Oui, vous avez raison.Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:02Oui, d'une certaine façon cela ne va pas le causer directement comme dictant ma conduite. Il y a le concours de la volonté (et en même temps "Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas." (Romains 7:19)) .
Mais disons que c'est un facteur qui influence fortement.
Oui c'est vrai qu'il m'apparaît tendancieux de parler de cause car cela déresponsabilise totalement d'une certaine façon. " C'est à cause de ma condition, de ma faiblesse ! ", ce serait alors poser le problème à l'extérieur quand c'est ici par le concours de ma volonté que la chose se produit. Cela influence, et parfois très intensément, mais cela ne cause pas. En tout cas, pas directement car cela produit un obscurcissement de la volonté, des pulsions, des addictions, des comportements qui font tendre la volonté vers une direction, bien que ça ne la remplace pas.
Et en même temps, sans ce facteur on peut penser que la volonté prendrait une direction différente donc si ce n'est pas la cause directe de l'expression de la volonté, ça reste néanmoins la cause de ce mouvement de volonté. C'est comme si je disais "c'est de ma faute, j'ai mal agit" et qu'on me demandait derrière "pourquoi ?". Cela suppose une cause/motif préalable.
Oui parce que ce n'est pas seulement pour moi une question de degré de complexité (où ce serait trop complexe pour pouvoir être saisi par notre intelligence) mais une impossibilité qui tient à la nature du volontaire.
Pour moi la conscience est d'essence purement qualitative, son progrès ne peut pas se réduire à du quantitatif (à des données chiffrées ou à des rapports numériques) et donc ne peut pas se calculer. En avoir une connaissance intégrale suppose une sympathie concrètement éprouvée.
Oui mais justement, est-ce que vous n'êtes pas victime d'une illusion qui vous fait supposer que nos actes se réduise à une multiplicité de causes analogues à celles dont vous avez donné des exemples ?
Ce que je pense, c'est que ce n'est pas le cas - quand bien même cette multiplicité serait insaisissable parce que trop complexe.
Pour le coup, je m'inscris en faux. Je pense que, d'un point de vue temporel, il y a réellement de la nouveauté. Sans qu'on tombe pour autant dans les conséquences que vous pointez du doigt.Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:02Je pense que rien n'existe qui ne vienne de Dieu. Il est toute connaissance car rien de ce que l'on peut découvrir ou inventer n'est vraiment nouveau en soi. Je veux dire qu'on ne va pas inventer quelque chose de fondamentalement nouveau, qui soit comme indépendant de Dieu et dont il ne serait pas la cause première. On "joue" avec ce que Dieu nous donne et on "invente" mais sans véritablement inventer quelque chose que Dieu découvrirait et qui ajouterait à sa connaissance (où là, il ne serait effectivement plus toute connaissance puisqu’il y aurait quelque chose de nouveau qu'il apprendrait).
C'est comme des enfants qui vont jouer avec des Legos et qui vont "inventer" des constructions. Mais ils n'inventent rien en soi, ils n'ont pas inventé l'outil Lego ni les différentes possibilités de construction. Elles existent déjà en soi, ils ne font que manipuler ce qui est donné.
En somme, vous concevez le temps comme une simple décomposition/recomposition d'éléments qui seraient déjà donnée. Mais cela suppose de concevoir le réel comme une multiplicité discrète d'éléments - alors que c'est une conception qui ne peut faire sens que pour le monde matériel et pas pour le progrès d'une conscience qui n'est pas décomposable en éléments (pensez à une émotion, un amour, une personnalité... ça n'a pas de sens de la décomposer en une conjonction d'éléments, même une conjonction très complexe ; c'est ne pas en voir la nature qualitative).
Ce n'est pas parce quelque chose est "fondamentalement nouveau" qu'il est "indépendant de Dieu" puisque c'est Dieu qui le produit en nous et par nous. Donc Dieu en est bien la cause première.
Rien ne s'ajoute à Dieu puisque pour lui tout est déjà donné.On ne va pas faire une découverte (que ce soit scientifique, philosophique, psychologique, etc.) qui soit réellement, véritablement nouvelle et qui viendrait s'ajouter à Dieu. Comme si Dieu découvrait lui aussi une connaissance nouvelle. Et c'est là où je pourrais faire le parallèle avec la critique que je faisais sur "l'imprévisibilité" car s'il y a véritablement de l'imprévisible alors il y a du nouveau pour Dieu qui s'ajoute à sa connaissance. Il y a comme un facteur (liberté ?) qu'il n'englobe pas et dont il apprend. Il y a chez la créature une part de mystère pour Dieu qu'il ne connaît pas et qu'il découvre (de toute éternité)
Mais avec cela, Dieu n'est plus au fondement, au plus intime de l'homme.
Mais aussi et surtout, Dieu n'est plus le Tout.
Dieu ne "découvre" rien : découvrir suppose un état antérieur d'ignorance, donc la temporalité.
Vous avez raison : j'ai sans doute parlé d'imprévisibilité avec trop de confiance. Elle ne peut qu'être relative aux êtres temporels. Pour Dieu il n'y a ni prévisibilité, ni imprévisibilité puisque tout est déjà là. C'est ce que vous développez dans le paragraphe suivant donc je n'insiste pas, mais je pense que cela répond à vos objections ici.
En fait, parler d'un caractère "fondamentalement imprévisible" de la création était sans doute une erreur, parce que la prévisibilité et l'imprévisibilité sont toujours relatifs à un être qui prévoit ou ne peut pas prévoir.
Ce que je voulais dire, c'est que d'une part la création est imprévisible pour les êtres temporels qui sont "dedans" si je puis dire, et qu'elle n'est ni prévisible, ni imprévisible pour Dieu (puisque la prévisibilité suppose que le futur ait un sens pour Dieu, autrement dit que Dieu soit temporel).
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C'est la position que je défends.Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:02Ou alors, pour partir sur une optique a-temporelle, conviendrait-il de penser que l'omniscience de Dieu repose sur le fait que de sa position a-temporelle il a de toute éternité connaissance de tout ce qui est temporelle, et ainsi des événements imprévisibles ? Ici, il n'ajoute effectivement rien à sa connaissance, il n'apprend rien "temporellement" mais il y a que quelque part sa connaissance totale dépende tout de même de la création, mais aussi de son A-temporalité. Quoiqu'en même temps, on pourrait dire qu'il apprend de lui-même, de par SA création.
Si Dieu n'est plus le Tout, cela me paraît douteux aussi !On pourrait presque dire qu'il n'est plus le Tout mais qu'il contient le Tout, qu'il a connaissance du Tout. Et effectivement, il n'est alors plus toute connaissance mais il a toute connaissance.
Cela me paraît tout de même douteux.
Mais je ne comprends pas, pourquoi tirer une telle conclusion ?
Qu'est-ce que cela veut dire que Dieu avait déjà cette connaissance totale "en-dehors de la création" ?Est-il convenable de penser que la connaissance éternelle, a-temporelle de Dieu lui est comme donnée de l'extérieur ? Quoique cela est en réalité bancal car s'il apprend de la création qu'il a créée, en réalité c'est qu'il apprend de lui-même. Et s'il apprend de lui-même alors c'est qu'il avait déjà cette connaissance totale en-dehors de la création. Et la création n'a pas vraiment participé à sa connaissance totale. Elle y aurait participé si la création n'était pas de Dieu mais indépendante. Mais si elle avait été indépendante elle ne serait plus englobée par Dieu.
Il n'y a pas en Dieu un moment où il n'avait pas créé et où il savait ce qu'il allait faire, puis un moment où il crée. C'est tout un.
Il n'y a pas de connaissance de la création par Dieu en-dehors de son acte créateur.
Pas parce que sa connaissance serait limitée mais simplement parce que cela n'a pas de sens.
Ensuite, si par "participation de la création à la connaissance de Dieu" vous entendez une participation indépendante de l'acte créateur lui-même, il est sûr que cela n'a pas de sens non plus.
C'est ça que je conteste : l'opération de l'homme n'est pas déductible d'une série de propriétés que l'on pourrait idéalement connaître. Des termes comme "la conscience", "la volonté", "l'expérience" ne sont pas des causes dont on pourrait déduire à coup sûr les conséquences parce qu'elles ne sont pas homogènes à leurs conséquences (il y a plus dans l'effet que dans la cause).Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:08Alors, j'imagine que le "mode opératoire" de l'homme va par exemple englober des propriétés telles que la conscience, la volonté, l'expérience, la finitude, les capacités physiques, etc. Et ce mode opératoire va aboutir à une opération, un choix, une action, une pensée.
En fait, tout dépend de ce que vous entendez par "cause première".Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:08Mais si Dieu cause et donc connaît le mode opératoire de chaque créature, c'est qu'il connaît également chaque propriété de ce mode opératoire, aussi intime soit-elle. Et c'est logique puisqu'il en est la cause première, l'architecte. Ainsi donc, causant et connaissant l'opération des causes secondes, comment celles-ci pourraient-elles être imprévisibles pour Dieu ?
Vous allez me dire qu'elles ne sont pas imprévisibles pour Dieu mais c'est seulement en vertu de son A-temporalité et non pas du fait de sa position de Créateur, de cause première. C'est ça qui me gênerait.
Si par "cause première" vous entendez une sorte de "poussée initiale" depuis laquelle les causes et les effets s'enchaîneraient naturellement, je ne suis pas d'accord. Cela voudrait dire que la totalité des temps était déjà contenue par avance dans le Big Bang et pourrait s'en déduire, non seulement par Dieu mais par un esprit temporel super-intelligent capable lui aussi de connaître toutes les propriétés du Big Bang.
Si par "cause première", vous entendez la cause actuelle immédiate de tout ce qui est, là je vous suis. Comme Dieu produit tout ce qui est de toute éternité, cela n'a pas de sens de parler pour lui d'imprévisibilité.
Encore une fois, ce que je conteste c'est que Dieu puisse connaître par mode de calcul à partir de tous les paramètres d'une situation à un instant T, ce qui se passera à l'instant T+1.
C'est une impossibilité qui tient à la nature même de la création, et qui ne limite en rien son omniscience.
Là on entre dans le problème de la dignité des causes secondes, qui n'est pas le même problème.Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:08Si ces opérations sont imprévisibles en soi alors c'est comme si elles étaient spontanées. Vous me diriez que c'est l'action qui est spontanée et non le mode opératoire qui lui est causé par Dieu, que cela revient finalement au même. Car l'action, le choix dépendent du mode opératoire. Or, si Dieu le cause et le connaît alors il en connaît du même coup l'expression.
Si le choix ou l'action de la créature sont imprévisibles alors c'est qu'ils sont spontanés. Et s'ils sont spontanés c'est comme s'ils étaient indépendants d'un mode opératoire et par voie de conséquence, tout le mode opératoire, l'opération est spontanée. Mais s'ils sont spontanées alors Dieu n'en est plus la cause première mais ils existent par eux-mêmes. Et alors "chaque créature rationnelle serait dotée de son propre mode opératoire et de propriétés qui finalement ne tiennent qu'à elle, qui ne sont données et ne viennent de nulle part" .
De mon point de vue, Dieu produit aussi directement l'opération de la créature, mais conjointement avec elle et en respectant sa liberté. Non pas de telle façon qu'on pourrait attribuer certaines choses dans l'acte à Dieu et certaines autres à la créature, mais de telle sorte que l'acte tout entier dans son unité soit produit par Dieu et par la créature. Cette collaboration ne doit pas se penser sur un modèle humain mais d'une façon mystérieuse et qu'on ne peut concevoir.
Je suis bien d'accord avec vous qu'une telle "spontanéité" n'existe pas.Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:08À moins que l'on suppose qu'il y a dans le mode opératoire une propriété (liberté ?) qui rende l'expression imprévisible. Mais cela me semblerait au final réduire l'expérience, la psychologie, la conscience, et bien d'autres facteurs du mode opératoire à rien, si ce qui en émerge n'en est pas le fruit direct, si finalement on se trouve face à une expression véritablement spontanée. Car spontanée signifie sans cause, sans motif (si je ne fais pas une confusion sur le sens du mot). Et il me semble que pour qu'un évènement soit vraiment imprévisible il faille qu'il soit spontané. Mais s'il l'est, alors on ampute l'individu de son passé, on retire tout sens à la temporalité et tout lien entre chaque instant du vécu d'une personne. On a juste une expression spontanée qui pourrait simplement venir de notre "moi" profond et véritable et qui n'est alors soumise ni aux interactions du temps ni au changement, à savoir une créature a-temporelle ?!
Nos actes sont cohérents avec notre passé sans pour autant pouvoir en être déduits mathématiquement. C'est comme dans un roman, vous ne pouvez pas prévoir à l'avance comment le personnage va évoluer, et pourtant il y a une cohérence.
C'est comme ça que cela se passe pour le progrès de notre personnalité : l'adulte n'était pas contenu d'avance dans l'enfant que nous étions. Et pourtant l'adulte que nous sommes aujourd'hui est bien la continuité de cet enfant. Continuité n'implique pas déduction mathématique mais simplement cohérence.
On peut aussi songer à la manière dont l'amour que nous avons pour une personne (ou pour Dieu) grandit et s'enrichit avec le temps : il y a là incontestablement un progrès qualitatif qui ne peut pas se ramener à l'effet de certains paramètres pré-donnés.
Pour moi la spontanéité n'est pas le pur détachement de tout ce qui précède mais le fait qu'il y a plus dans ce qui arrive que dans les conditions initiales.
D'où vient ce "plus" ? De Dieu par la créature.
Je ne vois pas pourquoi, ou alors cela est résolu par ma correction sur le fait qu'il n'y a pas d'imprévisibilité pour Dieu.Didyme a écrit : ↑lun. 20 avr. 2020, 18:08Par ailleurs, il est dit de Dieu qu'il est notre fondement, qu'il est au plus intime de nous. Or, si l'on pouvait véritablement avoir une expression imprévisible, que Dieu ne pourrait connaître qu'en vertu de son a-temporalité, alors cela signifierait qu'on a une part de nous encore plus intime où Dieu n'est pas, plus intime que Dieu. Mais ce serait comme si Dieu n'en était plus la cause, le fondement.
Peut-être parce que cela n'appartient pas à l'ordre de la pensée logique mais plutôt à l'expérience vécue ?