Une maman triste

« Heureux vous qui pleurez maintenant, car vous serez dans la joie ! » (Lc 6.21)
Règles du forum
Besoin d'écoute ou de conseil ? Vous pouvez, dans ce forum, partager votre fardeau avec nos lecteurs...

NB : les messages de ce forum sont modérés a priori ; les interventions jugées inopportunes ne seront pas publiées
Avatar de l’utilisateur
Marjorie
Barbarus
Barbarus

Une maman triste

Message non lu par Marjorie » lun. 23 avr. 2018, 15:25

Bonjour chers catholiques,

Je souhaiterais vous parler sincèrement. Voici ma situation :

Je suis une maman de 48 ans. Nous avons toujours eu avec Quentin, mon fils unique, une très bonne relation fondée sur la confiance, depuis qu'il est petit. Je n'ai jamais eu à lui donner une éducation particulière car son attitude vis à vis de moi et des autres a toujours été irréprochable. Jamais il n'y a eu cette distance que certains parents mettent à leurs enfants, je ne me souviens pas d'une quelconque dispute non plus quand il était enfant. Nous étions heureux, habités par une douceur de vivre et une sérénité. Il a toujours eu une passion pour la musique. Il a commencé le piano à 8 ans, le violon à 12 ans et a longtemps rêvé d'une carrière artistique. Il lui est arrivé de jouer dans des églises.
Son père était alcoolique. Il se montrait violent à mon endroit et il était souvent absent. Plusieurs fois il m'a frappée, au cou, au visage ... Je cachais à mon fils une réalité que je ne voulais pas qu'il voie. Mais il était bien trop intelligent pour ne pas s'en rendre compte. Son père est mort dans un accident de voiture car il était ivre. Mon fils s'est plongé dans le travail, il rapportait des félicitations a chaque trimestre. Ses professeurs louaient ses qualités en mathématiques nottament.
Plus tard mon fils a eu une relation avec un homme qui se trouvait être bien plus âgé que lui (45 ans) et qu'il a rencontré sur un site internet. J'ai fait preuve de compassion et je ne l'ai pas jugé bien que je trouvais la différence d'âge choquante.
Son épanouissement et sa joie de vivre n'ont hélas pas duré. Il a perdu son emploi, il a plongé dans la dépression. Il s'est éloigné de moi. Je lui ai téléphoné souvent les premiers temps, puis j'ai arrêté car il était occupé. Je ne suis pas le genre de mamans très possessives, je pense qu'il convient de laisser de l'espace aux enfants afin qu'ils se construisent.
Il est revenu chez moi il y a deux semaines. Son visage était froid, durci. Il ne parlait plus. Je lui ai fait part de mon intention qu'il se confie, j'avais besoin qu'il me parle. Il s'est toutefois muré dans un silence insupportable pour moi mais je n'ai pas voulu le brusquer, lui dire comment être et comment agir. J'ai respecté le goût qu'il avait de se distancer de tout, je lui ai dit que s'il se décidait cependant à revenir, ma maison l'accueillerait car il n'y a pas d'asile plus sûr que le coeur d'une mère.
J'ai pleuré l'absence de mon fils qui m'a laissé dans la solitude. Je me suis sentie abandonnée mais j'ai pardonné. Ne dit-on pas qu'il est difficile pour toute maman de voir son enfant partir?
Le jour où tout bascule arrive ensuite, mon fils se suicide. J'ai d'immenses regrets et des questions qui me taraudent l'esprit.
Je suis anéantie aussi d'apprendre de nombreux détails de sa vie par Xavier son ancien compagnon. Qu'avait-il de plus que moi pour qu'il se confie à lui plutôt qu'à moi?

Je suis retournée travailler très vite. Mes collègues m'ont présenté tour à tour leurs condoléances. J'entends pourtant par derrière "son fils est mort et elle fait comme si de rien n'était".
Je suis allé voir un prêtre hier. Il m'a dit que c'est lorsque mon fils a péché qu'il a sombré. Il n'a pas manqué non plus de souligner l'attitude permissive que j'ai eu vis à vis de mon lui et peut-être, a-t-il dit, que c'est la raison pour laquelle il a connu ce parcours chaotique. Je n'irai plus voir de prêtre.
Une amie qui est psy m'a dit que sans doute je ne suis pas arrivé à combler l'absence du père chez mon fils. Peut-être suis-je responsable du désordre mental qu'il a connu toute sa vie. Je ne veux plus voir cette amie non plus.

Pourquoi les gens sont-ils obligés de rassurer et de parler tout le temps? Pourquoi semblent-ils toujours tout mieux connaître?

Avatar de l’utilisateur
Fée Violine
Consul
Consul
Messages : 12387
Inscription : mer. 24 sept. 2008, 14:13
Conviction : Catholique ordinaire. Laïque dominicaine
Localisation : France
Contact :

Re: Une maman triste

Message non lu par Fée Violine » lun. 23 avr. 2018, 18:36

Bonjour Marjorie,

d'abord je vous présente mes condoléances pour la mort de votre fils. :( :coeur:
Qu'avait-il de plus que moi pour qu'il se confie à lui plutôt qu'à moi?
Il est plus facile de faire des confidences à un étranger qu'à ses parents. Peut-être voulait-il éviter de vous blesser en vous parlant de ses problèmes.
Peut-être aussi a-t-il pensé que vous n'étiez pas vraiment disponible pour l'écouter ? En effet lorsqu'il est revenu chez vous, vous dites "j'avais besoin qu'il me parle", alors que c'était lui qui avait besoin d'aide.
je ne suis pas arrivé à combler l'absence du père chez mon fils. Peut-être suis-je responsable du désordre mental qu'il a connu toute sa vie.
L'absence du père ne peut pas se combler. Vous avez joué votre rôle de mère, de votre mieux, vous ne pouviez pas être aussi un père. Vous n'êtes pas toute-puissante, donc pas responsable de tout.

J'espère que nous pourrons vous donner des réponses qui vous apporteront un peu de paix...

Chipsy
Quæstor
Quæstor
Messages : 384
Inscription : mar. 09 oct. 2012, 17:51
Localisation : Paris

Re: Une maman triste

Message non lu par Chipsy » mar. 24 avr. 2018, 10:19

Chère Marjorie,

Je compatis de tout coeur à votre douleur d'avoir perdu votre fils.
Vous avez plein de questions, on vous culpabilise....
Pourtant votre vie montre que vous avez été une mère aimante, qui a tout fait pour que son enfant ne souffre pas de la violence d'un père alcoolique.
Le père de QUentin est décédé, et il n'a sans doute pas joué son rôle de père à l'époque, il n'a pas pu offrir à Quentin le climat de sécurité et le cadre rassurant dans lequel un enfant doit grandir. Il était lui-même manifestement dépassé par certains problèmes.
C'est sans doute pour cela que Quentin a cherché un homme plus âgé, capable de le sécuriser.
Vous n'avez pas de reproche à vous faire à cet égard, ce n'est pas possible de remplacer un père, même en faisant de son mieux !

Quand à l'attitude que le prêtre a qualifiée de permissive, qu'auriez vous pu faire ? Votre fils était amoureux et cela n'aurait rien changé quoi que vous ayez pu dire ! Les enfants font leurs propres choix ! Le rejeter, le critiquer alors qu'il était dans une situation fragile aurait été pire et vous seriez sans doute en train de vous accabler de reproches aujourd'hui si vous l'aviez condamné votre fils...
Quentin a fait une dépression, c'est une maladie terrible qui ne se soigne pas en raisonnant quelqu'un.

Quand Quentin est revenu, vous aviez tout naturellement besoin de parler, de comprendre ce qui se passait, mais quand on est dépressif, on se replie sur soi-même, surtout les hommes. Il est parfaitement normal qu'un enfant ne raconte pas tout à ses parents . On se confie plus facilement à une personne qu'on aime, ou à une personne de sa génération ou à des gens qu'on ne connait pas. Un enfant a sa fièreté, il peut avoir peur de décevoir ses parents, ou de les peiner avec ses problèmes. Et il a aussi besoin d'un jardin secret.

Confiez votre douleur à Jésus, parlez-lui de vos doutes et de vos questions, demandez-lui qu'il vous éclaire et vous apaise.
Je prie que cette épreuve puisse vous permettre de vous rapprocher de Dieu et de sentir sa présence vous consoler.

Avatar de l’utilisateur
aldebaran
Senator
Senator
Messages : 639
Inscription : ven. 16 févr. 2018, 16:50
Conviction : Catholique romain

Re: Une maman triste

Message non lu par aldebaran » mar. 24 avr. 2018, 14:14

Chère Marjorie,
toutes mes condoléances pour la mort de Quentin. C'est sans doute la pire épreuve pour une mère que de perdre son fils.

Vous n'avez pas de reproche à vous faire, de ce que je vois vous avez été aimante, compréhensive et charitable envers votre enfant.
La dépression est une maladie terrible qui enferme les gens dans leur gangue de malheur à tel point parfois qu'ils en deviennent presque comme autistes, incapables de communiquer normalement. Son compagnon a pu jouer involontairement un rôle de psy de substitution imparfait ; on se confie plutôt à des personnes tierces n'en soyez pas trop surprise.
Et quand le mal de vivre devient insupportable, que toutes les voies paraissent bouchées le suicide semble "la seule" solution. J'en ai le témoignage par mon épouse qui est passée par plusieurs TS.

J'avoue ne pas comprendre l'attitude du prêtre, ne désespérez pas de l'Eglise.

Ni celle de votre amie, vous êtes mère et non père et mère.

Si vous êtes croyante, vous pouvez encore prier pour votre fils fragilisé par une enfance perturbée et probablement d'une découverte d'homosexualité. La dépression l'a submergé.

Astya
Quæstor
Quæstor
Messages : 244
Inscription : lun. 04 juil. 2016, 16:07
Conviction : baptisée catholique assurément déiste

Re: Une maman triste

Message non lu par Astya » mer. 25 avr. 2018, 18:13

Je prie pour que vous rencontriez des amis aimants qui soient capables de vous entourer.
:coeur: Amitiés.

pierre_
Ædilis
Ædilis
Messages : 23
Inscription : dim. 07 janv. 2018, 0:05

Re: Une maman triste

Message non lu par pierre_ » mer. 25 avr. 2018, 23:35

Tout d'abord, je vous présente mes condoléances pour la mort de votre enfant.

Je n'ai jamais vécu la perte d'un enfant. Ainsi que la plupart des gens autour de vous qui n'ont pas connu cette détresse de mère, ceux qui, comme vous le dites, prétendent "tout savoir" et parlent, rassurent mais qui ne traversent pas votre souffrance, je ne peux que vous écouter.
Je vous conseille également la lecture d'un ouvrage d'André Compte-Sponville : "L'inconsolable" dans lequel il raconte la souffrance liée à la perte d'un enfant et l'incapacité du monde extérieur à le consoler. La littérature peut nous aider parfois à trouver des réponses.

Je prierai également pour vous, votre fils et son compagnon qui lui-aussi doit connaître l'épreuve de l'absence de l'être aimé.

Prenez bien soin de vous, gardez la foi,

Pierre_

Niel
Censor
Censor
Messages : 107
Inscription : mer. 15 nov. 2017, 13:37
Conviction : Catholique

Re: Une maman triste

Message non lu par Niel » jeu. 26 avr. 2018, 9:41

Chère Marjorie,
Je prie pour vous et pour votre fils.

:paix!
"Alors tous ceux qui se confieront en Toi se rejouiront, ils auront de l'allégresse à toujours, et Tu les protègeras; Tu seras un sujet de joie pour ceux qui aiment Ton Nom."
Psaumes 5,11

Alizee
Quæstor
Quæstor
Messages : 394
Inscription : lun. 09 mai 2016, 12:19

Re: Une maman triste

Message non lu par Alizee » jeu. 26 avr. 2018, 15:29

Chère Marjorie,

Ma tante et mon oncle ont perdu 2 de leurs 3 filles par suicide. Ensuite, c'était à mon oncle de décéder des complications de la maladie de Parkinson.
L'attitude de l'entourage est très difficile pour ma tante : quand elle se montre joyeuse, on lui reproche une dureté de coeur. Quand elle pleure, on lui dit qu'en tant que chrétienne elle manque d'espérance. Bref, elle s'est isolée, et ce n'est pas la bonne solution... Faites comme vous le sentez et pouvez, sans vous soucier du regard des autres, et peut-être que vous ferez vous-même l'expérience qu'il est parfois plus simple de se confier à un inconnu plutôt qu'à un proche.

Le prêtre a été peu charitable, vous avez raison de ne plus aller le voir, mais ne faites pas d'amalgame, ni avec l'Eglise, ni avec l'ensemble des prêtres. Peut-être que son voisin de paroisse aurait trouvé les paroles justes et de réconfort dont vous aviez besoin.

En udp pour Quentin

Avatar de l’utilisateur
Marjorie
Barbarus
Barbarus

Re: Une maman triste

Message non lu par Marjorie » dim. 06 mai 2018, 17:40

Bonjour,

Merci à tous. Ces messages de soutien m'ont permis de me sentir moins seule et écoutée. Cela reste virtuel, j'en ai conscience, mais traduire ma peine en mots m'est plus supportable que devoir parler pour exprimer ce que je ressens.

Merci à Chypsy qui souhaite me rassurer à sa manière. J'aimerais lui préciser néanmoins que je tends à rejoindre l'idée selon laquelle l'absence du père ainsi que les circonstances familiales ne sont pas liés à la vie sentimentale de mon fils. Même séparée de lui et malgré le fait que je découvre que je le connaissais si mal, je le respecte et évite de considérer que ses sentiments amoureux sont une simple recherche d'une figure paternelle, ce que l'on ne fait pas naturellement aux personnes hétérosexuelles.

Pierre me conseille une lecture. Je l'en remercie et je vais lire ce livre.

Je me suis retirée du monde pendant un temps. Je veux réfléchir seule, j'en ai besoin.
Le soutien de Dieu m'est indispensable. Merci encore.

Niel
Censor
Censor
Messages : 107
Inscription : mer. 15 nov. 2017, 13:37
Conviction : Catholique

Re: Une maman triste

Message non lu par Niel » lun. 07 mai 2018, 10:50

Bonjour Marjorie,
Marjorie a écrit : Cela reste virtuel, j'en ai conscience, ...
Ma chère, j'aimerais vous rassurer que ce n'est que le moyen de communication qui est virtuel, mais le cœur de chacun qui vous présente son aide et son soutien ici, c'est un vrai cœur de bienveillance et de charité, pour se soutenir dans la foi et la prière les uns envers les autres.
Marjorie a écrit : ..., mais traduire ma peine en mots m'est plus supportable que devoir parler pour exprimer ce que je ressens.
Voilà, justement, l'apaisement et le soulagement, même parfois peu, qu'on y reçoit est tout à fait vrai aussi.
De même pour les prières qu'on s'offre les uns aux autres, grâce à ces appels "virtuels", sont vrais aussi, et viennent d'un cœur vrai. :)

Que Dieu vous donne la paix.
:fleur:
"Alors tous ceux qui se confieront en Toi se rejouiront, ils auront de l'allégresse à toujours, et Tu les protègeras; Tu seras un sujet de joie pour ceux qui aiment Ton Nom."
Psaumes 5,11

Avatar de l’utilisateur
Kerniou
Mater civitatis
Mater civitatis
Messages : 5092
Inscription : mer. 21 oct. 2009, 11:14
Localisation : Bretagne

Re: Une maman triste

Message non lu par Kerniou » lun. 07 mai 2018, 18:35

Chère Marjorie,

La perte d'un enfant, si je m'en réfère à mon expérience, laisse un vide que rien ne peut combler. On ne peut s'empêcher de penser à ce qu'on aurait pu ou dû faire .... Quelles que soient les circonstances de la mort, les parents éprouvent une forme de culpabilité. La profondeur du chagrin n'a d'égale que la force de l'amour qui nous en fait renaître.

Je sais qu'il existe, dans les diocèses, des groupes de prière et de réflexion pour les parents qui ont perdu un enfant. La communauté de Notre- Dame de MONTLIGEON, dans l'Orne s'est spécialisée dans l'accueil des familles en deuil.

N'hésitez pas à nous parler quand vous en avez besoin.

Que le Seigneur vous garde dans l'Espérance.
" Celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu , car Dieu est Amour " I Jean 4,7.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Jade12 et 43 invités