Libre-arbitre, préscience de Dieu et prédestination

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Trinité » mer. 09 janv. 2019, 1:27

Héraclius a écrit :
mar. 08 janv. 2019, 21:17
Trinité a écrit :
mar. 08 janv. 2019, 20:17


J'essaie de comprendre!
Alors les hommes pour qui la prédestination ne serait pas dans le cadre d'actes vertueux et libres, seraient irrémédiablement condamnés! :(

Oui, si Dieu ne donne pas a une âme de poser un acte vertueux et libre, alors selon St Thomas elle en est incapable. C'est parce qu'une homme a ete prédestinee "avant la fondation du monde" qu'elle produira un acte vertueux et libre.

Mais il faut bien garder a l'esprit que cette determination divine ne nie pas, pour St Thomas, le libre-arbitre. C'est a dire que l'âme prédestinee pose vraiment l'acte libre d'amour de Dieu et du prochain qui lui ouvre le salut, et que l'âme reprouvée choisit vraiment le mal.

Il est assez naturel que cela apparaisse comme une contradiction.
Excusez moi, mais c'est carrément révoltant, cette conception complètement contradictoire que vous évoquez!
Des âmes condamnées à l'avance quoiqu'elles fassent, par un Dieu d'Amour...vous ne voyez pas comme un problème dans cette philosophie!!
Moi qui était déjà très sceptique vis à vis de ces pères de l'Eglise, cela va conforté ma position!

J'en reviens à un fil que j'avais lancé il y a quelques mois et pour lequel je n'avais pas eu de réponses claires!

Comment Dieu infiniment bon peut il créer des âmes,, dans le cadre d'un libre arbitre qu'elles n'ont pas sollicité, tout en sachant dans son omniscience que certaines d'entre elles seront condamnées .
Mais maintenant au vu de ce que vous dites c'est encore pire, non seulement l'on évoque plus le libre arbitre,mais il semblerait que d'après ces St Pères certaines sont condamnées d'avance!
Je vous avouerai que heureusement que j'ai confiance en l'Amour de Dieu!

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Alexandre. » mer. 09 janv. 2019, 10:56

Trinité a écrit :
Moi qui était déjà très sceptique vis à vis de ces pères de l'Eglise, cela va conforté ma position!
Le seul vrai Père de l'Eglise est Jésus et la vraie Parole celle des Évangiles. Il convient tout de même de garder à l'esprit que ces derniers constituent des interprétations personnelles de paroles de Jésus et servent des objectifs théologiques différents. Mais ils s'accordent sur les points clés de la foi et de la vie chrétiennes.

Les Pères de l'Eglise, quant à eux, proposent des réflexions et interprétations à partir de leur compréhension des textes bibliques, ce ne sont que des paroles humaines, aussi sages soient-elles. Ainsi, j'avoue ne pas saisir la raison pour laquelle le catholicisme attache autant d'importance au concept de péché originel de Saint Augustin qui n'a pas de fondement biblique : aucun verset ne mentionne que la nature humaine aurait été blessée suite à la transgression d'Adam et Eve. Et se baser sur un récit imaginaire pour justifier ses prétendus effets sur notre nature humaine n'a aucun sens.

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Héraclius » mer. 09 janv. 2019, 11:58

Cher Prodigal,

Je vous renvoie a ce que la Somme (dans la prima pars) et le Commentaire de l'Epitre aux Romains (chap. 9) disent de la prédestination.

"Nous l’avons dit plus haut, la prédestination inclut une volonté, et l’on doit donc chercher la raison de la prédestination comme on cherche celle de la volonté divine. Or nous avons dit qu’on ne peut assigner de cause à la volonté divine en ce qui concerne l’acte de vouloir, mais qu’on peut lui assigner une cause à l’égard des choses voulues, en tant que Dieu veut qu’une chose soit à cause d’une autre. Personne n’a donc été assez insensé pour dire que les mérites fussent cause de la prédestination quant à l’acte même de celui qui prédestine. Mais voici ce qui est en question : Du côté de ses effets, la prédestination a-t-elle une cause ? Et cela revient à demander : Est-ce que Dieu a préordonné qu’il donnerait à un être les effets de la prédestination à cause de ses mérites ?

[...]

C’est pourquoi d’autres ont dit que les mérites préexistants, mais cette fois en cette vie, sont la raison et la cause des effets de la prédestination. En effet les pélagiens ont prétendu que le commencement des bonnes œuvres vient de nous, et que leur achèvement vient de Dieu. Et ainsi, l’effet de la prédestination est donné à un tel et non à tel autre, parce que l’un a fourni le commencement en se préparant, et l’autre non. Mais à l’encontre il y a ces paroles de l’Apôtre (2 Co 3, 5 Vg) : “ Nous ne sommes pas capables par nous-mêmes de penser quoi que ce soit qui vienne de nous-mêmes. ” Or, on ne peut trouver aucun principe qui soit antérieur à la pensée. On ne peut donc pas dire qu’il y ait en nous un commencement fournissant la raison des effets de la prédestination.

Aussi d’autres ont-ils avancé que la raison de la prédestination est dans les mérites qui suivent l’effet de cette prédestination. Et ils entendent que Dieu donne sa grâce à un être et a préordonné de lui donner cette grâce, parce qu’il a prévu qu’il en userait bien, comme si un prince donnait un cheval à tel soldat dont il sait qu’il en usera bien. Mais ces penseurs semblent avoir distingué entre ce qui vient de la grâce et ce qui vient du libre arbitre, comme si le même effet ne pouvait pas venir des deux. Car il est évident que ce qui vient de la grâce est un effet de la prédestination ; et cela ne peut être donné comme la raison de cette prédestination, puisque c’est inclus en elle. Donc, si quelque chose d’autre est de notre côté cause de la prédestination, cela ne sera pas compris dans les effets de la prédestination. Mais il n’y a pas lieu de distinguer ainsi ce qui vient du libre arbitre et ce qui vient de la prédestination, de même que l’effet de la cause première et celui de la cause seconde. La providence divine produit ses effets par l’opération des causes secondes, ainsi qu’on l’a dit plus haut, de sorte que cela même que réalise le libre arbitre vient de la prédestination.

Il faut donc dire ceci. L’effet de la prédestination peut être envisagé par nous de deux façons : particulièrement, et globalement. Rien n’empêche qu’un effet particulier de la prédestination soit la cause et le motif d’un autre. Un effet postérieur sera cause d’un effet antérieur dans l’ordre des causes finales ; un effet antérieur sera cause d’un effet postérieur dans l’ordre du mérite, qu’on peut ramener à une disposition de la matière. Ainsi nous pouvons dire : Dieu a préordonné de donner à quelqu’un la gloire à cause de ses mérites ; et il a préordonné de donner à quelqu’un la grâce afin qu’il mérite la gloire.

Mais si l’effet de la prédestination est envisagé d’une autre manière, en sa totalité, il est impossible que l’effet total de la prédestination ait une cause quelconque de notre part. Car quoi que ce soit qui se trouve dans l’homme et l’ordonne au salut, tout cela est compris sous l’effet de la prédestination, même la préparation à la grâce ; car cela non plus n’a pas lieu autrement que par le secours divin, selon ce mot de l’Écriture (Lm 5, 21) : “ Fais-nous revenir à toi, Seigneur, et nous reviendrons. ” De ce point de vue pourtant, la prédestination, quant à ses effets, a pour raison la bonté divine, à laquelle tout l’effet de la prédestination s’ordonne comme à sa fin, et dont il procède comme de son premier principe moteur."

"On peut encore entendre d’une autre manière que quelqu'un est digne de miséricorde, à savoir, non à raison de ses mérites antécédents à la grâce, mais de ses mérites subséquents : par exemple, nous disons que Dieu donne sa grâce et se propose de toute éternité de la donner à celui qu’il a connu, dans sa prescience, devoir en bien user. C’est dans ce sens que la Glose entend ce passage, que Dieu a pitié de celui dont il aura pitié. De là : "J’aurai pitié de celui dont il me plaira d’avoir pitié;" c’est-à-dire j’aurai pitié, en l’appelant et en lui donnant la grâce, de celui dont je saurai, dans ma prescience, que je lui ferai miséricorde, sachant d’avance qu’il se convertira et qu’il me restera fidèle.

Cependant cette explication ne peut, ce semble, être convenable ment donnée. En effet, il est évident qu’on ne peut assigner comme raison de la prédestination ce qui en est le résultat, quand bien même on dirait que ce résultat existe dans la prescience de Dieu. Car la raison de la prédestination est logiquement antécédente à la prédestination même, tandis que l’effet est contenu dans celle-ci. Il est également évident que tout bienfait de Dieu, accordé par lui à l’homme dans l’ordre du salut, est l’effet de la prédestination divine. Or le bienfait divin ne s’étend pas seulement à l’infusion de la grâce par laquelle l’homme est justifié, mais encore à l’usage de cette grâce; de même que, dans les choses naturelles, Dieu ne produit pas seulement les formes, mais encore les mouvements et les opérations de ces formes, parce qu’il est le principe de tout mouvement, en sorte que, si son opération sur l’objet à mouvoir venait à cesser, les formes n plus ni mouvement ni opération. Mais il en est de l'habitude de la grâce ou de la vertu dans l’âme, relativement à l’usage qu’on en fait, comme de la relation de la forme naturelle à son opération. Voilà pourquoi il est dit (Isaïe XXVI, 12) : "C’est le Seigneur qui a fait en nous toutes nos œuvres."


Si vous voulez en savoir d'avantage sur le sujet, je vous invite a comparer la prédestination "ante previsa merita" et "post previsa merita" (ce sont les deux expressions consacrées).


Cher Trinité

Je partage en partie votre sentiment mais il faut bien faire attention à ce que disent St Augustin et St Thomas. Ils ne nient pas le libre-arbitre, même si ça donne cette impression. Leur pensée est assez subtile et prend place dans un contexte beaucoup plus vaste.


Cher Alexandre,

Le péché originel est un sujet vraiment différent, mais je suis certain qu'il est biblique et même, si j'ose dire, accessible par simple constat.

Biblique parce qu'on voit ce péché dans la Genèse et ses conséquences : l'homme condamné à travailler et à mourir. Ce n'est pas un récit "imaginaire" mais un récit "mythique", ce qui n'est pas la même chose. C'est bien la faute d'Adam qui est responsable de notre mort (Rom 5 17 = "Si par l'offense d'un seul la mort a régné par lui seul"). In peccatis concepit me mater mea.

Constatable, parce que votre nature est déchue, puisque vous avez une tendance au péché et que vous mourrez. Ce n'est pas l’état voulu par Dieu pour Adam et Ève avant le Chute.

J'ajoute que si la Parole des Pères est une Parole d'Homme, la Parole de l'Eglise est gardée de Dieu. Elle peut dire comme en Acte 15, "l'Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé".

Bon, j’arrête là, QWERTY est décidément terriblement emmerdant. x)

Herac'
Dernière modification par Anne le mer. 09 janv. 2019, 23:44, modifié 1 fois.
Raison : On se débarrasse des coquilles dûes à QWERTY! ;-)
''Christus Iesus, cum in forma Dei esset, non rapínam arbitrátus est esse se æquálem Deo, sed semetípsum exinanívit formam servi accípiens, in similitúdinem hóminum factus ; et hábitu invéntus ut homo, humiliávit semetípsum factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Propter quod et Deus illum exaltávit et donávit illi nomen, quod est super omne nomen, ut in nómine Iesu omne genu flectátur cæléstium et terréstrium et infernórum.'' (Epître de Saint Paul aux Philippiens, 2, 7-10)

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Alexandre. » mer. 09 janv. 2019, 12:53

Héraclius,

Le mot "imaginaire" est effectivement mal choisi, "mythique" est beaucoup plus approprié.

L'interprétation que vous avez du péché originel (et qui est celle de l'Eglise) fait de ce récit non pas un mythe mais un évènement historique qui a perverti la nature humaine. Je ne peux pas croire à une pareille chose.

L'homme utilise sa liberté à de mauvaises fins mais la nature humaine n'a pas été corrompue par la faute imaginaire d'Adam et Eve qui ne sont que les figures papier d'un récit purement symbolique.

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par prodigal » mer. 09 janv. 2019, 15:19

Cher Héraclius,
je vous remercie de cet envoi en effet impressionnant.
Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris, mais il me semble que la problématique à laquelle ces deux textes répondent est de savoir si nous pouvons nous sauver nous-mêmes, ou si tout au moins une part du salut échappe à la volonté divine, de telle sorte que nous puissions en être considérés comme la cause. Et la réponse est négative.
Cela ne me choque pas, je veux dire de penser que l'homme est incapable de se sauver par ses propres forces.
Mais cela n'implique pas que Dieu ait décidé avant ma naissance si je serais sauvé ou damné, de telle sorte que je pourrais légitimement me poser la question : suis-je un élu ou un réprouvé?
Je pense qu'il ne faut pas se poser cette question, que c'est une faute grave (alors qu'elle serait tout à fait bienvenue si Dieu avait décrété au premier jour de ma conception ce qu'il en serait.
En effet, tout d'abord, se croire élu ou se croire réprouvé, ce sont deux formes de la névrose religieuse. Cela rend fou, en clair, sans bénéfice spirituel.
Ensuite, je ne suis tout simplement pour l'instant, si Dieu existe, ni élu ni réprouvé. Dans le temps, cela viendra à son heure, quand bien même je serais élu (ou réprouvé) de toute éternité. Je serai sauvé si j'accomplis la volonté de Dieu, je serai damné dans le cas contraire, et on verra bien!
Je ne crois donc pas qu'il y ait de contradiction entre l'idée selon laquelle c'est Dieu seul qui sauve par sa grâce et l'idée que je serai sauvé si et seulement si j'agis conformément à la volonté de Dieu. La confusion, ou la difficulté, vient je crois de ce que ce qui est dans l'entendement divin est faussement pris pour une décision prise dans le temps. Donc, je n'ai pas vu, pardonnez-moi si c'est un peu trop subtil, je n'ai pas vu dans ces extraits l'idée que Dieu m'aurait élu (ou réprouvé) avant ma naissance, ou même avant ma mort. Ce n'est pas quelque chose qui s'est passé en tel ou tel instant de l'histoire, et qui rendrait caduc tout ce qui se passe après.
En résumé, voici comment je comprends la doctrine thomiste sur le sujet :
- seul Dieu sauve
- je serai sauvé si je fais bon usage de mon libre arbitre
- ce bon usage consiste à se conformer à la volonté divine
J'ajouterai pour mon propre compte, et un peu aussi pour simplifier :
- se conformer à la volonté divine c'est chercher la vérité et la justice et les préférer à tout.
"Dieu n'a pas besoin de nos mensonges" (Léon XIII)

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Trinité » mer. 09 janv. 2019, 15:58

Votre point de vu me rassure mon cher Prodigal! :)
Ces pères de l'Eglise avec leurs théories alambiqués, sèment le doute au plus profond des âmes! :roule:

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Trinité » mer. 09 janv. 2019, 16:03

Sans cela, sur la première partie de ma question à savoir:

Comment Dieu infiniment bon peut il créer des âmes,, dans le cadre d'un libre arbitre qu'elles n'ont pas sollicité, tout en sachant dans son omniscience que certaines d'entre elles seront condamnées .

Je pense que c'est le genre de problématique sur laquelle personne n'a de réponse, mais ou il faut faire confiance en Dieu!

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Cinci » mer. 09 janv. 2019, 19:27

Héraclius,

Merci pour les commentaires.


Vous écrivez :
Encore une fois, oui, aujourd'hui les théologiens sont plus fan de St François de Sales ou du Molinisme que du vieil Augustinisme sur ce sujet. Mais ça reste une position tenable, doctrinalement parlant.

Il y a plein de positions tenables dont personne ne veux du reste. On a le droit de croire que tous les enfants morts sans baptême vont en enfer. Qui croit ça aujourd'hui ? Mais c'est une position qui n'est pas hérétique, on peut la croire. Ce qui ne veut ni dire qu'on doit la croire ou qu'elle soit vraie bien sur.
Vous parlerez alors de position "tenable", intellectuellement parlant, dans une sorte de "jeu de logique" et à condition de supposer bien des choses sur le caractère du divin et tout. Mais ce que vous dites surtout (vous me détromperez au besoin) c'est que saint Augustin et saint Thomas auraient dû tenir ici des idées que le Magistère de l'Église n'aura pas cautionné finalement.

et

On pourrait peut-être penser que ces idées "suspectes" auront été condamnées finalement dans la personne des Réformateurs "à la Calvin" ou jansénistes catholiques un peu plus tard, alors que chacun aurait pu de son côté vouloir se faire un cheval de bataille de ces idées comme si ce devait être un dogme et pour désespérer bien du monde.

Vous en pensez quoi ?

Pensez-vous que l'idée que vous attribuerez (à tort ou à raison) à saint Augustin et selon laquelle " ... Dieu sélectionne par avance certains pour être sauvés (les "vases de miséricorde") et que par voie de conséquence (mais pas par un second acte de sélection actif de la part de Dieu) tous les autres, n'étant pas au nombre des élus, soient damnés faute de grâce et choisissent la damnation (les "vases de colère")." serait en même temps une idée que l'Église se serait trouvé à devoir condamner chez les amateurs de Port-Royal ? chez les ratiocineurs du petit nombre des élus ?

[...]

Pour moi, il est possible que l'Église n'aura pas trop réagi sévèrement à l'époque d'Augustin ou à celle de Thomas d'Aquin, envers ces deux bonshommes, je veux dire, alors qu'elle se fera finalement senti obligé de devoir le faire, le jour où sera apparut des contestataires "féroces" et fort désireux aussi d'expédier "dans les choux" à peu près la quasi totalité de l'Église ? C'est à ce moment-là que l'on aura pu se pencher d'un peu plus près sur le fond des idées de nos "censeurs" modernes.

Indépendamment de ce qu'auront pu écrire nos "saints docteurs"sur le sujet, je ne suis pas sûr que leur idée devait être bien arrêtée en la matière.

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Cinci » mer. 09 janv. 2019, 19:39

... et je souscris à tout ce que Prodigal vient d'écrire plus haut.

:fleur:




entre autres :
Prodigal :

La confusion, ou la difficulté, vient je crois de ce que ce qui est dans l'entendement divin est faussement pris pour une décision prise dans le temps. Donc, je n'ai pas vu, pardonnez-moi si c'est un peu trop subtil, je n'ai pas vu dans ces extraits l'idée que Dieu m'aurait élu (ou réprouvé) avant ma naissance, ou même avant ma mort. Ce n'est pas quelque chose qui s'est passé en tel ou tel instant de l'histoire, et qui rendrait caduc tout ce qui se passe après [...]

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Fée Violine » mer. 09 janv. 2019, 23:19

Trinité a écrit :
mer. 09 janv. 2019, 16:03
Comment Dieu infiniment bon peut il créer des âmes,, dans le cadre d'un libre arbitre qu'elles n'ont pas sollicité, tout en sachant dans son omniscience que certaines d'entre elles seront condamnées .
Et nous, pourquoi mettons-nous des enfants au monde, en sachant qu'ils vont souffrir et mourir ?
Dieu ne peut s'empêcher de donner la vie, de créer, de faire confiance, d'espérer.

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Fée Violine » mer. 09 janv. 2019, 23:26

prodigal a écrit :
mar. 08 janv. 2019, 11:33
Si c'est difficile à comprendre, je crois que cela tient en grande partie à la façon dont nous nous représentons l'action divine, sur le modèle humain.
Oui, et c'est d'ailleurs souvent le cas quand on parle de Dieu.
Il n'est pas comme nous.

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Trinité » mer. 09 janv. 2019, 23:41

Fée Violine a écrit :
mer. 09 janv. 2019, 23:19
Trinité a écrit :
mer. 09 janv. 2019, 16:03
Comment Dieu infiniment bon peut il créer des âmes,, dans le cadre d'un libre arbitre qu'elles n'ont pas sollicité, tout en sachant dans son omniscience que certaines d'entre elles seront condamnées .
Et nous, pourquoi mettons-nous des enfants au monde, en sachant qu'ils vont souffrir et mourir ?
Dieu ne peut s'empêcher de donner la vie, de créer, de faire confiance, d'espérer.
C'est une bonne réponse!
Il existe aussi des êtres humains qui, en raison des critères que vous évoquez, s'abstiennent de mettre des enfants au monde!
Ils estiment que c'est une forme d'égoïsme de procréer dans ces conditions!

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Cinci » jeu. 10 janv. 2019, 3:14

(Attention. J'ai écrit ce message avant l'envoi de Fée Violine. Mais je décide de le poster quand même et sans reprise. Je crois qu'il appuierait le contenu de ce qu'elle vient d'écrire)

Trinité :

Comment Dieu infiniment bon peut il créer des âmes,, dans le cadre d'un libre arbitre qu'elles n'ont pas sollicité, tout en sachant dans son omniscience que certaines d'entre elles seront condamnées .
Je comprends pas pourquoi vous dites que vous n'obtenez pas de réponses, Trinité. Ça fait bien dix fois que vous me revenez avec la chose. Vous ne lisez pas ?

Ma réponse à moi c,est que Dieu ne peut faire autrement.

Pour faire une créature qui puisse être libre, capable d'un vrai choix, de vouloir être mue elle-même par la dynamique divine et qui est une dynamique d'amour, d'oblation, de sacrifice : il faut bien que cette créature puisse aussi détenir la capacité de se soustraire à la volonté de Dieu pour elle, mais si tel serait son plus profond désir, sa volonté ultime. Pour trouver un être qui soit "consistant" en face de Lui, il faut cette possibilité réelle du refus. Et comme Dieu ne triche pas (tricher : qui serait, par exemple, de ne créer que des clones de Lui-même, des automates réglés pour nécessairement servir toujours la réponse attendue) et pour que l'amour soit réellement possible entre des êtres si différents ( ... rien de plus différent que Dieu et le pauvre pécheur) : le danger de la perdition ne peut être écarté, ni celui de la perdition ni celui de la souffrance.

Un drame concevable

La création d'un être qui aura pu finir par aller se perdre est un drame concevable quand on comprend que ceci est au premier chef un drame pour Dieu Lui-même (qui n'est pas un potentat impassible, éloigné, indifférent). Quand on anticipe aussi le fait que l'enfer ne sera sûrement pas non plus les caricatures qu'on en ferait. Nul n'est forcé de s'imaginer l'enfer comme les peintres du XVIe siècle auraient voulu le représenter. Avec le drame pour Dieu (la Croix, est-ce assez dramatique ?), la non obligation de se représenter l'enfer comme des psychopathes voudraient qu'il soit, la nécessité d'obtenir la vraie réponse de la créature et la possibilité aussi que Dieu puisse continuer à exercer une certaine miséricorde à l'égard des damnés : la chose "terrible" n'est pas si inimaginable que ça.

C'est un faux problème que de se représenter Dieu en train de ruminer au préalable avant la création de quoi que ce soit. Dieu ne raisonne pas dans le temps et comme avant de se décider pour ceci ou cela. C'est une erreur de représentation. Ce serait plutôt que la décision de créer serait "actée" depuis toujours, produite comme dans le même mouvement qui ferait de Dieu l'observateur de l'ensemble, début, milieu et fin. Un seul jet ! Une explosion généreuse qui donne naissance à tous et toutes et comme la même chance pour tous et toutes de se déterminer en vue du Bien (ou pas).

Pourquoi la création ?

Pourquoi Dieu crée ? Parce qu'il n'est pas limité par le mal, ni par la possibilité du mal ni la déficience de tel méchant, ni la trahison ni non plus les refus de tels et tels. C'est qu'au final c'est Lui qui va juger le Mal. C'est comme Jésus qui ne refuse pas de se rendre à Jérusalem, en dépit du fait qu'il pouvait savoir d'avance que tel ou tels signeraient leur propre condamnation définitive et à l'occasion de sa propre initiative bienfaitrice à lui. Dieu est prêt à payer de sa personne, prêt à souffrir Lui-même du mal. Il est prêt à en payer le prix afin que des millions et des millions puissent vivre au centuple.

Le vice de votre argument "défensif" c'est que vous passez subtilement la faute de l'existence du mal sur le dos de Dieu-le-Père. Vous le rendez responsable et coupable du mal subit par l'un l'autre. Mais le vrai responsable du mal c'est Satan, avec tous les purs esprits qui l'ont suivi dans sa révolte contre Dieu bien sûr.

Le christianisme est une religion qui instaure le drame comme disait je ne sais plus quel philosophe, peut-être Nietzsche. Évidemment, pour se débarasser du drame, certains auront été tentés de devenir comme des pratiquants du Zen et nous dire qu'il ne faudrait pas s'en faire avec rien, attendu que tout est réglé d'avance comme sur du papier à musique, vu que c'est Dieu qui décide de tout et du salut de l'un et de la perte de l'autre et .... et zzzzzzzzzzzz. - Huh ? a quoi bon s'énerver ? a quoi bon prier pour les morts ? a quoi bon supplier la Sainte Vierge ? pourquoi me faire du souci avec ma paresse ?

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Re: Vos questions sur la Somme théologique de St Thomas

Message non lu par Trinité » jeu. 10 janv. 2019, 21:36

Cinci a écrit :
jeu. 10 janv. 2019, 3:14


Le vice de votre argument "défensif" c'est que vous passez subtilement la faute de l'existence du mal sur le dos de Dieu-le-Père. Vous le rendez responsable et coupable du mal subit par l'un l'autre. Mais le vrai responsable du mal c'est Satan, avec tous les purs esprits qui l'ont suivi dans sa révolte contre Dieu bien sûr.
Cinci,

Tout d'abord je voudrai vous dire que je n'ai pas cet état d'âme que vous m'attribuez!
J'aime comprendre, et le sens de ma démarche ne s'effectue que dans ces termes, je me doute bien qu'il y a une raison profonde à cette création de Dieu et en aucun cas je ne la mettrait en doute.
J'attribuerai plutôt mon interrogation à mon ignorance de ce qui est de la volonté divine, inaccessible pour nous pauvres humains!
Je vous avouerai que, en effet vous aviez donné une réponse au préalable qui me semble tenir la route, et que en substance vous venez de réitérer, mais celle ci a été noyé dans le fil de la discussion qui en a suivi et je l'avais "Zappé"!
D'autre part, dans ce même fil Prodigal m'avait également fait part d'un argument relatif à la compossibilité de Liebniz que j'avais trouvé également parlant à cet égard.
Le voici:
En fait la compossibilité marche avec la liberté (libre arbitre).
Dieu dans son infinie sagesse, ne pouvant imposer un monde je dirai... autoritaire d'Amour, puisque l'homme doit utiliser sa liberté pour l'aimer. Par cette condition il créait automatiquement la damnation de l'homme qui le refuse!

Frédéric Maret
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Thomas d'Aquin et la prédestination

Message non lu par Frédéric Maret » jeu. 11 févr. 2021, 16:19

(Re)bonjour à toutes et tous !
Permettez-moi de poser une question de théologie.
Jusqu'à récemment j'étais persuadé que Thomas d'Aquin défendait le libre arbitre libertaire (Dieu laisse l'être humain libre des ses choix, notamment pour ce qui est d'accepter ou non la grâce du Salut) et qu'il n'enseignait pas du tout le déterminisme comme Calvin l'a fait près de trois siècles plus tard.
Or... j'apprends aujourd'hui même que les calvinistes (dont je ne suis pas) se réclament de Thomas, chez qui on lit en effet :

D’où l’on voit que la réprobation ne désigne pas une simple prescience ; elle y ajoute quelque chose selon la considération de la raison, comme on l’a dit plus haut de la providence. Car de même que la prédestination inclut la volonté de conférer la grâce et la gloire, ainsi la réprobation inclut la volonté de permettre que tel homme tombe dans la faute, et d’infliger la peine de damnation pour cette faute. Summa, Ia Q23 a3

Qu'en pensez-vous ?
Merci d'avance pour vos apports sagaces à ma réflexion...

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