Bonjour Socrate d’Aquin,
Je vous remercie pour cet article, mais à sa lecture, il me semble assez clair qu'il apporte la confirmation des méthodes violentes des missionnaires catholiques, et particulièrement des jésuites.
Par exemple, le père Taft écrit à propos de l’Éthiopie :
The trouble began under the Negus Susneyios, who had already embraced Catholicism privately. At his behest, the Holy See named Alfonso Mendez, S.J., patriarch. Mendez arrived in Ethiopia in 1625; the following year the union of the Ethiopian Church with Rome was proclaimed. The Jesuits proceeded to make the same mistakes their confreres were making at the same time in Malabar. The Gregorian Calendar, as well as Latin fasts and abstinences were imposed by force of arms. Mendez even wanted to impose the Roman liturgy translated into Ge’ez. Inevitably, the people revolted; the Jesuits were expelled in 1636; and Ethiopia was closed to the Catholic Church for two hundred years.
Et ce n'est pas exactement un cas isolé...
Maintenant, pour ce qui est de l'uniatisme, rappelons que ses origines remontent à la tentative de l'Union de Florence (1439), qui d'ailleurs n'a nullement été menée par Romains et Byzantins sur les bases d'un rapport de force égalitaire, comme le suggère le père Taft dans son article ; les Byzantins espéraient avant tout, en participant à cette réunion, obtenir du pape un appel à la croisade contre les Turcs, qui encerclaient Constantinople. C'était donc une situation favorable aux catholiques, puisque les orthodoxes venaient demander de l'aide.
(D'ailleurs il suffit de voir que parmi les participants, on comptait une trentaine d'ecclésiastiques orthodoxes contre une centaine de cardinaux romains pour constater que les négociations n'ont pas pu se dérouler sur un pied d'égalité.)
Suite à l'échec de cette union, on assiste au cours des deux siècles suivants à l'extension de la Pologne-Lituanie, qui s'accapare des territoires appartenant autrefois à la Russie (kiévienne puis moscovite), et donc peuplée d'orthodoxes. Dès le départ, les relations entre orthodoxes sont donc conflictuelles : ainsi, en 1481, le roi polonais Casimir IV publie un édit interdisant non seulement la construction de nouvelles églises orthodoxes, mais même la réparation de bâtiments existants. Le métropolite de Kiev Misaël (1474-1480), pourtant partisan d'une union partielle avec Rome, écrit au pape Sixte IV pour lui demander de faire cesser les persécutions dont sont victimes ses ouailles en Pologne. Voici un extrait de cette lettre :
Nous voyons dans nos pays beaucoup de membres de l'Église occidentale, du nombre de ceux qu'on nomme pasteurs, qui pensent augmenter leur troupeau par la fureur, et par-là, ne font que le détruire. Des hommes dignes sont jugés, fouettés et torturés, et d'autres sont entraînés de force d'une foi vers une autre. Ces pasteurs insensés font régner la peur par les cris, en bannissant et excommuniant injustement les uns, frappant au visage les autres de leur crosse et les battant à mort. D'autres encore, ils les frappent du pied dans le dos et leur cassent les côtes.
Source : Аnton V. Kartašov,
Essais sur l'histoire de l'Église russe (en russe).
Voir aussi
The Challenge of our Hope: Christian Faith in Dialogue, du prêtre catholique Wacław Hryniewicz, ainsi que
Des Rhôs à la Russie. Histoire de l'Europe orientale (730-1689), de P. Gonneau et A. Lavrov, pp. 504-505.
De nombreux autres documents historiques (polonais, ukrainiens, russes) attestent de faits similaires et confirment que les conversions forcées, les violences physiques et même spirituelles (interdiction d'enterrer des orthodoxes en terre consacrée) étaient largement pratiquées par les tenants de l'union avec Rome.
Cela dit, et c'est là que je rejoindrai en partie le père Taft, l'uniatisme est aussi, il ne faut pas l'oublier, issu de la propre initiative du clergé ruthène (c'est-à-dire des évêques orthodoxes exerçant leur juridiction sur les territoires de ce que sont aujourd'hui la Pologne orientale, la Biélorussie et l'Ukraine occidentale).
À ce sujet, il faut savoir qu'il existait en Russie et en Ruthénie des confréries ou « fraternités ecclésiastiques », formées de laïcs, qui disposaient parfois de prérogatives considérables. Les plus influentes étaient la confrérie de Lviv en Galicie, celle de Vilnius en Lituanie et la confrérie de l'Épiphanie à Kiev. Ces confréries participaient à l'élection des évêques et des métropolitains, surveillaient la gestion des biens de l'Église, protestaient contre les abus des évêques et du clergé, et de manière générale, défendaient les intérêts de l'Église orthodoxe, en particulier devant les autorités des pays catholiques dans lesquels ils vivaient.
Or le clergé souhaitait, pour des raisons que l'on peut aisément deviner au vu de ce qui précède, se débarrasser des confréries et de leur immixtion dans leurs petites affaires. C'est dans ce contexte qu'une partie de la haute hiérarchie orthodoxe a commencé à trouver fort séduisante l'idée d'une union avec l'Église catholique, ce qui aboutit en 1595 à l'union de Brest.
Je pense que ce rite est une farce qui n'a jamais fonctionné et en est incapable, un rite abâtardi et hellénisé.
Attention, je ne parle pas de la secte gnostique nommée « Église catholique orthodoxe de France » ; en ce qui concerne leur « rite des Gaules », votre jugement me semble même assez faible et d’une excessive bienveillance.
Non, je pensais plutôt au rite latin orthodoxe institué au XIXe siècle et célébré encore de nos jours, en certaines occasions et par certaines paroisses, surtout dans les pays anglo-saxons. Sur le site que je vous avais mis en lien plus haut, on peut lire (en anglais) :
- [+] Texte masqué
- The ‘father’ of modern western rite Orthodoxy is J. J. Overbeck (1820-1905). (...) Overbeck was charged with producing an actual rite and came up with a Liturgia Missae Orthodoxo-Catholicae Occidentalis, largely based on the Roman Missal. He nonetheless suppressed the ceremonies attached to the words of institution and added an epiclesis – derived from a Mozarabic source. Needless to say, the filioque was also omitted. The Holy Governing Synod [of the Russian Church] granted this rite its full approbation (...).
[...]
With regard to the liturgy, it was stipulated that all expressions and thoughts not acceptable to Orthodoxy should be expurgated (...). All eastern saints recognized by the Orthodox Church were to be venerated, but only western saints who lived prior to the schism. In particular, unleavened bread was to be used; an epiclesis was to be placed after the words of institution; the laity were to be communicated under both kinds, using a spoon; the liturgy was to be celebrated on antimension consecrated and issued by the local hierarch, to demonstrate the westerners’ unity with the rest of the Church.
Il s’agit donc essentiellement du rite romain tridentin, avec quelques adaptations.
Pour moi, je crois que la liturgie est toujours expression d’une théologie, ou du moins d'une tendance théologique ; je ne suis donc pas favorable au rite latin (fût-il tridentin) dans un contexte orthodoxe.