Suliko a dit:
Les hommages injustifiés à Simone Veil en disent long sur l'état de déchristianisation avancé de notre société. Rappelons tout de même que cette femme est à l'origine de la légalisation de l'avortement en France, péché pour lequel elle ne s'est jamais publiquement repentie. Au contraire, elle a accepté d'être considérée comme une icône féministe pour ce combat. Ce qui fut le plus grand péché de sa vie est également ce pour quoi elle est aujourd'hui le plus acclamée...
Je partage exactement ce point de vue.
A tous ceux qui l'ont toujours défendue en arguant que bien qu'elle ait été à l'origine de la loi sur l'IVG, elle ne pouvait être tenue pour responsable du glissement présent, je me suis toujours dit "bien... Alors où est le livre de réflexions, l'interview, la prise de position publique qui poserait les choses, les nuances de son positionnement..." et j'y ai cru, j'ai attendu et espéré. Rien.
On peut encore lui accorder le bénéfice du doute; intervenir dans la suite du débat et l'évolution du droit à avorter aurait peut être fait le lit de courants et de personnes ultra-traditionnalistes dont elle ne partageait pas les idées, et cela aurait pu allumer un incendie social? Mais ce doute même démontre encore plus clairement qu'elle n'a pas voulu prendre part à un débat épineux par conviction. Celle que l'avortement est bel et bien un droit pour toutes, point.
Tout le monde la pose comme une icône du 20ème siècle, car c'est une survivante, et une survivante devenue ministre et icône féministe. C'est un mélange des genres qui brouille bien les pistes. Des femmes aussi courageuses qu'elle, et aussi active après, il y en a au, comme Géneviève De Gaulle, ou des inconnues. Mais leur ligne a été beaucoup plus linéaire dans leurs engagements ultérieurs à la guerre. Ces femmes là n'ont pas déclenché l'admiration générale à long terme, parce que leur notoriété ne dépasse pas un certain cadre intellectuel et catholique.
La preuve, toutes les ados que je croise connaissent SV et ses engagements, aucune ne connait GDGA.
Sa vie (à mon sens) nous interpelle sur deux points:
quand accepterons-nous que quelqu'un capable de courage est dans le même temps capable de lâcheté et d'erreur non reconnue jusqu'à l'obstination, et d'ambition personnelle dévorante au détriment des autres? Que nous sommes tous capables à la fois d'héroïsme et de choses plus viles, qu'il suffit que la conjonctures faits/personnalité nous y pousse parfois? Et que ce n'est pas parce que nous survivons à une horreur que cela nous lave de tout, nous place au dessus de tout doute sur notre mentalité; SV est montée dans les sphères sociales aussi par relations et appartenance à une sphère de privilégiés; et au retour des camps, elle n'a pas épousé un survivant, un résistant, comme une Lucie Aubrac ou autre, elle a comme par hasard atterri dans un milieu favorable à la suite des événements, et elle a su en tirer parti, s'y affirmer comme bosseuse et méritante, ambitieuse... donc intéressante pour certains milieux politiques.
Une personnalité courageuse et empreinte d'une grande force de caractère ne fait pas tout d'une personne; ce sont aussi des êtres pleins d'eux-mêmes, et Saint Paul en parle très bien dans la première lettre aux Corinthiens (début). C'est d'ailleurs à lire Saint Paul que l'on pourra remettre en perspectives toutes les "Simone Veil" de notre époque, tous ces gens qui malgré leurs errances flagrantes suscitent l'admiration tellement ils sont courageux et intelligents, avec toutes les" Simone Weil", tous les saints inconnus qui ont construits des milliers d'hôpitaux où on SOIGNE les enfants, où les guerres s'adoucissent sous le flot de leurs prières, où le monde ne devient pas un repère de démons sous la générosité de leurs sacrifices et de leurs souffrances.
En ce sens, Simone Veil nous renvoie à nous-même et nous incite à une réflexion sur nous-même, sur les vraies raisons de nos engagements: qui servons-nous en premier? Jésus...ou nous-même?
La deuxième réflexion que m'inspire sa vie est la suivante: heureusement qu'à voter une loi sur l'avortement, elle a été initiée par une femme de son intelligence. Et en cela, j'y verrais presque le doigt de Dieu (façon de parler, je vais m'expliquer). Je pense que dans les années 70, l'avortement aurait fait son chemin dans les lois françaises, Simone Veil ou non. Des féministes et des mouvements féministes, il y en avait, et des très revendicateurs. C'était une sorte de mentalité mondialisée, pleins de mouvements de libération des moeurs étaient à l'oeuvre, partout dans le monde, suite soi-disant à des conflits dont plus personnes ne voulait, comme la guerre du Vietnâm par exemple. Ces mouvements en eux-même interrogent (sautent aux yeux même) par leur simultanéïté mondiale, et on ne peut s'empêcher de se demander "mais à qui pouvait profiter un mouvement tel qui a abouti in fine à ce que les femmes quittent foyer et enfants pour se retrouver corvéables et productrices (ouvrières de la ruche mondiale donc)".
Si ces mouvements de libération totale des moeurs déferlaient comme une vague sur le monde, c'est qu'ils étaient connus, repris et chantés; comme les modes actuelles, j'ai du mal à me faire à l'idée qu'ils sont nés simplement parce qu'ils coïncidaient avec un besoin vital de l'être humain; je ne peux m'empêcher de les lire plutôt comme une belle aubaine bien montée en épingle par des intérêts financiers bien moins philantropes qu'il n'y parait à première vue, mais bon, ce n'est qu'un avis.
Dans un tel contexte, Simone Veil ou pas, plusieurs pays ont commencé à promulguer des lois sur l'avortement. En France, nous avons eu Simone Veil pour porter cette loi, et en ce sens, sa capacité à nuancer son propos, à l'époque, a peut-être freiné quelque chose qui aurait pu être pire, où l'escalade à laquelle on a assisté ensuite dans ce droit devenu "fondamental pour toutes" ensuite aurait pu prendre encore plus vite de plus effroyables proportions. C'est en ce sens, que parfois, il me vient à l'idée que le destin place au bon endroit la bonne personne, essaie de nous donner un dernier coup de pouce pour nous pousser à réfléchir une dernière fois avant que l'on tombe pour de bon dans l'erreur la plus totale. Après cette loi, il était encore temps d'agir pour qu'elle reste une exception liée à la survie de la mère, réservée à des cas considérés "graves" , comme les viols, les risques médicaux, etc. Le vote de cette loi fut une victoire arrachée par les mouvements féministes qui ont formé un bon petit soldat pétri de finesse et d'éloquence, la suite de cette loi est dû à une adhésion totale de toute la société d'alors et d'aujourd'hui.
Alors oui, je suis d'accord avec ceux qui pensent qu'il vaut mieux prier beaucoup pour cette âme, parce que les voies des hommes ne sont pas forcément les voies de Dieu.
L’intégrisme est un refuge pour la misère parce qu’il offre un sursaut d’espérance à ceux qui n’ont rien.
Que leur mal disparaisse, et l’intégrisme perdra ses troupes. L'Abbé Pierre