Suliko a écrit : ↑sam. 25 nov. 2017, 22:40
Bonjours Héraclius,
Je réagis à votre intervention avec un certain retard...
Suliko, par exemple, n'a pas - pas encore ? - eu cette audace. Qu'elle le confirme, mais pour elle je suis catholique. Un genre de Lacordaire un peu trop gentil avec les libéraux et tenant quelques idées bizarres, mais un catholique.
Suliko est du reste un bon exemple, parce que ce qui me paraît clair, c'est qu'elle pense le Concile Vatican II hérétique - d'où le fait qu'elle penche vers le sédévacantisme. Votre propre position, corrigez-moi si je me trompe, est que si il est vrai que les documents du concile contiennent de regrettables ''ambiguïtés'', cela reste un Concile Œcuménique de plein droit. Alors, êtes-vous si certain d'avoir la même foi qu'elle, selon vos propre critères ?
Je n'ai effectivement jamais remis en question votre catholicité et à vrai dire, ce genre de jugement sur les personnes ne m'attire pas plus que cela. Tout ce que j'essaie parfois de dire - maladroitement il est vrai -, c'est que face au dernier concile et à l'abandon massif de la foi catholique qui en fut l'aboutissement, il est légitime de se poser des questions. Et à mon avis, il n'existe pas mille manières d'interpréter les événements tout en restant attaché au catholicisme : soit on considère que le concile est orthodoxe en ses textes, mais non dans sa mise en oeuvre (c'est la position des conservateurs et d'une partie des traditionalistes), soit on considère que mêmes les textes sont en partie hétérodoxes. Et dans ce dernier cas, soit on en déduit que l'Eglise, qui est infaillible et ne saurait égarer les fidèles, n'a pu en être l'auteur (et dans ce cas, on adopte la croyance sédévacantiste), soit on en déduit que le pape est toujours le pape, les évêques toujours de vrais évêques, mais qu'ils sont plus ou moins fortement engagés dans des idées hétérodoxes (c'est la position de la FSSPX, et de manière plus générale d'une partie non négligeable des traditionalistes non-FSSPX). Quant à ceux qui applaudissent la mise en oeuvre du concile et ses prétendues avancées, j'avouerai bien sincèrement ne plus trop voir où est leur catholicité...
Et évidemment, certains catholiques oscillent entre les trois positions esquissées ci-dessus, ce qui est bien compréhensible dans un climat de crise sans précédent.
Je vous livre, au cas où cela vous intéresserait, un petit lien qui me semble illustrer de manière originale et intéressante le traditionalisme :
http://archives.leforumcatholique.org/c ... num=224956
Suliko
C'est fort intéressant.
Je dirais qu'il existe en autre d'autre facteurs pas forcément très théologiques mais de fait assez important dans le positionnement des catholiques aujourd'hui dans leur vision du Concile.
En sus du principal (la foi dans le caractère surnaturel de l'Eglise et de l'assistance de l'Esprit Saint dans un Concile Oeucuménique), on retrouve :
1 - La gravité relative de la situation du Catholicisme pré-conciliaire.
2 - La gravité relative de la situation du Catholicisme post-conciliaire.
Notre jugement sur ces périodes de l'histoire de l'Eglise est très déterminant.
Typiquement, un progressiste aura une vision très négative de l'ère pré-conciliaire. Il y verra une religion sclérosée, amatrice de rituels quasi-magiques en latin plus que de l'amour du prochain. Il jugera très négativement le type de relation à Dieu promu par les catéchismes et la liturgie, ce rapport très vertical qui ne semble pas laisser de la place à la douce humilité de l'incarnation et ramène le Christ sur un inaccessible piédestal. L'insistance sur la moral sexuelle contrastant avec le peu d'appel au service de ''nos seigneurs les pauvres'' le choquera. Idem pour la réduction de la théologique à une Néo-scholastique des manuels, d'une sécheresse terrible. L'idée même de l'Index lui paraîtra improbable.
Au contraire, les plus tradis tendent à une vision idéalisée de l'ère pré-conciliaire, comme une apogée de la clarté du Dogme, une ère disciplinée où la modernisme est condamné, les séminaires et couvent sont pleins, les soutanes visibles à tous les coins de rues, la liturgie célébrée dans sa forme ''de toujours'', l'autorité de l'Eglise hiérarchique affirmée sans ambiguitée. Ils pointeront les vertus du catéchisme systématique qui permettait à tout le monde de réciter la liste des sacrements avec forme, matière et ministre comme des tables de multiplication, ce qui sera opposé aux ''coloriages'' du catéchisme moderne. Plus largement, ce qu'ils plébisciteront, c'est une Eglise sûre d'elle-même, résolument contre-culturelle, anathémisant fièrement la modernité du haut de ses 19 siècles d'histoire.
Idem pour la période post-conciliaire dont on a largement discuté au-dessus.
C'est très important parce que ces deux variables sont déterminantes dans notre compréhension du Concile. Moi-même je me situe quelque part entre les deux positions caricaturales décrites au-dessus, évidemment. Mais j'accepte volontier l'idée, d'un point de vue historique, que le Catholicisme de la première moitiée du 20ème siècle était malade, en tout cas sur certain point. Si on accepte ce point essentiel, alors on comprend et accepte le sens du Concile - comme une tentative de résoudre ce problème.
Altior, par exemple, souligne que le Concile n'a pas été convoqué pour condamner une hérésie, ce qui pour lui pose un problème. En substance, il juge que le Concile n'avait pas de raison d'être convoqué - corrigez-moi si je vous prête des opinions cher Altior ! - ce qui effectivement amène à un jugement négatif à certains égards. Si tout allait bien, que soudainement l'évènement Concile est apparu, et qu'ensuite tout va mal, alors il est difficile d'en défendre la parfaite légitimité. Au mieux, on reconnaîtra son orthodoxie, mais sans aller plus loin.
Maintant, si on pense que l'Eglise allait déjà mal avant VII, alors la légitimité du Concile, son sens, et la façon dont il a formullé ses jugements, apparaît de façon beaucoup plus claire.
Prenons un exemple concret : la Liturgie. Mettons que, comme moi, vous pensez qu'il a des problèmes dans la façon dont on célébrait la messe avant VII. Citons en particulier, sur le plan des rubriques, le manque de connection entre le sanctuaire et le peuple, le manque de place alloué au vernaculaire en particulier pour les lectures ; plus largement, le manque d'érudition liturgique de beaucoup de prêtres, l'exécution des rituels dans une optique rubsciciste - une approche
moderne au sens historique, du rituel liturgique vu comme une liste de chose à faire, à exécuter - le manque de participation active (le fait de prier à la messe plutôt que de prier la messe), etc...
Si vous êtes dans cette optique, vous ne pouvez pas ne pas voir en Sacrosanctum Concilium un texte central, qui couronne des décennies de mouvement liturgique, demande un retour aux sources (bibliques, patristiques, médiévales) de la liturgie (soit, de la liturgie telle qu'elle est au moment du concile, LE rite romain ''de toujours''), demande le retour de la conscience de la ''célébration du mystère'', la participatio actuosa, la prééminence du liturgique sur le dévotionnel, etc, etc...
Si vous acceptez tout cela a priori, et bien le désastre liturgique post-conciliaire ne vous ferra pas changer d'avis sur VII ou SC. Ce serait comme accuser le Concile d'avoir assassiné le chant liturgique à cause de la séquence temporelle (pré-VII grégorien, mais pas assez) - [VII : incitation à chanter plus de grégorien] - (post-VII plus du tout de grégorien). Si vous acceptez que Vatican II propose des solutions valides à un problème existant, le désastre qui suit ne vous ferra pas changer d'avis sur le Concile.
Donc finalement, la différence d'un conservateur crypto-tradi ''ratzingérien'' (genre moa) avec les Tradis vrais de vrai vient largement d'une analyse différente de la situation pré-conciliaire.
De même, d'autres différences apparaissent selon notre jugement de la période post-conciliaire. Si on prend quelqu'un comme Socrate d'Aquin, par exemple, on trouvera gobalement la même analyse de la situation pré-conciliaire et la même reconnaissance du caractère surnaturel et pleinement nécessaire du Concile qu'exposée au dessus. Par contre, il y a un différent quant au jugement de la gravité de la crise post-conciliaire, notamment sur le plan liturgique.
J'avais écrit autre part qu'il existait 4 niveau de critique de la ''liturgie nouvelle''. (1) Critiquer les abus les plus évidemment contraires aux rubriques (2) Critiquer le manque d'esprit traditionnel des célébrations néo-rubricistes en rappelant que des éléments comme l'ad orientem et le grégorien ne sont pas des options comme des autres mais ont caractère de norme pour la FO (3) critiquer le missel de 69 lui-même - et donc le travail du Concilium (4) critiquer la nécessité même d'une réforme - et donc plus ou moins explicitement Sacrostanctum Concilium.
Or on trouve sur ce forum un peu de tout. Quelqu'un comme Fée Violine (désolé de vous ''impliquer'' dans le débat
) se situera au niveau de (1), comme beaucoup de prêtres néo-conservateurs ''génération Jean Paul II''. Socrate d'Aquinva jusqu'à (2). Je suppose qu'archi, par exemple, va jusqu'à (3). Altior et Suliko ne sont pas très loin de (4), encore que c'est moins clair.
(Moi même je vais volontier jusqu'à 3).
Enfin bref, tout cela pour dire que ces deux critères, le jugement historique sur deux périodes de l'histoire de l'Eglise, sont déterminante dans la formation des opinions. C'est un peu un enfonçage de porte ouverte, je sais, mais je veux souligner qu'il s'agit de critères souvent plus déterminants que les critères théologiques spécifiques. Surtout, si on discute beaucoup ici du jugement de la période post-conciliaire comme déterminant pour l'identité tradi / conservatrice, on parle moins du jugement de la période pré-conciliaire, qui est extrêmement déterminant lui-aussi.
En NSJC,
Héraclius -