Pas d'accord.
Je m'y attendais un peu.
Car en l'occurrence, il s'agit dans mes extraits de condamnations touchant la liturgie et les rites en général. Or, le pape peut bien ne considérer que la liturgie latine, et c'est le cas ici. Les Orientaux et leurs coutumes ne sont donc pas concernés.
Mais admettons que l'interdiction d'Auctorem Fidei était limitée dans le temps et a été légitiment mise de côté par Sacrosanctum Concilium. Il n'en demeure pas moins que je ne vois pas de justification pour ce changement d'orientation liturgique, à une époque où les missels bilingues étaient bien plus nombreux et où il était facile de comprendre le déroulement de la liturgie.
Sauf que là, il ne mentionne pas la liturgie latine comme telle. Relisez, je vous prie, le texte d'
Auctorem Fidei : vous y constaterez qu'à aucun moment, nulle part, le Pape ne mentionne la seule liturgie romaine. Il parle de la liturgie, comme telle.
Qui plus est, une fois de plus, ce qu'un pape a fait, un autre pape peut le défaire. Léon III a condamné l'introduction du
Filioque dans le Credo ; l'un de ses successeurs est passé outre. De même ici. Pour cette raison, je suis prêt à concéder qu'il y a des points communs entre Pistoie et Vatican II, de même que l'on peut admettre que, par exemple, Vatican I a des points communs avec une certaine philosophie moderne de l'Etat et de la souveraineté :
https://www.catholicworldreport.com/201 ... montanism/. Cela n'a aucune importance.
Le vrai problème, concernant le latin, c'est qu'à l'époque, il était encore une langue "vivante". Bien entendu, le peuple ne parlait pas latin, mais c'était quand même l'idiome des élites, du clergé, etc. tous parlaient latin couramment. Et même le peuple, s'il ne parlait pas latin, le comprenait. Les fidèles n'auraient peut-être pas été capables de tout traduire, mais auraient saisi le sens de ces prières. Ils savaient à peu près que "
Pater Noster qui es in coelis" signifiait "Notre Père qui êtes aux cieux" ; de même pour les chants du propre, dont ils connaissaient la signification.
Les choses ont changées à partir du début du XXe siècle, où le latin commence à n'être plus une langue comprise du peuple. D'où la nécessité, justement, de publier des missels bilingues : avant, on n'en avait que faire, la liturgie étant encore comprise des fidèles.
Non, parce que s'il est vrai que la plupart des prêtres traditionalistes semblent lire l'épître et l'évangile en vernaculaire, ils le font en quelque sorte en dehors du cadre liturgique, dans lequel ces lectures ont été faites en latin. De plus, la relecture en vernaculaire n'est pas obligatoire et pour ma part, sa suppression ne me gênerait pas outre mesure. C'est qui plus est une pratique semble-t-il relativement récente.
Une telle pratique a été introduite dans l'Eglise par Pie XII, ce me semble (pas vraiment le Pape le plus moderniste au monde) en 1956 :
https://www.ceremoniaire.net/pastorale1 ... do_56.html
Qu'elle soit récente ne change rien à l'affaire.
Avant encore (en 1948 si je ne dis pas de bêtises), on avait publié un rituel bilingue des sacrements, qui fut utilisé tout à fait légalement en France à partir de ce moment-ci.
Dans ce cas précis, il s'agit de lire l’Épître et l’Évangile juste après que ces textes aient été proclamés en latin. Il ne s'agit donc pas d'une parenthèse dans le rite, mais de l'accomplissement même du rite. Il en irait différemment si lesdites lectures avaient été proclamées en-dehors de la Messe (pendant l'homélie par exemple), mais il est permis ici de les proclamer juste après leurs proclamation en latin.
Pie XII est donc un pape moderniste, hérétique, dont les décisions vont clairement à l'encontre des décisions de Pie VI. Voilà la conclusion à laquelle on doit aboutir si l'on tient votre interprétation d'
Auctorem Fidei et que l'on est cohérent à son endroit.
Pourrait-on résumer en quelques points nos désaccords ? Pour ma part, je considère que les réformes liturgiques ont été :
1) problématiques par leur ampleur (absence de développement organique du rite)
2) problématiques dans leur fond (amoindrissement de certaines réalités de foi et ambiguïtés de certains textes, y compris Sacrosanctum Concilium)
3) problématiques dans leur mise en oeuvre
Si je ne dis pas de bêtises, nous sommes d'accord sur le point 3. Par contre, je ne suis plus sûre de votre position concernant le point 1. Dans ce fil, vous semblez déclarer que les réformes furent certes de grande ampleur, mais qu'elles furent néanmoins légitimes et que nous devons nous y soumettre. Cependant, d'après vous, se soumettre au nouveau rite ne signifie pas devoir se soumettre à ce qui se passe de fait dans trop de paroisses, à savoir des abus condamnés par les textes faisant autorité. Est-ce que je vous ai bien compris ? Vous pensez également qu'il est légitime de préférer assister au rite ancien (VOM), y compris de manière permanente, tant qu'il n'y a pas dénigrement du nouveau rite tel qu'il est codifié. Vous allez jusqu'à dire qu'il n'a jamais été abrogé, ce qui est, je suis désolée de le dire, historiquement faux.
En ce qui concerne le point 2, je crois que nous ne sommes clairement pas d'accord.
Nous sommes d'accord sur 1), 3) et, dans une certaine mesure, 2).
1) De fait, il y a un problème de développement organique pour le nouveau missel qui rompt, sur plusieurs points, avec la tradition de l'Eglise romaine ; l'exemple le plus flagrant est la présence d'une pluralité d'anaphores, quand la tradition romaine n'en connait qu'une seule. Ce n'est pas de soi problématique d'un point de vue doctrinal ; mais on n'avait pas besoin de changer à ce point. Comme me le disait un ami : "S'il n'est pas nécessaire de changer [tel point], il est nécessaire de ne pas changer".
Il y a cependant d'authentiques restaurations de traditions authentiquement romaines perdues avec le temps : Secrète et Embolisme chantés à voix haute, fraction pendant l'
Agnus Dei, prière des fidèles, communion sous les deux espèces, certaines pièces grégoriennes...
2) Le nouveau missel comprend effectivement un amoindrissement de certains points dogmatiques. C'est indéniable. De même, certaines positions de
Sacrosanctum Concilium sont discutables (la suppression de Prime par exemple) ; d'autant plus que ce sont des points prudentiels et non dogmatiques. Il est souhaitable que ces amoindrissements soient corrigés et que les quelques points problématiques de
Sacrosanctum Concilium soient discutés.
Cela dit :
- Un amoindrissement n'est pas une élimination (qu'il y ait moins de génuflexions par exemple n'équivaut pas à une abdication de la foi en la Présence Réelle, puisque précisément, il en reste ; n'y en aurait-il qu'une seule, elle serait suffisante).
- Tous les rites catholiques insistent sur des aspects différents de la foi. Par exemple, le rite byzantin (que je connais bien) insiste sur des points du dogme qui sont moins présents dans le rite romain. Pourtant, c'est la même foi, la même doctrine. Qu'il y ait donc des points qui soient moins bien mis en lumière dans la FO ne signifie pas que les autres rites catholiques expriment parfaitement l'intégralité de la foi dans ses moindres détails. On pourrait dire, par exemple, que la FO exprime plus précisément que la FE* le rôle du Saint-Esprit dans la consécration des oblats.
Attention :
tous les rites catholiques expriment
toute la foi. Mais certains insistent sur tel point, au risque de laisser un peu de côté tel autre point (sans pour autant le rejeter en aucune manière, ce qui serait hérétique).
Au passage, dire que la FO est un rite hérétique ou hétérodoxe revient à dire que l'Eglise a failli à transmettre la foi ; donc que les Portes de l'Enfer ont prévalu sur elle ; donc, qu'elle n'est pas l'Eglise ; donc, que nous devons la quitter. Si je devais admettre que la FO était hérétique, je devrais, pour être cohérent, quitter l'Eglise catholique pour rejoindre une autre confession.
* qui a été interdite mais non point abrogée.
Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.