Bonjour Gerardh,
gerardh a écrit : ↑mar. 17 sept. 2019, 11:01
Dans un premier temps, j'ai eu recours à Wikipédia (que je considère néanmoins avec quelque prudence).
Comme je vous comprends ! Il m'arrive de m'y référer mais uniquement quand je manque de sources reconnues comme plus sérieuses.
Mais la définition donnée est tout à fait correcte. En tous les cas, je vous remercie d'aborder sincèrement le sujet.
Qui mieux que Dieu pouvait nous révéler Dieu ? Sur le même principe je vous donne la courte définition que donne l'Église catholique sur cette Tradition :
du latin trader: transmettre.
Une tradition est l’ensemble de coutumes, d’habitudes, de pratiques… qui sont mémorisées et se transmettent d’une génération à l’autre. Dans l’Eglise, la Tradition est plus qu’une transmission intellectuelle. Elle s’appuie sur la parole de Dieu confiée par le Christ et par l’Esprit Saint aux apôtres qui la transmettent à leurs successeurs pour qu’ils la gardent vivante et la répandent avec fidélité. Ses richesses passent dans la pratique et la vie de l’Eglise qui croit et qui prie. Ecritures et Tradition constituent la source de l’Eglise et le garant de son unité.
Dans l'attente de lire l'encadré masqué que vous avez bien voulu mettre en place à mon intention, et je vous en remercie, je vais tenter de répondre à l'interrogation qui suit.
Si je comprends bien, le début de la Tradition serait pour vous l'enseignement initial des apôtres et prophètes avant que le Nouveau Testament soit complété. De plus la Tradition se continuerait après l'écriture du NT., et ne serait pas achevée.
C'est presque cela. Tout d'abord je me suis permis de modifier le mot "tradition" dans votre propos en y mettant la majuscule qui lui revient.
En effet, dans l'expression écrite catholique les majuscules ont leur importance. Hors pour comprendre son interlocuteur il faut aussi prendre en compte les moyens avec lesquels il s'exprime. Par exemple "dieu" n'a pas la même signification que "Dieu", la minuscule fait qu'on parle à ce moment d'une divinité quelconque (panthéiste, animiste, 1 des 33 millions de dieux de l'Hindouisme ...) alors que la majuscule indique qu'on parle du Dieu unique. Aussi le terme Tradition diffère de tradition.
Alors ce que j'en pense c'est que cette Tradition ne commence pas avec le Christianisme, elle remonte aux origines du Judaïsme puisque nous en sommes les héritiers au travers de l'AT. Mais à partir de Jésus-Christ celle-ci prend des orientations différentes conformément aux enseignements du Christ. Non sans difficultés comme le démontrent certains passages des Actes des Apôtres et Épitres Pauliniens (circoncision, manger avec des chrétiens de racines non juives ...). Pour répondre en vos termes elle s'est enrichit des prophètes et des Apôtres, car Dieu a commencé Sa Révélation plus de 1800 ans avant la venue du Christ; qui n'a pas laissé d'écrits mais une Révélation et un enseignement orale.
L'Église primitive a d'abord vécue de cette oralité, mais le temps passant et les témoins directs disparaissant il a fallu, par souci de préserver l'authenticité de la Révélation, la mettre par écrit (La Tradition juive a procédé de même avec la Torah et autres livres de l'AT).
J'ouvre une parenthèse sur le sujet, les scientifiques ont démontré qu'il fallait une période d'environ 150 à 200 ans pour qu'un fait/récit réel se transforme en légende, en mythe romancé ou fantasmé. Bref que le fait/récit originel ne soit plus conforme. Imaginez 2000 ans après !
Cette étude nous permet de voir à quel point nos prédécesseurs ont été sages d'écarter certains textes tardifs du canon biblique mais également la nécessité de mettre la Parole par écrit. La Tradition a donc écrit la Parole de Dieu, elle la précède dans le temps selon la définition de Wikipédia, mais pour éviter ce fait de dérive mythologique (selon les interprétations, les arrangements, les intérêts de telle ou telle communauté ...) elle se réfère à cette Parole originelle pour y rester fidèle. Je ferme la parenthèse.
Mais cette Tradition chrétienne n'est pas morte ni figée dans le temps, elle vit et s'enrichit depuis deux millénaires jusqu'à nos jours. Et elle transmet ses expériences (théologie, exégèse, dogmes ...) pour avancer, le sommet de cette Tradition étant exprimée dans son degré le plus haut au travers de la Liturgie. Elle végéterait, au minimum, si elle devait redécouvrir tout à chaque génération; tout redéfinir ou remettre en doute.
Prenons l'exemple le plus mis en avant dans certaines discussions, la Sainte Trinité. Ce mot n'existait même pas, ni dans l'AT ni dans le NT, on peut donc dire qu'il n'est pas scripturaire. Est-il faux pour autant ? Peut-être l'utilisez vous vous-même ?
L'Eglise au travers de sa Tradition interprète la Révélation de ce mystère, définit un dogme comme conséquence de cette Révélation : oralement et par écrit. La Tradition conserve cette vérité de foi définie en la transmettant au travers des siècles.
Je ne veux pas dériver sur l'exégèse mais les textes bibliques ont été écrits dans les modèles de l'époque avec un déroulé précis qu'il faut parfois connaitre pour comprendre la forme du texte. Par exemple, la similitude du récit de miracles bibliques avec le récit des miracles d'Apollonios de Tyane, nous fait comprendre - pour citer un exemple - que la revivification du fils de la veuve de Naïm s'inscrit dans un style littéraire (connu pour être composé de 5 points que je ne peux citer de mémoire). Cela n'enlève rien au miracle, mais faire fi du style augmente le champ des interprétations possibles et peut nous amener à faire un saut herméneutique : un dépassement du texte pour lequel je choisis un sens en sacrifiant forcément les autres; un sens littéral qui sacrifie le sens spirituel par exemple. Car il peut y avoir une interprétation diachronique, synchronique ou rhétorique et qui pourra changer en fonction des modèles de chaque époque. Je vous laisse imaginer ce que cela donne au quotidien sur deux millénaires. La Tradition n'invente rien, elle s'appuie sur ce qui est présent dans la Bible, même implicitement, et peut la compléter avec ce qu'elle vit et traverse depuis deux millénaires, dans la communion des saints c'est à dire des chrétiens qui nous ont précédés, ceux d'aujourd'hui et ceux à venir. Toujours un exemple, la Bible ne parle pas du baptême des enfants mais si on se réfère aux écrits concernant saint Polycarpe de Smyrne (évêque martyr et né en 70) on sait que lui-même a été baptisé nouveau-né (
Infante dans le texte) et que les communautés chrétiennes primitives baptisaient les nouveaux nés au premier siècle. Voilà ce qu'enseigne la Tradition; et ce sont ses juges romains qui l'ont écrit.
Un autre exemple : les témoins de Jéhovah nient la Croix en avançant leur traduction de "poteau" pour le mot grec "Stauros" (σταυρός).
Ainsi Jésus n'aurait pas été crucifié sur une croix mais sur un poteau, les bras levés. Comment savoir s'ils ont raison ou tort?
C'est un peu provocateur mais puis-je faire confiance dans une Bible qui s'appuierait uniquement sur une traduction littérale grecque ?
Je peux me fier aux historiens, cependant les faits peuvent changer avec les idéologies.
Je peux me fier aux linguistes car l'équivoque disparaît en latin par le mot "Crux".
Mais je vais faire confiance à ce que dit l'Église au travers de ceux qui en parle dans la Tradition : la Croix était composée d'une barre transversale qui s'appelait le patibulum et il y a deux mille ans les romains crucifiaient bien sur des croix, et non des poteaux. Là ou des sectaires ont tenté de semer le doute ou la dissension je peux m'appuyer sur cette Tradition qui en a été le témoin.
Bon, je me suis pas mal éparpillé alors je conclue par ceci : la Tradition et la Bible ne sont pas des révélations différentes ou concurrentes mais deux voies par lesquelles l’Église transmet l’Évangile. Certaines vérités de foi, qui ne se trouvent qu'implicitement présentes dans les textes, sont définies et enseignées d'après l'expérience de cette Tradition, puis transmises par elle. D'ailleurs c'est la Bible qui nous invite à toujours rester attaché à la Tradition, que celle-ci soit écrite ou orale (1Co 11,2; 2Th 2,15).
J'espère avoir modestement apporté un éclairage sur ce qui nous aidera à mieux nous comprendre, et à échanger, par la suite.
Cordialement.