aie pitié du chrétien qui doute,
de l'incrédule qui voudrait croire;
de nous, prisonniers de la vie,
qui avançons seuls dans la nuit,
sous un ciel qui n'est plus illuminé
par les flambeaux de l'antique
espérance.
- J.K., Huysmans
Il nous est arrivé une curieuse aventure :
nous avons oublié que l'on doit mourir.
C'est cela que les historiens concluront
après avoir examiné l'ensemble des
sources écrites de notre époque. Une
enquête sur environs cent mille essais
sortis durant les dernières vingt années
montrera que deux cents seulement
abordent le problème de la mort. Livres
de médecine compris.
- Pierre Chaunu
Bonjour,
Vous pourrez vous faire une idée de la luminosité des propos de Messori. J'en fait ici un petit florilège. :
Le péché
Peu d'aspects du christianisme sont autant que ce "péché originel" (qui'on l'appelle comme on voudra), rejetés par les cultures modernes, toutes basées sur l'innocence présumée de l'homme, toutes convaincues que le seul mal véritable c'est de parler du mal.
Au secours de trop d'"innocentistes" volent - cela va sans dire - les habituels théologiens, les clercs superficiels et bonasses que nous connaissons déjà, tous convaincus qu'entre les humanismes modernes aux conséquences si tragiques et la vision chrétienne de l'homme les différences ne sont que de détails, fruit de simples équivoques facile à dissiper, au prix de quelques relectures appropriées.
Tandis que là, précisément sur le péché, s'ouvre le grand abîme (Luc 16,26) qui sépare la foi en Jésus de la croyance en tous les mythes mondains.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que j'essaie d'approfondir un point comme celui-ci, si imprudemment oublié et pourtant si décisif. Il est nécessaire d'avertir qu'ici plus que jamais il convient de s'Informer avant de se moquer ("Ils rient de ce qu'ils ignorent") , en faisant attention à ne pas prendre la croyance au péché originel pour l'habituelle, la naïve et belle histoire chrétienne à l'usage des enfants, paysans, analphabètes, retardés ...
et
etQue ce soit bien clair : pour la foi, ce n'est pas la mort en tant que fait biologique qui est liée au péché dit originel . Il est sûr que, dans l'insondable plan de Dieu, même sans la chute d'Adam, il y aurait eu pour l'homme un décès quelconque, un passage à quelque forme de vie différente et supérieure.
Le péché n'entraîne donc pas la mort comme la fin biologique certaine d'un cycle, comme une transformation. Le péché entraîne la mort comme une tragédie, comme une rupture douloureuse, comme une expérience de perte et d'angoisse. C'est à dire que le péché donne à la mort cette marque horrible que nous lui connaissons : de fait naturel il la transforme en une peine, il la lie à la solitude, parce que la faute brise la communion avec Dieu et, par lui, avec toutes les créatures.
La mort - cette mort - ne convient donc pas à l'homme, elle n'entre pas dans le plan originel de la Création. Elle est la plus grande des catastrophes au sens étymologique : c'est à dire un "renversement".
C'est pour cela que l'Église réagit contre tous ceux qui, tout en se disant croyants, banalisent le fait de mourir, en font un faux problème. L'Église condamne aussi bien le matérialisme qui réduit le drame à quelque chose de normal, de naturel, qu'un certain spiritualisme prétendûment chrétien, selon lequel la mort ne serait qu'un passage facile et serein d'une vie inférieure à une autre supérieure. Comme s'Il s'agissait simplement d'ouvrir une porte, en se libérant avec soulagement du fardeau de notre corps.
Une telle vision n'est pas chrétienne parce qu'elle n'est pas biblique.
Pour la foi, la fin de l'activité physiologique du corps n'est pas du tout - comme voulait nous le faire croire Platon, sur les traces de Socrate - la joyeuse libération de l'âme de sa prison charnelle : soma-sema, le corps est une tombe, disait le jeu de mots en grec ancien. Ce n'est même pas un malheur qui atteindrait une partie seulement de nous-même, la partie physique. C'est au contraire la fin de l'homme qui, au moyen seulement de cette chair - si stupidement méprisée par les spiritualismes de toutes espèces mais non par la Bible - peut vivre avec lui-même et avec les autres. A tel point que pour Paul, le corps n'est pas une tombe, mais bien plutôt un "temple" (1 Cor 6,19) .
Seules la toute-puissance divine, la force mystérieuse et irrésistible qui émane de la résurrection du Christ peuvent remédier à ce désastre radical. Banaliser la mort signifierait banaliser également la résurrection promise. Laquelle m'est pas seulement le couronnement des attentes, mais aussi un éclatant renversement; ce n'est pas un fait évident, naturel, mais plutôt un coup de scène dû à l'imprévisible imagination divine.
Si bien que, devant ma mort et celle des miens, le fait "de ne pas hésiter par incrédulité, de se renforcer même dans la foi, de se convaincre pleinement que tout ce qu'il a promis, il est également capable de le mener à son accomplissement", le fait de croire donc, en la résurrection finale et générale de la chair, tout cela n'est pas (souligne avec force saint Paul dont nous avons relevé les expressions) un abandon facile, une confiance aisée. Mais c'est plutôt l'incroyable spes contra spem, c'est "d'espérer contre toute espérance" (Rom 4,18 et 20).