis esse consortes, qui humanitatis nostrae fieri dignatus est particeps. Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l'Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. Ce ne sont que les paroles centrales de l'ancienne prière qui ont été conservée pour souligner le geste que fait le célébrant; le développement plus théologique, issu de la célébration du mystère de l'Incarnation, a été laissé de côté: il n'avait pas véritablement sa place dans le rite d'offertoire dont les gestes se suffisent à eux-mêmes.
- L'offrande du vin et la prière "Offerimus tibi".
Avant le Concile, le célébrant disait la prière suivante en élevant un peu le calice au-dessus de l'autel :
Offerimus tibi, Domine, calicem salutaris, tuant deprecantes clementiam, ut in conspectu divinae Maiestatis tuae, pro nostra et totius mundi salute, cum odore suavitatis ascendat. Amen.
Nous vous offrons, Seigneur, le calice du salut, et nous demandons à votre bonté qu'il s'élève en parfum agréable devant votre divine Majesté, pour notre saint et celui du monde entier. Amen.
Cette prière qui, dans l'ancien missel, est dite à la première personne du pluriel et fait symétrie avec la prière d'offrande du pain "Suscipe sancte Pater", ne se rencontre qu'à partir du Xlème siècle dans certains missels dits "romains".Nul ne peut nier qu'elle contient quelques "maladresses" qu'il convenait de corriger :
- le calice est désigné sous les mots "calice du salut", alors que la consécration n'a pas encore eu lieu;on demande à Dieu que ce calice soit offert "pour notre salut"... ce qui revient à attribuer au vin un pouvoir qu'il n'a pas ; la formule double et amoindrit d'autant l'Orate fratres qui sera dit à la fin du rite d'offertoire. On voit nettement que ces prières d'offertoire sont des décalques de formules qui seront dites au cours de la Prière eucharistique: il était nécessaire de les revoir si l'on voulait que la liturgie ait une réelle cohérence et ne soit pas le support d'approximations théologiques. La restauration conciliaire a simplement conduit à supprimer cette prière pour la remplacer par la formule déjà employée au moment de l'offrande du pain, avec la réponse du peuple si l'antienne d'offertoire n'est pas chantée :
Benedictus es, Domine, Deus universi, quia de tua largitate accepimus vinum, quod tibi offerimus, fructum vitis et operis manuum hominum, ex quo nobis fiet potus spiritalis.
Tu es béni. Dieu de l'univers, toi qui nous donnes ce vin, fruit de la vigne et du travail des hommes; nous te le présentons: il deviendra le vin du Royaume éternel.
- L'invocation du Saint-Esprit: la prière "In spiritu humilitalis" et la prière "Veni Sanctificator".
Dans l'ancien rite de la messe, après l'offrande du vin se trouvaient deux prières. La première était dite par le prêtre incliné en signe d'humilité:In spiritu bumilitatis et in anima contrito suscipiamur a te. Domine ; et sic fiat sacrificium nostrum in conspectu tuo hodie, ut placeat tibi, Domine Deus.
Voyez l'humilité de nos âmes et le repentir de nos coeurs: accueillez-nous. Seigneur; et que notre sacrifice s'accomplisse devant vous de telle manière qu'il vous soit agréable, Seigneur Dieu.
La seconde prière, qui s'enchaîne, est une invocation au Saint-Esprit :
Veni, Sancficator, onmipotens aeterne Deus, et benedic hoc sacrificium tuo sancto nomini praeparatum.
Venez, Sanctificateur, Dieu éternel et tout-puissant, et bénissez ce sacrifice préparé pour votre saint Nom.
La première prière apparaît dans le rite d'offertoire au Xlème siècle; elle est donc relativement tardive. Quant à la seconde prière -l'invocation au Saint-Esprit-, d'inspiration peut-être gallicane, on la trouve dès le IXème siècle dans le Missel de Stowe; mais elle ne sera introduite dans le Pontifical romain qu'au XIIIème siècle. Elle rappelle un passage du 2ème Livre des Macchabées (2, 10).On retrouve, ici encore, l'erreur relevée plus haut, à savoir celle qui consiste à confondre le rite d'offertoire avec le "sacrifice": en effet, la prière adressée au Saint - Esprit ne ressemble-t-elle pas à l'épiclèse que l'on trouve dans la Prière eucharistique, c'est-à-dire à la formule invoquant l'intervention de l'Esprit - Saint pour réaliser la consécration du pain et du vin ? Toutes ces prières ont été introduites dans notre ancienne liturgie au moyen-age (vers le XIIème siècle), lorsque les fidèles ne se sont plus contentés d'un rite simple: la messe s'est alors surchargée d'un groupe de signes et d'oraisons qui, plus tard, seront considérés comme faisant partie du rite romain originel. Le pape Innocent III (1198-1216) tentera bien de ramener les rites à leur simplicité primitive, mais en vain... Ce qui prouve qu'à cette époque déjà, l'obéissance en matière de liturgie n'était pas toujours de mise. La restauration liturgique a remis les choses en ordre pour éviter toute confusion: elle a conservé la première prière (In spiritu humilitatis...) mais a supprimé la seconde (Veni, sanctificator...).
- rite du lavement des mains du célébrant.
A la messe solennelle, le lavement des mains fait suite à l'encensement de l'autel;" à la messe simple (ou lue !) il se fait tout de suite après que le célébrant ait dit la prière "in spiritu humilitalis... ".Le sens mystique du lavement des mains -ou plutôt des doigts- est souligné dès le IVème siècle. S. Cyrille de Jérusalem écrit; "Ce geste indique que nous devons être purs de tout péché. Ce sont nos mains qui agissent; laver nos mains n'est autre chose que purifier nos actions". Faisant allusion au geste de Pilate, un autre auteur écrit; "Prenons garde que chacun de nous puisse dire en toute vérité: je suis innocent du sang de Jésus-Christ".
Dans l'ordo en usage avant le Concile, le prêtre se lavait les doigts en récitant le Psaume 25 partir du verset qui commence par les mots "Lavabo inter innocentes manus meas" (Je me lave les mains comme ceux qui sont innocents) et qui ont donné à ce rite le nom de "Lavabo":
Lavabo inter innocentes manus meas: et circumdabo altan tuum. Domine: ut audiam vocem laudis, et ennarem universa mirabilia tua. Domine, dilexi decorem domus tuae. Ne perdas cum impiis, Deus, animam meam, et cum vins sanguinum vitam meam: in quorum manibus iniquitates sunt.- dextera eorum repleta est muneribus. Ega autem in innotientia mea ingressus sum.- redime me, et misenre mei. Pes meus stetit in directio : in Ecclesiis benedicam te, Domine. Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto; sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.
Je me lave les mains comme ceux qui sont innocents, et je me tiens, Seigneur, devant ton autel pour faite entendre mon chant de louange et proclamer chacune de tes merveilles. Seigneur, j'aime la beauté de ta maison, et le lieu de gloire où tu habites. Mon Dieu, ne condamne pas mon âme avec celle des pécheuis; ne m'enlève pas la vie comme aux criminels. C'est de leurs mains encore tacîiées de crimes qu'ils viennent t'apporter leurs offrandes. Je me présente en toute innocence: sauve-moi, aie pitié de moi. Avec fermeté j'ai marché dans le droit chemin; devant toute l'Eglise je te bénirai, Seigneur. Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Comme il était au commencement, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Amen.
Ces paroles n'accompagnent le geste da lavement des mains que depuis le Xlème siècle. On remarquera que, si les premiers mots de la prière correspondent bien au rite effectué, le reste du psaume ne se rapporte guère à l'action liturgique. C'est pour cette raison que la restauration liturgique voulue par Vatican II a corrigé la prière. Une nouveauté de plus, rétorqueront certains? Pas si sûr : l'histoire de la liturgie nous enseigne que, primitivement, le célébrant ne disait que le verset "Lavabo " en se lavant les doigts, coutume que l'on retrouve dans la liturgie dominicaine, laquelle n'a conservé que les trois premiers versets du Psaume 25.
En d'autres endroits où l'on célébrait selon le rite romain, ce n'était pas le Psaume 25 qui était récité mais quelques versets du Psaume 50: "Amplius lava me ab iniquitate meae...". C'est donc ce Psaume 50, correspondant parfaitement à la tradition liturgique, qui a été repris à la suite de Vatican II.
Désormais, le célébrant récite une formule plus brève qui souligne mieux le geste liturgique:
Lava me. Domine, ab iniquitate meae, et a peccato meo munda me.
Lave-moi de mes fautes. Seigneur, et purifie-moi de mon péché.
-L'oraison "Suscipe sancta Trinitas".
Dans le rite en usage avant le Concile, sitôt que le célébrant avait fini de se laver les doigts, il revenait au centre de l'autel où, les mains jointes et un peu incliné, il disait une dernière grande oraison:
Suscipe sancta trinitas, hanc oblationem, quam tibi offerimus ob memoriam passionis, resurrectionis et ascensionis Iesu Christi Domini nostri, et in honorem beatae Mariae semper Virginis, et beati Iohannis Baptistae, et sanctorum apostolorum Petri et Pauli, et istorum, et omnium sanctorum ; ut illis proficiat ad honorem, nobis autem ad salutem ; et ili pro nobis intercedere dignentur in caelis, quorum memoriam agimus in terris. Per eumdem Christum Dominum nostrum. Amen.
Recevez, Trinité sainte, cette offrande (ou "oblation") que nous vous présentons en mémoire de la Passion, de la Résurrection et de l'Ascension de Jésus-Christ notre Seigneur, en l'honneur également de la bienheureuse Marie toujours Vierge, de saint Jean-Baptiste, des saints Apôtres Pierre et Paul, des saints dont les reliques sont ici, et de tous les saints. Qu'elle soit pour eux une source d'honneur et pour nous une cause de salut; et qu'ils daignent intercéder pour nous au ciel, eux dont nous célébrons la mémoire sur cette terre. Par le Christ notre Seigneur. Amen.
Cette prière s'adresse à la Trinité: on la retrouve, sous des formes semblables, dans certaines liturgies orientales, mais pas dans le rite romain; elle est plutôt d'inspiration gallicane. Une fois encore, on attribue à la simple offrande du pain et du vin le pouvoir de nous garantir le salut; ne subsiste-t-il pas alors le risque d'amoindrir la portée de la Consécration par laquelle le Corps et le Sang du Christ deviennent les seuls moyens véritables du salut? Cette oraison n'existe pas dans la liturgie des Chartreux, ce qui prouve qu'au Xlème siècle, elle ne fait pas encore partie des différentes formes prises par la liturgie romaine. Par contre, la liturgie dominicaine connaît cette prière à quelques variantes près. Comme on sait que les Dominicains ont conservé des rites en usage au Xlllème siècle dans la majorité des églises de France, on peut penser que l'oraison "Suscipe sancta Trinitas" a été introduite dans la liturgie au Moyen-Age.
Dans son "Micrologus", Bemold de Constance" - qui, soit dit en passant, s'indigne contre les excès dont il est témoin dans la liturgie - indique qu'au Xlème siècle, l'oraison en question ne fait pas partie de la liturgie ; si elle est récitée par certains, ce n'est qu'en vertu d'une dévotion. Comme on peut le remarquer, l'oraison Suscipe sancta Trinitas anticipe la Prière eucharistique. Comme la prière "Unde et memores" et comme le "Communicantes" du "Canon romain", elle évoque les grands mystères du salut et fait appel à l'intercession des saints. Il est nécessaire, pour mieux comprendre le sens de cette oraison qui achève le rite d'offertoire, de dire ici un mot au sujet des "dyptiques".
Dans une lettre datée de 416, Innocent Ier reproche à l'évêque Decentins de Gubbio de faire lire les noms des offrants avant que les offrandes ne soient recommandées à Dieu par le célébrant II s'agit ici d'une allusion à la coutume non romaine de donner, en lien avec l'Oratio fidelium ("Prières universelles rétablies par Vatican II), les noms de ceux qu'on voulait rappeler: les saints locaux, mais aussi les vivants et les défunts. Des listes de personnes figuraient ainsi sur des "dyptiques". A cette coutume en usage dans les Gaules, Innocent Ier oppose l'usage romain qui fait lire les noms uniquement au cours du Canon de la messe. Lorsque la liturgie romaine va s'implanter en Gaule tout en faisant sienne des usages gallicans (VIIIème – IXème siècle), la lecture des "dyptiques" avant le Canon est encore en usage. C'est Charlemagne qui, par une ordonnance, va supprimer cet usage en 789. Or, vers le XIII° siècle apparaissent, dans les livres servant à la célébration de l'Eucharistie, des séries de prières commençant toutes par les mots "Suscipe sancta Trinitas... ". II n'est pas interdit de penser que ces séries d'oraisons constituent une suppléance de la vieille habitude gallicane de citer des noms à la messe, en dehors du Canon. Par la suite, cette prière finira par s'imposer: à Rome, au XIII° siècle, on adopte une formule de Suscipe qui était employée à Amiens et à Biasca et qui s'était répandue un peu partout. Enfin, s'appuyant sur les travaux du Concile de Trente, S. Pie V finira par insérer le Suscipe sancta Trinitas dans le Missel romain imprimé.
C'est ainsi qu'en liturgie, du "non romain" peut finir par devenir du "romain" et passer ainsi pour "vraiment traditionnel". La réforme liturgique faite à la suite de Vatican II a purement et simplement supprimé cette oraison qui ne faisait pas vraiment partie du rite d'offertoire, qui avait été introduite assez tardivement dans la liturgie romaine, et qui avait fini par embarrasser bien des historiens et des théologiens.
Pour le reste, entre les deux missels un seul mot est changé : le missel de 1969 a supprimmé l'amen qui conclut la prière "Orate fratres".
Je vous remercie beaucoup pour cette étude sérieuse et documentée. Cela correspond complètement à mon attente. Par respect pour votre travail, je ne souhaite pas répondre tout de suite. Je souhaite me documenter davantage pour avoir un dialogue honnête.
La réflexion que m'inspire néanmoins votre texte, au delà du sujet de l'offertoire, c'est celle d'une dérive archéologiste qui n'est pas, selon moi, liturgique. C'est la première fois à ma connaissance dans l'histoire que l'on fait un tel charcutage du rite de la messe pour recoller à "la coutume ancienne". Tout ça semble artificiel. Ce qui est à chercher, c'est un développement naturel et constant. On reproche aux traditionalistes une vision fixiste des choses pour essayer de retourner à une autre forme figée mais plus ancienne. Je ne comprends pas cela. Si ces prières ont été rajoutées, il y avait une raison. La doctrine devait être précisée. Force est de constater que toutes les hérésies qu'elles contraient refont surface à toute allure. Les catholiques étaient capables de comprendre les légères ambiguités que vous relevez avec justesse, on aurait pu les dissiper aussi sans tout enlever. Je m'en tiens à cette idée d'archéologisme et je reviendrai plus tard sur l'offertoire. Le temps de relire quelques ouvrages, mais je n'oublierai pas, je promets.
François-Xavier a écrit :
Ca c'est votre lecture si on veut bien lire : l'édifice litrugique dotn il s'agit, c'est le rite romain. (qu'est ce que ca pourrait être d'autre ?). Il apparaît de nouveau dans sa splendeur (splendeur, qui a priori a du être un petit peu assombrie dans les éditions précédentes, sinon, il n'y aurait pas ce "de nouveau") de sa dignité (on parle quand même de la dignité retrouvée du missel romain par rapport à ses prédecesseurs) et de son harmonie (on avait probablement perdu une certaine harmonie de l'ordo...). Sinon, comment interprétez vous cette phrase ?
J'interprète ce "de nouveau" comme "une fois encore", sans jugement de valeur sur le rite précédent. De plus, cette citation est, à l'origine, de saint Pie X. Donc je vois mal comment elle pourrait impliquer la gradation que vous suggérez...
En vérité, tout cela exige, selon le jugement des experts, un travail aussi étendu par son ampleur que par le temps qu’il demandera ; aussi est-il nécessaire que passent de nombreuses années avant que cet édifice liturgique, pour ainsi parler… apparaisse de nouveau dans la splendeur de sa dignité et de son harmonie, une fois nettoyé des enlaidissements, dus à l’âge
Motu proprio Abhinc duos annos (23 octobre 1913)
François-Xavier a écrit :
J'admets que cette appellation "ordinaire" et "extraordinaire" est un vocabulaire pour initié. Un vocabulaire que se sont empressés de travestir dans un certain sens un certain nombre de "tradis", et parfois à mon chagrin, même des gens que j'estime, pourtant, comme le P. Abbé du Barroux. C'est triste. Extrarodinaire veut pourtant bien dire en dehors de l'ordre, dans le vocabulaire ecclsiastique. C'est à dire "non naturel". Si on connaît la définition exacte des mots, on peut comprendre. J'admets que ce n'est pas immédiat. Mais c'est la réalité.
Tout le monde a compris le sens de ce mot. Vous et moi. Ce que je ne comprends pas, c'est la portée excessive et uniforme que vous lui donnez. Comme je l'ai dit, toutes les mesures extraordinaires n'ont pas la même portée. La FERM a été constamment encouragée, contrairement aux ministres extraordinaires de la communion. Le statut juridique est le même, mais l'esprit est différent.
François-Xavier a écrit :
la liberté, évidemment. Pour autant, liberté ne signifie pas libre arbitre. Dieu vous envoie vers les gens là où ils sont, dans l'évangélisation, qui est notre devoir à tous. L'Eglise propose la sanctification pour la plupart d'entre nous avec des moyens ordinaires. L'exceptionnel existe, c'est un fait. Il n'a pas vocation à être répandu partout.
Pourquoi la FERM n'aurait-elle pas vocation à être répendue partout? Je trouve votre affirmation gratuite. Si elle n'avait pas vocation à être répendue, elle ne serait pas encouragée, c'est une question de bon sens. Si vous me répondez en me disant "parce qu'elle est extraordinaire", je crois que nous risquons de tourner en rond pendant des heures. Au lieu de dire que c'est un vocabulaire d'initiés, je trouve qu'il serait plus sage de justifier votre affirmation pour les pauvres non-initiés comme moi.
Notez au passage que je ne prétends pas avoir prouvé quoi que ce soit sur la portée de ce mot non plus. Je donne une interprétation qui me semble de bon sens suite à la croissance constante de la FERM depuis qu'on a essayé de la faire disparaître. Je pense ma position plus juste en raison du contexte ecclésial, mais pour moi, ni vous ni moi ne pouvons prétendre avoir apporté une preuve de nos positions.
François-Xavier a écrit :
Peut être que justement en vous impliquant dans votre paroisse, ou dans une paroisse à potentiel, vous feriez bénéficier votre expérience de la FERM à la FORM pour l'enrichissement mutuel. L'enrichissement mutuel c'est aussi un appel aux tradis pour qu'ils s'impliquent dans la FORM ! Vous êtes liturgiste, donc vous êtes concerné! Un peu d'énergie que diable!
Bonne nuit
FX
Je ne vois pas ce qu'il y aurait de mutuel dans un tel enrichissement... Donc pour moi, vous me proposez autre chose, une mission, pas un enrichissement mutuel... D'autant plus que la seule chose que je peux faire en allant dans ma paroisse, c'est m'épuiser et perdre le peu de vie intérieure que j'ai. Cela ne me semble ni réaliste, ni raisonnable. Je suis tombé trop souvent dans le piège de l'activisme, aujourd'hui, je ne le souhaite plus.
Bien cordialement,
Wanderer